Sideman très estimé (Dominique A, Françoiz Breut, Yann Tiersen), Sacha Toorop continue depuis quelques années une carrière solo. Après un album de reprises pour le peu anecdotique, il nous propose aujourd’hui une œuvre plus ambitieuse qui a nécessité deux ans de travail. On commence par « The Mad Club », mélopée jazzy/western assez prenante qui évoque les atmosphères inquiètes de dEUS (période « In A Bar… »). « Broken by Faith » est une belle mélodie emmenée par la voix fragile et limitée de notre homme. L’arrangement de cuivres transporte la chanson dans une autre dimension et en accentue la mélancolie contagieuse. La belle mélodie de « Love Itself » évoque un peu les années de gloire du rock flamand tel qu’il était pratiqué par Zita Swoon et consorts : des arrangements décalés (instruments à l’envers, cuivres, orgue, chœurs quasi africains) qui doivent aussi beaucoup au Tom Waits de la période « Rain Dogs ». « Don’t Want To Dance » est riche en ambiances cinématographiques mais souffre des limitations vocales de Sacha. Dans la même lignée hantée, « The Waiting Song » fait lui aussi penser au dEUS le plus sombre, mais de nouveau la voix est le maillon faible. Changement d’ambiance lors du chouette « Midday @ Midight » : les guitares hawaïennes et les sifflements guillerets présents ne jureraient pas dans un film de Jaco Van Dormael. On passera sur la reprise de « To Love Somebody » et le rock lourdingue de « Jesus Bells », deux chansons qui brisent un peu l’homogénéité de l’ensemble et dont on soupçonne fort d’avoir été rajoutés à la va-vite. Malgré ces défauts, « Mangrovia » a des qualités indéniables et contient des excellentes choses. Un disque attachant, une sorte de résumé en épitaphe de tout ce qui a compté dans le rock indé belge ces dix dernières années, mais est désormais définitivement révolu.