Un rideau de pluie s’abat sur le pare-brise de mon véhicule, qui traverse une nuit d’encre ; un décor propice à générer mille visions ‘lynchéennes’, en parfaite adéquation avec le concert de ce soir. Le ring d’Anvers en guise de Mulholland Drive et arrivée tardive sur une Lost Highway.
Freinés dans notre élan, à l’entrée de la ville, par une femme portant une bûche, mes compagnons et moi-même manquons de peu les dernières notes de la basse, dispensées par Mike Watt, vétéran de la scène indie américaine. Quelque part dans le vent, un hibou me susurre que cet ex-Stooges (seconde période) a marqué les esprits. Et comme chacun le sait, ce type de volatile n’est pas toujours ce que l’on croit.
Arrive sur scène l’ombre imposante d’Alex Zhang Hungtai, alias Dirty Beaches, accompagné pour l’occasion du saxophoniste Francesco De Gallo, béret vissé sur la tête et lunettes de soleil accrochées à la nuit.
Effets bouclés et cheveux lissés, le grand Taïwanais d’origine et Canadien d’adoption se lance dans une longue incantation incandescente à la croisée des rêves.
Telle une grande tenture de velours rouge, sa musique descend du plafond et se tortille langoureusement à nos pieds. Elle s’insinue perfidement dans nos esprits embrumés. Des volutes spectrales s’échappent du sax et se fondent dans un écho lointain en d’infinies réverbérations. Tout au long d’un set de brève durée, l’atmosphère est fantomatique, mais intense et généreuse.
« Lord Knows best » est porté au firmament par un chant encore plus habité que sur l’album « Badlands ».
Quelque part, au loin, le vent souffle dans les Sycomores, emportant avec lui les derniers soupirs du crooner.
L’assistance se replie sur cette plage de sable sale. La mort dont c’est la fête demain, embrasse à pleine bouche l’amour et son cortège de désillusions. Danse macabre où sexe et rock & roll se mêlent à l’écume des jours.
Le feu marche avec moi.
(Organisation : Trix)