Les portes de la quatrième édition de l’électro rock festival de Liège se referment sur les 57.000 visiteurs du bord de Meuse. Malgré le sismographe arrêté, des effluves de musiques mêlées ondulent encore sur les vagues du fleuve. Jeune festival aux ambitions grandissantes, les Ardentes affichent un bilan 2009 globalement positif. Les caprices météo et les annulations en série n’ont pas réussi à jeter des ombres sur l’événement : la diversité sonore et l’originalité de la programmation ont séduit un large public. Entre groupes accomplis et découvertes, les Ardentes 2009 nous offrent à entendre un large éventail musical s’ouvrant et se fermant de 13h00 à 06h00.
Faisant fi de tout clivage musical, le festival invite sur scène des formations aux univers divers, quelquefois divergents, qui se conjuguent et s’entremêlent sur un site et trois scènes. Ainsi, la HF 6, scène indoor tamisée de clairs-obscurs aux atmosphères moites, nous invite à fouler le pavé romain du sentier des saveurs pour nous plonger dans les ambiances lumineuses de l’Open Air. La nuit tombée, le public serpente massivement vers le brumeux Aquarium où se noient, à foison, images et sons électro. La cité ardente ne dort jamais et le festival en est le reflet.
La programmation 2009 surprend par son éclectisme et conjugue un public de tous les horizons musicaux. Cette diversité sonore est certainement à l’origine du succès précoce rencontré par le festival liégeois. Sans afficher complet, les genres musicaux se distillent intelligemment sur les quatre jours, et l’affluence s’équilibre en fonction des goûts musicaux. On observera principalement deux catégories de public : les festifs et les amoureux de la musique. Ce phénomène peut aisément se lire en filigrane sur la grille de programmation.
Ainsi, le vendredi et le samedi aux horaires insomniaques mettront, très à propos, l’accent sur une scène Rap et électro délibérément entraînante invitant les festivaliers à la danse. Un souffle sonore se promènera sans interruption de l’Open Air jusqu’à l’Aquarium de 13h00 à 06h00. Jours interminables qui érodent souvent l’attention du spectateur lors des performances de l’après-midi.
Le deuxième axe –jeudi et dimanche– se focalise davantage sur la qualité des groupes programmés. Une dense concentration d’artistes confirmés fait subtilement place à la découverte. Pas d’étiquette pour les Ardentes : Julien Doré se glisse discrètement entre Sharko et Supergrass tandis que Kid Cudi affronte Emilie Loizeau et Mogwai introduit le Grandmaster Flash !
Le succès du festival repose précisément sur cette diversité des genres où se côtoient rock, electro, hip-hop, house, techno, drum'n'bass, soul, chanson française, folk, pop… Ce brassage peut déplaire aux puristes mais porte ses fruits. Les Ardentes se portent de mieux en mieux et affichent une sérénité digne des grands festivals de l’été et, cela, après sa quatrième édition seulement. Fabrice Lamproye porte d’ailleurs un regard serein sur l’événement : ‘malgré une conjoncture difficile, des annulations sur lesquelles nous ne reviendrons plus et une météo capricieuse, le bilan est positif’. Bilan qui justifie amplement les investissements opérés par les organisateurs et le remaniement des infrastructures.
Jeudi 9 juillet.
13h10 : le festival ouvre ses portes et accueille les premiers visiteurs sous le son cuivré de 40 tubas et trombones. Le site accueillera onze mille festivaliers pour ce premier jour. Au menu principal : Thomas Fersen, Mogwai, Emiliana Torini, Grandmaster Flash…
The Bony King of Nowhere ouvre tendrement les hostilités. Digne représentant de la prolifique scène gantoise, le groupe chatouille de sa plume douce et aérienne la plaine et les oreilles des premiers arrivants. Les jeunes Gantois aux visages de poupon nous livrent en toute élégance et simplicité une pop tout en douceur. Le groupe est venu confirmer, de la sorte, ses performances préalablement remarquées à l’Ancienne Belgique et lors des Nuits du Botanique en mai dernier.
Malgré la polémique suscitée autour d’Orelsan et sa déprogrammation des Francofolies de la Rochelle, le nouveau rappeur français en vogue est bien présent sur la scène principale des Ardentes. Ses textes, aux relents misogynes et souvent de mauvais goût, n’empêchent pas le moins du monde les ados, présents en nombre sur la plaine, de ‘jumper’ sur les airs du jeune Caennais.
Deux heures ont suffi pour imprimer le ton dominant des Ardentes 2009 où s’entremêlent pop/rock, rap et électro. Ainsi, la programmation nous invite à investir la HF 6 pour y découvrir les excellents Get Well Soon. Remarqué lors d’une première partie de Calexico à l’Ancienne Belgique, le groupe berlinois compte vraisemblablement parmi les révélations électro/pop de l’année 2008. Projet musical articulé autour du surdoué allemand Konstantin Gropper, il nous convie à découvrir son premier elpee « Rest Now, Weary Head ! You Will Get Well Soon ». La formation nous entraîne vers des eaux troubles mais hypnotiques. Une atmosphère éclipsée par des stroboscopes blancs qui plongent le spectateur dans le décor grenu et sombre d’un bon film en noir et blanc. Une substance musicale atmosphérique traversée par des éclairs de guitare en colère qui finissent par électriser la salle de sons noisy stridents. La voix de Gropper aux inflexions multiples, oscillant de Thom Yorke à Leonard Cohen, nous livre les clefs d’une pop/rock furieusement lyrique, tragiquement romantique. La HF 6 rencontre d’emblée l’un des meilleurs moments électro/pop de ce festival.
Après un Herman Dune insipide et un Joshua sans éclat, la délicieuse et pétillante Emily Loizeau gravit les marches à son tour. Du haut de son perchoir et vêtue d’une magnifique robe blanche, l’ange franco-britannique nous livre un set qui vous caresse les oreilles et vous invite à quelques jolies balades champêtres. Une image pleine d’élégance et de sagesse comparable à celle d’une Camille endolorie. Un peu trop sage peut-être…
La nuit tombe sur l’inclassable Thomas Fersen. Vêtu de sa plus belle robe de mariée, le chanteur fou nous engage à pénétrer son univers surréaliste. Affichant son habituelle nonchalance ‘surjouée’, le poète du quotidien nous abreuve de paroles sur des airs de variété française ingénieux. Fidèle à lui-même, il distille des mots acides et verse dans l’autodérision avec beaucoup de talent. La chanson française est à la fête et s’accompagne d’ukulélés, de tambourins, de contrebasses... Rien de sérieux, en somme. C’est là la touche personnelle de Thomas Fersen et cette légèreté insolente touche.
Pas le temps de terminer la dernière valse Fersen. Le son guide irrépressiblement nos oreilles vers la HF 6 préalablement chauffée par Metronomy. Sur scène, rien de moins que les talentueux Ecossais de Mogwai. Valeur sûre de la scène post-rock qui nous avait, néanmoins, déjà déçus par le passé en affichant des sets trop atmosphériques virant parfois à l’ennui. Ce jeudi soir, les Glaswegiens avaient résolument décidé de faire exploser tous les sismographes liégeois. Le voyage électrique commence et nous plonge dans un univers de sons d’une pureté enivrante. La collision des sons est jugulée, la substance sonore distillée savamment. Guitare en avant, la gifle noisy s’élève crescendo, en bourrasque, brisant les mélodies les plus calmes pour s’élever à un degré de saturation parfaitement contrôlé et justement dosé. Le spectateur en lévitation vibre de sueurs électriques, le mur Marshall lève encore de la voix pour un final explosif. Mogwai, une expérience vivement déconseillée, voire interdite, par tout ORL qui se respecte.
C’est le cerveau embrumé et les tympans dévastés que nos corps prennent la direction de la plaine où Emiliana Torrini est chargée de remplacer la très attendue Lauryn Hill et de clôturer la soirée Open Air. La chanteuse islandaise nous livre un set tout en douceur aux inflexions vocales propres aux chanteurs scandinaves qui invitent subtilement au voyage. Sous une pluie battante, le groupe scandinave prend des allures féériques. Un trip hop délicat et léger qui berce nos sens dans la magie pure du son. Un final agréable mais bien trop calme pour la main stage.
On retrouve très rapidement la foule qui avait déserté Emiliana Torrini, dans l’HF 6 où, parallèlement, le mythique groupe new-yorkais de Grandmaster Flash est tout simplement occupé de mettre le feu au dance floor. Un indoor comble et volcanique aux têtes sautillantes sur les ‘tubesques’ morceaux de Joseph Saddler, pionnier du rap, du hip hop, du scratch et du remix. Enfin, Sonar envahit à son tour une salle déjà incandescente pour clore cette première journée.
Ce jeudi 9 juillet se referme sur un paysage musical kaléidoscopique éclairé principalement par trois prismes : les talentueux Allemands de Get Well Soon, les très électriques Ecossais de Mogwai et le volcanique Grandmaster Flash…
(voir aussi notre section photos)