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Le ridicule du sérieux… Spécial

Écrit par - Geoffroy Klompkes -

Dans le jargon journalistique, il y a, en matière d’interviews, les bons et les mauvais clients. A ces derniers, il faut tirer les vers du nez, poser 15 questions pour obtenir 10 malheureuses lignes écrites. Neil Hannon, alias Divine Comedy, lui, est un des meilleurs clients! Il suffit de lui lancer quelques mots en pâture et ce sera toujours intelligent, pertinent et drôle... Car le bonhomme ne se prend jamais au sérieux et il semble toujours hésiter entre une belle formule ou un bon mot. A Paris, peu avant un excellent concert au Trianon, il a parlé de « Casanova », bien sûr, son nouvel album, mais aussi des précédents et de son désastreux concert au Botanique, accordé en septembre dernier.

Scott Walker, mon grand fan

Pour « Promenade », le précédent album, tu avais avoué avoir beaucoup écouté Philip Glass et Mychael Nyman. Qui cette fois?

Je ne prends jamais la décision consciente d'écouter quelqu’un de bien précis pour ensuite le copier : ce serait lamentable. Mais il y a toutefois des influences évidentes: Burt Bacharach, John Bany et... Scott Walker, comme toujours. C'est mon grand fan.

Vraiment?

C'est ce que tu es censé écrire (rires). Il a dit des choses assez gentilles à mon sujet. Des journalistes ont dû l'acculer dans un coin et lui demander de citer un artiste contemporain qu'il aime! Et comme il a reçu tous mes CD, il a dû citer mon nom. Il a dit ‘Divine Comedy, ils sont très bons. Je ne les ai jamais entendus, mais ils sont excellents.’

Que dirais-tu de ta vie?

Quand je réécoute « Promenade », je repense à tous ces jours passés au lit dans le flat de mon frère à Ealing. J'avais écrit toutes les musiques mais je n'avais aucune idée pour les textes. Je suis juste resté couché des semaines entières. Et j'ai rêvé le tout. L'idée que des gens écoutent ce disque et pensent la vie merveilleuse que je mène, est vraiment absurde: j'ai vécu une époque épouvantable. Parfois, les plus belles choses naissent des pires! Ce sont des expériences rêvées bien plus que vécues. D'ailleurs, il faudrait un certain culot pour affirmer avoir volé (« Tonight We Fly »). J'aurais peut-être dû me jeter par la fenêtre?

« Tonight We Fly » terminait « Promenade ». Est-ce à dire que pour toi, le dernier morceau d'un disque est très important ? Est-ce le cas encore cette fois?

Sur la dernière chanson, je tiens à finir sur une note plus positive. Il est de mon devoir de ne pas déprimer les gens. Mon problème, c'est que j'ai beaucoup de chansons pour la fin de l'album et peu pour le début! Alors, cette fois, j'ai essayé d'écrire un morceau dans le but spécifique de commencer le disque... De là, ce « Hellooo », un peu ridicule ! « Casanova » est un album sérieux, mais ridicule aussi, par certains côtés. C'est toujours marrant de voir à quel point certaines personnes peuvent se prendre au sérieux. Moi, je ne rate jamais une occasion de me rendre idiot, de me tourner en bourrique. « Theme from Casanova » en est un exemple parfait : partir du rigolo pour arriver au divin. Les deux notions sont indissociables, comme le Ying et le Yang. Tu dois être sérieux, ce qui forcément te fait marrer. Et tu dois être sérieux quand il s'agit de rigoler. Cela dit, je ne suis pas un comique: je me contente de montrer du doigt le côté ridicule de la situation. Si je veux vraiment bien rire, je n'ai qu'à me prendre pour une popstar. C'est tellement absurde. Je suis juste ce petit bonhomme, fils d'un homme d'église. Je devrais sans doute suivre les traces de mon père mais je ne suis pas sûr que ce choix soit judicieux.

Sur ce morceau, « Theme From Casanova », tu donnes les crédits de l’album. As-tu hésité avant de te décider ?

Un peu et puis je me suis dit merde, allons-y! Il vient après « Through a Long and Sleepless Night » dont la fin est énorme et pompeuse. On dirait presque la musique de « Rocky ». Il fallait quelque chose de plus léger. Il y aura sûrement des gens très sérieux qui diront ‘Tu ne peux pas t’autoriser ça sur un disque. Tu es un artiste!’ M'en fous... Une précision au passage: ce n'est pas ma voix qui énonce les crédits, mais celle de mon claviériste.

Ce morceau commence comme de la musique d'ascenseur pour ensuite prendre une autre direction…

Oui et je suis assez content de ce titre. Il y a d'abord ces deux parties très ‘easy listening’ et un peu idiotes mais je ne savais pas comment conclure. Un ami s'est occupé des arrangements de cordes de cette finale. Ceux, stupides, du début sont de moi. On a ajouté ce bruit de tonnerre, ce qui communique ce sentiment de progression, de quelque chose qui grandit, grandit, pour soudain s'évanouir. Il fallait aussi que je case ma référence à « Pet Sounds »: de là, les aboiements de chien! Après, il y a encore cette chanson enregistrée en live avec un grand orchestre. Comme je ne cesse d'y dire ‘Goodbye, goodbye’, c’était difficile de la mettre au début... Et puis, je ne pouvais quand même pas finir sur ce « Theme From Casanova », cela aurait été trop nul.

Vraiment bizarre

Le texte de « Through a Long & Sleepless Night » est vraiment bizarre. Comment est-il né?

C'est une mélodie qui existait depuis 4 ou 5 ans. J'en ai toujours beaucoup qui me trottent dans la tête et dont je ne sais pas trop quoi faire. Apparemment, celle-ci attendait cet album-ci. Cela dit, je n'arrivais pas à lui trouver un texte, alors que tous les autres titres de l'album avaient le leur. Alors, j'ai rouvert mon carnet de notes de l'année dernière et j'ai mis ensemble tous les petits bouts que je n'avais jamais utilisés. Le procédé peut sembler paresseux mais il est intéressant... Je ne sais pas ce que j'ai à être aussi satisfait de moi. Dans les autres interviews, je n'ai cessé de trouver mes idées stupides. Pour celle-ci, je suis redevenu ce mégalomane égocentrique que je suis habituellement.

En fait, « Through... », c'est comme la traversée d'une nuit blanche et…

Au petit matin, tu allumes la radio, il y a un de ces stupides ‘Breakfast Shows’ où ils passent « Theme From Casanova». Le soleil se lève, tu entends les chiens aboyer dans les jardins... c'est affreux. C'est un concept-album! En fait, non, pas du tout, c'est un album qui respecte un thème, mais pas un concept-album.

Estimes-tu important qu'un album soit cohérent ?

Oui, pour moi, ce n'est pas qu'une collection de chansons que j'aurais, par hasard, écrites pendant une certaine période. Toutes les chansons font parties d’un tout ; c'est pourquoi il m'a toujours été difficile d'en extraire des singles. Enfin, cette fois, on le fera, parce qu'on veut faire rentrer un peu d'argent (rires). Il y aura sans doute « The Frog Princess » mais je ne suis pas sûr. Il faudra attendre... Mais tu en feras une excellente critique, tiens, voilà de l'argent...

A propos de cohésion, tu ne crois pas qu'elle est automatique quand les chansons ont été écrites au cours d’une même période ?

C'est sans doute le cas pour la plupart des artistes. Et pour moi aussi, vraisemblablement. Les textes sont le reflet des sujets de préoccupation réunis à un moment précis de l’existence. Quant à moi, j'essaie que ce soit un processus plus conscient. Le seul ennui, c'est que pendant l'écriture de cet album, je ne pensais qu'à une chose: au sexe !

Et comment te sentais-tu?

J’ai vécu pas mal de bon temps, à tourner en Europe. Mais je finissais toujours par me retrouver à Londres... sans argent! J’avais, comme toujours, tout dépensé. J'ai écrit la plupart des textes dans une piaule minable à Brixton. C'était assez déprimant. Je traversais des périodes où je me trouvais génial, et d'autres où je me trouvais à chier!

Quand écris-tu?

Il semble que ce soit toujours en hiver... Mais ce sera sans doute différent la prochaine fois, parce que je voudrais sortir un disque plus vite. Je n'aime pas disparaître deux ans, les gens ont tendance à m'oublier.

En concert, tu sembles toujours vouloir désamorcer une chanson trop sérieuse par une vanne. Par pudeur?

Je ne sais que répondre à cette question. Je suppose qu'il faut préserver une part de mystère. Tu as raison... Je ne peux pas me taper une dépression nerveuse chaque soir quand ma chanson devient trop personnelle… Comment Mark Eitzl d'American Music Club parvient-il à survivre, lorsqu’il part en tournée? Il semble à chaque fois déchirer son âme. Je ne pourrais jamais faire comme lui, je finirais en épave.

Ta musique est étonnamment ambitieuse pour quelqu'un de ton âge (25 ans). Vieillir te fait peur?

Non, non, au contraire, je suis impatient. Je pense avoir le cerveau d'un vieil homme (rires). Et donc, plus j'avancerai en âge, plus je me sentirai en accord avec moi-même. Du moins, je l'espère. En tout cas, je suis persuadé que mes meilleures années sont encore à venir. A moins que ça ne marche pas. Peut-être faut-il que je sois jeune? C'est vrai que cet album est terriblement ambitieux. Parfois, je me demande ce qui a bien pu me passer par la tête. Il y a quelque chose de trop gros, de presque boursoufflé. Mais si tu places la barre très haute, tu as peut-être une chance d'accomplir au moins la moitié du chemin. Parce que les contraintes sont si grandes, de temps et d'argent, qui te tirent vers le bas. Mais tu dois essayer. Plus c'est difficile, plus c'est intéressant.

(Article paru dans le magazine MOFO n°43 du mois de mai 1996)

 

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