Sages Comme Des Sauvages face à l’obsolescence programmée…

« Répare ou Pas », premier single issu du troisième album de Sages Comme Des Sauvages est un hymne en forme de question. On le répare ou pas ? Face à un monde plein de vices de fabrication et de malfaçons, le duo se demande si ça vaut encore la peine de…

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Alice Bossut

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mercredi, 18 mai 2011 19:07

Où poser des yeux ?

CARL, membre actif de la scène underground bruxelloise, est un artiste habité d'un univers bien à lui. Pour le dessin, il s'appelle Carl Roosens, c'est le coréalisateur du film d'animation “Caniche”, (produit par les ateliers Zorobabel), et l'auteur de livres illustrés édités par le collectif ‘Nos Restes’. Pour la musique, il a choisi le patronyme de C.A.R.L, un groupe composé de cinq musiciens, que l'on a pu voir, notamment sur la scène du cinéma Nova, et lors de la première partie de Brigitte Fontaine au Cirque Royal. Leur premier album “Où poser des yeux ?” est un disque éprouvant aux textes explosifs.

Les compositions de C.A.R.L gravitent entre rap, rock, jazz, chanson française et musiques électroniques. Mais il s'agit tout autant de poésie scandée, portée par une instrumentation sombre et très fouillée. Ses quatre compères –Noza, Emmanuel Coenen, Cédric Manche et Pascal Matthey– se chargent des parties de guitare, batterie, basse, trompette, euphonium, violon, carillon et machines.

Sur scène, ils prennent place au milieu d'une horde de personnages de carton dessinés par Carl, devant une projection de séquences de fil d'animation.

Les morceaux du disque « Où poser des yeux ? » visitent des styles musicaux variés, et explorent également un large panel d'états psychologiques.

« La maison me mangera », cauchemar éveillé sur fond de beat industriel, est l'un des plus violents. « Patiente pour défigurer », peut-être le plus beau, le plus dramatique. Elle raconte la solitude d'un cadavre à ciel ouvert avec ‘une balle dans le caillou’, la beauté du texte est à la hauteur de l'horreur de la scène. Baudelaire et sa charogne ne sont pas bien loin.

« J'enregistre le bruit de ta machine » commence par le son de frappe d'une machine à écrire. S'ajoute une frêle mélodie au mélodica reprise par un piano mélancolique. On pense alors à Pascal Comelade.

« Mes amis », un des titres les plus sombres du disque, dresse un constat hyper pessimiste sur les relations humaines.

« Où poser des yeux » est une crise de nerfs face à la mocheté du monde, la laideur du quotidien. Le conteur/chanteur, vraisemblablement dans le métro, liste d'une voix névrosée tout ce qui s'offre à son regard. Il panique devant ‘un visage qui nous rappelle de ne jamais croiser des skins, sur la couverture d'un livre pour juger la lecture d'une conne, sur des boucles d'oreille en forme de dauphin, sur des mains abîmées, dures comme du pain rassis, sur un tag plutôt moche d'un mec qui baise le monde que dans sa tête.’

Cyniques, les textes de Carl sont également drôles et mordants, car ils dessinent un monde que nous connaissons bien. Par exemple, « Le Chien » décrit le rapport intense entre le narrateur et ‘le chien du cadavre de la voisine’.

Si Carl est cynique, il n'ignore sûrement pas que l'adjectif vient d'un mot grec signifiant ‘chien’, à cause des clébards aboyant en dehors de la cité d'Athènes, figures de la mauvaise conscience de leur temps, auxquels s'était identifié Diogène, philosophe critique du pouvoir et de sa société. Sous ses airs de ‘racaille’ (mot qui a aussi des origines canines), C.A.R.L. pointe les travers de la société, celle qui nous rend fous et accros aux anxiolytiques, celle qui ignore l'humain.

Pourtant, Carl la canaille ne vit pas en dehors de la ville, mais bien dans la masse malade de la cité. Fou lui aussi, sa voix anxieuse ripe sur les mots et monte en tension jusqu'à le faire hurler. On peut bien l'accuser de la rage, on peut aussi l'écouter, encore et encore.

mercredi, 23 mars 2011 20:23

Je suis au paradis

Le dernier disque de Thomas Fersen (son neuvième hormis les live), intitulé « Je suis au Paradis » est une suite de portraits farfelus de personnages et de contes macabres et fantastiques, connus ou inventés. S'y côtoient ainsi Dracula, Barbe Bleue, un loup-garou, Sandra (jeune fille fantôme qui hante la maison et l'esprit du narrateur-chanteur), le Balafré (joueur de scie musicale aimant fermer les yeux pour mieux la faire sonner, se mutilant par mégarde), le squelette du train fantôme de la Foire du Trône, l'enfant sorcière, la vieille momie égyptienne du musée...

Un univers drôle, comme toujours chez Fersen, sur des thèmes plutôt sombres et morbides, empruntés à un imaginaire d'enfants pas sages.

« La Barbe Bleue » est un dialogue entre le fameux tueur de femmes et... sa régulière, qui lui demande pourquoi ‘ça sent bizarre dans ton placard, ça sent le pourri dans ta penderie’. Pour rassasier sa curiosité et l'empêcher de voir (les cadavres des épouses précédentes qui commencent à sentir fort), Barbe Bleue cherche à détourner son attention en faisant l'inventaire de sa garde-robe, donnant l'image d'un personnage très coquet.

Dans « Félix », troisième titre du disque, un centenaire nous chante son appétit de vivre et de profiter des plaisirs de la vie, en entonnant ce petit refrain ‘Je jouis, je jouis c'est inouï’ auréolé d'envolées angéliques de chœurs et de carillon. L'orchestration est agrémentée d'un violon, de sonorités celtiques, sur lesquelles se pose la voix, au flegme habituel.

Les textes sont amusants, toujours bien écrits (en alexandrins), mais on pourrait regretter que tout l'album soit empreint de la même mélancolie monotone. Les rythmes sont plutôt lents et la voix ne fait pas d'excès.

Fersen a toujours eu cet accent nonchalant dans la voix, ce n'est pas un hasard s'il a composé « Dugenou », mais on l'a tout de même connu plus énergique (citons seulement « La chauve-souris » et « Ne pleure plus »).

« Je suis au Paradis » a certes bien des qualités, mais s'il ne sent heureusement pas le pourri, il sent peut-être un peu la naphtaline.

 

mercredi, 02 mars 2011 19:04

Pursued Sinners - Brigittines Recordings

Dez Mona est encore trop méconnu en Belgique francophone. Le groupe, sombre et charismatique duo de voix et de contrebasse, est pourtant passé par la scène bruxelloise, notamment aux Brigittines et au Recyclart, ainsi qu'à l'AB, il y a quelques années, avant de s'étoffer au quintet actuel.

« Pursued Sinners -  Brigittines Recordings » est le réenregistrement (à cinq) de l'album des débuts ("Pursued Sinners", pièce rare voire introuvable aujourd'hui), arrangé autrement, enrichi de la maturité acquise entre-temps.

Mis en boîte aux Brigittines, l'album commence par son morceau le plus calme, « This lonely morning ». C'est le duo d'origine, composé de Nicolas Rombouts à la contrebasse et de Gregory Frateur à la voix, qui ouvre donc le disque avec cette délicate mise en bouche. La voix prend une autre tonalité, bien plus aiguisée, acérée, presque criarde, dès le deuxième morceau, auxquels s'ajoutent aussi l'accordéon déjanté de Roel Van Camp, la batterie de Steven Cassiers et le piano de Bram Weijters. Une texture qui peut rappeler un Bowie des premiers albums ou une Catherine Ringer des sommets, une voix androgyne d'une amplitude assez remarquable. Torturées et tortueuses, les compositions jaillissent, telle une lave furieuse. Ça sort en flux continu, ça déborde et ça vient de l'intérieur, du milieu, de l'intime, du fond des entrailles, ça se déroule comme des boyaux interminables. Aussi cru que ce soit, c'est pourtant magnifique.

L'interprétation, théâtrale, laisse s'échapper une grande sensibilité, celle d'un corps écorché, qui ne tarit pas de sons et de mots.

On se croirait dans un cabaret, notamment lors de la superbe « Danse macabre », provocante, festive et morbide à la fois. Cette dualité éthylique, aromatisée de quelques trompettes, évoque la fête mexicaine de la Santa Muerte et ses squelettes joyeux. D'ailleurs, Dez Mona évolue également dans un univers sacré, ses textes s'adressant bien souvent à un dieu incertain, en forme de litanies désespérées, implorantes et presque menaçantes. « Loordy ! Loordy ! Loordy ! » déchire le morceau du même nom en lambeaux de chair de poule.

Et puis, sur « Who knows where the time goes », arrive l'heure de la confidence, et la voix chuchote presque, plus apaisée, comme épuisée d'avoir tant crié.

Cette musique jazz hybride, inclassable, évoque à la fois des litanies orientales, les cycles du contrebassiste Joris Vanvinckenroye, le rock des Israéliens Asaf Avidan & the Mojos, la samba punk de la formation italienne Squarcicatrici, les gospels entendus dans le film O'Brother, l'accordéon de Richard Galliano... en tout cas, que des très grands.

Ce groupe fantastique, malgré sa trop petite notoriété, peut être sûr du bel avenir qui l'attend. Et on aurait tort de ne pas aller les applaudir en ‘live’...

 

mercredi, 09 février 2011 01:00

Dust Lane

Juillet 2001, Eurockéennes de Belfort.

J’ai seize ans et j’assiste au concert de Yann Tiersen, sous le Chapiteau. C’est un grand moment, le public est dans ses petits souliers à l’écoute des accords de piano, accordéon et violon, et à la vue de l'artiste virtuose. Les pieds dans le sol boueux, chacun retient son souffle. L’archet fou use ses crins qui se détachent et dansent frénétiquement. Tiersen est là, dans une densité de concentration assez époustouflante.

La chanteuse qui l'accompagne, Claire Pichet, pose sa voix, visiblement émue et impressionnée par la foule. Ce concert restera gravé dans mon esprit, comme une grande émotion musicale. Des sensations que je peux éprouver de nouveau en réécoutant l'album « Le Phare ». Ensuite, il y a la B.O. d'‘Amélie Poulain’, qui l'a révélée à un public beaucoup plus large. Egalement une franche réussite, même si à force d'écoute et de médiatisation, on a pu s’en lasser.

Que dire aujourd'hui de Dust Lane, sorti fin 2010 ? Tout d'abord, on ne reconnaît pas Yann Tiersen. L’innovation est louable ; il n'est pas si courant qu'un artiste bien assis s'aventure dans une direction inconnue. Tiersen a manifestement le désir de changer, de s’orienter vers des pistes plus électroniques. Dans « Dust Lane », les couches se superposent, créent des ambiances cycliques qui rappellent la B.O. des Virgin Suicide, signée par Air. Des chœurs étoffent le tout, dans des accents parfois médiévaux. Des bruits de petits instruments se mêlent aux enregistrements de l'océan, rappellent Arcade Fire. Mais ces couches de poussière s'amalgament et forment une matière qui manque de pureté, un peu comme lorsque l'on mélange trop de couleurs et que l'on obtient un gris-marron.

Il m'est assez difficile de faire la part des choses, vu la haute estime que je porte à Yann Tiersen. Alors… je m'arrêterai ici, en souhaitant qu’il se remette vite en route, vers d'autres horizons.

 

mardi, 07 décembre 2010 01:00

Moondog and Suncat Suites

Le jazzman anglais Kenny Graham, flanqué de ses 'satellites' enregistrait, en 1956, « Suncat Suites », un elpee partagé entre covers de Moondog et six compositions personnelles. Même si, comme la plupart des jazzmen de l'époque, Graham admirait Moondog et lui vouait une admiration certaine, le titre choisi pour son opus sous-entendait le désir de prendre les choses sous un autre angle. Moondog était un compositeur incroyable, une figure emblématique de l'underground new-yorkaise des années cinquante. Portant barbe et casque cornu, jouant chaque jour au même endroit, dans la rue, il était surnommé ‘Le Viking de la 6ème avenue’, avant d'être mondialement salué comme Moondog. Devenu aveugle suite à un accident survenu au cours de son adolescence, il composait en braille, s'inspirant de Bach, vivant une vie de nomade. Maître du contrepoint, du contretemps et des mesures aux rythmes inhabituels, marqué par les percussions amérindiennes au cours de son enfance, il composait scrupuleusement ses morceaux en n’intégrant presque jamais l’improvisation dans l’interprétation. De la musique novatrice, jouée comme de la musique classique, à l'époque du jazz.

Dans l'immensité des créations de Moondog, Kenny Graham a choisi des morceaux instrumentaux, essentiellement consacrés aux percussions et à la flûte.

Le disque s'ouvre par « One Four », fragment d'une trentaine de secondes. « Two Four », « Three Four », « Four Four » et « Five Four » constituent les autres exercices de style intercalés entre d'autres morceaux plus longs. Ces cinq compositions sont autant de variations sur les structures rythmiques qu'un tambour et une caisse claire peuvent transmettre. Ces sons répétitifs ont une allure guerrière. Les voix, présentes sur d'autres titres, et la flûte, confèrent un air presque pastoral à l’interprétation.

La deuxième partie, composée par Graham, est constituée de six titres. Il se référent tous au soleil, par jeu d'opposition à la lune. « Sunrise » reprend le même genre de vocalises que les morceaux de Moondog, sur des rythmes toutefois moins profonds, plus légers. « Sunbeam » est franchement plus jazzy, quant à « Topical Sun », entamé par un hautbois et une voix toute religieuse, il glisse ensuite vers des rythmes latinos, presque dansants, tandis que la flûte et le saxo s'excitent mutuellement. C'est différent de ce que l'on entendait chez Moondog, mais la parenté est palpable. « Sunstroke » est caractérisé par des rythmes répétitifs, décalés, rituels, sur lesquels viennent se poser des mélodies hachées ; une forme de jazz que l'on qualifierait aujourd'hui d'expérimental.

Ce disque, publié par Trunk Records, est donc une réédition. Ce n'est pas un opus à mettre en fond sonore pour une soirée, plutôt à écouter attentivement.

En tout cas, cet hommage au maître Moondog est une bonne occasion de se replonger dans sa musique, de chercher des informations (et elles ne manquent pas sur le net) sur sa vie et son œuvre hors du commun.

 

vendredi, 03 décembre 2010 01:00

Le loup et l’agneau…

L'atelier 210 accueille ce vendredi soir Chapelier Fou, jeune artiste français, jouissant déjà d'une belle renommée en Belgique et décrit comme l’héritier naturel de Yann Tiersen et d'Amon Tobin. Violoniste de formation, Chapelier Fou bidouille et sample les sons et les superpose. Voix, extraits de films et de disques classiques, notes de piano, pizzicati de violon... la matière est riche et l'univers dessiné par ce virtuose a vite trouvé ses adeptes. Après avoir publié deux Eps (« Darling, darling, darling... » et « Scandale ! ») et un album intitulé « 613 » (signés chez 'Ici d'ailleurs', label qui produit également Yann Tiersen et Matt Elliott) le Chapelier fait tourner les têtes.

Le concert débute par Ed WydeE, artiste bruxellois encore méconnu, qui a gagné le concours 'Musique à la française' l'hiver dernier, dans la catégorie 'Musiques urbaines'.

Tandis que la salle se remplit, beaucoup d'entre nous, venus applaudir Chapelier Fou, découvrent Ed WydeE. Ce slameur charismatique déclame ses poèmes acides accompagné de deux musiciens, l'un au clavier, l'autre aux percussions. Les textes, littéraires, rêveries aigres-douces, prennent le parti du sensible, du récit personnel. C'est en tout cas l'impression qu'ils donnent, et l'assistance se rapproche pour mieux écouter les mots qui défilent à toute vitesse pour nous mettre une grande claque.

Il est assez surprenant d'apprendre qu’Ed et sa bande se produisent ensemble depuis un peu plus d'un an seulement, tant les trois compères semblent à l'aise sur les planches ! Les mots, corrosifs, dressent un constat amer de nos vies, sur des mélodies sombres, mais le plaisir que les musiciens prennent sur scène, l'euphorie des mots, et l'humour en sourdine confèrent à ces fables un aspect malicieux. Parfois le batteur attrape un saxophone, tandis que le pianiste, une main au clavier, assure de l'autre un rythme sur une petite boîte de bois.

« L'Auguste » parle d'un clown, figure de l'idiot du quartier qui assène des vérités crues. « Des cailloux dans les poches » est un hommage à Virginia Woolf, qui a mis fin à ses jours en avançant dans l'eau de la rivière, les poches de son manteau bourrées de cailloux. La diction est proche de celle d'Ab Al Malik, la présence scénique évolue entre insolence et nonchalance. Ed WydeE joue ses textes comme des courtes pièces de théâtre. ‘Prenez garde, petits moutons’ nous répète-il. Ajoutant ‘Sachez ce qu'ils font de vos bouclettes, de votre peau, de votre chair’. Sur un fond de synthé évoquant un manège déréglé, c'est plutôt la chair de poule que nous communique Ed WydeE. Une performance scénique que l'on espère revoir vite.

A dix heures et des poussières, à peine en retard, Chapelier Fou glisse discrètement sur la scène et entame son spectacle, sans adresser le moindre regard au public. Seul, coiffé d'un chapeau, il se faufile sous une lampe-réverbère qui éclaire tout son petit matériel. Il inaugure le show par un morceau planant, fantastique. Immédiatement, son visage se convulse dans des grimaces de plaisir. Sigmund aurait pu nous emmener à ce concert pour nous prouver que les artistes prennent leur pied dans l'acte artistique ! Car Louis Varynski, alias Chapelier Fou, ne semble plus toucher terre.

La performance du multi-instrumentiste est assez impressionnante, il manie violon, guitare, machines avec la même aisance, et une précision telle que l'on ne perçoit pas toujours de différence entre le ‘live’ et les enregistrements de l'album. Très concentré, le bidouilleur, plongé dans les rouages de son univers, en oublie presque l’auditoire, qu'il remercie d'un hochement de tête.

« Hémisphère Ouest », morceau de l'album « 613 », est applaudi chaleureusement, et le Chapelier ose enfin saluer son public avant d'enchaîner par « Laggage » : quelques pizzicati, une boucle, d'autres pizzicati, un sample, quelques notes à l'archet... nous sommes embarqués pour un voyage onirique et aérien. On pourrait regretter ce trop peu de communication avec l'audience, si ce n'est au travers d'un micro qui lui donne une voix trafiquée, ambiance SF, et presque inaudible. Avancerait-on que Louis Varynski est timide ? Les spots, braqués sur le public plus que sur l'artiste, nous donneraient raison. Néanmoins, les grands musiciens ne sont pas toujours des bêtes de scène, que l'on se rappelle Brassens, par exemple. « Les métamorphoses du vide » prouve, s'il le fallait, la filiation qui le lie à Yann Tiersen. La guitare suspendue sur le ventre, le musicien enchaîne quelques notes de violon qu'il sample aisément, tel un dompteur de sons. Les morceaux les plus célèbres, comme « Darling, darling », laissent place à d'autres titres moins connus, voire inédits. Peut-être retrouvera-t-on certains d'entre eux sur le prochain Ep, dont la sortie est prévue pour l’année prochaine ?

Bien applaudi, le chapelier ouf nous offre deux rappels, et achève son set par un dernier morceau franchement dansant.

(Organisation Atelier 2010)

vendredi, 03 décembre 2010 01:00

Dans sa bulle…

L'atelier 210 accueille ce vendredi soir Chapelier Fou, jeune artiste français, jouissant déjà d'une belle renommée en Belgique et décrit comme l’héritier naturel de Yann Tiersen et d'Amon Tobin. Violoniste de formation, Chapelier Fou bidouille et sample les sons et les superpose. Voix, extraits de films et de disques classiques, notes de piano, pizzicati de violon... la matière est riche et l'univers dessiné par ce virtuose a vite trouvé ses adeptes. Après avoir publié deux Eps (« Darling, darling, darling... » et « Scandale ! ») et un album intitulé « 613 » (signés chez 'Ici d'ailleurs', label qui produit également Yann Tiersen et Matt Elliott) le Chapelier fait tourner les têtes.

Le concert débute par Ed WydeE, artiste bruxellois encore méconnu, qui a gagné le concours 'Musique à la française' l'hiver dernier, dans la catégorie 'Musiques urbaines'.

Tandis que la salle se remplit, beaucoup d'entre nous, venus applaudir Chapelier Fou, découvrent Ed WydeE. Ce slameur charismatique déclame ses poèmes acides accompagné de deux musiciens, l'un au clavier, l'autre aux percussions. Les textes, littéraires, rêveries aigres-douces, prennent le parti du sensible, du récit personnel. C'est en tout cas l'impression qu'ils donnent, et l'assistance se rapproche pour mieux écouter les mots qui défilent à toute vitesse pour nous mettre une grande claque.

Il est assez surprenant d'apprendre qu’Ed et sa bande se produisent ensemble depuis un peu plus d'un an seulement, tant les trois compères semblent à l'aise sur les planches ! Les mots, corrosifs, dressent un constat amer de nos vies, sur des mélodies sombres, mais le plaisir que les musiciens prennent sur scène, l'euphorie des mots, et l'humour en sourdine confèrent à ces fables un aspect malicieux. Parfois le batteur attrape un saxophone, tandis que le pianiste, une main au clavier, assure de l'autre un rythme sur une petite boîte de bois.

« L'Auguste » parle d'un clown, figure de l'idiot du quartier qui assène des vérités crues. « Des cailloux dans les poches » est un hommage à Virginia Woolf, qui a mis fin à ses jours en avançant dans l'eau de la rivière, les poches de son manteau bourrées de cailloux. La diction est proche de celle d'Ab Al Malik, la présence scénique évolue entre insolence et nonchalance. Ed WydeE joue ses textes comme des courtes pièces de théâtre. ‘Prenez garde, petits moutons’ nous répète-il. Ajoutant ‘Sachez ce qu'ils font de vos bouclettes, de votre peau, de votre chair’. Sur un fond de synthé évoquant un manège déréglé, c'est plutôt la chair de poule que nous communique Ed WydeE. Une performance scénique que l'on espère revoir vite.

A dix heures et des poussières, à peine en retard, Chapelier Fou glisse discrètement sur la scène et entame son spectacle, sans adresser le moindre regard au public. Seul, coiffé d'un chapeau, il se faufile sous une lampe-réverbère qui éclaire tout son petit matériel. Il inaugure le show par un morceau planant, fantastique. Immédiatement, son visage se convulse dans des grimaces de plaisir. Sigmund aurait pu nous emmener à ce concert pour nous prouver que les artistes prennent leur pied dans l'acte artistique ! Car Louis Varynski, alias Chapelier Fou, ne semble plus toucher terre.

La performance du multi-instrumentiste est assez impressionnante, il manie violon, guitare, machines avec la même aisance, et une précision telle que l'on ne perçoit pas toujours de différence entre le ‘live’ et les enregistrements de l'album. Très concentré, le bidouilleur, plongé dans les rouages de son univers, en oublie presque l’auditoire, qu'il remercie d'un hochement de tête.

« Hémisphère Ouest », morceau de l'album « 613 », est applaudi chaleureusement, et le Chapelier ose enfin saluer son public avant d'enchaîner par « Laggage » : quelques pizzicati, une boucle, d'autres pizzicati, un sample, quelques notes à l'archet... nous sommes embarqués pour un voyage onirique et aérien. On pourrait regretter ce trop peu de communication avec l'audience, si ce n'est au travers d'un micro qui lui donne une voix trafiquée, ambiance SF, et presque inaudible. Avancerait-on que Louis Varynski est timide ? Les spots, braqués sur le public plus que sur l'artiste, nous donneraient raison. Néanmoins, les grands musiciens ne sont pas toujours des bêtes de scène, que l'on se rappelle Brassens, par exemple. « Les métamorphoses du vide » prouve, s'il le fallait, la filiation qui le lie à Yann Tiersen. La guitare suspendue sur le ventre, le musicien enchaîne quelques notes de violon qu'il sample aisément, tel un dompteur de sons. Les morceaux les plus célèbres, comme « Darling, darling », laissent place à d'autres titres moins connus, voire inédits. Peut-être retrouvera-t-on certains d'entre eux sur le prochain Ep, dont la sortie est prévue pour l’année prochaine ?

Bien applaudi, le chapelier ouf nous offre deux rappels, et achève son set par un dernier morceau franchement dansant.

(Organisation Atelier 2010)

mercredi, 17 novembre 2010 23:10

Oak tree

Diffusé par le label Grolektif depuis le 9 novembre dernier, le second disque de N'Relax se révèle être assez surprenant. Bien qu'inégal, l'album "Oak Tree" démontre que le groupe possède de réelles qualités et une personnalité qui s'affirme. Si la voix de Marine Pellegrini s'inscrit dans la mouvance déjà surchargée des chanteuses-femmes-enfants, initiée par Björk ou Joanna Newsom, l'instrumentation tour à tour jazz, électronique ou pop, dessine des ambiances originales.

Le premier groupe de Marine Pellegrini s'appelait Pink Petticoat, et l'on peut écouter sur leur MySpace de jolies compositions, mêlant habilement jazz et chanson française. Déjà, à l'époque, le goût du texte était présent. 

N'Relax est la suite de son parcours, pour lequel la chanteuse s'est entourée de Pierre Vadon pour la guitare et les claviers, Lucas Garnier à la trompette, Matthieu Play au sampler et les ‘petits instruments’ ainsi que Nicolas Taite pour la batterie. Voix et instruments s'entrecroisent en d'obsédants vas-et-viens. Les textes, hypersensibles et corrosifs, sont chantés avec une certaine malice qui les rend plus légers. Un côté un brin désuet, romantique et brut à la fois, des textes récités sur quelques notes, souvent à la première et deuxième personne, charpentent une musique intimiste.

Derrière le titre de fable "Tiger and sparrow" (le tigre et le moineau) se cache l'histoire d'une maladie (le tigre) et d'une âme (le moineau), vivant à l’intérieur de la même cage thoracique, rappelant le nénuphar grandissant dans le poumon de Chloé ; celui de « L'Ecume des jours » de Boris Vian. ‘You know this place is too small for both of us’ dit le moineau au tigre, ‘I can't see the light’. "Early autumn" se réfugie dans un jazz mélancolique, laissant place à la trompette et à la voix pour un duo digne de Beth Gibbons. Quelques titres sont chantés en français, comme "La treille des rêves" qui débute sur quelques notes d'accordéon-jouet, derrière lequelles on entend des oiseaux. La voix dépose des mots acérés. Quelques sonorités de carillon et l'univers se dessine. Ces poèmes chantés révèlent une certaine qualité d'écriture. Les morceaux n'abusent pas des effets, le son semble brut, peu retouché. Certains morceaux sont plus acidulés, sur des mélodies pop rappelant Ellen Allien, comme "L'horloge" et son refrain de générique de dessin animé. "Eddy (part I)" est léger et grave à la fois, répétant le même refrain soutenu par une batterie et une trompette. "Eddy (part II)", superbe dans sa lenteur, débute sur quelques notes de guitare, à laquelle viennent s'ajouter un tuyau chantant dans les airs, et une trompette funèbre. Le chant forme comme une ligne ininterrompue, jusqu'au manque de souffle. "I can see" commence ainsi : ‘I can see myself dying everyday, on the street, on the way’, puis Marine Pellegrini énumère les façons dont elle s'imagine mourir, écrasée par un bus, par une étoile… le tout sur une ballade mi-entrainante mi-angoissante soutenue par des violons. "Eddy (part III)", avant-dernier morceau du disque, offre la même simplicité de composition (quelques notes de carillon, synthé et voix) et une densité émotionnelle similaire.

L'album oscille entre accords dissonants, jazz fusion, et ambiances plus convenues. N'Relax cherche dans différentes directions ; mais, n'est-ce pas ainsi que l'on découvre des chemins inconnus ?

N'Relax pourrait partir encore plus loin dans cette fouille viscérale. Même si les Lyonnais flirtent avec des ambiances pop acidulées, leur originalité procède plutôt de ce regard introspectif, certainement plus difficile, et du goût du texte, qui prend toute son ampleur quand celui-ci est dans la langue de Molière.

Pour ma part, je parierais bien volontiers que l'on entendra parler de cet ensemble lyonnais d'ici peu.

mercredi, 03 novembre 2010 01:00

Un moment de grâce…

Hindi Zahra était déjà passée par l'AB Club en mars dernier. Elle est revenue ce mercredi 3 novembre, pour un concert, dans la grande salle, bondée. Le public bruxellois, informé grâce à de très bons articles saluant son premier album "Hand Made", l'attend impatiemment. Si l'essentiel de l'assistance se compose de jeunes, le panel est large, puisque, juste au pied de la scène, on peut voir une fille d'une douzaine d'années et, dans les fauteuils, plusieurs personnes âgées, dont un couple qui a certainement passé la barre des 80 ans!

Heureusement pour ce charmant couple, le groupe assurant la première partie, Root n'est pas –comme l'annonçait le site de l'AB– le groupe de dark heavy métal tchèque (qui porte le même nom). Il s'agit d'un trio de jazz rock réunissant Dominique Vantomme aux claviers, Mirko Banovic à la basse, et Geert Roelofs à la batterie. Leur musique est plutôt lente et déconstruite. Elle ressemble aux jams dans lesquelles chaque musicien prend son pied, et où le lien avec le public n'est pas ce qui importe le plus. Les mélomanes dans la salle sont suffisamment avertis pour applaudir le groupe, qui s’achève par un morceau magnifique où le piano prend toute son ampleur.

Etablir un lien entre le supporting act et la suite du programme n’est pas évident. Car la première partie explore un jazz plutôt cérébral, tandis que Hindi Zahra et son groupe optent pour une forme plus chaude de cette musique, à l'instar de chanteuses telles qu’Ella Fitzgerald ou Nina Simone. Hindi fait une entrée sobre, précédée de ses musiciens. Deux guitaristes qui entament le concert à la guitare sèche, une choriste, un batteur et un pianiste. C'est "Try" qui ouvre la séance, titre doux laissant la place aux chœurs. Les voix sont sensuelles et mutines, le rythme reggae est mêlé à des inflexions orientales. La voix de Zahra coule, sans effort, comme une évidence. Puis c'est le fameux "Beautiful Tango", magnifiquement interprété. Des pizz de guitare introduisent la mélodie obsédante que je garderai toute la soirée dans la tête. La voix se pose à contretemps, la ligne mélodique est variée, ne suit pas les schémas classiques. Des sortes de vocalises interrompent le refrain. Le groupe continue par "Imik Simik", chanté en berbère, et son jazz dansant. L'un des guitaristes saisit la basse tandis qu'Hindi accompagne son chant de ses mains, en dessinant dans l'espace. "Fascination" commence doucement, fredonné, puis les guitares électriques montent et l'on pense à Laurin Hill car les gestes de la chanteuse rappellent les groupes de hip-hop et la voix a le même grésillement voilé. Quelques titres plus calmes laissent place à un solo du percussionniste sur lequel Zahra danse en tous sens, le diable au corps, la tête renversée, pour le plus grand plaisir du public, fasciné. Il y a un air de Catherine Ringer dans les gestes saccadés, dans les mimiques hyper-expressives. "Set me free" est suivi par l'autre ‘tube’ : "Oursoul", qui débute sur un enregistrement de cour d'école, puis est chanté en berbère, "Ursul" se référant aux rêves d'enfants déchus. Le rythme est reggae, les youyous dans la salle s'en accommodent très bien, l'ambiance chauffe.

C'est l'heure de s’accorder une petite pause et, le verre de vin à la main, Hindi trinque à la santé des Wallons et des Flamands, puis, corrigée par le public, à celle des Bruxellois. L'ambiance est bonne, l'atmosphère se détend car le public de la ‘grande AB’ est vraiment très accueillant. Un morceau d'une grande beauté est alors interprété par Zahra seule, à la guitare et à la voix, émouvante dans ce silence religieux. "Don't forget about me when you sleep", chanson d'amour, comme presque toutes les autres. Superbe ! "Ahiawa", "Voices" et "Stand up" s'enchaînent, évoluant entre jazz, rock et reggae, sans oublier des mélodies flamencos qui sont l'occasion pour Zahra de s'improviser danseuse espagnole. Et de démontrer, s'il le fallait, le talent des guitaristes. Charmeuse, elle envoie des baisers à son public. Les yeux rieurs, elle termine en l’incitant à répéter ‘stand up, stand up baby’ !

Le concert semble terminé mais l'assistance en redemande. Avant d'entamer le rappel, la chanteuse voudrait bien en placer une mais le public ne lui en laisse pas l'occasion, tant il applaudit ! Emue, elle se marre, et nous livre encore plusieurs titres avant le deuxième rappel. 

Pour "Broken ones", en solo, elle s'y reprend à trois fois et chambre Hervé, son mari et ingé son, sur lequel tout le monde se retourne pour lui chanter joyeux anniversaire. L'ambiance est à son apogée, le public est conquis. Pour un début de carrière, cela commence vraiment bien, et Hindi Zahra a un bel avenir devant elle. Si son disque est très beau, ce n'est rien comparé au live !

mercredi, 03 novembre 2010 01:00

Atomized

‘Un autre jour’ est un label d'autoproduction créé par Corinne Carré & Virginie Bocher, diffusant déjà leurs deux précédentes formations musicales : Womb Bomb et Ratel Road, duos pop rock mêlant guitare, piano et voix. Pour Forget the Heroes, elles se sont entourées d'un bassiste et d'un batteur, et nous livrent "Atomized", le second album du groupe, après avoir publié "We don't need guitar".

Les quatre Parisiens commencent à bien tourner entre festivals et petits concerts. Sur le net, on peut lire, à de nombreuses reprises, la même présentation vantant : ‘L’Hendrix du violon, une pianiste à la voix sexy, ample, rock et aux pieds frénétiques, des guitares audacieuses, une section rythmique jouissive et intense pour une fusion sonique et scénique Acid Pop’. Si le violon semble assez à l'aise (on y retrouve Virginie Bocher dans une autre formation plus classique, Coma Comma, au sein de laquelle elle se défend plutôt bien), comparer ses interventions à celles d’Hendrix est exagéré. La rythmique, quant à elle, est trop répétitive. La voix de Corinne Carré est sans doute intense dans les décibels et dans sa façon de chanter, mais elle devient, à la longue, agaçante plus qu'énergisante. Les effets sont multipliés et c'est dommage car son timbre de voix est effectivement plutôt dense et chaleureux.

Les effets sont également de mise pour l'instrumentation, riche en réverbérations. Peut-être que ce disque paraît original aux amateurs de pop, à cause de ses emprunts aux sonorités groove et funk, mais pour ceux qui aiment que ça swingue vraiment, la galette s'avère être plutôt ennuyeuse... Techniquement, l’ensemble tient la route, mais il manque un peu d'âme, de goût, d'audace. Et d'air, aussi, car aucun instrument ne se tait pour laisser parler l'autre. En résumé, un disque qui ne risque pas de défrayer la chronique… 

 

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