L’actualité musicale plus que consistante de la fin d’année 2010 a bien failli me/nous faire passer à côté de cette perle. Amateur de musique ‘à l’ancienne’ votre serviteur a tendance à vouloir privilégier l’écoute (et la chronique) d’albums reçus en format Cd. Indie Recordings a choisi la voie du ‘digipromo’ (NDR : des albums digitaux envoyés aux chroniqueurs en version mp3) pour la promotion et, par conséquent, voit la plupart de ses productions passer à la trappe dans nos colonnes. Dommage puisque le label norvégien ne signe généralement que des groupes de qualité.
J’avais adoré les deux premiers opus de Solefald (« The Linear Scaffold » paru en 1997 et « Neonism » en 1999). Je me suis donc quand même décidé à jeter une oreille sur « Norrøn livskunst », le nouvel elpee de ce duo black métal avant-gardiste norvégien. Grand bien m’en a pris puisque Solefald vient, sans conteste, de sortir le meilleur de ses huit long playings.
Comme le souligne d’une manière très humoristique la bio du groupe, ‘Solefald est un animal étrange au sein du troupeau black métal puisqu’aucun de ses membres n’a séjourné en prison’. Mais un casier judiciaire vierge n’est pas le seul signe distinctif du combo. Il serait aussi judicieux d’évoquer le mélange improbable de sérieux et d’humour qui le caractérise ainsi qu’une propension démesurée à l’expérimentation musicale. Outre son implication au sein de la formation black/thrash expérimentale Sturmgeist, Cornelius Jakhelln’ (chant, guitare et basse) est aussi un auteur reconnu en Norvège. Il a publié des romans épiques, des livres pour enfants et des recueils de poèmes. Lars A. Nedland, alias Lazare (chant, claviers, batterie) milite aussi chez Bork Nagar, Carpathian Forest, Age Of Silence et Asmegin est, à ses heures, producteur pour la télévision norvégienne, mais également acteur. Il a joué dans une parodie télévisée relatant de manière humoristique les dérives du black métal (« Barron Blod »).
« Norrøn livskunst » (‘L’art de vivre nordique’) s’ouvre par le superbe « Song Til Stormen » ; un titre lent, intense, presque planant sur lequel les voix claires si caractéristiques du duo Lazare/Cornelius sont rehaussées de chœurs féminins envoûtants. « Norrøn Livskunst », se décline dans un style plus purement black métal. Vocaux écorchés et riffs speedés rappellent les origines nordiques du groupe. Sur l’étrange « Tittentattenteksti », Agnete Kjølsrud (Djerv, ex-Animal Alpha) vient poser des vocaux d’adolescente hystérique sur des lignes de guitares mélodiques surprenantes. « Tridsljod (Blackabilly) » est un black’n’roll plein d’humour au cours duquel les vocaux ressemblent étrangement à ceux d’ICS Vortex (ex-Bork Nagar, ex-Dimmu Borgir, Arcturus). Il s’inspire d’un personnage issu d’un roman policier écrit par Cornélius. « Eukalyptustreet » justifie à lui seul l’achat de l’album. Solefald y réussit l’exploit, en neuf minutes chrono, de faire passer l’auditeur d’une ambiance néo-hippie au black métal symphonique intense. Et ce, à grand renfort de soli de saxophone jubilatoires, d’arrangements vocaux intenses, de guitares pachydermiques et de piano virtuose. Retour au black métal sur « Raudedauden », un titre qui présente la particularité d’être agrémenté d’un solo de guitare, intervention plutôt rare chez Solefald. « Vitets Vidd I Verdi » est un melting-pot organisé de black métal, de rythmes électro, d’ambiances jazzy et de chœurs féminins, sur lequel l’hystérique Agnete refait une apparition vocale remarquée. Métal extrême haineux balancé au rythme des blast-beats ensuite pour « Hugferdi ». « Waves Over Vallhalla (An Icelandic Odyssey Part 3) » revient un court instant sur la saga viking débutée en 2005 sur l’album « Red For Fire » ainsi que sur l’elpee « Black For Death » de 2006. « Norrøn livskunst » s’achève en douceur sur les magnifiques arrangements vocaux et l’orgue hammond du fascinant « Til Heimen Yver Havet ».
Envoyé par le label sur un support ‘politiquement correct’, « Norrøn livskunst » aurait été chroniqué à sa sortie en novembre 2010 et aurait probablement figuré tout en haut de mon top 10 personnel. Recommandé à tous les fans d’Arcturus, Vintersorg, Ulver ainsi qu’aux plus éclectiques des amateurs de musique extrême. Du grand art nordique !