Il était une fois une ville répondant au nom de Tournai. Une cité, surplombée par cinq clochers, abritant une Maison de la Culture. Par un soir d’automne, alors que les feuilles craquaient sous mes pieds, j’entrai dans ce bâtiment aux multiples portes, devancé par quelques marches. Ces mêmes portes qui pourraient symboliser la diversité culturelle que ces salles renferment. Une fois n’est pas coutume, la musique habitait les lieux, le temps d’un soir.
Une petite jeunette de 21 ans nommée Sarah Carlier s’aventure sur l’estrade, accompagnée d’un unique guitariste, devant une salle pratiquement comble. Sa voix est douce et laisse planer des airs un temps agréable. Et puis, je me surprends à avoir mes yeux rivés sur les doigts de son musicien qui courent le long des cordes. La monotonie de son ton vient alors me percuter les neurones. Rapidement enchainé par la conscience que son micro a plus de prestance scénique qu’elle. L’ennui me gagne face à cette Schaerbeekoise qui livre un set insipide. Morphée me tend presque les bras. Heureusement, les techniciens ont 40 minutes pour chauffer la salle, comme il se doit…
Un peu plus tard, débarque Dame Grâce, j’ai nommé Yaël Naïm. Sa robe blanche, ses gants roses, sa classe naturelle séduisent déjà l’auditoire. Lorsqu’elle ouvre la bouche pour laisser s’échapper les premières notes, des milliers d’oiseaux viennent se poser sur l’épaule de chaque spectateur. Ils leur poussent de douces mélodies au creux de l’oreille, les plus naturelles aussi. Dame Grâce confie alors son histoire, nous parle de son arrivée en France, de sa famille restée à Tel Aviv, de son amour lassé d’attendre son retour. Une interaction s’établit entre l’artiste et le public, et celui-ci lui rend bien. Bientôt, elle se met à jongler avec les instruments : tantôt à la guitare, tantôt au piano. Et aux ivoires, elle prend une dimension magique, une ampleur émerveillant tout un chacun. Une véritable envolée sauvage. Après la tempête revient le calme.
L’Israélienne embarque tout le monde sur une petite barque naviguant sur une rivière d’émotions. Ses peurs, sa tristesse, son mal du pays nourrissent ses chansons. Au détour d’un méandre, on aperçoit une contrée inhabituelle d’où s’échappe une langue mal jugée. Les ballades interprétées en hébreu, qu’elle nous offre, sont d’une poésie rarissime. Tout à coup, de manière inattendue, elle bifurque vers des terres que chacun connaît, qu’elle s’approprie et refleurit d’une espèce nouvelle. Le « Toxic » de Britney Spears et « My Umbrella », que chantait il n’y a pas si longtemps Rihanna, en deviennent méconnaissables.
Déjà, c’est le moment pour chacun de reprendre sa route. Juste le temps d’un grand éclat de rires entre musiciens, qui nuit malheureusement à la qualité de « New Soul », provoqué par le bassiste qui s’improvise apparemment clown. Une belle histoire d’un soir qui, malgré toutes ses qualités précitées, ne m’a pas transcendé. Mais ce récit reste néanmoins agréable à vivre.
Ils furent heureux et eurent beaucoup de standing ovations.
(Organisation : Maison de la Culture de Tournai)