A force de marquer les esprits par leurs trouvailles sorties de nulle part, les Anglais du label Warp sont attendus au tournant, chaque fois qu’un de leurs poulains publie un disque. Quand le nom de Gonjasufi a commencé à alimenter certaines rumeurs, on s’en frottait les mains tout en se réservant un poste d’observation stratégique. Plantés au coin d’une rue, on attendait l’arrivée du nouvel olibrius. Mais il nous a de nouveau surpris, en empruntant un autre chemin. Il a quitté son désert iranien (NDR : pas la peine de chercher son lieu de naissance, il ne figure sur aucune carte existante). Et tel un fier et puissant Nabuchodonosor, le chaman Gonjasufi est bien décidé à convertir toutes celles et tout ceux qui voudraient l’approcher. Peu d’informations circulent au sujet de ce Gonjasufi. Un réel mystère qui parvient à amplifier le trouble autour de sa personne et nous renvoie sans cesse à des recherches infructueuses. Qui est cet homme ? De quel pouvoir a-t-il hérité ? A quelle sauce va-t-il nous manger ?
Monté tel un patchwork pop-rock, « A Sufi and a Killer » repose sur la volonté de mixer une quantité styles ‘décoiffants’. Si la pop est ligne maîtresse, le funk, le rock, le blues et le crunk traversent ce fil conducteur de sonorités hallucinantes. Posées bout à bout, ces cellules souches se fragmentent et cristallisent pour profiler les méandres hypnotiques de cette œuvre. Véritablement scotchés aux sons, on se laisse surprendre à descendre la pente, à grandes enjambées, pour remonter une colline l’instant d’après. Jamais à bout de souffle, « A Sufi and a Killer » libère une positivité motivante et salvatrice. Un handicap vient cependant grever l’expression sonore ; et il est de taille : la voix gutturale et particulière du chanteur. Sans cesse larmoyante ou essoufflée, elle communique un profil ténébreux aux compos. Mais ce qui pourrait se traduire en faiblesse, se transforme rapidement en force. Et pour cause, cette situation nous pousse à être beaucoup plus attentifs aux arrangements et aux orchestrations. Bien plus complexe qu’il n’y paraît à première écoute, « A Sufi and a Killer » est un disque audacieux et dérangeant ; mais il touche au sublime…