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Les Bonnie & Clyde de la musique. Spécial

Écrit par - Grégory Escouflaire et Grégory Carette -

Alors que le concert des Kills du 11 juin prochain, à l'AB, est déjà complet, nous avons décidé de nous pencher encore une fois sur ce duo terriblement sexy, sorte de " Bonnie & Clyde " de la cause rock'n'roll, dont le premier album, " Keep on your mean side ", se révèle l'une des claques les plus jouissives de ces derniers mois. Violentes et primitives, hypnotiques et électriques, les chansons des Kills boutent le feu aux bonnes manières rock, faisant la nique à tous ces groupes qui croient que le rock n'est qu'affaire d'attitude. Pas de ça chez les Kills : VV (Alison Mosshart) et Hotel (Jamie Hince) n'ont d'autre arme que leur sincérité, plus quelques morceaux sauvages et rageurs, sans pathos ni paillettes. Et une rage impressionnante, face à la médiocrité, face à ce système qui détruit et humilie. Ce qui frappe chez ce couple, punk dans l'âme mais humble et sympathique, c'est ce dégoût de la société, qu'il tente d'exorciser dans ce rock serré, furieux et authentique. VV et Hotel vivent pour leur musique, d'une manière presque effrayante. Comme si leur vie en dépendait. Comme s'ils se sentaient investis d'une mission. Sauver le rock ? Bien sûr que non. Juste s'abandonner corps et âme dans ce qu'ils font le mieux : jouer une musique écorchée et diabolique, dompter l'électricité, lui faire subir les pires outrages, jusqu'au cri libérateur, cette explosion finale qui crame nos neurones et nous laisse, lessivés mais comblés, sur le tapis. Nous les avons rencontrés à Bruxelles, après leur excellent concert au Botanique.

Parlez-nous de vous… Quelle est votre histoire ?

Hotel : VV vient de Floride. La première fois que je l'ai vue, c'était à Londres : elle jouait dans un groupe (NDR : Discount), qui accomplissait alors en tournée en Angleterre… Mais je l'ai vraiment rencontrée dans un bar. Elle était assez timide, on ne se parlait pas… Quand j'ai vu son groupe sur scène, même si ce n'était pas vraiment mon genre de musique, j'ai été très impressionné : je n'avais jamais vu quelqu'un jouer comme ça. Le changement était incroyable : au niveau social elle était très timide et bizarre, mais une fois sur scène, on aurait dit qu'elle y était née. J'ai alors pris mon courage à deux mains et je suis allé lui parler. Nous avons alors fait une sorte de pacte : devenir les Bonnie & Clyde de la musique.

De quand date cette rencontre ?

H. : C'était en 1998-99… J'étais vraiment sous le charme de sa performance. Ce n'était pas la musique, genre disco-pop, qui m'avait touchée, mais elle seule. D'ailleurs elle n'en était pas l'auteur. Elle était un peu la mauvaise personne dans le groupe. La cinquième roue du carrosse

Pourquoi ces pseudonymes?

VV : Quand nous avons commencé à faire de la musique ensemble, on s'est dit " oublions ce que nous avons fait avant ", " faisons table rase du passé ". Nous avons décidé de nous appeler VV et Hotel dans cette optique, comme si nous étions de petits enfants… Ca n'a pas vraiment de signification, mais ça faisait partie de notre mentalité à ce moment-là.

H. : Lorsque nous avons démarré nous n'avions rien, nous étions enfermés dans une cave à jouer de la musique, nous n'avions aucune idée qu'un jour on pourrait s'intéresser à ce que nous faisions… Nous avions de réelles ambitions quant au groupe, mais nous n'avions jamais pensé que tout ceci pourrait se réaliser un jour… Ce n'est que maintenant, avec les interviews notamment, qu'on commence à y donner un sens. Mais à l'époque nous n'y pensions pas. Ce nom, cela symbolisait ce que nous voulions représenter… Maintenant nous devons le justifier, mais à l'époque c'était sans grande arrière-pensée.

Est-ce délibéré de jouer en duo, et cette manière de composer sans batterie a-t-elle une signification particulière ?

H. : Quand nous écrivons, nous jouons l'un pour l'autre, et nous tapons du pied pour donner le beat. On n'a pas besoin de batterie (un temps). Je n'aime pas la batterie.

Vous n'avez jamais pensé à engager un batteur ?

H. : Oui mais personne n'a rejoint le groupe. La batterie peut vraiment influencer le groupe et sa manière de sonner, et nous ne voulions pas de çà. Nous voulions juste une sorte de métronome, un beat basique, qui donne le rythme, à la Jesus & Mary Chain, ou comme chez Bobbie Gillepsie et Moe Tucker.

Votre musique est très brutale et très simple à la fois, ce qui crée un sentiment d'hypnose. Est-ce important pour vous d'arriver à ce son hypnotique, à cet état de transe ?

H. : C'est ainsi qu'on a fini par écrire. VV a une véritable envie d'écrire mais elle n'a pas de background : ce qu'elle fait avant tout, c'est frapper sa guitare. Aucune mélodie ne sort de sa guitare, mais c'est la façon dont nous composons la plupart de nos chansons, parce que cela reflète notre manière de jouer ensemble. On aime la répétition, la simplicité. C'est ce qui nous touche. VV aime par exemple le " 4-Track Demos " de PJ Harvey, Spacemen 3 et les trucs solo de John Cale… C'est le genre de trucs qu'on écoute souvent, à la fois binaires et puissants. Comme on n'est que deux, c'est tout naturellement vers cela qu'on s'est orienté.

Les paroles vont aussi dans ce sens…

H. : Les paroles sont très spontanées : je ne me souviens pas d'une chanson où nous nous serions assis en pensant à ce que nous allions écrire. Nous jouons et nous chantons à l'arraché, ce qui explique la simplicité de nos textes… Et aussi pourquoi la plupart d'entre eux sont stupides ! (rires). Je ne sais pas… Quand nous avons commencé à jouer à deux, nous ne pensions pas à écrire des paroles, à faire des enregistrements : nous aimions juste jouer. Après avoir joué pendant 2 heures la même chose, on finit par perdre toute son inhibition, et alors on chante des trucs auxquels on pense vraiment plutôt que de chanter des trucs qu'on pense qu'on devrait chanter. C'est le genre de limites qu'on a toujours voulu dépasser.

Quand on vous voit en live, on ressent bien cette perte d'inhibition. C'est un peu comme un trip.

VV : Je suis d'accord : c'est comme un road trip… Ca n'a rien à voir avec ce que nous étions en train de faire avant le concert, et pas davantage avec ce qui se passera après. Quand on est sur scène on ne pense à rien, on oublie ce qui s'est passé ce jour-là… Je ne sais pas vraiment l'expliquer mais c'est cool. J'attends ce moment toute la journée…

On a vraiment l'impression qu'en jouant vous vous libérez.

H. : Oui nous sommes très différents sur scène et dans la vie quotidienne. Mais ce n'est pas une performance. Plutôt une hibernation : pendant toute la journée on " hiberne ", on rassemble toute notre énergie jusqu'à notre montée sur scène. Certaines personnes savent pourquoi ils sont là, d'autres pas… Ceux-là cherchent toute leur vie la raison pour laquelle ils ont été mis sur terre. Moi je ne me suis jamais posé cette question : je sais pourquoi. C'est pour ces moments sur scène, quand on peut devenir à demi-fou, laisser sortir toutes ses inhibitions…

VV. : C'est incroyable cette sensation. Les jours où on ne joue pas, on devient presque fou. C'est comme une sorte de drogue…

On ressent aujourd'hui un nouveau regain pour le rock'n'roll. Avez-vous l'impression que ce revival n'est ressenti qu'ici, parce qu'aux USA on n'a jamais arrêté d'en jouer ?

VV. : Je n'ai jamais entendu parler des Strokes ou des White Stripes quand j'étais encore aux USA, mais bon ça fait déjà 3 ans que je vis en Angleterre. En même temps c'est super facile de jouer dans un groupe aux States : avec mon ancien groupe j'ai fait des tournées pendant 7 ans, sans que personne n'ait jamais entendu parler de nous… En fait, on peut facilement s'y cacher.

Ne pensez-vous pas que ce revival vous sert pourtant d'une certaine manière, grâce à la médiatisation ?

H. : (s'énervant) Je m'en fous ! Qu'est ce que ça veut dire le garage ? ! Plus personne aujourd'hui ne répète dans un garage ! Personne ne sait vraiment ce qu'est le rock'n'roll… L'idée qu'il y a une nouvelle révolution, c'est une blague, c'est de la foutaise… Nous jouons de la guitare depuis l'école, alors que tout le monde s'en foutait, car nous n'avions pas envie de faire ça pour l'argent, pour vendre, pour le succès. Pour nous, il n'y avait pas d'autre alternative : c'était notre seule façon de nous exprimer, d'évacuer nos frustrations. J'ai eu un autre groupe (NDR : Scarfo) avant The Kills, et on n'a presque rien vendu. Mais j'ai continué. Je n'avais pas de boulot pendant des années, j'étais au fond du trou et j'avais honte, mais je continuais. C'est peut-être devenu à la mode, mais j'en ai rien à foutre. On n'a pas sauté sur l'occasion, on n'est pas des opportunistes, on n'a pas triché, parce qu'on le faisait déjà depuis longtemps. Et dans l'indifférence la plus totale.

Vous semblez accorder beaucoup d'importance à votre liberté, à votre indépendance. Vous refusez tout compromis. Est-ce que des groupes comme Fugazi vous ont influencé dans ce sens ?

VV : C'était le premier groupe que j'ai écouté et je les écoute toujours. La liberté artistique et la liberté en général sont des notions très importantes. Ne pas devoir écouter ce que les autres disent, c'est important, car ça peut vous détruire… Nous avons été signés sur un petit label (NDR : Domino) pour presque rien, et donc on peut faire ce qu'on veut. C'était notre souhait… On voulait travailler avec des gens qui ont envie qu'on fasse ce qu'on a envie de faire, et qui ne nous disent pas ce qu'ils veulent qu'on fasse. Sinon, on ne parle plus de musique.

H. : Ce n'est pas comme si on s'était assis pour réfléchir sur notre façon d'agir… Si vous êtes végétarien, vous n'entrez pas dans une boucherie… On sait ce qui est juste pour nous et ce qui ne l'est pas. On n'est jamais allé voir chez les majors pour voir ce qu'on ratait… On savait quel label aurait un sens pour nous, lequel nous conviendrait. On voulait un label qui nous donne autant de liberté possible, un label qui soit aussi proche de nous que si on avait notre propre label, point barre. Maintenant, que certaines personnes nous prennent pour des idiots, on s'en contrefout. Si l'argent m'intéressait vraiment, je n'aurais pas perdu mon temps à faire de la musique… J'aurais fait quelque chose d'autre dont mes parents auraient pu être vraiment fiers…

Cette photo de Florence Rey sur la couverture de votre EP (" Black Rooster "), c'est symbolique de cet état d'esprit ?

H. : J'ai été touché par ce qu'ils ont fait (VV acquiesce), même si c'est affreux… (NDR : le couple Rey est à l'origine d'une sanglante virée ayant défrayé la chronique il y a quelques années en France). Ils sont le symbole d'un certain nihilisme…

Cela rejoint votre idée d'être les " Bonnie & Clyde du rock'n'roll "…

H. : Je lisais, il y a peu, l'autobiographie d'Eddie Sedgwick. Elle était une sorte de produit de son temps, formatée par la société, qui voulait une célébrité dans son genre. Elle a accepté d'endosser ce rôle, et ça l'a finalement détruit… C'est la même chose concernant Florence Rey. Elle est l'incroyable reflet de notre époque. Aujourd'hui, la société ne peut maîtriser les gens qu'avec des cartes de crédit… On peut toujours rabaisser les gens mais certains finiront toujours par réagir, parce qu'ils sont trop intelligents pour se laisser entuber (VV hoche la tête, l'air amoureuse)… Et çà c'est admirable. C'est pour ça que j'estime qu'il est difficile de condamner cette affaire. Je pense qu'elle représente bien notre société.

Ces prises de position, on ne les ressent pourtant pas dans vos textes.

H. : En effet, mais ça ne m'inspire pas d'écrire des textes dans ce sens… Il n'y a pas l'amour d'un côté, et la politique de l'autre. On ne passe pas de l'un à l'autre, c'est lié. Il y a de la politique, et de l'amour, dans chaque chose, dans chacune de nos discussions. C'est pour cela que je n'aimerais pas écrire des chansons exclusivement politiques : en fait, si on veut, il y a des chansons d'amour et des " protest songs " dans tout ce qu'on écrit…

VV, tu viens des USA, et Hotel de Grande-Bretagne : une union, en ces temps de guerre, qui peut prêter à sourire (ou plutôt le contraire). Qu'est-ce que vous pensez de tous ces artistes, justement, qui font de la politique via leur musique, comme dernièrement les Beastie Boys ? Saul Williams ou encore R.E.M. ?

VV : Je n'écoute pas ce genre de musique, et je ne regarde pas la TV ni n'écoute les infos.

H. : Quand Bob Dylan écrivait des protests songs, c'était nouveau. Maintenant c'est bourré de clichés… quant à le faire, autant que ce soit bon. Ca ne sert à rien de faire sa grande gueule, ça ne veut plus rien dire aujourd'hui, ce n'est plus radical. Il faut essayer de faire autre chose. La seule chose que ça veut dire, c'est que je fais partie de la société, et donc que je fais partie de la majorité.

Est-ce que la musique, le rock peut quand même encore, selon vous, jouer un rôle politique ?

H. : Elle peut jouer un rôle, mais ce n'est plus comme dans les années 60, quand la culture jeune pouvait faire passer un message par la musique, comme lors de la guerre du Vietnam. Mais ça n'arriverait plus aujourd'hui. Maintenant les temps ont changé : c'est le capitalisme, et tout le monde est d'accord pour amasser du blé, de quoi vivre confortablement et acheter des bières. C'est cela qui unit aujourd'hui les gens : ils ne sont plus unis par une protestation contre la guerre.. Il faudrait trouver des choses plus radicales, qui créeront un choc… Les choses sur lesquelles on s'appuyait dans les années 60 ne signifient plus rien aujourd'hui.

Pensez-vous pouvoir créer un tel choc, comme dans les années 60 ?

H. : Ce qui est intéressant à notre époque, c'est qu'on ne peut rien prévoir, tout est incontrôlable. Le seul départ confortable pour moi, c'est le nihilisme. Tout le monde est d'accord pour dire que la démocratie est quelque chose pour laquelle il faut lutter. En ce qui me concerne, je pense que c'est de la merde, mais bon… Si on est d'accord pour dire que la liberté est synonyme de démocratie et qu'il faut lutter pour ça, pour finalement se rendre compte que le genre de société qu'on veut est celle qui promeut un haut standard de vie, alors il faut vraiment accepter beaucoup de choses… Et c'est la merde. Nous devenons avides et peu scrupuleux, alors que c'est ce que nous avons construit. Si on y est opposé, il faut se mettre sur le coté. Et c'est ce qu'on fait. On joue de la musique, point barre. En regardant le monde voguer à sa perte.

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