Melody Prochet a vécu des moments difficiles, au cours de ces dernières années. D’abord son petit ami l’a quittée. Pas n’importe qui, puisqu’il s’agissait de Kevin Parker, le leader de Tame Impala. C’est elle qui avait inspiré et coproduit le troisième elpee de la formation australienne, « Currents ». Puis elle a subi un grave accident qui a failli lui coûter la vie. Il lui a donc fallu de nombreux mois avant de recommencer à écrire. Exercice qu’elle va reprendre, en 2016, en s’isolant dans la forêt de Stockholm. Et « Bon voyage » constitue le fruit de son travail. Une œuvre pour laquelle elle a reçu le concours des Suédois Frederik Swahn et Reine Fiske ainsi que de Nicholas Allbrook, le boss de Pond.
Elle chante tour à tour en français, anglais ou suédois, des morceaux qui trahissent un bien compréhensible sentiment de tristesse et une douleur toujours bien vivace, d’une voix éthérée qui rappelle celle de Jane Birkin ou de Lætitia Sadier (Stereolab), mais sur un ton parfois allègre.
Curieusement, « Visions of someone special, on a wall of reflections » emprunte un arrangement au “Ford Mustang » de Serge Gainsbourg ; mais au cœur d’une multitude de développements (NDR : dont des claviers emphatiques). Comme sur quasi toutes les plages de cet opus, d’ailleurs. Des morceaux complexes, aventureux, expérimentaux, parfois orientalistes, à l’instar de « Desert house », au cours duquel se croisent des cris, des respirations, des plaintes, des interventions au violon, des scratches, des bandes passées à l’envers et même de la guitare traitée par la pédale wah wah comme chez feu Frank Zappa. Et on n’est pas au bout de nos surprises ; depuis « Cross my heart », qui mêle section de cordes, synthés, bruitages, contrebasse et flûte jazzyfiante au disco/funk « Shirim », traversé par une gratte mugissante, en passant par l’insouciant (ces sifflotements !) « Breathe in, breathe out » et encore l’excellent « Quand les larmes d’un ange font danser la neige », une piste shoegaze qui met en exergue le drumming à la fois ample et remarquable. Une exception qui confirme la règle, la bossa nova minimaliste « Var Har Du Vart ? ». Un album fort intéressant sous son angle expérimental, mais parfois un peu trop surchargé…