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La peur de l’inconnu, c’est dans la nature humaine… Spécial

Écrit par - Bernard Roisin -

Trois ans de silence radio pour Siouxsie & The Banshees et enfin s'annonce le successeur de « Superstition », dernier effort studio du groupe, à ce jour. Rencontrée dans un grand hôtel parisien, Siouxsie Sioux, grande prêtresse du band, évoque ses projets, la musique en général et sa collaboration avec John Cale, qui produit le nouvel album, « The Rapture ».

Confortablement installée sur un sofa moelleux, ses longs cheveux noirs ramenés en chignon, le visage couvert d'une couche épaisse de fond de teint (elle est tombée dedans, à mon avis), ses grands yeux fixant vos moindres mouvements et vos plus discrètes réactions, Siouxsie Sioux se confie paisiblement. Elle avoue une grande admiration pour John Cale et explique le choix de ce dernier comme producteur.

Nous avons terminé l'enregistrement de l'album, au cours de l'été 93. Peu de temps après, nous devions nous produire dans plusieurs festivals. Avant notre départ, je suis allée à Paris pour vivre le concert du Velvet Underground : un des meilleurs shows auquel je n’ai jamais assisté. Ensuite, nous nous sommes embarqués pour cette tournée de festivals : Reading, le Portugal, la Grèce etc... Quand tout s’est terminé, j'ai réécouté « The Rapture ». Il comptait neuf titres à l'époque, et j'ai eu le sentiment qu'il n'était pas achevé. Je voulais y ajouter d'autres morceaux. La firme de disques était prête à sortir le CD, mais j'ai refusé. Je voulais disposer d’un peu plus de temps, écrire d'autres chansons, et peut-être rencontrer quelqu'un susceptible de le finir, parce que jusque-là, nous l'avions produit entièrement nous-mêmes.

6 mois de recherches

Vous avez cherché longtemps?

Pendant six mois! La maison de disques nous suggérait des titres... débiles! Ils prenaient la liste des hit-parades et disaient: " Voyons un peu... qui s'en sort bien? ". Les noms étaient suggérés en fonction du classement!! Bref, on commençait à devenir nerveux... A la même époque, Budgie et moi devions nous rendre à Paris. Nous avions été invités par Hector Zazou (Sahara Blue) pour participer à quelques sessions de son nouveau disque, « Songs From the Cold Sea », une œuvre consacrée à des chants lapons norvégiens, de la mer des pays nordiques... Une très belle idée à laquelle je prête ma voix. Un dimanche de février, nous étions en studio. Et là, nous avons appris que John Cale devait venir chanter sur un des morceaux. Nous l'avons approché.

Sa réaction?

Il était très flatté, mais il désirait d'abord écouter une cassette avant de s'engager. Nous nous sommes rendu compte qu'il était fort occupé : musiques de films, composition d'un opéra, réalisation d'un nouvel album... Il a écouté la cassette et a conclu: ‘Je serais enchanté de produire votre disque, mais tentons d'abord de trouver un moment pour s’y mettre’. Il a débarqué à Londres fin mars, début avril. Nous avons opéré les réenregistrements et mis en boîte les chansons que nous avons composées avec lui. En une semaine, tout était terminé! Puis nous nous sommes repartis à New-York où John connaissait un studio pour remixer les morceaux enregistrés, ainsi que « Fall From Grace » qui demandait à être retravaillé. Voilà pour l'histoire...

Quels sont les avantages et les inconvénients de l'autoproduction?

J'avais l'impression que nous avions perdu une partie de notre âme sur « Superstition » : trop de computers, de mixages, etc. Cette succession de traitements avait fini par dénaturer notre musique ; et puis je ne voulais plus entendre parler de boîtes et de machines. En 92, j'ai définitivement quitté Londres pour m'établir en France. J'ai emmené avec moi tout le groupe et nous nous sommes  installés dans ma nouvelle demeure. J'avais des idées très précises sur la façon dont je concevrais ce nouvel album. Nous l'avons produit nous-mêmes, nous avons pu faire sonner les morceaux exactement comme ne le souhaitions. Le problème, c'est que lorsqu'on travaille intensivement sur un projet, on ne peut plus le mettre en perspective et prendre le recul nécessaire. Nous avons compris qu'il nous fallait quelqu’un d’extérieur pour superviser le travail. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à John Cale de nous épauler. C'est quelqu'un que nous respectons et qui a engendré chez moi une confiance que je n'aurais ressentie avec personne d'autre. Je crois qu'on peut dire qu'il y avait entre nous une vraie complicité : il était très facile de lui expliquer ce que nous voulions.

Facile d'intégrer des instruments comme le violoncelle et l'accordéon dans votre musique?

Oui, parce que Martin est accordéoniste de formation. Il s’était surtout chargé des synthés sur « Superstition ». Je lui ai demandé de jouer du violoncelle, parce que c'est un instrument plus physique: on peut facilement entendre les cordes et l'archet ; et de plus il peut être utilisé de façon très agressive. Sa place est importante dans la construction du son de l'album.

Ce projet semble plus calme et reposé ?

Il est certainement plus relax. Nous nous sentons beaucoup plus en paix avec nous-mêmes qu'avant. Mais cet album a ses humeurs; il commence de façon très innocente et stupide (« O Baby ») mais il évolue ensuite au fil du voyage au pays des sentiments, des dilemmes sur la vie et l'amour…

Avez-vous déjà pensé à changer complètement le style de votre musique?

Non, parce que je ne conçois pas Siouxsie & The Banshees comme un concept limité par ses influences… Nous n'avons jamais prétendu être un groupe de jazz, de rock ou une formation punk ou blues. Nos goûts sont très éclectiques. Si nous entendons quelque chose d'intéressant, nous essayons de le réinterpréter à notre façon: nous reprenons à notre compte plusieurs styles sans jamais les parodier.

Creatures

The Creatures, est-ce une sorte d’échappatoire aux Banshees ?

Perso, The Creatures est un projet beaucoup plus simple et dépouillé que les Banshees : c'est un croquis par rapport à une peinture à l'huile. C'est rapide, ce sont des percussions et des voix, c'est instantané ; l'approche est plus simple, on s'embarrasse moins de détails.

Mais un croquis peut être très réussi?

Oui, bien sûr. Je ne donne pas l'avantage à l'une ou l'autre formule. Mais The Creatures est un travail spontané et vite fait.

Peut-on espérer un nouvel album des Creatures?

Oui, mais je ne sais pas quand, dans un an ou deux...

La musique des Creatures utilisait des ingrédients de la world music...

Les Creatures intégraient des influences espagnoles, et des séquences de tambours japonais, dont Budgie est grand amateur.

Comment jugez-vous la musique actuelle de Robert Smith ?

Je ne l'écoute pas. Je ne juge personne.

Vous n'aimez pas ce qu'il fait?

Je ne connais pas son emploi de temps. Il a été guitariste des Banshees durant quelques mois, il y a très longtemps. Je n'ai plus de contacts avec lui.

Vous jouez de la musique depuis longtemps... N'y a-t-il, à vos yeux, pas quelque chose d'injuste dans le statut de musicien rock confirmé? En comparaison avec le blues, le jazz et la musique classique, plus un rocker dure, plus les gens ont tendance à se méfier de lui...

C'est une ‘disposable attitude’. Sans doute parce que le culte de la jeunesse est très important ! Pour ceux qui baignent dans la musique rock, le fait de vieillir pose problème: ils n'acceptent pas que ce qu'ils écoutent vieillisse aussi. Donc ils mettent une date de péremption sur tous les produits musicaux qu'ils écoutent. Ils refusent d'évoluer. Mais c'est leur problème.

Sur l'un des morceaux, « The lonely one », on remarque la présence d’un accordéon et puis d’une voix qui s’exprime en français. Un hommage à la France, pays où vous vivez à présent?

Non pas vraiment. En fait, c'est John Cale qui a suggéré l'idée. Elle s'intégrait bien au morceau, il n'y a pas d'autres significations. C’est un peu cliché, mais il était amusant de jouer avec cette fausse image de la France qu'ont les Anglo-Saxons.

Pauvre scène anglaise

Quel regard portez-vous sur la scène anglaise actuelle?

Je crois que la presse britannique est un élément destructeur. Les journaux musicaux y tentent désespérément de trouver ‘the next big thing’, la prochaine sensation. De jeunes groupes se retrouvent ainsi à la une alors que leur premier single vient à peine de sortir. Le poids à porter subir pour ces artistes est énorme pour la suite de leur carrière qui vient à peine de commencer. Ils sont portés au pinacle instantanément pour être aussitôt descendus en flammes et oubliés au plus vite.

C'est dommage, parce que la scène anglaise a toujours joué un rôle important dans la musique rock?

Oui, mais plus maintenant! Le public écoute plus volontiers des formations ou des artistes américains, aujourd’hui. Et c'est inévitable. Pour deux raisons: d'une part, aux States, il existe la tradition des ‘colleges radios’ ; d'autre part il faut analyser la façon dont les maisons de disques et la presse musicale anglaises se comportent. J'espère que les Anglais se réveilleront bientôt et mettront fin à ce phénomène. Les groupes eux-mêmes doivent être assez intelligents pour prendre leurs distances vis-à-vis des médias et se protéger.

Un nouveau courant, baptisé nouvelle vague de la nouvelle vague, serait occupé de prendre la relève, en Angleterre. Votre opinion?

C'est un signe d'appauvrissement, je pense. Mais ce phénomène renvoie à mon opinion sur la presse musicale anglaise qui veut être la première à dénicher la nouvelle ‘hype’ et pouvoir annoncer que c'est à la mode. C’est le résultat de la compétition entre les magazines. Si j'étais un de ces groupes, je détesterais cette appellation, comme d'ailleurs je détestais qu'on nous définisse comme un groupe punk. Qu'est-ce que cela signifie? Trop limité et si pratique pour les paresseux qui manquent d'imagination. On ne laisse pas les gens décider eux-mêmes, j'ai horreur de ça!

Pourquoi le public accepte-t-il très difficilement qu'un artiste change de style, non pas par pur intérêt commercial, mais simplement parce qu'il vieillit et que son approche musicale change au fil du temps?

Les gens, bien qu'ils vous conseillent d'évoluer et de changer, sont coincés par leurs habitudes, ont tendance à écouter ce qu'ils connaissent et n'aiment pas trop l'inconnu. C'est une sorte de filet de sécurité. Ils sont, en fait, très conservateurs. C'est comme ceux qui voyagent : un Anglais au Maroc veut trouver un endroit où on vend des fishs & chips, un Français, un restaurant de cuisine française... C'est incroyable et triste à la fois : l’être humain a peur de l’inconnu. Cette réaction appartient sans doute à la nature humaine.

(Article paru dans le magazine Mofo n°30 de février 1995)

 

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