Inébranlable manne à hits, l’histoire ressert à volonté les plats qui ont fait les grandes heures de la musique et ravissent les grands enfants nostalgiques que nous sommes.
Resucée cyclique qui comme la roue de Lollipop, tourne pour la nuit des temps.
Ainsi, au fil des décades, chaque génération retrouve avec bonheur les recettes d’hier et les accommode à la sauce du jour, pompant généreusement l’héritage parental ou le spoliant sans vergogne.
Rien de mal à adopter cette démarche. Tout nouveau style se nourrit inévitablement d’influences diverses, quand d’autres se contentent de recréer le plus fidèlement possible les vestiges du passé.
Le véritable génie consiste alors à transcender les genres et en concevoir quelque chose de pertinemment nouveau, malgré le côté vintage, quitte à y associer des références pas spécialement évidentes.
C’est exactement ce que nous offre cette union entre la jolie Elinor Blake (alias April March), dont le fait d’arme le plus racoleur est sans conteste la reprise de « Laisse Tomber Les Filles » d’un certain Serge Gainsbourg, figurant au générique de ‘Death Proof’ de Tarantino et les musicos d’envergure que sont Julien Gasc (Stereolab), Julien Babagallo aux fûts (Tame Impala) ou encore Benjamin Glibert (Acid Mothers Temple), soit le collectif Aquaserge.
Même si leur collaboration n’est pas nouvelle, puisqu’on les avait vus se tripoter du côté de chez Tricatel.
Mais ici le fil conducteur procède d’un amour inconditionnel pour une certaine Pop aux accents Yé-Yé, même si quelques incursions psychédéliques sont tolérées en trame de fond.
Un Revival certes révérencieux, mais décliné sans faille et qui s’autorise quelques incursions inventives du meilleur effet.
La fraîcheur est au rendez-vous et si on accepte sans sourciller cette virée au volant d’une Cadillac décapotable, donc les cheveux au vent, en serpentant entre les collines bordées de friandises acidulées, on y prendra un certain plaisir.
Le charme désuet de l’objet étant d’ailleurs l’identité même du projet.
Une sucette multicolore (à l’inverse d’un packaging tristounet) qui se déguste nonchalamment, avec insouciance et sans inutiles attentes.
A côté de cet aspect faussement sage, on découvre, en contrepartie, une syntaxe musicale plus complexe qui éveille un intérêt différent que celui suscité par d’évidentes mélodies (et dont « Ready Aim Love » en est la parfaite illustration).
Mixé par John ‘Tortoise’ McEntire, cette plaque rend bien sûr hommage au grand Serge et à toute une époque, mais se détache du peloton de suiveurs pour gravir seule les cols conduisant au paradis (artificiel), jardin d’Eden où se côtoient Nico et le Velvet, Syd Barrett, et bien d’autres encore.
En somme, une virée de Beatniks chez les Yé-Yé.