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Sans langue de bois… Spécial

Écrit par - Stéphane Reignier -

C’est dans le cadre verdoyant du LaSemo que Cédric Gervy a accordé une interview à Musiczine. Un personnage particulièrement humain, disponible et d’une sincérité à toute épreuve. Sans langue de bois, il se livre au jeu des questions/réponses pour notre plus grand bonheur.

Les thèmes de tes chansons sont souvent dénués de tout stéréotypes et bien éloignés de ce fameux ‘compromis à la Belge’. N’est-il pas trop difficile de s’exprimer sous cette forme, où tout doit être politiquement correct ?

C’est une très bonne question ! Effectivement, je crains que mon discours puisse écorcher certaines âmes susceptibles. J’aborde des sujets qui peuvent effectivement parfois heurter la sensibilité des uns et des autres. La religion est un bon exemple ! L’exercice de style consiste à oser exprimer des propos virulents sur un ton sympathique. Je ne tiens pas à me mettre à dos qui que ce soit. Et ne suis pas davantage un donneur de leçons. On peut me contredire. Je n’ai pas la prétention d’avoir raison sur tout ! Au final, mes textes reflètent assez bien ce que je suis.

Te considères-tu comme un chanteur engagé ?

C’est une formule un peu bizarre parce que j’ai l’impression qu’elle renvoie aux manifestations socialistes. A mes débuts, mes textes n’étaient pas du tout engagés ! Ils se contentaient d’aligner des jeux de mots ‘en rafale’. A l’image de ce que peut proposer Sttellla. J’alterne des sujets légers et puis contestataires. Un artiste comme Renaud m’influence pas mal ! Je ne manifeste pas, mais les chansons me permettent, il est vrai, de mettre en exergue les travers de la société.

Comment appréhender tes albums ? Comme une récréation, une blague potache ou un cri du cœur ?

Il n’existe pas, à vrai dire, de grosse production autour de mes disques. C’est du ‘fait maison’. Ils sont réalisés chez des amis et les arrangements ne nécessitent pas la location d’un studio pendant plusieurs semaines. Lorsque les pistes sont pressées, je suis soulagé ! Il y a évidemment du potache. Lorsque j’ai enregistré cet album, le 22 novembre 2013, j’avais une opinion particulière sur un tas de choses. Sur scène, je risque de nuancer le propos en fonction des fluctuations de l’actualité. Certaines thématiques doivent être réactualisées parce qu’elles sont tout simplement devenues obsolètes ou sans intérêt.

Les textes abordent très souvent des sujets négatifs comme la crise, le divorce, l’addiction au jeu, … Combien en as-tu rédigés de positifs ?

Figure-toi que ma petite femme m’a dit un jour d’écrire des textes positifs ! J’ai donc accompli le chemin inverse en compilant un journal de bonnes nouvelles. Aujourd’hui, le concert débutera dans ce climat ! J’y aborde tout ce dont j’ai envie ! Il s’agit d’une pure utopie, j’en suis conscient. Et lorsqu’on l’écoute, on se rend compte que la vie serait bien plus agréable, si ces idées pouvaient se concrétiser… Ces textes ne sont pas les plus faciles à écrire ; surtout, si mentalement, tu n’es pas dans cette dynamique. Certains chanteurs y parviennent ! Mon créneau est de pointer du doigt les travers de la vie, en y ajoutant une pointe d’humour. J’aime aussi développer des thèmes plus abstraits. La Playstation, par exemple ! Je n’y aborde pas l’addiction aux jeux, mais cette compo est un tremplin à calembours. Parfois, je suis plus ‘terre à terre’. Ainsi, celui du divorce me plaît parce qu’il est universel. Il touche tellement de monde aujourd’hui. Ce qui est intéressant dans ce métier, c’est cette faculté dont on dispose pour émouvoir, puis déclencher le rire l’instant d’après.

Comment se déroule le processus d’écriture ? Pars-tu d’un sujet en particulier ou préfères-tu noter en vrac toutes les idées qui te passent par la tête pour les réunir ensuite dans un but précis ?

Le processus varie ! Parfois, j’ai une idée claire et le texte s’articule autour de celle-ci. J’y travaille constamment jusqu’à l’obtention d’un produit fini. Quelquefois, des tas de petites idées me traversent l’esprit. Je les note et lorsque j’ai suffisamment de matière, je compose une chanson. La question est de savoir si les gens ont besoin d’entendre dans une seule et même chanson, une thématique précise ou une kyrielle d’informations tous azimuts… Ont-il envie d’un morceau qui se consacre exclusivement aux problèmes rencontrés par la Grèce ? Sur le fric dans le foot ? Je pense qu’il vaut mieux en parler une fois ou deux et puis passer à autre chose, le message en sera d’autant mieux compris.

Les fans insulaires ont certainement remarqué que tu adaptes le titre « Bonne année quand même », en fonction de l’actualité. Lors d’un spectacle, tu as ajouté, entre autres trouvailles : ‘Paraît que même en Tunisie, dans les musées, on s’éclate’. Ce n’est pas un peu audacieux ?

Il serait évidemment malsain de le chanter devant une victime de ces horribles événements ! Charlie Hebdo est un bon exemple. Pendant vingt-quatre heures, on a subi l’onde de choc. Tout le monde a broyé du noir. On ne voyait que du sang. Et puis, les premières blagues sont apparues. Je crois qu’un sujet, même grave, doit continuer d’exister. Il suffit de lui donner la dose d’humour nécessaire pour que la pilule passe mieux. Sinon, on ne pourra plus parler de rien ! Le monde va déjà tellement mal, vu tout ce qui s’y passe. Aussi, si tu restes dans le noir, on te vend la corde afin de t’y pendre ! Je me souviens d’un jour où j’interprétais un texte abordant la religion. Une vieille dame est venue me sermonner arguant du fait que je n’avais rien compris. Je me suis excusé de l’avoir choquée, tout en assumant parfaitement mes propos, d’autant plus que les personnes qui m’entouraient, abondaient dans mon sens. Tu ne peux pas le changer en fonction du public cible. Je n’aime ni les compromis, ni la langue de bois. Donc, je dis les choses telles que je les perçois. Si mes propos ne plaisent pas, les censeurs sont libres de penser ce qu’ils veulent.

A propos, combien de versions existe-t-il de cette chanson ?

Depuis qu’elle a été créée, il doit y avoir, à mon avis, approximativement 180 ! Je ne la modifie évidemment pas complètement, à chaque concert. Seulement quelques phrases en fonction de l’actualité du moment. Le reste est pertinent et doit, de facto, le rester ! Prends un gars comme Jean-Luc Delarue. J’en parle sur ce morceau. Aujourd’hui encore, tout le monde s’en souvient ! Ce gars était un ‘golden boy’ à qui tout a réussi. Puis, quasi du jour au lendemain, il meurt à la suite de sa consommation de saloperies.

Si tu devais en interpréter là une, à brûle-pourpoint, quels sont les éléments sur lesquels tu insisterais ?

Aujourd’hui est une journée particulière ! Je suis hyper content d’être ici ! Je connais plein de monde. Tout est mis en œuvre afin que chacun soit installé dans les meilleures conditions qui soient. Je suis sur un nuage rose en quelque sorte. Si je devais en composer une, là maintenant, elle serait forcément positive. Mais, spontanément, rien ne me vient en tête.

Exerces-tu une autocensure dans ton écriture ?

Oui, évidemment ! Dans un texte, j’avais glissé ‘Fils de pute !’. Mais, cette expression est tellement moche que je l’ai remplacée par « Fils de P*** ! ».

Un blanc a substitué le mot…

Je n’aime pas l’idée que quelqu’un puisse se sentir blessé par ce genre de propos ! C’est la raison pour laquelle, j’essaie, dans la mesure du possible, de faire très attention à ce que je dis. Je ne supporterais pas qu’un enfant de dix ans écoute des grossièretés ! Tu sais, j’ai parfois assisté à des concerts de rap ; et j’ai été effaré par le verbiage… J’appartiens à cette catégorie de gens qui restent convaincus que l’on peut faire passer des idées revendicatives sans pour autant avoir recours aux insultes… Ce sont les fautes d’orthographe de la langue en quelque sorte !

Lorsqu’on écoute « Putain, j’ai failli être connu », on a l’impression que le star-système t’effraie alors qu’il fait partie du jeu finalement ?

Ce n’est pas qu’il m’effraie… A ma toute petite échelle, j’ai écumé certaines grosses scènes lorsque j’étais en formule groupe. Je me suis rendu compte, assez rapidement, que le côté surfait du métier ne me convenait pas. Je préfère, de loin, côtoyer la population et me payer une pita dégueulasse à l’aide de mes propres deniers, plutôt que de m’isoler et de prendre le repas qui est offert aux artistes par l’organisateur. Certains ont besoin de ce service. Moi pas ! Dans ce métier, on est également confronté à l’aspect ‘langue de pute’. Comme dans la publicité, la télévision ou encore le journalisme d’ailleurs. Je ne suis pas chanteur professionnel ! Mais professeur dans le secondaire. Il faut relativiser ! Ce sont des attitudes qui ne me plaisaient pas tellement et je pense ne pas avoir les épaules suffisamment larges pour supporter ce fardeau. J’aime mon approche artisanale ! Je n’ai pas besoin de roadies pour transporter mon matos. Se produire seul te préserve de tout cette logistique ; tu ne stresses pas, parce l’ingé son est en retard, etc. Ce sont des événements que j’ai vécus, à l’époque, dans le groupe… Un jour, j’ai tout arrêté parce que je voulais redevenir moi, c'est-à-dire un gars dans une formule épurée où je me sentais bien… Les compliments me sont directement destinés et dès que quelque chose ne va pas, c’est pour ma gueule…

Impossible donc de te revoir sur les planches en formule collective ?

Je m’entends très bien avec mon ancien band ! On s’est revu récemment lors de l’anniversaire de la Maison des Jeunes grâce à laquelle nous avons accompli nos premiers pas. Je joue quand même au sein d’une formation, mais les chansons sont écrites en anglais, sous un format qui n’a absolument rien à voir avec ce que je réalise actuellement. J’aime reprendre ma guitare électrique pour en extraire de petits effets. J’ai changé de direction le jour où les gens qui venaient me voir me confiaient que le son était tellement fort qu’ils ne percevaient même plus les paroles. J’ai donc repris ma gratte acoustique. La musique ne doit pas être que festive ! J’aime également qu’on entende le message véhiculé. La formule solo m’offre beaucoup de liberté : je m’arrête quand je veux, je peux casser une corde sans devoir stopper le concert. Je peux devenir un peu sournois. Je peux changer l’ordre de la set list… Dans une de celles-ci, quand je chante ‘J’y suis allé, j’en suis revenu’, c’est pour dénoncer ces travers. Je ne crache pas dans la soupe non plus ! Je respecte mes anciens collaborateurs. Mais, je me suis senti au bord du gouffre et j’avais trop à perdre en m’y jetant. C’était la porte ouverte aux excès en tout genre. Il y avait sans doute plus de pognon à récolter, mais je n’étais pas taillé pour cette aventure. Je m’en suis rendu compte. D’ailleurs, mon entourage me signalait que je changeais de comportement. Que je commençais à devenir arrogant… et j’ai préféré arrêter avant que la désillusion n’aille trop loin.

Que penses-tu de l’étiquette de ‘chanteur sérieux’, mais ne s’y prenant pas trop ?

Si ce n’est pas chanteur chiant, je veux bien (rire). Quand j’ai commencé on me comparait à  Sttella, Les Gauff’, et quelques autres du genre… Je les adore. J’étais aussi très fan de Renaud. Aujourd’hui, je me produis entre Bénabar et les Wampas. Finalement, c’est une chouette synthèse de mon profil. Je suis capable de proposer des trucs très rock’n’roll, comme les Wampas, puis d’aborder des sujets qui suscitent la réflexion. Si tout le monde s’y retrouve, j’ai tout gagné ! On m’a déjà signifié que je faisais du Krol en chanson. J’estime que c’est un très joli compliment. Le jour où je le rencontre, j’en serai très heureux. 

Penses-tu que ton concept pourrait s’exporter au-delà de nos frontières ou alors doit-on considérer la belgitude comme un concept figé et totalement insoluble ?

Perso, je me sens très belge et je crois avoir un petit côté ‘Renard et les raisins’. Je ne parviens pas à percer en France parce que je n’ai pas la structure adéquate. J’y ai joué à quelques reprises quand même ! A chaque fois, je devais adapter mes chansons. Je ne pouvais pas parler de Michel Daerden, parce qu’il est complètement méconnu là-bas. Je devais le remplacer par un politicien français. Il y a même des mots qu’il fallait changer ! Par exemple, outre-Quiévrain, on ne dit pas ‘torchon’, mais ‘serviette’, en caricaturant à peine. J’ai adoré ce public, car il est très réceptif. Je crois que l’on profite aussi d’un vent favorable qui souffle sur la Belgique, phénomène très bien incarné par Poelvoorde ou Geluck, par exemple. On a passé le cap des bonnes vieilles blagues belges pourries. Mon pays est un vivier de personnalités ! J’adore en parler ; et notamment de celles et ceux qui font l’actualité, comme Bart de Wever... De partager les même avis, car ce entourage à lu les mêmes journaux ou regardé les mêmes infos télévisées que moi ! Encore une fois, je ne suis pas chanteur professionnel et je n’ai pas l’occasion d’écumer, pendant des semaines, baluchon sur le dos, les salles de l’Hexagone. Je le ressens d’ailleurs un peu comme une frustration ! J’adorerais que l’on m’y invite ainsi qu’en Suisse ou au Canada où j’ai déjà participé aux trois Francos, grâce à celles de Spa. C’était une expérience fabuleuse. Mais j’ai été tout aussi heureux de me produire à Angre (NDR : petit village dans les Honnelles) et dans tous ces petits lieux bien sympathiques aussi. C’est mon terreau. Tu y croises des connaissances, des futurs amis, des anciens élèves qui ont bien grandi, … J’aime cette proximité ! C’est la raison pour laquelle je ne travaille avec aucune structure

De qui te sens-tu proche artistiquement ?

J’adore des artistes comme Souchon, Gainsbourg, Brel, Brassens, Renaud, Goldman, … J’aime aussi des artistes belges moins connus et en compagnie desquels j’ai assuré certaines premières parties. Ma culture est plutôt pop/rock, mais aussi métal. On ne l’entend peut-être pas à premier abord, car ma musique a un aspect plutôt ‘boy scout’ ; mais dans les paroles, cette référence est plus perceptible, parce que je m’en inspire. Par contre, je ne m’inscris absolument pas dans la veine de la world music… je ne la maîtrise pas du tout ! En outre, je reste aussi sensible à la scène contemporaine ! Je peux flasher sur une chanson, un texte ou encore une voix ! J’aimais par exemple un gars comme Bashung. Mais, je n’ai pas apprécié l’ensemble de sa carrière. Pareil pour Thiéfaine. On décèle des horreurs chez tout le monde, en fin de compte ! On ne peut pas aimer la totalité de la carrière d’un artiste ou d’un groupe au final… ou alors il n’y a qu’un seul album, ce qui arrive parfois (rires).

La symbolique de la fête nationale belge évoque-t-elle encore un sentiment particulier chez toi ?

A vrai dire, je n’ai pas beaucoup d’estime pour tout ce qui gravite autour de la royauté. C’est beaucoup de pognon et de tensions pour pas grand-chose ! Elle cimente aussi ce combat flamand/wallon. Je me sens très belge. J’adore le plat pays, malgré ses aberrations et contradictions, et jamais je n’irai vivre ailleurs. La Belgique possède un côté surréaliste qui n’existe nulle part ailleurs ! En France, tu ne retrouves pas ce second degré… Je ne suis pas un grand voyageur, donc il est difficile de porter un regard critique sur ce qui se passe dans d’autres contrées… J’espère que cette nation vivra encore longtemps ! J’essaie de la défendre comme je peux et si mes petits concerts parviennent à réveiller certaines consciences, tant mieux ! Je ne participe pas pour autant au Te Deum (rire). Le côté festif du 21 juillet me réjouit, comme la plupart des Belges.

Demandes-tu encore à tes élèves, quels sont ceux issus de parents divorcés ?

Absolument ! Ce qui me permet de mieux les connaître ! Parfois, tu marches sur des œufs, parce que certains enfants ont perdu leurs parents. J’en ai régulièrement en classe ; et lorsque je vois leur visage se décomposer, j’en comprends les raisons… A sein de mon école, les relations vont au-delà du rapport purement scolaire. Certains élèves me font parfois des confidences. J’ai un côté ‘grand frère’ qui me flatte énormément. C’est quasi le seul métier où tu peux avoir ce genre de rapports. Je côtoie des étudiants deux fois plus jeunes que moi. Mes parents n’étaient pas divorcés ! Aujourd’hui, un couple sur trois se sépare ! J’ai presque envie de dire que, dans certaines situations, c’est mieux ! Je connais des couples recomposés qui s’aiment nettement plus que lors de leur relation précédente…

 

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