Considéré comme un des artistes les plus doués de sa génération, Beck avait commis, voici déjà deux ans, un album remarquable de créativité: "Mellow Gold". Un disque qui risque d'ailleurs de devenir une des œuvres marquantes des nineties. Avec cet "Odelay", il pousse encore plus loin ses expérimentations vivantes, spontanées, torturées, dans le rock, le punk rock, le folk, la country, le blues, le hip hop, le disco, le funk, le r&b et la lo-fi; dispensant quatorze fragments très caractéristiques de cet éclectisme luxuriant. Depuis la redoutable intro "Devils haircut" dont les boucles de guitare semblent avoir été empruntées à "Mama keep your big mouth shut" des Troggs à l'électro/free/jazz dérangé de "Diskobox", en passant par le minimalisme folk de "Ramshackle", le funk aventureux de "Hotwax", le country blues de "Lord only knows", le country glam - rehaussé par le concours d'une steel guitar - de "Sissyneck", la soul nappée de claviers fluides (Booker T?) du single "Where it's at", le beafheartien, ivre de riffs titubants et gorgé d'électro overdubs, "Ready made", le cyber bayou - rongé par le vocal cryptique de Beck et enrichi de percussions (Todd Rundgren?) et de tablas - de "Derelict. Sans oublier les visions cauchemardesques de "Novacane" et de "High 5", visions irradiées de vocaux distordus, meurtries par une basse bourdonnante, et oxydées de collages, scratchings, et autres artifices technologiques post Beastie Boys. Reste "Jack-ass" dont la sensibilité mélodique rappelle, nonobstant le recours à l'instrumentation synthétique, Shane Mc Gowan; et puis surtout le remarquable "The new pollution". Criblé de références psychédéliques, sinusoïdales, riches en arrangements, au "Rubber soul" des Beatles, et summum de l'expérimentalisme idéologique, ironique, irrévérencieux que Beck manifeste tout au long de cet "Odelay"...