De ma propre initiative, me trouver devant le stade de France, en ce samedi ensoleillé, me semblait inconcevable…
Votre serviteur en a été pour ses frais lors des grands rassemblements et il émet dès lors plus que certaines réserves lorsqu’il s’agit de s’agglutiner à la masse suintante de milliers de fans frôlant l’apoplexie à la vue de leur(s) idole(s).
Ajoutez-y des prix exorbitants réclamés pour plumer le pigeon ainsi que tout le système machiavélique mis en place pour y arriver ; et en théorie, nous arrivons donc à mon seuil de tolérance ultime.
Pourtant, à mesure que l’événement approche, mon excitation va croissante.
Je pénètre donc l’immense enceinte dénué de tous préjugés, car après tout, je suis venu prendre un max de plaisir offert ce soir, et je ne vais pas tarder à m’apercevoir qu’au-delà de ces quelques détails somme toute futiles, les grandes messes restent encore d’incomparables moments de communions.
Le rôle imparti à Douglas J McCarthy ce soir est des plus ingrats.
Jouer en première partie de Depeche Mode est un cadeau empoisonné qui ne se refuse pas.
Si l’univers de l’ex-Nitzer Ebb se prête particulièrement bien au supporting act, d’un point de vue musical, malheureusement perdu sur une scène immense, face à un parterre de fans inconditionnels qui grossit au fil des minutes, la petite stature qui incarnait un glorieux représentant de ce qu’on appelait à l’époque l’Electro Body Music, pourtant énergiquement et inlassablement ballottée de gauche à droite, va rapidement disparaître dans une vaste perspective de l’inattention.
L’accueil n’est certes pas hostile, ce qui du reste est plutôt bon signe, car quelques prédécesseurs garderont à jamais de sombres souvenirs de leur tournée avec DM (demandez donc à Stuart Pierce de Spiritualized !)
Mais il est clair que les titres de « Kill Your Friends » ne sont pas taillés pour se perdre dans l’anonymat. Ils demandent respect et attention.
Ce qui est loin d’être le cas.
Le premier opus qui signe le retour de McCarthy regorge de très bonnes chansons, aux ambiances recouvertes d’un vernis noir et parfois même inquiétant. Mais elles ne sont décidément pas destinées à être semées aux quatre vents comme de vulgaires fétus de paille, juste bons à distraire la foule impatiente.
Qui plus est, le son lui même n’est pas taillé pour un stade, loin s’en faut.
Ainsi, malgré toute sa bonne volonté, DJMC ne capte pas à focaliser la concentration…
La mienne a d’ailleurs été happée en cours par l’impressionnante structure qui héberge tant de monde et engloutit les petites fourmis gesticulantes.
Bref, je ne suis pas déçu de la prestation de Douglas, et lui donne volontiers rendez-vous au sein d’un espace davantage à la mesure de sa carrure.
De carrure, Dave Gahan n’en manque lui certainement pas. Et le poids des ans et de ses frasques vécues n’ont en rien terni son charisme.
Pas plus que les nombreuses rides qui sillonnent à présent son visage ne semblent marquer réellement l’empreinte du temps.
Impeccable showman, il est la figure de proue de Depeche Mode, celle qui permet au band de traverser les époques sans perdre de leur splendeur.
Difficile de rester placide quant il se déhanche, et inutile d’être une jeune fille découvrant ses premiers émois pour vibrer comme un cil sous le vent.
L’homme sait y faire, et épaulé par une machinerie impeccablement huilée, tant au niveau du son que de l’image, les concerts qu’il accorde déçoivent rarement.
Pourtant, il serait réducteur de résumer la magie DM à son leader vocal.
Car Andrew Fletcher et Martin Gore assurent, certes plus discrètement, mais avec autant de brio, leur part de travail.
Bien que ne disposant pas du sex-appeal de son acolyte, Martin ose même se mettre en avant sur certains titres plus dépouillés, offrant une sensibilité différente et plus timide, mais qui rappellent néanmoins à juste titre qu’il est et reste le maître à penser musical de l’entité Depeche Mode.
Alors, oui, il reste peu de place pour les surprises, et aucune pour les imprévus.
Mais il est évident que tel monstre ne se déplace pas au hasard et au gré des humeurs de son équipage.
Tout est mis en place pour que ce show d’envergure ne souffre d’aucun temps mort et tout s’enchaîne donc sans surprise, sans bavure.
Les vingt-trois titres ne varient que très peu d’un soir à l’autre, mais proposent un bel éventail d’une carrière riche en hits ; mais surtout, et c’est là la prouesse par rapport à d’autres dinosaures broutant encore nos plaines, le set est homogène.
Un set qui s’ouvre comme « Delta Machine », par un welcome, et s’achève pareillement sur un goodbye.
Le rituel des rappels assurant définitivement la mise en bière (on reparlera du prix de celle-ci à une autre occasion) avec panache et classe, comme il se doit. Laissant derrière eux un public ravi qui en demande encore plus.
Puis les projecteurs se rallument et en un rien de temps, l’immense champ se vide de ses âmes comblées et aux anges, qui bientôt se dispersent le long de la Seine, des étoiles plein les yeux.
Quant à votre serviteur, il se félicite d’avoir vaincu son agoraphobie, certes toute relative, mais qui aurait pu lui faire manquer un grand moment.
Pour peu, je me sentirais prêt à refaire le Werchter Festival !
Set List :
Welcome to My World
Angel
Walking in My Shoes
Precious
Black Celebration
Policy of Truth
Should Be Higher
Barrel of a Gun
Higher Love Judas
Heaven
Soothe My Soul
A Pain That I'm Used To
A Question of Time
Secret to the End
Enjoy the Silence
Personal Jesus
Goodbye
Rappel :
Home
Halo
Just Can't Get Enough
I Feel You
Never Let Me Down Again