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Replacer l’humain au centre de la terre… Spécial

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1918-2018 : cent ans que les ultimes balles de la Première Guerre mondiale ont cessé d’arracher des vies. Pour la circonstance, la province de Flandre-Occidentale a planifié ‘GoneWest’, un événement culturel commémoratif programmé à Poperinge, Furnes, Nieuport, Dranouter et Diksmude. C’est dans cette dernière ville, sur la Grand-place, qu’Amenra a imaginé un specacle tout à fait atypique. Compositions originales écrites pour l’occasion, projection de clichés sélectionnés par le photographe Dirk Braeckman et la sculptrice Tine Guns, sans oublier une démonstration de Buto, danse mystique japonaise, interprétée d’une main de maître par Imre Thormann. Tentative de mise en mots d’une puissante expérience sensorielle.

Ponctuels comme d’habitude, les musiciens prennent place. Les mines sont graves et concentrées. Une épaisse fumée enveloppe le podium. Le silence est de rigueur et est empreint d’autant de respect que de recueillement face à la prestation qui va se dérouler. Après un moment suspendu dans l’air, au cours duquel les artistes semblent s'accorder à l’unisson, sans pour autant se concerter, le mur de son s’élève et s’abat sur la foule. Vêtu de sa longue chemise noire à col Mao, Colin van Eeckhout rompt momentanément avec son habituelle chorégraphie en s’exécutant face à l’auditoire. Son corps n’est qu’un catalyseur de sentiments et de sensations : ses hurlements nouent l’estomac, ses chants clairs psalmodiés ou récités, mais toujours à fleur de peau, figent sur place. Les illustrations abstraites observées en arrière-plan –supports visuels pour entrer en transe– sont aujourd’hui accompagnées de photos de la Première Guerre mondiale, projetées sur des écrans géants, situées de part et d’autre de l’estrade. Les ressentis face à la musique, généralement refoulés au niveau de l’inconscient, sont ici cristallisés par des fragments de mémoire, froidement concrets. Des hommes envoyés au front, des tranchées, des masques à gaz défiant une mort certaine, des regards dévorés par la peur, des instants de fraternité, clope à la main, avant d’expirer un dernier souffle sur le champ de bataille. Les compositions sont lourdes, les corps se balancent frénétiquement d’avant en arrière. Il se produit quelque chose, au-delà des mots.

Puis du côté gauche de la scène apparaît une forme courbée, qu’on devine humaine. Vêtu uniquement d’une ample couverture beige, les mains liées dans le dos, le danseur Imre Thormann s’avance lentement, à pas saccadés, vers l’avant du podium. Le crâne entièrement rasé et maculé d’une substance blanchâtre, les yeux perdus dans le vague, l’artiste déforme son visage au gré des émotions qui le traversent. Un accoutrement qui ne peut que faire penser aux prisonniers de guerre. Il parvient finalement à se détacher les bras, puis enlève sa couverture. Seul un léger pagne lui recouvre l’entrejambe. Son corps –qui n’est que peau, muscle et os– est transpercé par la peur, la joie, l’excitation, la tristesse, le désespoir ou encore l’abandon. Certains gestes défient la gravité. Il tombe, se relève, est à nouveau happé par le sol. Ses épaules claquent sur les planches. Si certains spectateurs avaient osé un trait d’humour ou un petit cri blagueur à son arrivée, toutes et tous ont à présent adopté le lourd silence. La tension est palpable. On ne peut s’empêcher de penser à toutes ces émotions qu’ont dû vivre ces hommes et ces femmes en 14-18. À celles et ceux qui sont tombés là, à l’endroit même où on assiste à ce concert, cent ans plus tard.

La guitare et la basse accompagnent les mouvements étirés de l’interprète ; ses pas sont guidés par des impacts de batterie. À l’arrière de l’estrade, le vocaliste psalmodie, joue de sa voix tel un instrument, participe à l'ambiance macabre. Une transe ‘pluriaristique’ s’opère entre les artistes. Soudain, le rythme s’emballe. Amenra retrouve la violence de ses compositions. Imre Thormann est frappé de plein fouet. La démence se lit désormais sur son visage. Cette forme de folie lorsque tout est perdu, qu’il n’y a absolument plus rien à espérer. Le fil est rompu, la plongée dans le vide est inéluctable. Il s’empare de la corde qui retenait la couverture à sa taille et l’enroule autour de son visage. Violement, avec force et détermination. Les liens lacèrent ses joues, son cou, son front, ses yeux. La folie de la Grande Guerre a finalement eu raison de lui, comme l’ont été des milliers d’autres personnes. Après avoir exécuté cette Danse des Ténèbres (autre nom de la danse Buto), pendant une grosse demi-heure Imre vide les lieux en chancelant (pour les photos, c'est ).

Seconde partie du set. Place au répertoire classique du band. Colin van Eeckhout s’agenouille sur les planches, inondé par un faisceau de lumière. Série de deux coups métalliques. Les aficionados savent qu’il s’agit de l’intro du « Boden », issue de l’album « Mass V ». En lettres dorées, apparaissent en fond : ‘To all people from the colonized countries, who died protecting their homeland’. La commémoration se poursuit. Alors que les écrans latéraux diffusent en discontinu des clichés d’archive immortalisés sous l’occupation, l’arrière-plan devient le théâtre de l’injustice mondiale actuelle : des images de bateaux de migrants pleins à craquer, prêts à tout pour sauver leur peau, des familles palestiniennes chassées de leurs propres terres, des enfants enlevés à leurs parents, dont un père embrasse pour la dernière fois son fils. La puissance de la musique d’Amenra devient dénonciatrice de cette justice bafouée aux quatre coins du monde. Les applaudissements du public résonnent désormais comme des actes de résistance.

C’est sur « Diaken », issu de son dernier LP, « Mass VI », que le band courtraisien prend finalement congé de son audience. Un par un défilent les noms des personnes dont la vie a été soufflée pendant ce premier conflit mondial, à Diksmude. Malgré l’aspect atypique de ce show, les musiciens se retirent, suivant le même rituel, dès que le dernier morceau est achevé. Les acclamations sont nourries. L’auditoire semble conscient d’avoir assisté à une prestation hors du commun, aussi unique que poignante. Les mines sont hagardes. Certains regards sont perplexes, d’autres pensifs ou encore émus. Le genre d’expérience qui remue, provoque un tourment intérieur qui nécessitera quelques jours avant de pouvoir être maîtrisé. Chacun en tirera une leçon, une pièce du puzzle à ajouter sur la table. Désormais, malgré l’hétérogénéité du public présent, toutes et tous seront reliés de manière invisible grâce à ce vécu au-delà des mots d’une heure et demie. C’est pourtant loin de ses principes, mais Amenra s'est, ce soir, engagé politiquement, au sens noble du terme, en replaçant avec force et vigueur l’humain au centre de la terre… Pour les photos, c'est ici

La formation aversoise Flying Horseman assurait le supporting act ; pour en découvrir le reportage photo, c'est

(Organisation : 4AD + GoneWest)

NB : les photos figurent sur la partie néerlandophone de Musiczine (ici pour le show d'Amenra, pour une sélection avec Imre Thormann)

Informations supplémentaires

  • Band Name: Amenra
  • Date: 2018-07-20
  • Concert Place: Grote Markt
  • Concert City: Diksmude
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