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Le monde enchanté d Emilie Simon Spécial

Écrit par - Grégory Escouflaire et Grégory Carette -

Emilie Simon est un sacré petit bout de femme. Une femme-enfant (24 ans, une voix acidulée). Une femme-papillon (timide, précieuse et fragile, comme sa musique, elle ne se laisse apprivoiser qu'avec inquiétude, trop soucieuse de préserver son petit monde à elle). Une femme qui vient de sortir un premier album délicieux, entre chanson française et expérimentation électronique, plein de perles pop et de miniatures électro-folk. Cet univers qu'elle s'est tissé durant sa jeunesse, entre ses passages au Conservatoire et à l'Ircam, n'a pas d'équivalent dans le paysage français. Au mieux pourrions-nous la comparer à Björk, pour cette aisance à manier l'évidence pop et la recherche sonore, à Stina Nordenstam, pour le timbre mutin, à Kate Bush, pour cet obsession farouche d'indépendance. Parce qu'Emilie Simon a composé cet album magnifique toute seule, sans aucune aide extérieure (ou presque). Pour préserver son monde à elle. Comme le papillon, qui, avant de déployer ses ailes et de s'envoler, connaît un long processus de maturation, de la chrysalide à la lumière. Et de lumière, cet album n'en manque pas, de ce " Désert " pas si aride à cette " Chanson de Toile " presque baroque, où l'on entend la voix d'Emilie (Jolie) épouser avec grâce les souffles d'une flûte puis d'un violoncelle. Idem sur " Il Pleut ", où le chant sonne comme l'eau qui s'écoule dans les rigoles lors d'une averse. Cette pluie remplace même la structure rythmique, comme si la jeune Emilie avait fait rentrer la nature sur sa table de mixage, son jardin secret. Rarement ces derniers temps aura-t-on entendu de si jolies chansons, menées à la baguette (magique) par une fée de studio. La poudre de pimprenelle qu'utilise Emilie pour rendre ses chansons si belles, c'est d'abord une impressionnante culture musicale (des Stooges, qu'elle reprend ici avec grâce, à Stockhausen), mais surtout une maîtrise évidente de la technique et de l'électronique, de la composition au mixage (secondée alors par Markus Dravs, collaborateur de… Björk). Mais attention : Emilie Simon n'est pas une souris de laboratoire. Son univers, malgré cette dimension de création en bocal (le studio), ne sent jamais le renfermé… Au contraire : cette musique délicate émeut et surprend, parfois même s'effarouche (" I Wanna Be Your Dog "), mais jamais ne déçoit. Le monde enchanté d'Emilie Simon n'a pas son pareil pour nous donner des frissons, et nous retourner (dans tous) les sens. C'est dire qu'après notre rencontre, nous étions tout chamboulés…

La musique, c'est une vieille passion ?

Mon père était ingénieur du son quand j'étais petite. Il y avait pas mal de passage de musiciens à la maison, ça a conditionné un peu mon goût pour la musique… Ensuite j'ai été au Conservatoire assez jeune, tout en essayant de m'exprimer à travers plusieurs mediums musicaux différents, que ce soit le rock, le jazz, la musique contemporaine, la musique classique et l'électro… Ca m'a aidé à construire ma musique.

On sent effectivement toutes ces influences sur ton disque, notamment au niveau de ta voix, souvent trafiquée. Est-ce que ça vient de ton expérience de Conservatoire, de la musique concrète ?

Non, pas vraiment… L'idée de trafiquer les voix était d'utiliser tous les paramètres physiques qui constituent le timbre, d'utiliser la voix comme un instrument électronique, mais d'une manière naturelle.

Justement dans " Il pleut ", on a l'impression que tu utilises ta voix pour la faire sonner comme des gouttes de pluie... Idem dans " I wanna be your dog ", où ta voix ressemble à un aboiement.

Sur l'album, il n'y a pas un seul effet qui se répète… Que ce soit dans " Il Pleut ", " I wanna be your dog " ou " Secret ", chaque effet est adapté au morceau. Mais en même temps, la voix peut être très sèche, par exemple dans " To the dancers in the rain ", où il n'y a aucune reverb. C'est aussi important que la voix soit parfois brute, naturelle.

Pour en revenir au Conservatoire, cette démarche fait un peu penser à celle de Karlheinz Stockhausen et de son fameux " Gezang der Jünglinge ".

C'est sûr qu'il y a un lien. Cette oeuvre m'a beaucoup marqué, parce qu'il y a ces voix d'enfants et ces bruits de cloches qui s'entremêlent, il y a un véritable travail sur le spectre. C'est ce que j'ai essayé moi-même de faire ressentir dans " Chanson de Toile ", avec ma voix qui se transforme en flûte ou en violoncelle. A cet égard, c'est sûr qu'on peut dire que " Gezang der Jünglinge " a été une vraie révélation.

On sent clairement chez toi un impressionnant bagage musical ! On suppose donc que la structure musicale vient avant le reste.

Je ne fais pas vraiment de différence entre le texte et la musique, parce que pour moi le texte fait partie de la musique. Le texte possède des consonances et des sonorités qui mettent en valeur des hauteurs, des mélodies. Je n'écris pas des textes pour dire quelque chose, seulement pour mettre en valeur la musique. La plupart du temps, j'utilise des images, en général très imaginaires… Jamais pour dire ce qui m'est arrivé dans la journée.

Ce qu'on ressent en écoutant ton album, c'est que tout semble fort réfléchi, du début à la fin. Ca a du te prendre un temps fou ! ?

C'est vrai que j'ai passé beaucoup de temps sur cet album, mais j'adore ça ! Je me régale à passer du temps sur mon ordinateur, sur mon piano, à écrire,…

Combien de temps a duré l'enregistrement ?

Trois ans à peu près, entre le moment où j'ai écris les premières chansons de l'album et la finalisation. Mais ceci dit, " Vu d'ici " est un morceau que j'ai écrit quand j'avais 15 ans, mais que j'ai seulement achevé l'année dernière…

Tu chantes à la fois en français et en anglais. Pourquoi passer comme ça d'une langue à l'autre ?

Je ne sais pas. J’a plutôt une culture pop anglo-saxonne. Je n’ai pas grandi avec la variété française, donc forcément, c’est plus naturel pour moi d’écrire en anglais. J’écris comme ça vient, et ça vient d’abord en anglais.

Cette reprise des Stooges, c'est donc un souvenir de jeunesse ?

C'était un peu la chanson culte de la bande de copains que j'avais, qui revenait tout le temps pendant mon adolescence et que j'adore. C'est pour ça que j'ai voulu la reprendre sur mon album.

Cette façon de mixer expérimentation et musique pop est en tout cas la preuve d'un univers personnel atypique. A part ta culture pop anglo-saxonne, est-ce qu'il y a quelqu'un en France dont tu te sens proche ?

Pas vraiment… En ce qui concerne les textes, je serais peut-être marqué par Gainsbourg, mais c'est vraiment bateau parce que je ne suis pas très spécialisé dans ce qui se passe à l'heure actuelle en France. Je travaille davantage l'introspection : sortir ce qui est en moi plutôt que m'inspirer de l'extérieur.

Et au niveau musical ? On a déjà cité Stockhausen, mais on pense aussi à Björk, Leila, Stina Nordenstam, Anja Garbarek,…

Je comprends qu'on puisse rapprocher nos démarches, mais ma musique n'a rien à voir avec elles.

Comment te situes-tu dans l'univers de la chanson, française en particulier ?

Je m'y sens bien ! J'ai l'impression que ce que j'ai essayé de faire passer touche les gens ou du moins certaines personnes… Ca me conforte dans mon rôle musical, ça précise un peu mon idéal musical. C'est important d'avoir des choses à dire, surtout quand on a la chance de parler à des médias qui vont diffuser ces informations… J'ai envie de diffuser un message positif et créatif. Dire qu'on peut faire de la pop, et faire des chansons, et être chez Universal, et le faire comme on veut, du début à la fin.

Comment s'est faite la rencontre avec Perry Blake ? C'était une volonté de ta part de travailler avec lui, parce que tu sentais son univers proche du tien ?

Je l'ai rencontré un peu par hasard dans un concert, une amie en commun nous a présenté et on a commencé à discuter. C'était la première fois que je l'entendais chanter, et j'ai directement senti qu'il y avait vraiment quelque chose à tenter avec lui sur " Graines d'étoiles " et qui pourrait l'intéresser, qu'il y avait une place sur ce morceau pour sa voix. Je lui ai donc proposé, il a bien aimé, et on a enregistré le morceau.

A part cette collaboration, c'est un album 100% Emilie Simon, où tu t'es entourée d'autres personnes ?

Il y a des choses qui ont été partagées ponctuellement, dans un but spécial. Mais sur la longueur, c'est un travail vraiment personnel. David Maas a coécrit " Désert " et " Dernier Lit ". Puis il y a bien quelques instrumentistes qui ont participé, mais surtout au stade final. Quant au mix, il a été fait par Marcus Dravs. On s'entend très bien, on a vraiment formé une bonne équipe, parce que j'avais besoin d'être épaulée à ce moment-là. En fait j'ai vraiment essayé de collaborer avec des gens quand j'en avais envie, besoin, pour des questions précises.

L'aspect de recréation en live est également important.

C'est vrai, mais en même temps j'ai envie en concert de garder l'esprit des chansons, parce que chacune a son univers, ses couleurs. J'essaie de conserver l'essentiel du caractère respectif de chaque morceau, tout en les ouvrant davantage aux instruments, à l'interprétation live. Ca donne finalement beaucoup de liberté, comme si c'était une extension de l'album. C'est un autre éclairage.

Avec ce premier album, Emilie Simon vient d'accoucher d'un petit chef-d'œuvre, qu'elle aimerait sans doute garder jalousement, mais qu'elle nous offre en fin de compte avec bonheur, et humilité. Au moment de la quitter, tout émoustillés par ce sympathique échange, nous ne pouvions que nous incliner. Cette jeune fille est charmante. La prochaine fois, c'est sûr, on lui apportera des fleurs.

 

 

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