Drivé par le poète et chanteur David Thomas, Pere Ubu a exercé une influence considérable sur l'évolution de la musique rock. Il s'est même posé comme détonateur du mouvement industriel qui a marqué les eighties. Pourtant, à l'origine (NDR : c'est à dire en 1975 !), la formation de Cleveland reconnaissait pour influences majeures Captain Beefheart, Frank Zappa et le Velvet Underground. Et était même née en pleine explosion punk yankee. Mais à contrario de la scène new-yorkaise, davantage contaminée par tout ce qui touchait à l'art, les groupes du Midwest ont évolué différemment. Les Brains, Pylon et bien sûr Pere Ubu ont développé une version spontanée, en apparence instinctive, de ce que les Américains ont appelé " la voix littéraire du sud ", afin de soulever les problèmes existentiels qui régnaient alors au cœur de la stagnation industrielle… Vingt-sept ans et 12 albums (NDR : 18 si on réunit tous les projets réalisés par les membres du band) plus tard, Pere Ubu continue de militer dans l'underground. Et " St Arkansas ", son nouvel opus, en est la plus belle démonstration. Un disque effrayant, fascinant, complexe, dont la sophistication kaléidoscopique reflète la maîtrise d'Ubu à agréger le cœur et l'âme, le corps et l'esprit. Metal du midwestern, groove viscéral, funk blanc, expérimentations insolites, blues rampant, garage punk, voodoo, percussions tribales, rock expressionniste, synthés analogues et autres ingrédients aussi alternatifs qu'inattendus se bousculent, se mêlent, puis se cristallisent pour former une expression sonore perturbatrice, sauvage, excitante mais incomparable. Une expression sonore pourtant domptée par le vocal frémissant et oblique de David Thomas. Rien ne résiste à Pere Ubu. Pas même le kasatchock des temps modernes " The fevered dream of Hernando Desoto ". On a même droit avec " Slow making daddy " à un titre contagieux, branché sur le même courant alternatif que le célèbre " Psycho killer " des Talking Heads " ! Tout un programme !