Les mélodies du premier album de Tracy Chapman sont, aujourd’hui encore, d’une actualité ahurissante. Mais les accords de ce disque appartiennent désormais à un autre siècle. Nous étions en 1988 et la guitariste de Cleveland déposait là son classique aux pieds de l’histoire. Près de vingt ans plus tard, les choses ont changé. Nelson Mandela n’est plus président de la République sud-africaine et les soucis humanitaires vacillent trop souvent dans des considérations diplomatiques dépourvues d’humanité. Les causes vitales de l’univers de Tracy expirent lentement. Et pourtant, ce serait oublier les éclaircissements sociaux de la dame, qui s’est toujours montrée avant-gardiste dans l’art (?) de pointer les affres de nos sociétés. A quarante ans, Tracy prend du recul et signe « Where You Live », joli recueil des maux de ce monde, conté sur les déclinaisons folk-rock qui lui ont ouvert les portes de la gloire. Ici, pas question de guetter l’originalité. Non. Tracy Chapman demeure sur ses positions, ancrée dans un style qui lui sied à merveille. Peu importe les jugements et les critiques, Tracy Chapman tire sur ses ficelles favorites : la nature humaine. Toujours et encore. Thématique prépondérante (« Be and Be not Afraid », « Change », « America », « Before Easter ») de ce nouvel album : la confusion et le chaos orchestré par notre réalité bureaucratique. Une révolte contenue, tempérée, calme et résolument douce. Tracy Chapman est une artiste, et plus si affinité. Au final, « Where You Live » n’alimente pas le réservoir des singles mais se présente comme un disque cohérent, en phase avec l’univers affligé de son auteur. Qui parlait d’une révolution ?