Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

RIVE sous tension…

Entre la nuit et le jour, RIVE propose "Tension", un 4ème extrait de son album…

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Daniel Lorca est né à Madrid, mais a vécu presque toute son enfance à New York, où il est allé à l'école française, en compagnie de son ami de toujours, Matthew Caws. Vous ne serez donc pas étonnés d'apprendre qu'ils manient très bien la langue de Molière. Ce qui est assez exceptionnel pour des Américains. Ira Elliot, le troisième larron, est un New-yorkais de pure souche. Plus âgé que ses deux autres compères, il s'est forgé une solide réputation de drummer au cours des eighties. En jouant au sein de tas de formations de garage rock. Et notamment des légendaires Fuzztones. Le groupe vient d'enregistrer son deuxième album, " The proximity efect ". Mais, rien à faire, lorsqu'on évoque Nada Surf, on ne peut s'empêcher de penser à leur formidable hit, décroché en 1996, " Popular ". Et pourtant, cette popularité ne leur est pas monté à la tête, car Ira, Matthew et Daniel sont demeurés très simples, disponibles, tout en acceptant d'aborder des sujets parfois difficiles. Des types vraiment sympas !

Pourquoi avoir confié la production de votre deuxième album à Fred Maher ? N'étiez-vous pas satisfait des services de Ric Ocasek ?

D. : Il n'existe pas de raison bien particulière. Nous souhaitions tenter notre chance avec quelqu'un d'autre. Nous avions établi une liste de producteurs, auxquels nous aurions pu faire appel. Mais nous avons d'abord rencontré Fred. Il a écouté notre cassette et s'est montré très intéressé. Mais nous avons surtout opté pour lui, parce que le courant était bien passé entre nous, lors de notre première rencontre. En fait, nous voulions collaborer avec quelqu'un qui soit très proche de nous, quelqu'un avec lequel on puisse être capable de cohabiter en studio, pendant trois mois, sans se rentrer dedans. Et je crois que nous avons fait le bon choix. Parce qu'il est ouvert à toutes les alternatives. Que ce soit les loops, l'électronique, l'informatique ou le traitement des sonorités acoustiques.

M. : (en terminant son plat de pâtes). Il est très cool dans tous les styles, et il est même parvenu à nous faire admettre des trucs qu'on croyait ne pas être notre tasse de thé. Il ne faut pas oublier qu'il était membre de Scritti Politti, qu'il a produit l'album parfait de Matthew Sweet, et surtout de Lou Reed, avec lequel il a d'ailleurs joué. Et tout ce qu'il fait, il le fait à fond. Aussi, nous avons beaucoup de respect pour lui...

Y a-t-il une manière fondamentale de travailler entre Ric et Fred ?

M. : Oui, Ric est beaucoup plus rapide, tandis que Fred est plus soigné.

Donc Maher vous a coûté plus cher !

M. : (rires) Absolument ! Normal, puisque nous avons passé beaucoup plus de temps en studio pour mettre en forme " The proximity effect ". L'enregistrement de " High/low ", n'a pas été trop onéreux. Parce que Ric n'est pas obnubilé par le fric. Lorsqu'il nous a demandé de produire notre premier album, il nous a simplement dit de ne pas trop nous tracasser pour la facture. L'argent n'est pas au centre de ses préoccupations, pourvu qu'il en ait assez pour vivre. Produire est vraiment sa passion…

D. : On a ainsi compris, au fil des interviews, pourquoi Ric était souvent sollicité pour produire le premier album des nouveaux groupes…

Il paraît que le job d'ingénieur du son, n'est pas vraiment le truc de Matthew ?

M. : Tout a fait ! Parce que je suis loin d'être doué dans ce domaine. A vrai dire, après avoir végété au sein de plusieurs groupes sans récolter le moindre succès, j'ai commencé à me poser des questions. Qu'est ce que j'allais devenir dans cette putain d'existence. J'étais alors âgé de 25-26 ans, et j'étais pourtant bien contaminé par le virus de la musique. Alors, j'ai pensé devenir ingénieur du son, producteur. Un beau métier qui allait enfin m'ouvrir de nouvelles perspectives. J'ai donc suivi des cours, au sein d'une école spécialisée. Qui était, je m'en rends compte aujourd'hui, complètement nulle. Je suis alors entré comme stagiaire au sein d'un studio d'enregistrement. Et je me suis royalement planté. Parce que je n'avais pas les compétences techniques. Lorsqu'un appareil ne fonctionnait plus, j'en réclamais un autre. J'étais incapable de réparer la moindre panne, aussi bénigne fut elle. Déjà que je n'étais pas doué en maths et en physique à l'école, mais là, alors, je me suis senti nul, nul, nul. Pour quelqu'un qui aime écouter des disques, j'ai vraiment manqué ma cible. Ingénieur du son, c'était vraiment trop fort pour moi…

En signant chez Warner, étiez-vous conscients que, quelque part, vous devriez accepter des compromis ?

M. : Nous en sommes conscients. D'ailleurs, nous avons réfléchi longuement avant de prendre cette décision. Parce que cette situation n'était pas prévue. C'est à dire que depuis que nous jouons ensemble, nous en sommes à notre troisième groupe. En outre, celui-ci est celui pour lequel nous avions le moins d'ambitions. On espérait, quand même, finir par décrocher un contrat. Au sein d'un petit label indépendant, par exemple. Mais lorsque nous avons reçu une proposition d'un major, on s'est demandé ce qui nous arrivait. On ne s'y attendait vraiment pas !…

D. : On n'y pensait même pas ! On s'est cassé la tête pensant plusieurs mois avant de prendre une décision. Nous n'en dormions plus. Nous voulions protéger la formation, car nous savions qu'en acceptant cette proposition, nous prenions des risques. En fait, sur dix groupes signés par un major, je crois qu'au moins six d'entre eux sont obligés de splitter. A cause du contrat. Parce que lorsqu'on ne vend pas assez de disques, la seule raison de survivre, c'est de casser le groupe. C'est l'unique solution pour gommer la dette que te lie à ce type de label…

M. : Une telle aventure est toujours périlleuse. D'abord, parce nous aimons ce que nous faisons ; ensuite, parce que nous sommes très soucieux de préserver le capital confiance qui s'est instauré entre le public et nous-mêmes. C'était sans doute la seule raison de ne pas signer. Au bout du compte, on s'est dit que nos disques pouvaient se retrouver dans tous les bacs des disquaires. Que ce serait bien, car c'est une raison pour laquelle on se produit en concert. Evidemment, signer pour une grande firme, ce n'est pas très cool. Mais prendre des décisions à cause de quelque chose qui est cool ou pas cool, ce n'est pas très cool… (rires). Dans ces conditions, nous n'avions pas de raison de refuser cette offre.

Léonard Cohen, est-ce un symbole pour Nada Surf ?

M. : Si on veut. Nous apprécions beaucoup ses textes, sa voix, sa manière de jouer de la guitare. Mais surtout ses textes, souvent pervers et un peu sadiques. Et les mélodies également. Des mélodies folk méditerranéennes (NDR : difficile à prononcer pour un anglophone !)

D. : Ses lyrics sont tellement beaux et soignés. Il raconte des histoires personnelles ou des choses embarrassantes avec une facilité inouïe. Nous, lorsque nous écrivons une chanson, il nous arrive de rencontrer d'énormes difficultés pour la terminer. Parce que si je ressens au fond de moi-même ce que je souhaite exprimer, traduire cette sensation, sans trop relater des sentiments personnels ou trop embarrassants, m'est assez difficile. Je n'ai terminé ma chanson que lorsque je suis parvenu à cracher ce que j'ai vraiment à dire. Chez lui, il le fait si naturellement. Il est vraiment fantastique...

M. : J'ai récemment lu " Beautiful loser ", son roman. Il est très beau. Il explore, de la même manière que dans ses chansons, les coins les plus cachés des relations intimes, des relations charnelles. Il pousse très loin l'idée du désir, de la jalousie. Du désir amoureux, et du désir le plus intense. Et c'est très bien écrit…

L'autorité parentale, c'est une idée de l'éducation que vous contestez. Pourquoi ? Défendez-vous votre propre concept de l'éducation des enfants ou est-ce simplement le résultat de conflits rencontrés au cours de votre enfance ?

D. : Ma propre expérience vécue au cours de mon enfance se traduit aujourd'hui par un certain ressentiment à l'égard du monde adulte, en général. Entre 14 et 17 ans, j'ai passé des moments pénibles. Tout ceux qui m'entouraient, profs, parents, adultes, me tenaient le même discours. M'imposant une ligne de conduite pour devenir heureux dans la vie. Un mode de vie complètement absurde que j'ai dû chasser de mon esprit pour retrouver mon équilibre. Ma crise d'adolescence, je l'ai vécue à 16 ans. Pendant deux ans, j'ai souffert d'une grosse déprime. J'étais même complètement flippé. A cause de ces valeurs qu'on avait inculqué et que je ne parvenais pas à éliminer. Je ne voulais pas croire que le bonheur se résumait à trouver du boulot, gagner du fric, avoir une belle bagnole, se marier, avoir des enfants et un chien, divorcer, et bla bla bla… J'imaginais la vie autrement. Et pour corser le tout, je suis né catholique. Tu peux donc imaginer que ma conscience était moulée dans ce dogme religieux, avec toute cette merde qu'il charrie. Dieu est mort pour moi, le jour de ma confirmation. Lorsque je me suis confessé au prêtre, j'ai été incapable de lui cacher la vérité. Je lui ai donc avoué avoir menti à mes parents, me masturber… des actes tout à fait normaux, lorsqu'on est âgé de 14 ans. Alors, il m'a infligé 40 'notre père' et 60 'ave Maria'. Et pendant que je récitais toutes ces prières, dans l'église, à une vitesse supersonique, j'entendais mes copains qui jouaient dehors. Et je voulais les rejoindre. Eux, n'avaient pas dit toute la vérité, et quelque part, ils avaient été récompensés… Puis j'ai commencé à me poser des questions. Ce n'était pas possible que Dieu écoute des prières débitées à une telle cadence. C'était vraiment n'importe quoi. Quelle connerie ! J'en ai donc conclu que si je pouvais encore croire en Dieu, il me serait impossible d'encore faire confiance à l'Eglise. La religion travestit la vérité. Plus tard, je suis passé par le même type de crise, mais avec mes parents… là, j'ai vraiment trop parlé...

Non, non, c'est vraiment très intéressant…

I. : Pourtant, c'est déjà une vieille histoire (rires) !

Qu'est ce qui va si mal au sein de l'école supérieure américaine, pour la critiquer à ce point sur votre hit, " Popular " ?

I. : Je n'ai pas fréquenté les cours de l'école supérieure américaine. Mais j'aurais voulu y aller. Malheureusement, ma famille n'était pas dans une situation sociale favorable pour que je puisse y accéder. Aux States, des tas de gosses rencontrent ce type de frustration. En ce qui concerne " Popular ", nous ne visions pas tout particulièrement l'école supérieure, mais les gens en général. Leur comportement, leur conduite, les règles qu'ils ont édictées en matière d'éducation…

Pourtant, lorsque vous avez décroché un hit avec cette chanson, ne pensez-vous pas être passés à côté de votre objectif ? Lorsque le public chante des slogans engagés, sans se rendre compte de ce qu'il dit, n'est-ce pas manquer son but ?

M. : Je comprends ce que tu veux dire. Lorsqu'on écrit une chanson conceptuelle, on se dit que dans un monde parfait, elle deviendrait un tube énorme. Or le monde est loin d'être parfait. Ce qui explique pourquoi, on ne s'attendait pas que cette chanson devienne un hit. Mais je ne crois pas que nous ayons manqué notre cible. Parce que cette satire, en devenant un hit, a été portée à son degré le plus élevé.

D. : Et elle est devenue double. C'est très intéressant. Parce que ceux qui se sont rendu compte qu'il s'agissait d'une satire en ont fait leur hymne. Et un sujet de réflexion. Par contre les autres, qui ne sont attirés que par le confort, la banalité et le superficiel, en ont également fait leur hymne. Un peu comme cette pom pom girl de mon ancien lycée, qui imagine, chaque fois qu'elle entend la chanson, que c'est sa chanson. Et en tombe presque en pâmoison. Et là, on se marre tous. Et on a du mal à croire comment elle peut se laisser piéger ainsi. Tu comprends ainsi pourquoi je parle de double ironie…

Sur votre dernier album, deux de vos chansons " Mothers' day " et " Robert ", s'intéressent aux droits de la femme. Avez-vous quelques explications à fournir, au sujet de ce que je considère comme un message ?

M. : Il n'y a pas grand-chose de nouveau à ce niveau. Rien de révolutionnaire non plus. Mais on ne raconte pas n'importe quoi. Nous pensions qu'il était important de le dire, en tant que mecs, de groupe masculin. Parce que je pense que dans le monde, il y a encore des types qui sont aveuglés par leurs principes. Inutile de leur parler d'une manifestation réunissant des femmes, ils ne la voient pas, ils ne l'écoutent pas, ils ne l'entendent même pas. Pire, ils l'ignorent. Ils sont à côté de la plaque. Ils peuvent aimer leur mère, leur sœur, ou à la rigueur leur épouse, mais traitent la femme comme un objet quelconque. Nous sommes très sensibles à cette situation. Parce que je connais des femmes qui se sont fait violer. Et en particulier l'histoire d'une amie, qui m'a beaucoup marqué. Alors, tu comprends, pourquoi on s'est engagé personnellement dans cette lutte…

Ira, tu as joué au sein de plusieurs groupes avant de rejoindre Nada Surf. Notamment les Fuzztones. Une belle aventure ?

I. : Avec le recul, je reconnais que mon séjour chez les Fuzztones fut une belle aventure. Mais je dois avouer qu'au moment même, ce n'était pas toujours la joie. Il y avait une tension permanente entre les membres du groupe. M'enfin, c'est vrai que nous dégagions, surtout sur scène, énormément de fun. Cependant, le groupe au sein duquel j'ai connu les meilleurs moments demeure Dear of Discipline. Un petit combo new-yorkais, qui pratiquait un style à mi chemin entre les Cramps et ACDC, dont tu n'as sans doute jamais entendu parler…

Vous ne semblez pas très chauds de voir votre public s'adonner au stage-diving. Une raison ?

D. : Parce qu'on ne souhaite pas que nos concerts se soldent par des blessés. Nous nous soucions de l'intégrité physique de notre public. Nous avons ainsi un jour failli arrêter un concert, parce que de très jeunes ados se faisaient écraser contre les barrières de sécurité. Lorsque je vois quelqu'un qui se tord de douleur, je me sens responsable. Et je ne parviens plus à me concentrer, et encore moins à prendre mon pied. Maintenant, lorsque l'ambiance est positive, et que le public est capable d'autogestion, je ne suis pas opposé au stage-diving. J'en ai même fait à une certaine époque….

Version originale de l'interview parue dans le n° 69 (décembre 1998) du magazine MOFO

 

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