Songs : Ohia fait partie de ces groupes qui cultivent une certaine mélancolie suicidaire, à bout de nerfs, proche de la litanie, mais sans tomber dans le misérabilisme chronique. Comme Bill Callahan et Will Oldham, Jason Molina chante d'une voix fatiguée des histoires pas gaies, portées fébrilement par quelques accords bancals et une batterie enrhumée. Comme tableau, on fait difficilement plus pathétique, et pourtant : les chansons de Songs : Ohia émeuvent, bouleversent. Quand Jason Molina répète inlassablement qu'il est " paralysé par le vide " (sur " Blue Factory Flame "), on se surprend à fredonner la gorge serrée, comme si notre vie en dépendait. Neil Young, Nick Drake, Willie Nelson sont évidemment passés par là. Des traces de leurs chansons et de leurs voix en témoignent sur ce disque, fantômes d'une ère où le rock s'alimentait encore aux sources du Delta blues et du Mississippi. Songs : Ohia a su faire siennes ces influences, intégrant dans son répertoire du bluegrass, du folk, de la country. Et si Jason Molina semble chanter avec des béquilles, c'est pour mieux se relever, toujours, et l'espoir d'apparaître enfin. Sa musique alors se teint d'une aura presque mystique, à laquelle il est difficile de ne pas succomber.