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C’est dans l’imperfection que se fait la perfection… Spécial

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Pour introduire cette interview, on va simplement vous rappeler l’essentiel de ce que vous avez déjà lu ou entendu, dans la presse spécialisée ou non, au sujet de “Liquid love”, le 3ème  opus de The Experimental Tropic Blues Band. Cet elpee a donc été enregistré sous la houlette de Jon Spencer. A New York. Au sein des studios de Matt Verta Ray (Heavy Trash). Et pas de prises digitales, mais comme autrefois, analogiques. Deux ou trois maximum. Afin que les compos soient les plus spontanées possibles. Le titre de l’album ? Inspiré d’un club de rencontres entre ‘blacks’, sis sur la Bedford Avenue, au sein duquel, Jon les avait invités. Un choix judicieux, puisque les lyrics parlent de sexe et de fantasmes. Et le reste, on vous invite à en prendre connaissance, en compagnie de Jeremy, alias Dirty Wolf, rebaptisé Dirty Coq, qui nous a accordé cet entretien à Liège, deux jours après le concert du trio, accordé au Magasin 4 de Bruxelles, c’est-à-dire ce 26 novembre.

Et inévitablement, il était intéressant de savoir comment s’était déroulé leur set. Réponse : « Perso, j’ai vraiment pris mon pied, comme je ne l’avais plus pris depuis longtemps ; enfin je veux dire comme je le prends rarement. En tous cas, sur la scène, c’était très bien, très intense aussi. Maintenant, je n’étais pas au sein du public. Mais après le concert, j’ai croisé de nombreux spectateurs qui m’ont avoué avoir adoré notre prestation. Et toute la soirée, dans son ensemble, s’est parfaitement déroulée. Une affiche très rock ’n roll, entamée par les Magnetix et clôturée par DJ Ponpon et Bronco Billy. Une belle fête, du début à la fin. Partagée par le public… »

On entre maintenant dans le vif du sujet. Et tout d’abord le recours aux bandes analogiques, lors des sessions d’enregistrement. « C’est différent. On n’avait jamais enregistré sous cette forme. Et au début, on a été un peu effrayés, parce quand tu te plantes, tu te plantes. Tu ne sais pas rectifier les erreurs aussi facilement qu’en digital. Bref, tu disposes de bien moins de marge d’erreur qu’en numérique. Mais finalement, les sessions se sont plutôt bien déroulées. En y laissant nos qualités et nos défauts. Et puis on y a gommé toutes les fioritures. Ce qui rend le disque plus humain… La différence entre l’analogique et le numérique ? C’est que l’analogique, ce n’est pas parfait. Et c’est dans l’imperfection que se fait la perfection. La magie, en tout cas. C’est dans l’imperfection que la magie prend naissance… » Pourtant, les trois musicos sont des éternels insatisfaits. Aussi, avec le recul, qu’auraient-ils changé à cet album, maintenant qu’ils ont eu le loisir de le réécouter ? « Bonne question ! Parce que lorsque tu as réalisé deux albums, tu cherches à ce que le suivant soit parfait. Que les vocaux soient impeccables. De ne pas faire une seule erreur, même au niveau du rythme. Et là on s’est retrouvé en studio, en compagnie d’un mec qui nous dit d’y aller à fond ; et que si on se plante, c’est tant mieux. Et il y a des tas de morceaux où on s’est planté. Où ça sonne faux ou on pète une corde. Et il nous disait que c’était bon. Tu imagines, après ces incidents, on était un peu interloqués, en se demandant s’il n’était pas dans l’erreur. Je crois que c’était en mars que nous étions en studio (NDR : il s’adresse à JF, qui opine de la tête) ? Après ce laps de temps, on a un peu digéré cette aventure. Et finalement, je pense qu’il avait totalement raison de nous pousser vers la déglingue. Car en ‘live’, c’est ce qui correspond à notre identité. Ce n’est pas parfait. C’est même loin d’âtre parfait. Notre musique passe plutôt dans l’énergie et dans l’émotion. Et c’est ce qu’il a voulu reproduire en studio. Il a récupéré notre énergie et notre émotion pour l’immortaliser sur un support. Finalement, je n’ai aucun regret. Et je ne changerai rien à ce disque, parce que Jon a vraiment bien fait son job… » Alors, à l’avenir, le groupe a-t-il déjà une petite idée du prochain producteur, en compagnie duquel, il aimerait travailler, pour enregistrer leur futur elpee. La réponse fuse : « Le prochain ? Ce sera nous trois. Parce qu’en enregistrant ce disque, on a appris énormément. Vraiment. Aujourd’hui, nous sommes suffisamment mûrs pour se charger de ce boulot. Nous ne serons plus dans nos petits souliers, quand on pénètrera dans un studio d’enregistrement. Nous ne serons plus honteux, parce qu’on n’est pas super bien en place. C’est cette spontanéité qui va faire notre force. Et on sera tout aussi bien capable de la traduire sur un support… »

Jon Spencer a produit l’elpee. Mais s’est-il également investi au niveau instrumental. Un peu de theremin ? Des claviers vintage ? Des interventions à la guitare ? Ou quoi encore ? « Il ne joue pas de claviers, mais c’est lui qui nous a proposé d’en jouer. Des idées un peu improvisées. Il imitait un motif de la voix. Et après il fallait le reproduire. Puis on recherchait les notes avec lui. Et quand c’était à son goût, on pouvait foncer. C’est vrai que le clavier, c’est pas habituel chez les Tropics. Mais c’est aussi la raison pour laquelle on lui a demandé de produire le disque. Afin d’avoir des idées qui sortent de l’ordinaire. Avant de le rencontrer, ce genre de fantaisie ne nous aurait même pas effleuré l’esprit… Et il n’y a pas de theremin. En fait, ce sont des sonorités produites par les nouvelles pédales de disto. Après les avoir enclenchées, il suffit de moduler le bouton de volume pour obtenir le même résultat. Par contre, oui, il joue de la guitare ; et notamment sur ‘Do it’. C’est lui qui se réserve le solo. Sans quoi, il participe essentiellement aux chœurs et aux voix criées… »

Un détail qui permet de passer au chapitre suivant. L’analyse des plages de ce ‘Liquid love’. Dont la compo la plus influencée par Jon est manifestement ‘Nothing to prove part 2’. Pas dans l’esprit du Spencer, mais plutôt de Pussy Galore. « Tout à fait. Parce qu’il n’était pas convaincu du refrain proposé par Jean-Jacques. Et il lui a proposé une autre ligne vocale. Et elle est clairement estampillée Jon Spencer (NDR : il la reproduit au chant). Je veux dire très rythmique… » Quant à ‘Keep this love’, c’est incontestablement la compo la plus radiophonique de l’opus. Un peu ragtime, très country & western, mais sous une forme qui peut rappeler Johnny Cash. Jeremy acquiesce : « Johnny Cash, Buddy Holly. Ces légendes issues des 60’s. Un peu, c’est vrai. Et c’est assez curieux, car quand on l’a enregistré, on n’y pensait même pas. On a limité l’instru à une gratte, un harmo et une boîte à rythmes. Mais c’est après l’avoir enregistré qu’on s’est seulement posé des questions. Enfin, c’est Jon qui nous a dit que cette compo lui rappelait Johnny Cash. Mais c’est aussi lui qui a voulu qu’elle sonne ainsi. Car la musique, ce n’est qu’une question de son. Je veux dire que si quelqu’un d’autre enregistrait cette chanson, elle ne ressemblerait pas du tout à du Cash ou du Holly… » Après l’entretien, dans la voiture qui me reconduisait au centre de Liège, je me suis quelque peu entretenu avec JF. Justement au sujet de cette compo, qui pourrait, vu son sens mélodique, passer en radio. Et même faire un hit. J’ai donc été très étonné d’entendre que chez Pure FM, on estimait que le son n’était pas assez propre. Sans commentaire…

Lors des sessions, le trio a donc eu recours à une boîte à rythmes, on vient d’en causer, mais aussi à l’électronique, malgré l’immortalisation sur bandes analogiques. Et c’est manifeste sur ce fameux ‘Do it to me’, dont nous parlions en début d’interview. Mais sous une forme épileptique, abordée dans l’esprit de Suicide. « Encore une fois, et je le répète, lorsqu’on a composé ce titre et quand on l’a joué, on ne ressentait pas cette influence. Elle est apparue postérieurement. Jon nous avait confié, que si jamais, pour un morceau, nous souhaitions emprunter une certaine direction, de lui signaler. Il voulait qu’on lui cite des noms d’artistes. On lui a lancé, Suicide, Alan Vega. En fait, je pense que nous avons émis cette idée au même moment. C’était comme une évidence. Et sur cette piste, il y avait un long passage au cours duquel il y avait comme un vide. On se demandait ce qu’on allait bien pouvoir y insérer. Alors Jon a pris sa guitare et a branché son ampli. Il a joué un solo. Il nous a demandé si son intervention nous bottait. Et puis de la reproduire. On n’a pas insisté, on lui a répondu que la sienne était impeccable… » Les deux titres les plus frénétiques du long playing sont ‘Break up’ et ‘Sex games’. Dignes de Bad Brains. Un pur hasard, car finalement, ils ont été initiés par le drummer qui adore ce type de rythme. Par contre, après avoir écouté ‘Worm wolf’ et ‘Holy peace of wood’, il est clair que le groupe a cherché le lien manquant entre Captain Beefheart et Prince. « Très bien vu ! En fait pour ‘Worm wolf’, l’idée est née en studio. La compo n’aurait pas dû être enregistrée sous cette forme ; on devait uniquement entendre ma grosse voix (NDR : il la reproduit, à titre d’exemple). Mais lors de l’enregistrement, il en fallait une ‘témoin’. Et simultanément, en ‘off’, je chantais faiblement, de manière aigüe. Et Jon a dit que ça tuait. Qu’il fallait utiliser ma voix sous les deux formes. Quand au funk, il touche surtout ‘Holy peace of wood’. Une rencontre entre Prince et Captain Beefheart ? C’est ce qui s’est dit à New York… » Si le meilleur burger se prépare avec un gros morceau de punk, saignant à souhait, en y mettant beaucoup de sauce piano dessus, on se demandait quand même où les Tropics étaient allés pêcher un titre comme ‘TETBB Eat Sushi’. Pas au Japon, en tout cas ! Jeremy s’adresse à JF : « Dis tu l’as briefé avant ? » JF répond par la négative… Et notre interlocuteur de poursuivre : « Au départ ce morceau était instrumental. Et il n’avait pas de titre. En fait, tous les midis, Jon nous emmenait dans un resto différent de New York. Et nous sommes allés manger des sushis. Bref, lors de l’enregistrement de ce morceau, il a indiqué sur une pancarte, ‘TETBB Eat Sushi’. Il l’a brandie, derrière la vitre ; et il nous a dit, c’est ce que vous allez déclarer dans la chanson. Il ne nous l’a même pas proposé, mais imposé… »

Alors, ‘Liquid love’, album charnière ou simple exercice de style ? C’est vrai qu’il est moins blues, plus roots et surtout sujet à des influences inhabituelles pour les Tropics. La question méritait quand même d’être posée. « Album charnière, parce que je pense qu’on s’est déplacé à New York pour l’enregistrer et qu’on s’est imprégné du climat de la ville. De sa puissance. Et puis on a enregistré en compagnie de quelqu’un qui est assez connu dans le milieu underground. C’est ce qui nous a permis de franchir une étape. Enfin, je ne sais pas. Peut-être qu’auparavant, nous étions dans une situation de recherche. Et elle nous a permis d’aboutir à cet album. Nous ne sommes pas un groupe qui proclame jouer du blues ou du rock. Notre éventail d’influences est tellement large. On ne se focalise pas sur l’une d’entre elles tout particulièrement. On répète. On interprète naïvement nos morceaux et puis on les enregistre. C’est tout. Bien sûr, ce disque est beaucoup plus dur, plus rock’ n’roll aussi. Mais ce n’était pas conscient au moment de créer les morceaux. On les a composés, suivant le processus habituel. En répète, on crée un riff. Et il sert de base au morceau. Ensuite on passe au suivant. Maintenant, il est probable que nous allons prendre cette direction, par la suite. Enfin, je n’en sais trop rien, si ça tombe, on va s’engager dans une voie plus électro (rires)… »

Et Jeremy a confié un scoop à Musiczine. Pas le fait qu’il soit bleu du dernier album de Tom Waits. « Il me troue le c**. C’est un pote qui m’a informé de sa sortie. Il n’était pas trop emballé. Or, je possède tous ses disques en vinyles. Je suis allé l’acheter, simplement pour compléter ma collection. Et j’ai pris une claque comme c’est pas possible. En fait, si je l’apprécie autant, c’est sans doute parce que mon ami m’avait dit qu’il n’était pas terrible. C’est comme lorsque tu vas au cinéma voir un film que l’on t’a vivement conseillé. Faut que t’aille le voir ! Et quand t’es devant l’écran tu déchantes. Il n’est pas à la hauteur de tes attentes. Parce que tu es influencé. Et là, à l’inverse, l’avis négatif a rendu mon opinion positive. C’est mon disque de chevet, car il baigne dans un univers remarquable, unique en son genre. Et chez les Tropics on essaie de créer le nôtre. Je trouve que le plus important, dans la musique, c’est d’incarner un univers. Peu importe comment tu y parviens, avec ton corps, ton cul, ta bouche ou en te frappant dessus, l’essentiel dans la musique c’est d’incarner un univers. » On en vient quand même au scoop : « En fait, après les sessions, il nous restait encore deux jours à passer à New York et Jon m’a demandé d’enregistrer ma voix sur un morceau de Heavy Trash. Attention, il m’a précisé qu’il ne savait pas si mon intervention figurerait sur la version finale. C’est à l’état de démo. J’y parle de sexe (NDR : on y revient !), mais en français, pendant 2’30, à la manière de Serge Gainsbourg. C’est ce qu’il souhaitait. Touchons du bois pour que ce soit sur le disque… »

(Album « Liquid Love », paru chez JauneOrange ce 14/11/2011)

 

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