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Le passé recomposé de Front 242… Spécial

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UnderViewer est né en 1979 ; un duo fondé par Patrick Codenys et Jean-Luc De Meyer avant qu'ils ne rejoignent Front 242. Au cours de son existence éphémère, il n'avait publié aucun single ou album sous ce patronyme. Seuls quelques titres avaient été ajoutés, sous la forme de ‘bonus tracks’, sur la réédition 2004 de « Geography » et une compilation éditée par Alpha Matrix.

Aujourd'hui, 35 ans plus tard, le tandem a retravaillé les morceaux de l'époque ; et en profitant des moyens de production modernes, il a décidé de sortir un elpee. Intitulé « Wonders & Monsters », c’est une réussite totale. Sa synth-pop minimaliste bénéficie d'un son ample et puissant, dans le respect de l'esprit expérimental des compositions originales.

Au sein d’une taverne bruxelloise et, autour d'une bonne bière blanche, nous avons abordé de nombreux sujets, et tout particulièrement ceux relatifs à ce long playing, aux débuts d'UnderViewer et bien sûr à l’aventure Front 242. 

Les prémisses d'UnderViewer et de Front 242 remontent bien à 1979-80 ?

Patrick Codenys (PC) : Oui, c'est à cette époque qu'on a commencé à travailler ensemble, Jean-Luc et moi. Ensuite, le patron de la maison de disque New Dance, qui avait déjà produit le premier single de Front 242 (NDR : « Principles / Body To Body »), était intéressé par un single d'UnderViewer. Tout était prêt : la musique et la voix de Jean-Luc. Mais comme on n'avait pas beaucoup d'expérience, notamment dans le domaine de l’enregistrement et du mastering, on avait besoin d’aide pour les aspects techniques et professionnels. Il nous a conseillé Daniel (NDR : Bressanutti), qui s’était chargé du premier single de Front. On le connaissait déjà puisqu’on le croisait souvent dans le magasin d'instruments Hill's Music, à Bruxelles, où il travaillait. Donc, on s'est donné rendez-vous dans son petit studio et on a jeté les bases du premier disque d'UnderViewer. Parallèlement, il nous a proposé de collaborer avec lui et Dirk Bergen sur le projet Front 242 et on a enregistré « U-Men » ensemble. Quand cette compo est sortie, elle a rencontré un franc succès dans les charts alternatifs. C’est pourquoi UnderViewer est un peu passé à la trappe et on s’est concentré sur le projet Front 242.

Et donc, ce futur LP d'UnderViewer réunit des chansons qui datent de cette époque-là ?

Jean-Luc De Meyer (JL DM) : Oui. Tout a été conçu dans l'esprit de l'époque. En se servant des mêmes instruments mais aussi des techniques de production actuelles.

Vous avez tout recommencé ou vous avez utilisé des pistes existantes ?

JL DM : Un peu des deux. Les bandes dataient de plus de 30 ans. Certains sons ne passaient plus ; donc on a récupéré ce qui pouvait l'être et le reste, on l'a reconstitué à l'identique.

Et les voix ?

JL DM : Les voix ont été refaites sur les mélodies originales et certaines paroles ont été légèrement adaptées, mais en veillant à conserver l'esprit des compositions. On a voulu le préserver plutôt que celui de la forme ; quoique la forme ait quand même été conservée également, mais disons à 50%.
PC : A l'origine, on avait enregistré sur un 4 pistes...

Un TEAC, je crois ?

PC : Un TEAC, en effet ! On a donc transféré les pistes analogiques sur ordinateur mais on a parfois repris aussi des séquences voire même des sons individuels. Cependant, ce qui est important, c'est qu'on a gardé l’approche de travail de l'époque. On s'est volontairement limités dans le type d'instruments utilisés, dans la simplicité et aussi des difficultés rencontrées par la technologie...

Donc, pas de synchronisation automatique via MIDI ?

PC : Si, du MIDI, mais abordé dans un contexte analogique. Donc, pas d’alternative pour créer des 'gates' avec le MIDI ou de travailler trop sur les vélocités : une technologie très 'basique'.

La plage titulaire de l'album, « Wonders and Monsters » avait déjà été publiée en 2004, sur la compilation « Re:Connected [1.0] » d'Alfa-Matrix ; ce qui nous permet de faire la comparaison et on constate que le son de la nouvelle version est beaucoup plus ample, plus puissant, plus clair. On relève aussi une autre différence, l'introduction est ‘ambient’, et elle ne figurait pas sur la mouture originale ?

PC : En effet. A l'époque, on expérimentait pas mal. J'étais un grand fan de Brian Eno et du krautrock allemand, dont la discographie ambient est considérable. Et vu la complexité des séquenceurs et des machines, ce n'était pas toujours facile de créer un morceau sous un format ‘song’, ‘chanson’, si tu préfères. On se basait plutôt sur des titres de 8 à 10 minutes. Donc, il existe une douzaine de tracks d'UnderViewer qui sont purement ‘ambient’. Ils n'ont pas été intégrés à l'album pour des raisons évidentes de place et de concept ; et donc, cette intro est une sorte de 'reliquat' de ces séquences ambient.

Sur l'opus, on retrouve d'autres pistes déjà publiées auparavant : celles parues en ‘bonus tracks’ sur la réédition 2004 de « Geography » : « Syncussion », « I Remember », « Trouble ». Par contre, les autres sont donc à ce jour complètement inédites ?

JL DM : En effet.

Ils n'étaient même pas parus sur cassette ?

JL DM : Non. Certaines ne sont que des ébauches tentées à l'époque et ont été finalisées plus récemment.

Par exemple : « Atomic Tears » ?

JL DM : C'est un morceau qui existait sur le plan musical. On a juste changé le titre et certaines mélodies vocales.

Ce qui permet d’embrayer sur la thématique des textes. On retrouve ici les univers ‘dystopiens’ très 'science fiction' et le côté sociologique qui sont, à mon humble avis, la marque de fabrique de Jean-Luc.

JL DM : Sauf qu'ici, le champ des thèmes est plus large. Sans limite, sans particularité. Comme c'est le début de nos productions, l’inspiration est bouillonnante, il n'y a pas de censure, pas de restrictions, c'est ce qui fait le charme de ce projet.

Cette recherche correspond à son patronyme : ‘UnderViewer’...

JL DM : Oui, un ‘Underviewer’ est un inspecteur des mines, quelqu'un qui va fouiller dans l' ‘underground’, dans le sous-sol, avec curiosité et intérêt. C'est une bonne définition de notre démarche artistique, je pense.
PC : Quand on s’intéresse aux parties vocales, il faut remettre le sujet dans le contexte de l’époque. Les contraintes étaient autrement présentes, car la musique était plus rigide. Donc, il a fallu que Jean-Luc invente un ‘genre’, un ‘style’ vocal nouveau, qu'il a ensuite réutilisé chez Front 242. En 1980, dénicher un chanteur qui parvenait à chanter sur de la musique électronique aussi 'basique', avec des 'white noises' et une musicalité somme toute assez limitée, était un fameux challenge ; et dans cet exercice, Jean-Luc a toujours été très fort.

En 1979-80, quelles étaient vos principales influences ? Kraftwerk, OMD, ... ?

PC : Perso, j'ai voulu jouer du synthé à cause de la musique industrielle ; et tout particulièrement celles de Throbbing Gristle, Cabaret Voltaire et ce genre de groupes. Des artistes qui n'avaient pas besoin d'être musiciens pour se lancer dans l'aventure. J'étais aussi grand fan du krautrock, de Kraftwerk, bien sûr, mais aussi de Human League, OMD, The Normal… Il y avait quelques singles ‘électro’. Brian Eno aussi, surtout pour le côté 'concept album' ; l'idée d'élaborer des disques à l’équilibre bien étudié. Mais comme la technologie était très ardue, les premiers synthés étaient loin d’être de la rigolade, il fallait qu'on trouve notre chemin, notre propre style.

Et Jean-Luc, de ton côté ?

JL DM : Un peu la même chose : tout ce qui venait d'Allemagne. Et parallèlement, les groupes punk, surtout pour leur énergie et la froideur. Wire, par exemple...

Joy Division aussi je suppose ? D’ailleurs, un morceau comme « Trouble » baigne au sein d’une ambiance Factory, une atmosphère très « Atmosphere »... (rires)

PC : C'est bien vu, c'est bien entendu...

Il évolue sur un rythme lent. Il a ce côté solennel, dépouillé… et puis les accords...

PC : Il est impossible de ne pas évoquer l'époque du Plan K. J'y ai vu Joy Division et Cabaret Voltaire et...

Avec Willian Burroughs qui faisait une lecture au premier étage !

PC : Oui ! C'est le genre de soirées qui changent une vie. Et il faut reconnaître que le son Factory était un son fascinant.

Pour en revenir aux débuts de Front 242, comment décririez vous la contribution que vous avez apportée tous les deux en rejoignant le projet ?

PC : D'abord un peu plus de recherche sonore et la construction de titres au format ‘song’, ‘chanson’. Si on écoute bien « Body To Body », c'est assez D.A.F., avec batteries et ‘bass lines’. Quand on est arrivés, on a amené d'abord des sons expérimentaux, un peu bizarres mais aussi la faculté de créer des chansons, non seulement grâce aux compositions vocales de Jean-Luc mais également aux structures que je pouvais mettre en place.

Pour les sons, tu penses surtout aux sons industriels ?

PC : Oui, les 'white noises', ce genre de sonorités. Je n'étais pas du tout musicien donc j'amenais parfois des tonalités qui ne correspondaient pas à la gamme des notes dites 'classiques' ; mais ce côté dissonant, 'out of tune', communiquait une couleur particulière aux morceaux.
JL DM : Pour la partie vocale, Daniel nous a invités à écouter sa demo de « U-Men » et le chant est venu très rapidement. Je me suis dit que c'était chouette d'avoir ainsi quelque chose qui procure des idées. Avec moi, soit c'est très rapide ou alors il n'y a rien qui vient. Il y a des morceaux sur lesquels je travaille depuis 10 ans et il n'y aura jamais rien qui se concrétisera... (rires)
PC : La force de Daniel, c'est qu'il a joué de la batterie, donc il combine très bien drums et ligne de basse. Il nous avait confié, à l'époque : ‘Je cherche des gens avec qui je peux collaborer pour aller plus loin et construire des chansons’. Parce que tu ne peux pas refaire 20 fois « Body To Body » pour réaliser un album. C'est alors qu’on a tous participé à l’accouchement de « Geography », qui est devenu le véritable point de départ.

Et si on devait choisir un titre de Front 242, un titre qui serait un peu comme une petite pépite oubliée, un morceau que personne ne joue, ce serait quoi ?

PC : J'ai toujours bien aimé « Sample D. », un instrumental qui figurait sur « Endless Riddance », le 12 pouces sur lequel il y a aussi « Take One ».
JL DM : Perso, ce serait aussi un instrumental : « Geography II », un morceau très simple et très puissant. Et pourtant, il est né d’une erreur de programmation. Ce qui arrive parfois. Et on en a conclu : ‘C'est chouette ça : on le garde !’
PC : Mais aussi « Kampfbereit », un titre du répertoire d'UnderViewer qui a été crédité Front 242 sur « Geography ». Il fait bien le lien entre les deux projets.

A l'époque, le terme ‘Electronic Body Music’ a été créé par Front 242 mais d'autres acteurs l'ont également revendiqué.

JL DM : Nous on ne revendique rien, mais je pense qu'on est les premiers à l'avoir utilisé, sur l'album « No Comment », en 1983. Si d'autres ont des arguments, ils peuvent les apporter. Comme historien de formation, il me faut des preuves ! (rires)
PC : Sur Wikipedia, on raconte que Kraftwerk a cité le terme dans une interview...

D.A.F. également. Ils utilisaient le terme ‘Körper Musik’ mais il manque le mot ‘Electronic’.

PC : Nous en tout cas, on a choisi l'étiquette EBM parce tout et n'importe quoi était utilisé pour décrire notre musique. Certains avançait même : ‘C'est entre Tina Turner et Throbbing Gristle…’ (rires)  C'était trop vague, on a voulu clarifier la situation, et on a donc trouvé ce 'label' EBM.

On parlait auparavant des sons et des synthés ; j'ai lu que toi, Patrick, tu avais acheté un synthé Emulator grâce à la loterie ?

PC : Oui, en fait, c'est mon père qui avait gagné un certain montant à la loterie ; et il a proposé de m'offrir une voiture. Je me souviens que je me baladais dans le centre de Bruxelles et j'ai regardé toutes celles alignées dans la rue ; et j’en ai conclu : ‘Si j'achète une voiture, je serai comme tout le monde’. Donc, j'ai émis une autre contre-proposition : ‘Je veux un synthé’.

Il était à quel prix, l'Emulator II ? J'ai acheté un Emax et il coûtait 150 000 FB (NDR : 3 750 EUR).

PC : L'Emulator II valait 250 000 FB (NDR : 6 250 EUR), le prix d'une voiture ! Et ce qui est intéressant, c'est de voir que chaque album de Front 242 possède une marque de fabrique liée au type de synthés et de technologie utilisés. « Geography » et « No Comment », par exemple, sont orientés analogique ; « Official Version » correspond aux débuts du sampling ; sur « Front By Front », c'est de l'algorithmique, basé sur le DX7 de Yamaha ; ensuite, il y a eu du digital, du virtual acoustic. Très souvent, les instruments dictaient un peu la sonorité d'un album et la manière de travailler.

Il y a aussi l'épisode Ministry et la tournée aux Etats-Unis. J'ai lu que Ministry aurait changé de style à cause de ou grâce à Front 242 ?

PC : Je crois que c'est certainement vrai. Quand on a commencé la tournée, il proposait de la pop. Tous les soirs, Al Jourgensen assistait à nos premières parties, sur le côté de la scène. Résultat : il a voulu durcir sa musique et donc, quand il remontait sur scène, il demandait à ses musiciens de jouer plus 'hard', en utilisant de la distorsion. Et au fil du temps, le son de Ministry se rapprochait de plus en plus de celui de 'Front'. Ensuite, quand « Twitch » est paru, il a embrayé sur un son carrément 'dark'.

Pour clore l'interview, impossible de ne pas poser la sempiternelle question sur les futures productions de Front 242. J'ai cru comprendre que vous vous concentriez sur les concerts et qu'il n'y aura plus de nouvelles productions studio?

PC : Je crois qu'on ne fera plus de morceaux de musique ensemble. On s'entend toujours très bien mais les goûts ont évolué. Le seul intérêt serait de refaire de la musique 'vintage', comme à l'époque, parce que c'est ce que le public demande. Ils ne souhaitent pas un nouveau « Pulse » ou une autre direction. Ce serait une manière de boucler la boucle. Mais, à ce stade, je ne crois pas à un tel dénouement…
JL DM : Tout à fait d'accord : ça ne se fera pas.

Ce qui est clair...

Pour écouter l'intégralité de l'interview en version audio, écoutez l'émission de radio WAVES sur mixcloud, c'est ici  

Pour commander « Wonders & Monsters », le nouvel album d'UnderViewer, rendez-vous sur le site d'Alpha Matrix : www.alfa-matrix-store.com

Tracklist :

1 - Was soll ich tun
2 - A Minor Detail

3 - Litany
4 - Nobody but you
5 - I am the rain
6 - Trouble*
7 - Wonders & Monsters°
8 - What do you see
9 - Gone
10 - Atomic Tears
11 - Syncussion*
12 - I Remember*

13 - A September Morning
14 - These Days

* Déjà paru sur la réédition 2004 de « Geography »
° Déjà paru sur la compilation « Re:Connected [1.0] »

Un grand merci à Patrick Codenys, Jean-Luc De Meyer et Alfa Matrix.

 

 

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