« Upside down » constitue le tout dernier opus de la bande aux frères Prado ; c'est-à-dire Igor à la guitare, Yuri à la batterie et Rodrigo Mantovani à la basse. Un disque pour lequel les frangins ont reçu le concours de toute une volée d’invités. Au menu : compositions personnelles et reprises. Un répertoire partagé entre plages instrumentales et morceaux chantés.
L'ouverture n’est pas vraiment une surprise, puisqu’elle permet la présentation des musiciens. Le trio familial est ici soutenu par leur ami Ari Borger. Tout au long de cet instrumental sculpté dans le west coast swing, ce pianiste démontre tout son talent de guitariste. Rodrigo est passé à la basse acoustique. Ses accords sont lourds. Ron Dziubla (NDR : un musicien de Lynwood Slim) souffle dans son sax ténor pour créer cette ambiance intimiste ou si vous préférez de fin de soirée. JJ Jackson est un chanteur de couleur noire. Sa voix est chaude. Igor s’évertue à reproduire les astuces de T-Bone Walker. De son véritable nom Léo Robinson, J.J, compte aujourd’hui 65 balais. Né dans l’Arkansas, ce vocaliste a vécu à Seattle. A l’âge de 15 ans, il militait au sein des Rocking Teens, en compagnie d’un certain James (Jimi) Hendrix. Il s’est établi au Brésil en 1980. Les musiciens tissent une trame délicieusement funky pour attaquer "Hoo ray for hoo raw". Les sonorités entretenues par Igor évoluent dans un univers sis quelque part entre Albert Collins et Jimmie Vaughan. Greg Wilson se charge des parties vocales. C’est le chanteur des Blues Etilicos. Il est né à Tupelo, dans le Mississippi, il y a 45 ans. Dziubla se réserve le honky saxophone. Les frères Prado ont régulièrement épaulé R.J Mischo sur les planches. On n’est donc guère surpris qu’il apporte sa participation pour trois plages. Tout d'abord le "Dancing senhorita" de TV Slim. Un rock'n'roll exécuté à la manière de Chuck Berry. André Youssef martèle son piano comme un possédé, alors que RJ chante passionnément devant les cordes déchaînées d'Igor. RJ interprète également le "Whiskey, cachaça & wimmen" de John Lee Hooker. La rythmique chère à Howlin' Wolf lui sied à merveille. Igor adopte sereinement les accords de John Lee en leur communiquant une tonalité saisissante! Et enfin le "Lonesome cabin" de Sonny Boy Williamson II. Un blues serein au cours duquel RJ semble hanté par le spectre de Rice Miller. Classique, "Bumble bee" nous replonge dans le quartier sud du Chicago des années 50. L'ambiance est très proche de Muddy Waters tout au long de ce blues lent, une plage envoûtante que chante Steve Guyger, le bluesman de Philadelphie, d’une voix chaude, ponctuée de courtes phrases à l'harmonica. "Tiger instrumental" porte bien son nom. Rejoint par Borger, le trio continue de passionner. Igor se révèle un guitariste créatif et inventif. Il maîtrise tous les styles qu'il aborde en y ajoutant des touches personnelles. Il se montre ici proche mais différent de Junior Watson. Le pianiste est également un régal pour les oreilles. Ce musicien parvient à synthétiser le boogie woogie. Et ses interventions sont toujours récréatives. Le résultat plane à très haute altitude. Veloutée, sculptée pour le soul blues, la voix de JJ Jackson est cependant capable de s’adapter au west coast jump. A l’instar de "Mary Jo". Le sax baryton de Ron et les cordes atteignent alors de nouveaux sommets. Les plages instrumentales qui parsèment cette œuvre enthousiasmante sont épatantes. Et je pense tout particulièrement au boogie jump "Hey! Boogie", caractérisé par une chaude bataille entre Prado et Borger. JJ Jackson se réserve une dernière fois les vocaux pour le "Give a little" de Johnny Guitar Watson. Son timbre est profond tout au long de ce blues lent, chaleureux, soutenu par l’orgue Hammond, les cuivres et les cordes divines. Igor chante enfin "I ain't no man". Sa performance est honorable. Il est soutenu par son ami et concitoyen Robson Fernandez. L’opus s’achève par "My blues after hours". Une occasion rêvée pour Igor Prado de confirmer toute son habileté et sa parfaite perception du style de Ronnie Earl, lors de ce long slow blues instrumental. Excellente surprise, l’elpee recèle deux bonus tracks. Tout d’abord le nerveux "Mr King Collins Medley", un vibrant hommage à l'un des gratteurs favoris d'Igor, ‘The King of the Telecaster’ alias Albert Colllins. Flavio Navez s’y réserve l'orgue Hammond. Et enfin le funky et jazzy "Maceo's groove". Ron Dziubla se charge du saxophone alto lors de cet hommage respectueux à Big Maceo. Indispensable !