La pop sauvage de Metro Verlaine

Un coup de foudre, et puis le romantisme comme mode de vie, Metro Verlaine est avant tout une histoire de passion. Fondé en 2013, après un voyage à Londres qui a laissé des cicatrices et un sale goût de ‘lose’ au fond de la gorge, l'histoire de Metro Verlaine…

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Vive La Fête - 11/04/2024
Zara Larsson 25-02-2024
Interviews

JOY

Bach plutôt que Beethoven…

Écrit par

Printemps 2007, alors que Venus va fêter son dixième anniversaires d’existence, à l’AB, Marc Huyghens annonce, via le website du groupe, la fin de l’aventure Venus. Aussi, le concert du 23 mars à l'AB se transforme en grande fête d'adieu, une grande fête au cours de laquelle de nombreux invités vont venir rendre un dernier hommage à Venus. Ce concert sera immortalisé par un double album, tout simplement intitulé « Venus », incluant, outre l'enregistrement du concert, une compilation des meilleures compos de la formation. Mais la suite est moins rose. Marc ne parvient pas à rebondir et s’enfonce dans l’alcool. Désintoxiqué il décide de monter un nouveau projet. En compagnie de sa compagne, Françoise Vidick, une vocaliste qui avait déjà bossé pour, en autres, Zap Mama et dEUS. Ils sentent la nécessité de compléter le line up et posent leur choix sur la violoncelliste Anja Naucler, ex-Manou Gallo, une connaissance de Françoise. Une virtuose qui a suivi une formation classique à Göteborg et au Conservatoire de Bruxelles. JOY est choisi pour patronyme ; et pourtant on ne peut pas dire que leur musique transpire la joie. Le trio a enregistré l’album, un an avant sa sortie. Puis se rôde en tournée. Un opus éponyme, partagé en 9 titres. Un disque beau et mélancolique à la fois (voir aussi chronique de l’album) Cette interview a été réalisée par e-mail. Marc a donc répondu aux questions, parfois embarrassantes, que votre serviteur lui a posées ; et je vous en propose le contenu, auquel j’ai parfois ajouté quelques remarques, entre parenthèses, en les précédant de l’abréviation ‘NDR :’…

Une question bateau, pour commencer, mais comme je n’ai reçu qu’un exemplaire cartonné promo, je n’ai guère de renseignements sur les sessions d’enregistrements. Quand se sont-elles déroulées. Où. Qui a produit l’album ? Y avait-il des invités ? Si oui, qui et qu’ont-ils fait ?

Les enregistrements ont commencé un an avant la sortie de l’album. Ils ont duré en tout 25 jours. Toutes les parties instrumentales ont été enregistrées au studio Pyramide à Beersel. Les voix ont été enregistrées au studio de Jean-Pierre Onraedt (ex-TC Matic). Le mix s’est fait au studio Dada à Schaerbeek par Christine Verschorren, et le mastering au studio Jet. C’est JOY qui a produit l’album. Le seul morceau sur lequel jouent des invités (un quatuor à cordes) a été écarté de l’album.

Tu as souhaité également sortir le disque sous la forme du vinyle. Une raison particulière ? Pas peur de te planter financièrement, sachant que c’est quand même onéreux ? Es-tu collectionneur toi-même ?

La fabrication des vinyles coûte en fait à peine plus cher que celle des CD. C’est par pur plaisir et parce que les amateurs de vinyles restent très nombreux que l’album sort dans ce format. Et aussi parce que la pochette a été conçue pour ça.

Dans le compte-rendu que j’avais écrit, lors du passage de JOY à Tournai, j’avais évoqué de vagues comparaisons avec le timbre vocal Guy Chadwick. Or sur le disque, il est plus éthéré. Il est naturel ou alors il a été retravaillé lors du mixing ?

La seule comparaison qui me semble la plus juste est celle qu’on a faite avec le chanteur de James... (NDR : parfois côté inflexions, mais certainement pas pour le timbre : Jeremy **–fan devant l’absolu de la bande à Tim Booth est ravi que l’on reparle de la formation mancunienne, une formation qu’il estime injustement méconnue et pourtant qui demeure une référence incontournable– le confirme). Les voix n’ont absolument pas été retravaillées. Elles sont comme l’album. C’est-à-dire très sèches et naturelles.

Pour l’instant JOY est un trio. Pas l’intention d’élargir le groupe à un sextet, en ajoutant 3 violons, par exemple, de manière à être soutenu par un quatuor à cordes ?

Absolument pas. La nature minimaliste du groupe impose de composer et de jouer à 3. C’est tout l’intérêt de notre démarche. Ce qui ne nous empêchera pas un jour de collaborer avec d’autres musiciens dans des cas précis. Car plus une musique est simple, épurée, plus il est facile d’y faire intervenir d’autres musiciens.

JOY, le patronyme du groupe, vous l’avez choisi en fonction d’un parfum onéreux créé par Jean Patou. Mais quand on prononce le mot JOY, on pense aussi à Joy Division, Band of Holy Joy, à ‘Ode of Joy’, la neuvième de Beethoven. Oui, il y en a d’autres, mais ces références-ci me semblent les plus évidentes, et auraient aussi pu constituer d’autres bonnes sources d’inspiration pour choisir ce nom. Qu’en penses-tu ?

Le nom du groupe a été choisi par opposition à la noirceur des textes que j’écris. Beethoven ? Je ne l’aime pas. Je lui préfère de loin Bach et la musique baroque en général. Joy Division ? Ils ne m’ont jamais attiré jusqu’au jour où Dominique A m’en a parlé. Depuis, j’ai écouté leurs albums, vu le film qu’en a tiré Anton Corbijn, et j’en suis devenu fan. Comme on est fan du Velvet. Et de ces groupes qui réinventent la musique avec une quasi absence de virtuosité.

Il y a des références au sacré et à la Bible dans tes compos. Et puis il y a cette croix, sur la pochette, même réalisée à l’aide d’un bouchon de Liège. Es-tu branché sur les textes bibliques ? L’Ancien Testament ? Les Evangiles ?

Je suis athée. Mais il y a sur l’album 2 chansons qui ont un lien avec la religion. « Long Way Around The Sea » qui est une allégorie sur le voyage des Rois Mages, mais surtout un hommage à Low, et « Sword » qui est une chanson sur quelque chose que j’estime absurde : la croyance religieuse.

On trouve également des références au Moyen-âge, dans tes lyrics. En particulier sur « Empire » et « Sword » (*). Féru d’histoire ?

Désolé, mais il n’y a pas la moindre référence au Moyen-âge… « Empire » est une chanson sur les dégâts immenses causés par les hommes dont la quête de pouvoir est synonyme de réussite.

Sur « Empire », justement, les accords angoissants de violoncelle (très thriller !) me font un peu penser aux débuts de dEUS. Et en particulier ceux de « Worst Case Scenario », à la fin du morceau. Objection ? Et sur « Endless song », la construction mélodique est assez proche du Muse, dans sa période la plus symphonique. Est-ce parce que vous puisez aux mêmes sources de la musique ‘dite’ classique ?

Je n’ai vraiment pas l’impression de faire une musique qui ait un quelconque rapport avec les 2 groupes que tu cites. Mais chacun est libre de faire les comparaisons qu’il veut !

(NDR : Coïncidence, mais j’imagine que les comparaisons ne sont pas toujours les bienvenues, même si elles sont inconscientes ; parmi les groupes et artistes dont Venus a partagé l'affiche en tournée, figuraient notamment Muse et dEUS… en outre, Françoise a, à une certaine époque, assuré les backing vocaux, chez la bande à Tom Barman)

(*)
Empire

Nous sommes morts et avons payé
Pour tous les mensonges que vous avez proférés
Vous nous avez incités à vivre en enfer
Alors que la paix était entre vos mains
Vous les Princes, Seigneurs et Rois
Aux ailes argentées de chevaliers
Le partage est un mot que vous détestez
Tout comme nos enfants que vous avez ignorés
Tout ce temps, tout ce temps, tout ce temps
Bientôt vous serez étendus
A côté d’un million de tombes
Et tant de femmes et d’hommes
Vous fixeront à nouveau
Les Empires que vous avez construits
Pour vos propres enfants
S’effondreront enfin un jour
Cela prendra du temps, cela prendra
Beaucoup de temps, beaucoup de temps, beaucoup de temps

Glaive

Oh mon Seigneur
Est-ce ce que vous souhaitez voir
Des gens à genoux
Oh mon Seigneur
Est-ce ainsi que tu veux que nous soyons
Des ombres traînant des péchés
Oh mon Seigneur
Esprit de houx
Des glaives de houx
Vous ont rendu aveugle
Nous prions tous quand vous trichez
Mais vous haïssez la façon dont nous chantons
Oh mon Seigneur
Ne sommes-nous pas les semences
Que vous avez semées
Et qui seront bientôt fauchées
Oh mon Seigneur
Esprit de houx
Des glaives de houx
Vous rendent aveugles
Nous prions tous quand vous trichez
Mais vous haïssez la façon dont nous chantons (Merci à Vincent Devos)

** Jeremy Dagnies qui a écrit pour diverses publications, et notamment pour le magazine Mofo, jusqu’en 2001.

The Hundred in the Hands

Jeunes, beaux, et bientôt célèbres.

Écrit par

Jason Friedman, c’est la demi-tête pensante des Hundred In The Hands. Par un bel après-midi, cet homme affable sirote un Cola et bouquine entre deux interviews. Au fil d'une conversation charmante et non dénuée d'humour, j'apprends que cet ancien étudiant des Beaux Arts et membre fondateur de The Boggs a aussi été guide touristique à Berlin. Entre culture cinématographique et escapade historique, notre conversation navigue au gré des mots. Rencontre avec ce qui pourrait bien être l'attraction de demain.

Jason, première visite sur nos terres, après l'annulation de votre date en avril dernier au Domino Festival?

Exact. Nous avions été contraints d'annuler à cause des émanations du volcan islandais. Ce n'est que partie remise. Nous espérons être bientôt de retour.

The Hundred In The Hands revendique un son qui lui est propre. Ni chaude, ni glaciale, ni sombre, ni aveuglante, votre musique est une synthèse de ces descriptions. Un mix d'émotions et un brassage d'influences diverses. Comment avez vous élaboré ce son spécifique?

Chacun de nous deux possède un vécu historique et musical différent. Nos influences sont également différentes. Et ce que nous créons ensemble, est donc le fruit de ces influences. Dans la mesure où nous ne sommes que deux, il est impossible pour nous de composer comme n'importe quel autre groupe, du genre: on se voit au local, on répète et on crée des morceaux dans cette veine. Non, nous travaillons chacun de notre côté des ébauches de chansons que nous refilons à l'autre, qui à son tour les retravaille. Et nous finissons d'écrire les chansons pendant le processus d'enregistrement. Ce qui engendre une interaction entre Eleanore et moi-même et apporte une certaine homogénéité à l'ensemble. Procéder de la sorte nous procure d’ailleurs beaucoup de plaisir. C'est assez amusant. Et nous permet d'emprunter différentes voies et évite l'évidence de nos influences qui sont alors noyées dans le processus.

Vous accordez-vous avant de commencer sur l'ambiance d'un morceau et la façon dont vous aimeriez qu'il sonne?

Non, en fait, de par cette liberté que nous nous accordons pour la composition de nos chansons, celles-ci peuvent à tout moment prendre une direction ou une autre. Les versions démos sont tout à fait différentes du résultat final, et parfois assez méconnaissables. Par exemple, la première mouture de « Young aren't young », la chanson qui ouvre notre album, était une sorte de version afro-beat des Young Marble Giants : une ligne de guitare posée sur des percussions africaines et un martèlement de batterie. Au final, même si nous avons gardé la mélodie et pas mal de choses, le résultat est sensiblement différent. Ce qui illustre la liberté de direction de nos chansons ; et c'est ce côté imprévisible qui nous excite.

Vous prenez donc votre pied dans l'expérimentation?

Effectivement. Je me souviens, quand nous avons commencé à élaborer le projet, que notre ambition était de travailler en compagnie de différents producteurs aux visions personnelles des choses, d'essayer de tirer un maximum parti de leur savoir et nous en servir en retour.

Ce qui vous éloigne drastiquement du processus de création opéré au sein de The Boggs, votre premier groupe?

Absolument. A l'époque, j'étais le maître à penser, je composais seul les chansons et les autres membres me suivaient à la trace. Même si mes acolytes, en compagnie desquels je partageais cette aventure depuis plusieurs années, épousaient une même conception de la musique, c’est souvent ma vision des choses qui prévalait. En quelque sorte, nous étions esclaves de mes limites. Certaines chansons auraient pu être mieux, plus abouties. Tandis que maintenant, il s'agit d'un projet à deux cerveaux complémentaires ; et c'est ce que j'aime. J'apprends de mes erreurs. Et je me suis amélioré en tant que chanteur ; ce qui me permet d'appréhender les choses de manière différente. Ensuite, il y a l'apport des collaborateurs. Je pense au producteur Chris Zane qui bosse sur nos compos depuis notre premier single « Dressed in Dresden » et dont le travail est fantastique. Toutes ces contributions nous ont permis de forger notre propre identité.

Etre signé sur Warp change-t-il les règles ?

Certainement. Par le passé, nous avons eu notre part de frustrations. On a galéré, ce ne fût pas toujours évident. Le label Warp était LE label en compagnie duquel nous rêvions de travailler. Et que les choses se soient passées exactement comme nous n'osions pas l'imaginer, mais que nous espérions de tout cœur, est totalement surréaliste. Ce sont eux qui sont venus à nous, et quand ils nous ont proposé de signer, nous n'avons pas hésité l'ombre d'une seconde. L'image qu'on s'en fait n'est pas usurpée. Il s'agit réellement d'un label de qualité, artistiquement très engagé, dont la vision est ouverte et intelligente. Je suis certain qu'après le mini-succès de « Dressed in Dresden », n'importe quel label aurait été tenté de nous demander de répéter la même recette, encore et encore. Mais pas les gens de Warp. Ils nous laissent carte blanche de A à Z, et cette liberté est vraiment précieuse. Nous ne sommes pas obligés de pondre des chansons en batterie, pas obligés de tourner. Non, ils nous disent ‘prenez votre temps, créez à votre rythme, on s'occupe de tout le reste’. C'est une chance inestimable.

Comment s’est déroulé l'enregistrement de l'album?

Le plus simplement du monde. De juin à septembre 2009, Eleanore et moi nous sommes concentrés sur l'écriture, à l'écart, dans notre coin. A partir de là, nous avons prévu quelles chansons figureraient sur l’Ep, et celles que nous envisagions de mettre sur l'album. Et puis nous nous sommes mis au travail sous la houlette des producteurs que nous souhaitions et finalisé le tout.

Tout en gardant votre mot à dire sur le résultat?

Tout à fait. C'était une réelle coopération entre les différents producteurs et nous-mêmes. Chacun apportant sa touche personnelle, ses idées. De plus, nous avons gardé pas mal du matériel enregistré 'à la maison'. Pour les guitares par exemple, nous n'avons pas eu à les réenregistrer. Mais nous avons profité du matériel haut de gamme du studio pour refaire les voix et certaines programmations.

N'est-ce pas un procédé délicat en prévision de la performance scénique?

Oui et non. En sauvegardant la plupart des prises démo, nous conservions cette perspective à l'esprit ; mais le fait de les jouer en concert me donne à réaliser comment je souhaite que telle guitare sonne ou telle ligne de basse soit. Nous utilisons beaucoup de bandes et nous essayons de trouver l'équilibre afin de restituer chaque chanson dans un contexte ‘live’. Ce qui nous oblige à envisager nos morceaux sous un autre angle, en prenant par exemple en considération le volume du son. Plus puissant sur scène. Et modifie quelque peu l'approche du morceau ; mais ceci rend aussi excitante cette méthode de travail.

Envisagez-vous intégrer d'autres musiciens en concert?

Peut-être bien un percussionniste pour la prochaine tournée. Mais pour les jeux de guitares et autres séquences sur bandes, nous avons trouvé nos marques en duo, alors pour l'instant nous ne pensons pas engager d'autres musiciens.

Ne craignez-vous pas d'être tôt ou tard limité au niveau du son?

Dès le début, nous avons conçu notre musique en duo avec en point de mire la tradition du Sound System, que ce soit en Jamaïque ou dans les débuts du Hip-Hop et cette faculté de transposer un enregistrement à différents volumes, dans différents contextes. C'est donc pourquoi nous possédons notre propre Sound System sur scène. Et il est intéressant de découvrir comment une chanson peut sonner différemment selon l'environnement. Que ce soit en studio, à la maison ou en ‘live’. Je pense qu'en ce qui concerne nos prestations scéniques, notre son est suffisamment puissant, suffisamment étoffé, sans nécessiter d'autres personnes. Donc, d'un côté, ce choix exige beaucoup d'abnégation, pour restituer les chansons dans toute leur ampleur quadriphonique, mais nous apporte une certaine liberté, puisque d'un show à un autre, nous pouvons apporter certaines modifications. En constante évolution. Et la formule du duo me convient parfaitement. A la fin, au sein de mon groupe précédent, je me lassais de devoir changer de musiciens tous les trois mois, leur apprendre les accords, les structures, et adapter mes propres chansons. Je me sens en fait plus libre. Eleanore et moi apprenons et progressons ensemble. C'est un processus qui nous sied parfaitement.

Pour en revenir à l'écriture même de vos chansons, qu'est-ce qui vous inspire?

Et bien, l'Art en général. J'ai accompli des études dans le domaine de la peinture, avant d'être totalement absorbé par mon groupe, The Boggs. Mais de toute façon, je n'y trouvais pas mon épanouissement. Je veux dire, je ne savais pas comment vivre en tant qu'artiste. Je réalisais mes trucs, mais j'ignorais comment diffuser mes œuvres, comment attirer l'attention sur elles. Je ne traînais pas dans les galeries toutes la journée ; par contre, j'adorais passer mes nuits dans les clubs et écumer les salles de concert. C’est ainsi que la musique a pris le pas sur mes prétentions graphiques. Et puis, je n'étais pas assez doué. Je me suis essayé un peu à la vidéo aussi. Finalement, The Boggs était la synthèse de mes aspirations, une sorte d'intellectualisation de mes envies artistiques au travers de la musique. Mais ce qui m'influence profondément dans la conception d'un morceau reste le cinéma et l'art vidéo. Notamment au niveau de la structure temporelle d'une chanson. Un titre comme « Last City » est directement inspiré par les œuvres de cinéastes tels Chris Marker, par exemple. Les textes étant eux plus influencés par la littérature ; même si je n'use pas de ces codes, j'aime l'idée de raconter une histoire. Bien sûr, je n'ai pas la prétention d'être un Alistair Grey ou un Samuel Becket! Il n'en demeure pas moins qu'ils font partie de mes références majeures. Et l'Histoire est un autre moteur d'inspiration. D'où le nom du groupe (NDR : faisant référence à une célèbre bataille américaine, menée par Crazy Horse, fier indien qui allait mener, une fois n'est pas coutume, les indigènes à la victoire sur l'armée US) ou d'un titre comme « Dressed in Dresden » qui parle des premiers essais bombardiers.

En parlant de vidéo, participez-vous activement à la création de vos clips?

Pour « Pigeon », j'avais imaginé un personnage central, dont je parle dans la chanson, cette jeune fille qui vit dans une grande ville et rencontre des problèmes à l'école ; même si au demeurant elle est assez intelligente, elle fréquente des idiots. Elle ne sait pas où elle va, ce qu'elle veut faire, et comme beaucoup, elle sort, boit, couche pour le fun et essaie de s'oublier. Et elle en a conscience. Les pigeons, dans la chanson, constituent son point d'ancrage avec la réalité. Tous les jours, elle se rend au square et regarde ces oiseaux qui inlassablement tournent en rond, stupides et sales. Et elle se dit qu'elle vaut mieux qu'eux. J’en ai donc parlé à la production, et ensemble, nous avons élaboré les traits de ce personnage. Au final, elle est moins misérable que dans mon esprit. Elle possède plus de recul Peut-être est-elle plus arrogante? Quoiqu'il en soit, le résultat est tout simplement incroyable. Et les effets spéciaux vraiment épatants. Le tout dessert bien le propos de la chanson.

Revenons un instant sur votre étiquette? Quelle est la part de gothique qui sommeille en vous?

Le formule ‘summertime Goth’, je dois bien confesser qu'elle vient de moi. En fait, un ami, à l'époque, organisait chaque semaine des soirées qu’il avait baptisée ainsi. Et immédiatement, j'ai pensé qu’elle collerait bien à notre type de musique. Loin des clichés du genre. Je veux dire, je n'ai jamais aimé la façon dont les Cure s'accoutraient, je ne vois pas de rapport entre leurs vêtements et leur musique. A New York, chaque semaine, se déroule au moins une soirée branchée, et les soirées gothiques sont nombreuses. Mais vous n'y croiserez pas de personnages dont les accoutrements sont propres à cet imagier de grenier. De ce fait, nous estimions amusant de dépeindre notre musique comme influencée par l'aspect gothique, mais sans le côté ridicule du concept. Une version plus ensoleillée en quelque sorte. Pour le prochain album, je pense déjà renouveler notre étiquette.

Etes-vous la partie sombre du projet, et Eleanore la touche ensoleillée?

Non, en fait, c’est seulement un juste équilibre entre elle et moi. Parfois, nos chansons prennent une direction trop noire ou trop guillerette, et nous tentons de trouver le juste milieu. Nous peinons quelquefois à égayer nos compositions, mais nous nous efforçons toujours d'appliquer ces deux aspects en une belle harmonie. Si nos chansons ne sonnent pas profondément dépressives, c’est parce que notre palette musicale, au niveau de nos goûts, est large. Il y a un soupçon de R&B dans notre façon de procéder ; et OK, j'admets que ce n'est pas directement audible, mais il nous permet justement d'avoir une approche radicalement différente par rapport à notre côté gothique. Le juste équilibre, c'est notre quête.

Pour conclure, vous semblez promis à un bel avenir. Craignez-vous les lendemains difficiles?

Je suis assez paranoïaque ; alors oui, définitivement, j'ai peur de ce que l'avenir me réserve. Je me focalise donc sur les améliorations à apporter. Par exemple, je souhaite qu'on évolue sur scène, qu'on devienne meilleur. Nous allons beaucoup tourner dans un proche avenir, pour justement aller dans ce sens. Ce qui ne nous empêchera pas de concevoir de nouveaux titres. Mais pour l'instant, nous devons nous concentrer sur cet album. Ce n'est pas évident par exemple de jouer des titres comme « The Beach » devant un public n'ayant jamais entendu la plupart de nos morceaux. J'espère et j'imagine que les choses seront différentes quand l'album sera sorti. Il ne faut pas trop que je pense à demain.

Ne dit-on point que l'avenir sourit aux audacieux?

(Voir également la chronique de l'album dans la rubrique ad-hoc)

 

Duke Special

Ambitieux, pas suicidaire…

Écrit par

Peu d’artistes sont capables d’adapter des œuvres aussi obscures que celles de Brecht et Kurt Weill. Peter Wilson, alias Duke Special, s’y est frotté ; et ma foi, a fort bien réussi son challenge. D’autant plus qu’il se traduit par la sortie d’un triple cd baptisé ‘The stage, A book & The silver screen’. Un box luxueux incluant deux elpees et un Ep. Peter est un personnage fort sympathique, loquace. Et n’élude aucune question. Dès la première, il se lance même dans une sorte de monologue pour bien expliquer ce qui l’a poussé à se lancer dans cette aventure…  

Le premier disque s’intitule ‘Mother Courage and her children’. C’est aussi le plus théâtral, dramatique et ambitieux. Il s’agit de la bande-son d’une des neuf pièces de Berthold Brecht. Signée Paul Dessa, elle a été revue et corrigée par Wilson, en 2009, après une nouvelle traduction opérée par Tony Kushner. 100 000 personnes ont assisté à la représentation de ce spectacle au Théâtre National irlandais. Et l’an prochain, elle sera jouée à Broadway. « Non seulement on m’a demandé d’écrire la musique, mais on m’a taillé un rôle sur mesure : celui d’un hybride entre un cheval et un cavalier grec. J’ai joué cette pièce, l’automne dernier. Une expérience qui a duré 4 mois… » Oui mais lorsque Brecht a écrit ces vaudevilles, c’était pour stigmatiser la montée du fascisme et du nazisme. « Mon job était de mettre en musique, des lyrics existants. Il fallait que je sois en parfaite adéquation avec les paroles. De nombreuses compos parlent de personnages qui ont vécu avant la guerre, alors qu’ils étaient encore purs, intègres. Les textes sont empreints de nostalgie. Par exemple sur ‘Yvette’, on y parle d’une femme qui sortait en compagnie d’un militaire. Il la battait. Elle l’a quitté. Et a voulu se suicider. Puis s’est tournée vers la prostitution, pour pouvoir protéger, élever ses enfants. C’est la guerre, mais il existe également un conflit entre les individus, à l’échelle sociale, humaine. Une tension entre l’égoïsme et l’amour, le don de soi. C’est cette étude conflictuelle, qui est la plus intéressante… »    

‘Huckleberry Finn’ est un Ep partagé en cinq titres, un disque plus léger consacré à des chansons inachevées de Kurt Weill. Le compositeur allemand s’était inspiré du chef-d'œuvre de Mark Twain, pour les écrire, mais elles n’avaient jamais été traduites en musique, ni enregistrées. « J’ai travaillé sur ce projet pendant un an et demi, en plusieurs étapes. Je suis tombé sous le charme de ‘Catfish song’, qu’il avait composée. C’est ainsi que j’ai découvert son œuvre. Et cette comédie inachevée. J’y ai ajouté des cuivres et du piano. Les morceaux ont été enregistrés à la maison. Les paroles, à Belfast. Et les cordes à New York… » Des chansons enjouées, insouciantes, susceptibles de nous replonger dans le rêve américain… Peter précise : « Oui, c’est quelque chose de beau et d’innocent à la fois. Quand j’ai écrit ‘Mother Courage’, je baignais dans l’univers musical de Kurt Weill. ‘Huckleberry Finn’ était une sorte de récréation. Weill était capable d’écrire des mélodies simples, malgré les aspects dramatiques de la pièce. Ces compos coulent de source. C’est le plus candide des trois enregistrements… » Et le plus amusant. La mélodie d’‘Apple Jack’ aurait pu servir de B.O. à un dessin animé de Walt Disney. Dans le ‘Livre de la Jungle’, certainement. « Elle est facile à chanter. Mais elle raconte d’une manière imagée, l’addiction à l’alcoolisme du père d’Huckelberry, et la difficulté d’en sortir… Kurt écrivait cette autre comédie musicale, quand il est mort. Je suis allé visiter le studio d’enregistrement où il travaillait. C’est devenu un musée. Il y a encore sa chaise. Des lettres. Des compos en friche. Quelque part, c’est un hommage à ce mythe ; et en même temps cette expérience m’effraie. Je porte une forme de responsabilité dans cette aventure… »

Mais le plus fort et le plus cohérent des concepts est manifestement ‘The Silent World of Hector Mann’. Mann était un obscur acteur de cinéma muet mis en scène par le romancier Paul Auster, dans son livre ‘The book of Illusions’. Wilson a composé la première chanson, inspirée par le titre du film ‘Mister Nobody’. Puis, il a eu l’idée de transmettre le bouquin à onze amis musiciens, pour les inviter à écrire une chanson sur un des autres titres de films, au sein duquel figurait Mann. Leur précisant que ces compos étaient destinées à être interprétées par trois stars de la musique rock. Ce processus a très bien fonctionné, puisqu’elles sont rentrées en un laps de temps assez court. Trois jours, suivant les déclarations de Peter. Et finalement, chacune d’entre-elles est marquée par la plume de chaque collaborateur.

Parmi les artistes qui ont coopéré à ce dernier projet, figurent Neil Hannon, le leader de The Divine Comedy et le Londonien, Ed Harcourt. En ce qui concerne le premier, on devine que c’est parce qu’il partage les mêmes sensibilités musicales. Pour les compositeurs allemands du XXème siècle comme Kurt Weill. Mais aussi Scott Walker, Burt Bacharach, le music-hall et le cabaret. Chez le second, on imagine, qu’il doit apprécier sa vision du romantisme. Peter s’explique : « J’ai effectué une tournée en compagnie de Neil, en 2006. Qui est passée par la France, l’Angleterre et la Belgique. J’admire cet artiste depuis longtemps. Il vit à l’extérieur des courants et des modes ; et c’est ce que j’aime chez lui. C’est d’ailleurs ce que j’apprécie toujours chez les artistes. Il est intemporel comme Jacques Brel ou Scott Walker. Je pense que nous partageons les mêmes influences. Et le goût de cette musique d’une autre époque. Mais l’essentiel, c’est qu’il fait ce qu’il a envie et aime. Qu’il reste lui-même. Tous les compositeurs qui ont participé à l’écriture de ‘The Silent World of Hector Mann’, je les ai choisis, parce que je savais qu’ils étaient capables de composer à l’ancienne et comprenaient ce que j’attendais d’eux. Comme Ed Harcourt, qui a écrit ‘Jumpin’ Jack’… » Certaines plages de cet elpee épousent même la forme dansante de l’époque : tango, valse ou charleston. Un feeling qui reflète parfaitement les années 20. Peter admet : « C’est un peu comme si ces artisans peignaient un tableau de l’époque. Mais le plus passionnant, c’est que chaque chanson recèle l’ADN de son compositeur… J’ai demandé à Bob Weston de tout mettre en forme, afin que l’ensemble sonne comme du Duke Special. Car le but, c’était que le mélomane ait l’illusion d’écouter du Peter Wilson… »

Les sessions d’enregistrement de ‘The Silent World of Hector Mann’ se sont déroulées sous la houlette de Steve Albini. Etonnant pour ce type de projet, quand on sait que le producteur fait pratiquement tout en une seule prise. Peter clarifie : « C’est vrai qu’il est plus notoire dans l’univers du rock. Au service de groupes ou d’artistes qui privilégient la guitare. Comme chez Shellac. Finalement, on pensait que le choix n’était pas si insensé, car c’est avant tout un remarquable ingénieur du son. Il n’est pas vraiment producteur. Nous étions trois. Un joueur de banjo et de mellotron. Et moi. Puis on a loué les services d’une section rythmique à Chicago. On a tout exécuté. N’ont été overdubbées que les paroles. Le reste était en ‘live’. C’est la meilleure méthode d’enregistrement, car elle te force à bien jouer. Et ces compos ont été mise en boîte rapidement. Les sessions étaient très intensives. Mais j’ai apprécié cette manière de travailler… »

A premier abord, on pourrait penser que ce concept est un véritable suicide commercial. Pas tant que ça. En fait, Peter s’est tourné vers ‘Pledge music’ pour le financer. Oui, mais ‘quekcèqça’ ? « Traditionnellement, un groupe ou un artiste signe chez un label. Il dispose d’un budget pour l’enregistrement. La maison de disques doit payer les salaires et prendre sa marge bénéficiaire. ‘Pledge Music’ est un nouveau système pour recueillir des fonds. Les gens achètent les œuvres avant qu’elles ne sortent. J’ai réussi à récolter entre 42 et 43 000£ (+ ou - 40 000€), lors de cette prévente. J’ai aussi écrit des poèmes pour les souscripteurs. Certains d’entre eux m’ont demandé de leur consacrer des covers. Et je me suis fait rétribuer pour ce boulot. Tout un arsenal de moyens pour lever des fonds. L’industrie du disque est en pleine tourmente et chacun essaie de trouver des idées et des solutions. Il y a tellement de gens qui écoutent de la musique gratuitement. Comment voulez-vous gagner votre vie ? »

En 2006, j’avais eu le plaisir d’assister à un concert de Duke Special. A l’Aéronef de Lille, très exactement. Un chouette concert, amusant même, qui m’avait également permis de découvrir un fantastique percussionniste (NDR : il n’hésite pas à se servir de toute une batterie de cuisine, comme instruments de musique) répondant au nom Chip Bailey Wilson. Sera-t-il de la prochaine tournée ? « Il s’agira d’un autre spectacle impliquant d’autres partenaires. Je bosse en compagnie d’une dizaine de musiciens différents. Donc il ne participera pas à cette nouvelle tournée… Et on va d’abord se concentrer sur ‘The silent world of Hector Man’. Puis ‘Mother courage’. On va y ajouter des éléments visuels, des interviews qu’on projettera lors des intermèdes, etc. »

Dernière question qui s’écarte complètement du sujet, mais qui méritait d’être posée, qu’est ce que Wilson aime chez les Dresden Dolls ? Et la réponse reflète parfaitement l’état d’esprit de notre interlocuteur. « En fait, j’étais en tournée, quand j’ai découvert ce groupe. J’aime beaucoup le concept cabaret de leur spectacle. Leurs déguisements, leur maquillage, le chapeau melon de Brian… sans oublier le talent de pianiste, de compositrice et de chanteuse d’Amanda. Mais j’apprécie aussi leur manière indépendante de gérer leur carrière. Tant d’un point de vue artistique que financier. A l’écart du circuit conventionnel des labels » (NDR : on y revient…)

Merci à Vincent Devos

 

Born Ruffians

Du rythme et des voix…

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Interviewer Luke LaLonde, le chanteur de Born Ruffians, relevait, pour votre serviteur, de l’enchantement. Et pour cause, le dernier opus de la formation canadienne, « Red, Yellow & Blue », était manifestement celui qui avait le plus tourné dans mon IPod, en 2008. Faut dire que cette rencontre entre le sens mélodique de Franck Black et le profil rythmique de Talking Heads, parcouru par le feeling unique du vocaliste, avait de quoi séduire. Luke est venu défendre le nouvel elpee du trio, « Say It ». Ses arguments ne manquent pas de conviction, mais le disque risque fort de décevoir les fidèles aficionados. A contrario, il pourrait conquérir de nouveaux fans. Motif ? « Say It » recèle bien moins de hits que le précédent opus ; mais il est bien plus cohérent. De quoi alimenter notre conversation…

Luke, tu ne débarques pas en Belgique, pour la première fois. Content de revenir à Bruxelles ?

Absolument ! Malheureusement nous ne disposons que de trop peu de temps libre pour visiter la capitale. En outre, aucun concert n’a été programmé dans l’immédiat. Faut absolument que j’en parle à notre manager, pour rectifier le tir…  

Les origines de Born Ruffians seraient très secrètes. Possible de lever un coin du voile ?

Pour être honnête, elles n’ont vraiment rien de bien secrètes (rires)… Notre aventure a commencé alors que nous n’avions que 16 ans. Au sein d’une petite ville sise dans Ontario (NDR : c’est au Canada), répondant au nom de Midland. Après avoir ramé pendant des années, s’être obstiné à répéter des compos bancales, on a décidé de déménager à Toronto. Où nous avons opté pour le patronyme de Born Ruffians. C’était en 2004. Deux ans plus tard, après y avoir accordé quelques shows, un manager mandaté par Warp est venu nous voir et nous a proposé de rejoindre leur label. D’abord pour enregistrer un Ep ; et puis accomplir une tournée américaine. Le reste appartient à l’histoire… 

Oui mais Warp est un label surtout notoire pour ses artistes électro. Il y a bien quelques exceptions comme !!!, Battles, Maxïmo Park, Gravenhurst et Grizzly Bear. Mais ils ne sont pas légion. Et puis, il faut croire que pour rejoindre cette section indie, il faut quand même respecter certains critères. Vous aviez l’impression de faire partie de leurs desseins ?

Warp était le label qui semblait le plus croire en nous à l’époque. Peu importe qu’il soit considéré comme électro ou pas. Je suis d’ailleurs grand fan des Boards Of Canada et de Jamie Liddle ! Je pense que Warp cherchait tout simplement à élargir son champ d’action, sur la scène pop/rock. Et nous ne pouvons que nous réjouir de leur soutien jusqu’à présent.

Pourquoi avoir confié à Rusty Santos (NDR : Animal Collective, Panda Bear, Owen Pallett) la production de votre nouvel album ?

Nous étions réellement satisfaits de son travail sur « Red, Yellow & Blue ». Rusty apporte une perspective unique à notre musique et nous pousse jusque dans nos derniers retranchements, en studio. Nous ne souhaitons pas une production standardisée et son approche non-conventionnelle nous convient parfaitement.

Qu’y a-t-il de fondamentalement différent entre « Red, Yellow & Blue » et « Say It » ?

Je pense que nous étions plus relax, mais aussi concentrés lors de la confection de « Say It ». Nous disposions de plus de temps (2 semaines !) et avions une meilleure idée de ce que nous voulions. Chaque morceau devait être construit lors des répétitions en studio. Il était important pour nous de ne pas se baser sur une démo préalablement enregistrée, mais de tout composer en live. L’évolution de jeunes gens d’à peine 20 ans est également un facteur important … (rires). Au cours des derniers mois, le line up de la formation a dû faire face à de nombreux changements. Une situation qui finalement nous a beaucoup rapprochés et même soudés ! Je crois que chaque petit changement dans la vie d’un artiste influe sur son art…

En enregistrant ce nouvel opus, aviez-vous, consciemment ou pas, une idée de votre nouvelle orientation musicale. Certaines découvertes récentes vous ont-elles influencées?

Nous désirions communiquer davantage d’émotion dans nos compos et écrire de véritables chansons pop dont les refrains seraient hérités en ligne droite de la fin des années 70 et du début des années 80. Nous les avons composées en nous imprégnant de l’esprit d’artistes comme Van Morrison, Amon Düül, les Beach Boys, Roy Orbison ou encore Tom Petty...

A l’instar des Talking Heads, la plupart de vos morceaux sont basés sur les rythmes. Une ligne de conduite ?

En studio, lorsque nous travaillons sur un morceau, nous précisons bien nos rôles. Sauf pour l’aspect rythmique dont nous partageons la même passion. Steve ne bosse pas beaucoup sur le sens mélodique, mais bien le rythme, la précision et la concision des morceaux. La mélodie est plutôt du ressort de Mitch ; mais il participe également à l’empreinte rythmique. Perso, je me concentre sur les harmonies vocales, qui elles aussi, sont fortement marquées par le rythme ! Lors des répétitions, nous ressentons instinctivement lorsqu’il est nécessaire de renforcer la ligne vocale et quel instrument doit mener le tempo. Néanmoins, malgré l’omniprésence de ces rythmes, je pense que « Say It » met surtout l’accent sur le travail des voix, tout en permettant aux chansons d’être fredonnées. Mais chassez le naturel…

Quels sont les artistes ou groupes que vous appréciez le plus, sur la scène contemporaine ?

J’avoue avoir beaucoup écouté le dernier album de Caribou… que j’ai eu la chance de recevoir avant tout le monde, car je chante le dernier morceau ! Mon ami Dave, de Tokyo Police Club, m’a également récemment envoyé son dernier cd et je le trouve superbe. J’adore aussi les Nurses de Portland. Nous allons d’ailleurs tourner avec eux, dès septembre. Je vous conseille l’écoute de Magic et des Slim Twig. Ils sont issus de Toronto. A côté de ces récentes découvertes, j’écoute surtout James Holden, Four Tet et Joy Orbison…

La communauté artistique de Toronto, c’est toujours d’actualité ?

En fait, j’ai déménagé. J’ai quitté Toronto pour Montréal! Mais j’y retourne bien entendu régulièrement ; non, non, rien n’y a changé !

 

Field Music

Nous sommes producteurs avant d’être musiciens…

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Ne pas confondre The Field et Field Music. Le premier est le pseudo d’un artiste techno suédois, répondant au nom d’Axel Willner. Le second, un quatuor insulaire drivé par les frangins Brewis, Peter et David. C’est cette formation issue de Sunderland qui nous intéresse ici. Et pour cause, elle vient de sortir un nouvel album. Un disque très riche. Et pas seulement parce qu’il est double ! Leur tournée transitait par la Belgique. Le combo en a profité pour accorder quelques interviews. David s’est prêté à cet exercice de style, en toute sincérité, pour Musiczine. Et à l’instar de la musique dispensée, tout au long de leur elpee éponyme, les réponses ont fusé dans tous les sens…

Je présume que vous ne débarquez pas pour la première fois en Belgique. Heureux de revenir dans notre pays ?

En fait, nous ne nous sommes produits, qu’une seule fois en Belgique. Au Pukkelpop, en 2006, si mes souvenirs sont bons. Une très belle expérience même si elle a été de courte durée ; car nous devions accorder un show à Sunderland, le lendemain. C’est donc avec grand plaisir que nous retrouvons la Belgique ! C’est une chance de pouvoir y jouer à nouveau (NDR : les Anglais avaient accordé deux concerts, chez nous, à Ostende et Anvers, respectivement ces 22 et 23 avril).

Vous avez êtes accordé un break de 3 ans, à l’issue de la publication de votre album précédent (NDR : l’excellent « Tones of Town »). Certaines rumeurs de split ont forcément circulé. Etaient-elles fondées ?

Nous ne prenions plus beaucoup de plaisir au sein du groupe, à l’époque. La décision la plus logique a donc été de se séparer et de nous consacrer à nos projets solos (The Week That Wasn’t pour Peter et School Of Language pour David). Nous ne savions pas si nous allions un jour nous remettre à composer sous le nom de Field Music. Mais comme nous sommes frères ; nous ne pourrons de toute façon, jamais réellement nous séparer !

Aviez-vous besoin de ces expériences en solo ? Y avait-il certaines idées qui ne convenaient tout simplement pas à l’univers de Field Music ?

Il existait pas mal de choses que nous pensions à l’époque ne pas convenir à Field Music. Comme, par exemple, des chansons construites autour de samples de batterie de The Week That Wasn’t ou des morceaux sans claviers pour School Of Languages. Mais en tournant pour ces albums, nous nous sommes rendu compte que nous devions élargir la palette de Field Music et cesser de nous imposer des barrières et des règles. Bon nombre de nouvelles compos de « Field Music » découlent donc de nos expériences vécues en solo.

Ce nouvel elpee regorge d’influences. Lesquelles aviez-vous en tête lors des sessions d’enregistrement ?

Difficile à dire… j’écoutais en tout cas David Bowie. Et puis nous étions en pleine phase de redécouverte de la musique qui avait bercé notre enfance. Comme celle du Led Zeppelin, qui était le premier groupe que nous avons réellement aimé. Et puis également, d’autres artistes, que nous avions repérés dans la collection de disques de nos parents, comme ceux de 10CC ou The Cream.

Quelle direction désiriez-vous explorer, lors de la confection de ce nouvel elpee ? Certaines de vos nouvelles découvertes vous ont-elles influencées?

Nous voulions créer une œuvre longue et variée, afin de donner une image plus complète de ce que nous sommes et aimons réellement. Nous refusions de nous engager dans une seule direction de bout en bout. Nous souhaitions emprunter toutes les directions à la fois, sans aucune limite !

Vous produisez toujours vos albums. Ne pensez-vous pas que vous pourriez puiser de nouvelles idées, en confiant ce rôle à quelqu’un d’extérieur au groupe ? Ou estimez-vous que vous en développez suffisamment ?

Il est très difficile pour nous de séparer les arrangements de la composition. Nous avons de plus des idées très précises du son que nous voulons recréer ; donc je ne vois pas comment nous pourrions travailler sous la houlette d’un producteur. En studio, Peter et moi sommes producteurs, avant d’être musiciens d’ailleurs…

Quels sont vos rôles en studio?

Nous écrivons chacun de notre côté et nous occupons tous les deux d’un peu de tout. Une véritable équipe !

Vous disputez-vous comme de véritables frères lors des sessions d’enregistrement ?

Pas vraiment. Nous avons une règle d’or : celui qui a composé la chanson prend les décisions finales quant à sa réalisation. Nous sommes dictateurs chacun à notre tour ; donc pas de disputes possible !

L’opus contient 20 chansons et s’étale sur plus de 70 minutes. Avez-vous réussi à inclure toutes les chansons composées ou certaines ont-elles été éliminées ?

Pratiquement toutes nos compositions s’y trouvent. Nous en avions, en fait, écrites 23 ! Mais les 3 qui ne se figurent pas sur l’album n’étaient pas terminées…

Ce disque est très éclectique. On a parfois l’impression que ce sont des groupes différents qui ont concocté des morceaux comme « Let’s Write A Book », « Choosing Numbers » ou « You And I ». Ne craigniez-vous pas un manque de cohérence ?

Nous étions au contraire très excités par cette absence de cohérence ! Les changements de style faisaient partie de notre nouvelle philosophie. Mais comme Peter et moi chantons à notre tour, je pense que notre musique sonne tout de même toujours comme du Field Music.

Il recèle aussi quelques chansons quasiment pop, comme « Them That Do Nothing » ou encore « You And I » ; mais elles figurent parmi les 18 autres, plus riches et complexes. Vous ne semblez pas particulièrement obnubilés par la recherche d’un succès populaire.

Notre seul but est de créer la meilleure musique possible et le seul moyen pour y parvenir est de tenter de composer celle que nous aimerions écouter. C’est aussi simple que ça. Je n’écrirai jamais une chanson pour qu’elle rencontre un succès commercial. J’aime beaucoup trop la musique pour ça.

Quels sont vos groupes favoris du moment ?        

Ils sont principalement américains : Deerhof, The Fiery Furnaces et Joanna Newsom. Mais je vous conseille également de tendre l’oreille à Frankie and The Heartstrings. Ce sont nos amis. Ils sont issus de la scène de Sunderland et composent des hymnes indie-pop très sexy.

Habitez-vous toujours Sunderland? Pourriez-vous décrire cette ville à nos lecteurs ?

Et oui ! J’habite toujours cette ville du Nord-est de l’Angleterre de plus ou moins 250 000 habitants. Elle se situe non loin de Newcastle, à plus ou moins 6 heures de route de Londres. Hormis son glorieux passé, illustré par l’essor de l’industrie maritime et charbonnière, Sunderland ne jouit pas d’une grande notoriété. En outre, les habitants ont été particulièrement touchés par la disparition de ces secteurs d’activité économique. Aujourd’hui, elle est pauvre et souffre d’un taux de chômage très élevé. Sunderland n’est pas une ville très culturelle ; sauf si l’on considère le foot comme de la culture. Une situation parfois fort déprimante. Mais c’est chez moi et je n’ai aucune intention de la quitter, car je l’aime, malgré tout…

 

 

My Little Cheap Dictaphone (MLCD)

Une œuvre totale !

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Vraisemblablement responsable de la confection d’un des meilleurs albums pop-rock de cette année 2010 (« The Tragic Tales of a Genius »), « MLCD » (feu « My Little Cheap Dictaphone ») s’explique. Discussion relative à un opéra pop soigné pendant trois longues années, traçant l’ébauche d’un bateau ivre sillonnant prodigieusement tous les grands fleuves artistiques : la musique, le théâtre, le cinéma, la littérature… Une schizophrénie musico-visuelle qui prendra vie sur les planches du Cirque Royal, ce 8 mai prochain, dans le cadre des Nuits Botanique. Concert à ne rater sous aucun prétexte !

- Votre nouvel album s’intitule « The Tragic Tale of a Genius ». Qui est ce mystérieux génie ?

- En fait, j’ai lu plusieurs autobiographies d’artistes qui m’ont inspiré un peu l’histoire. Il y avait, parmi d’autres, celle de Tom Waits, Johnny Cash et de Brian Wilson. L’important n’est pas tant de s’attacher à un personnage précis que de raconter le parcours d’un artiste. Cependant, c’est indéniablement Brian Wilson qui colle le plus à ce que je raconte.

- Pourquoi aborder la vie de Brian Wilson ? Quel regard portez-vous sur cet artiste ?

- C’est en lisant son autobiographie que j’ai eu réellement l’idée de réaliser cet album. L’histoire se déroule au début des années 80. Il est cloué sur son fauteuil, pèse 150 kg et n’est plus sorti de chez lui depuis un an… Il nous confie, au début du bouquin, qu’il s’est fait virer des Beach Boys, a tout perdu.

- C’est le personnage qui t’inspire de la tendresse ou plutôt la musique ?

- Les deux. Son parcours nous bouleverse pour les raisons que je viens d’évoquer. Alors on s’interroge : comment après avoir été le plus grand créateur de la pop, chez les Beach Boys, peut-on en arriver à ce stade ? C’est ça qui m’intéressait. La lecture de son livre a été réellement décisive et a inspiré l’orientation particulière de mon récit.

- Tu t’arrêtes sur la biographie de Brian Wilson et il y a deux ans d’écriture, ensuite…

- Plus ou moins… En fait, tout le processus, s’est fait en parallèle : le texte, l’histoire, la musique... Et a évolué au fil du temps. 

- Quel parcours avez-vous suivi avant que l’album-spectacle ne tombe dans les bacs ? (l’écriture, les studios…)

- De nouveau, tout s’est fait en parallèle. Il y a eu cette idée de concept ; mais, au début, nous ne pensions pas à un opéra rock ou plutôt, pop, comme il est décrit. Au départ, on voulait juste créer un univers, un concert un peu ‘scénographié’, y inclure un peu de visuel pour guider le spectateur, l’introduire dans un univers singulier. Alors, nous avons fait quelques rencontres décisives. Dont celle d’Eve Martin qui s’est chargée de réaliser le spectacle. Elle nous a demandé : ‘Alors, comment est-ce qu’on va raconter cette histoire ?’ Et, comme il n’était pas question pour nous de jouer –on voulait juste que ce soit leur concert tout de même– alors, on s’est dit qu’on allait tourner des vidéos pour raconter l’histoire, puisque c’est un langage universel…

- Comment pouvez-vous décrire cet univers musical ? Ce nouveau MLCD ?

- Je ne sais pas comment décrire notre musique… On a voulu sortir du schéma habituel, de la façon dont on compose d’ordinaire de la musique. Avant, c’était généralement moi qui arrivais avec une chanson que j’avais déjà écrite en grande partie à la maison. Ensuite, on la travaillait en groupe. Dans ce cas précis, on a commencé de bosser, un peu de la même manière. Puis, Louis nous a rejoints au piano. Peu à peu, on a ressenti une envie impérieuse de sortir de ce canevas classique guitare/piano/batterie ; et en ce qui me concerne, de cesser d’écrire de mon côté. Le nouveau concept qui s’est ainsi profilé, insinué au sein du groupe, impliquait une réponse radicalement collective. Alors, pour créer collectivement ce nouvel album, on a loué des chalets dans les Ardennes, du côté de Vielsalm.

- Et l’enregistrement s’est réalisé aux Etats-Unis, c’est ça ?

- A Amsterdam. C’est le mixage qui a été effectué aux Etats-Unis.

- Où précisément ?

- Au Texas, à Dallas, en compagnie de John Congleton, dans son studio à Austin (et à Liège aussi). 

- Comment parvient-on à rencontrer et à collaborer avec Jonathan Donahue ?

- Tout simplement. Je lui ai envoyé un mail, en y joignant ma chanson et voilà…

- Tu m’as dit que tout s’était fabriqué en parallèle mais ce projet présente une véritable trame narrative, je trouve… Il y a le titre (…), était-ce étudié ?  

- Oui, bien sûr, c’était un peu voulu que soit un tout. Tout y contribue : aussi bien la musique, que le décor, la façon dont on est habillé, les vidéos, le clip vidéo… Il est important que tous les éléments s’inscrivent dans une continuité.

- La pochette de l’album et les affiches évoquent le cinéma US des 50’s-60’s. Tout particulièrement la période américaine Hitchcock, que je ressens très fort. Et plus précisément encore, du long métrage « La mort aux Trousses ». Mais quel rapport MLCD et le cinéma entretiennent-ils, au juste ?

- Oui, Alfred Hitchcock, notamment, dont on a parlé tout à l’heure. C’est quand même l’une des influences majeures pour tout ce qui était visuel justement… « La mort aux Trousses » ? Par exemple. Ou « Vertigo ». Il est vrai qu’on est déjà fan du 7ème art, à l’origine. C’est pour cette raison qu’on s’est dirigé vers une équipe de cinéma pour travailler, plutôt que de théâtre. On se sent plus proche de cet univers filmique que du monde de la comédie, peut-être un peu plus statique, où la possibilité de montrer, de jouer sur les images, justement, est plus restreinte. Le théâtre repose davantage sur un jeu d’acteur, talent que nous n’avons précisément pas.

- Pouvez-vous nous donner un descriptif de votre ‘concert-spectacle’ programmé ce 8 mai prochain au Cirque Royal, dans le cadre des Nuits Botanique. Y aura-t-il une réelle synchronisation entre musique et images ?

- Oui, bien sûr, c’est exactement ça. On joue les morceaux et, simultanément, pendant qu’on les interprète, les vidéos sont projetées. Pas sur toute la longueur du morceau mais… En fait, les clips ont été conçus pour permettre au public de comprendre les thèmes généraux abordés dans les morceaux, pour qu’il puisse suivre le fil l’histoire et se laisser imprégner de l’atmosphère de l’album.   

- En vrai schéma narratif, donc …

- Oui, oui, bien sûr… D’ailleurs, tous les arrangements symphoniques utilisés ont précisément été conçus pour narrer l’histoire, pour renforcer les moments dramatiques ou joyeux ou…

- D’autres surprises pour le premier concert… ?

- Il y aura l’orchestre déjà.

- Combien serez-vous sur scène ?

- Une quinzaine de musiciens, les voix … en tout, une vingtaine.

- C’est le ‘combo’, quoi ! Et, principalement, quoi ? Des cordes, des cuivres … ?

- Essentiellement les cordes : 6 violons, 3 altos, 2 violoncelles, 4 harmoniums. 

- Quelles sont vos attentes …

- On ne sait pas exactement. On a réellement vécu la conception de cet album comme un nouveau départ. Nous avons même songé à changer le nom du groupe. C’est un peu une renaissance au niveau du style, de l’équipe, de tout. Notre travail s’est déroulé suivant un rythme propre. On a essayé de soigner chaque point, chaque détail sans se fixer de délai. On a décidé de prendre le temps qu’il fallait pour arriver au bout du projet, que ce soit dans l’écriture des textes, l’enregistrement en studio, la préparation du spectacle… et voilà ! On se rend compte, enfin, nous, My Little Cheap Dictaphone, qu’on a bossé presque 3 ans dessus quasiment tous les jours. On était un peu découragé parfois mais, bon, on espère que l’accueil sera positif, que le public comprenne un peu ce qu’on a voulu faire, qu’il y ait de l’engouement… (?) les projets semblent se développer…

- Et vous avez collaboré avec qui, justement, pour les vidéos, etc. ?

- Et bien, Eve Martin et Nico Bueno se sont chargé des vidéos, sous le nom de Bubble Duchese… Eve, également de la mise en scène. Elle a constamment collaboré à mon travail d’écriture. Je me suis rendu également en Norvège pour travailler sur l’histoire, en compagnie d’une écrivaine norvégienne qui s’appelle Yan Vatnoy… Durant ce séjour, nous nous sommes longuement penchés sur les chansons, sur le récit. A vrai dire, ce n’est pas vraiment une histoire qui retrace la vie d’un personnage. Ce qui importe réellement, c’est son évolution psychologique. C’est de ce point de vue que l’on a concrétisé le projet. Il s’agit de saisir le ressenti psychologique du personnage. Cette fêlure qui lui vient de l’enfance, comment va-t-il en faire un don ? Et, comment définir son pôle artistique par rapport à ce contexte ? Comprendre pourquoi et comment, tout au long de sa vie, il va se sentir sans cesse mal à l’aise dans ses baskets, toujours un peu en marge de la société. Comment il va évoluer à travers le succès, la déchéance, les excès de rock-en-roll, etc.   

- Peut-on facilement raconter la vie chaotique de Brian Wilson en un récit linéaire ?

- Oui, c’est un peu chaotique. Mais le récit respecte tout de même le fil chronologique de toute destinée : d’abord l’enfance, puis la création du groupe, puis le succès, les excès ; ensuite le pétage de plombs… enfin, dans la deuxième partie de l’album, le passage à vide, la nausée, le naufrage dans la folie, la schizophrénie… Nous avons voulu capter le chaos qui le cerne, rendre audible et visible la déchirure éblouissante qui le disloque, draguer le fond vertigineux de ses luttes intestines. Car telle est la question : comment peut-il affronter ses démons intérieurs ? On incarne cette descente aux enfers à l’écran par la représentation du combat avec le diable. C’est un peu lui-même, son ombre obscure qu’il combat. Il se livre à une lutte sans merci contre lui-même pour vaincre l’armée des démons intérieurs.

- (…) vous, comment définissez-vous votre opéra pop ?

- Il m’est difficile de le définir précisément… On avait juste envie que le spectateur plonge dans un univers pendant une heure comme s’il allait au cinéma, qu’il rentre dans notre histoire, vibre au son de la destinée du personnage, soit touché par les chansons, ressente des émotions à travers ce personnage, la mise en scène, les vidéos, à travers nous… C’est surtout ça qui nous guidait.

- Encore un mot, quelle est la participation exacte de Jonathan Donahue  sur le dernier LP ?

- Il chante sur une chanson, on se partage le chant…

 

Broken Social Scene

Au feeling !

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Eponyme, le dernier opus du collectif canadien remonte déjà à 2005. Les mélomanes les plus difficiles l’estimaient trop brouillon. Les autres, particulièrement créatif. En tout cas, il n’était pas aussi raffiné que « You Forgot It in People », publié en 2002. Pour enregistrer « Forgiveness Rock Record », le collectif canadien a reçu le concours, entre autres, de Feist, Sam Prekop (The Sea and The Cake) ainsi que du légendaire John McEntire (Tortoise) à la production. A quelques semaines de la sortie de leur 3ème album, nous avons rencontré Brendan Cannings (NDR : il partage le leadership du combo, avec Kevin Drew), au café de l’Ancienne Belgique. Loquace, affable et surtout passionné de musique, Brendan nous livre ses premières impressions sur ce nouvel opus…

Pourquoi avoir choisi votre héros, en l’occurrence John McEntire pour mettre en forme « Forgiveness Rock Record » ? Qu’attendiez-vous de lui en matière de production ?

John McEntire est en effet une sorte de héros pour certains membres du groupe ! Nous sommes en tous cas fascinés par son œuvre. Quel mélomane ne le serait d’ailleurs pas, en écoutant ce qu’il a pu réaliser au sein de Tortoise. Les sessions se sont déroulées dans ses studios, à Chicago. Une merveilleuse expérience ! C’était la première fois que nous enregistrions, à l’extérieur de Toronto. J’avoue avoir été envahi par une certaine appréhension, au cours des premiers jours, mais au fil du temps l’expérience est devenue de plus en plus enrichissante. Nous avons d’ailleurs accumulé plus de 30 morceaux !

Avant d’entrer en studio, aviez-vous déjà une petite idée du choix de votre nouvelle orientation musicale ?

Avant d’entamer l’enregistrement d’un album, nous ne décidons jamais de la direction que prendra notre musique. Tout le monde débarque avec ses propres idées et nous commençons à jouer, en attendant que l’alchimie opère, que le moment magique arrive. Et après des heures de répétition, les morceaux prennent forme tout naturellement. Au feeling ! Jusqu’au moment où nous touchons à la mélodie idéale… C’est une chance que nous soyons tous véritablement mordus par la musique. Nous pouvons jouer des heures, sans nous accorder la moindre pause…

Certaines de vos dernières découvertes musicales vous ont-elles influencées ?

Tout ce que j’écoute m’influence, que je le veuille ou non. Mais il est certain que les dernières productions de Neon Indian, Atlas Sound et Animal Collective nous ont fortement marquées. Certains artistes hip-hop comme Mos Def également. Tout mon parcours musical agit sur mon subconscient, en fait. De mes premiers amours ‘metal’ jusqu’à l’indie-rock des années 90, en passant par la scène contemporaine. En entrant ici, j’ai entendu une chanson d’Erika Badu ; et je suis convaincu qu’elle influera sur mes compositions futures. Cette chanson me sensibilise tellement, que cet après-midi, j’essaierai d’aller me procurer ce cd, chez un disquaire, à Bruxelles.

Votre dernier elpee remonte à 2005. Depuis, il me semble que vous vous êtes, à l’instar de  Kevin, surtout concentrés sur vos projets solos respectifs. Vous vouliez faire un break ?

Non, non, croyez-moi, je n’ai pas chômé une seconde ! J’ai participé à l’écriture de la B.O. de certains films comme « Half-Nelson » de Ryan Fleck en compagnie de Ryan Gosling (Dead Man’s Bones) ainsi que pour deux long métrages mettant en scène Ellen Page. Tout d’abord « The Tracy Fragment » en 2006, jamais projeté dans les salles européennes, et surtout « Juno » (NDR : sorti en 2007, il a décroché une multitude d’Awards, ). En fait je compose sans arrêt…

Six personnes seulement ont participé à l’écriture de « Forgiveness Rock Record ». Cette simplification vous a-t-elle facilité la tâche ?

Que nous soyons 15 ou 6, le processus de travail en studio est quasiment invariable.

Sam Prekop (The Sea and the Cake) a participé à la confection de cet album. Vous l’aviez invité ?

Sam est un ami de John McEntire. Ce dernier lui a demandé de participer aux sessions. La rencontre s’est donc déroulée sans aucun problème. D’autant plus que tous les membres du groupe aiment ce flirt si caractéristique, entre pop et jazz, pratiqué par The Sea and the Cake…

L’aspect mélodique de « Forgiveness Rock Record » semble plus soigné. Et par conséquent les compos paraissent plus accessibles que sur les disques précédents. Notamment des plages comme “Texico Bitches” ou encore “All To All”. Etait-ce intentionnel?

Pas du tout! Nous composons nos morceaux en fonction de leur bonne transposition en ‘live’. Nous avons opéré consciemment un seul choix : ajouter un chant africain pour introduire « Highway Slipper Jam », une décision prise après avoir découvert Fela Kuti. Et je dois avouer que sa musique nous a beaucoup impressionnés…

Pourquoi avoir choisi un tel titre pour l’album ? Avez-vous quelque chose en particulier à vous faire pardonner ?

Des milliers de choses… j’estime que le pardon est l’une des émotions les plus nobles. Pas facile à accorder mais ça fait tellement du bien.

Vous avez souvent parlé de l’esprit collectif propre à la communauté musicale de Toronto. Est-il toujours bien présent, malgré le succès rencontré par certains groupes ?

Oui, la scène de Toronto est toujours aussi soudée qu’il y a quelques années. Tout le monde se connaît et s’entraide. Le centre de la ville est comme un grand village peuplé d’artistes. On se croise constamment. Il faut avouer que pour un musicien, cet endroit est assez formidable. J’ai quitté la banlieue et surtout son formatage, pour emménager au centre de la Cité, à la fin de mon adolescence. Mais je crains fort que cette ‘standardisation’ ne me rattrape et gagne peu à peu le cœur de la ville. Certains signes avant-coureurs alimentent mon inquiétude, malheureusement.

Y a-t-il un groupe sur lequel vous avez flashé, récemment ?

Vous connaissez Broken Social Scene (rires) ?

Votre collectif prend toute sa dimension sur les planches. Certaines de vos prestations sont même proches de l’envoûtement. Le public belge aura-t-il bientôt la chance de vous y revoir ?

Nous nous produirons, en tout cas, dans le cadre du Festival des Ardentes, à Liège, ce 8 juillet, ainsi qu’à l’Ancienne Belgique (NDR : la date n’est pas encore confirmée). J’espère que nos shows seront de meilleure facture que celui accordé à Louvain, il y a quelques années. Nous avons donné, ce jour-là, le pire concert de toute notre tournée…

 

 

Blood Red Shoes

Tout feu tout flamme!

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Le second album de Blood Red Shoes est paru ce 1er mars 2010. Et il s’intitule « Fire Like This ». Réputé pour ses prestations incendiaires, le duo de Brighton est réduit à un couple. A l’instar des Kills et des White Stripes. Steven Ansell se charge de la batterie et Laura-Mary Carter, la guitare. Ils se partagent les parties vocales. Steven et Laura-Mary (NDR : très belle fille !) se sont prêtés volontiers au feu des questions allumé par Musiczine…

Apparemment, vous êtes passionnés par le cinéma. Votre nouvel album s’intitule « Fire Like this », une référence, je suppose, au film de David Lynch, « Twin Peaks ». Est-ce que ce long métrage constitue un symbole pour vous ?

S. : En partie. Mais c’est une des raisons pour laquelle nous avons choisi ce titre. Il en existe cependant 25 autres. Le feu, c’est comme une passion créatrice. De la création et en même temps de la destruction. De l’excitation et du danger, aussi.
L-M. : Cette notion est illustrée par l’image reproduite sur la pochette ; une sensation de fièvre lorsqu’on se brûle les mains…

Vous aimez, semble-t-il, également les films d’horreur et les thrillers. ‘Jack l’éventreur’ et les histoires de vampires, je suppose. Bref, où il y a du sang, des couteaux, de la terreur et des meurtres. Etes-vous des disciples des Cramps ?

L-M. : A une certaine époque, j’étais vraiment une fan. Au fil du temps j’ai un peu décroché (NDR : Lux Interior est décédé l’an dernier)
S. : Ce qui m’a toujours plu chez eux, c’est leur attitude malsaine, sordide, agressive, un peu perverse…

Que représente le mouvement ‘Riot Grrrrl’ pour Laura ? Et je pense plus particulièrement à des groupes comme Blake Babes, Breeders ou Babes In Toyland ? 

L-M. : Notre démarche n’a jamais été politique, ni féministe. Nous sommes davantage orientés vers la recherche des émotions.
S. : Bikini Kill était vraiment féministe. On est plus proche d’un Babes In Toyland. Un peu dans l’esprit ‘fuck you’.
L-M. : Leur attitude était vraiment punk ; mais je ne pense pas qu’elles se tracassaient beaucoup pour les lyrics. Elles privilégiaient le feeling…

Vous avez déclaré que vous véhiculiez une énergie destructrice en vous. Prôneriez-vous le nihilisme ?

S. : (rires). Mais non ! Par contre on pourrait trouver une explication dans le style du jeu de guitare, car notre inspiration vient du punk, du hardcore US des eighties ; et puis de groupes comme les Stooges, Nirvana ou encore Babes In Toyland. C’est notre musique qui libère cette énergie agressive et destructrice. Briser, fracasser, sont des actes cruciaux du concert. Et puis, nous sommes aussi prédateurs, parce que nous sabotons nos propres chansons. Certaines de nos mélodies sont contagieuses, accrocheuses, accessibles même ; mais nous ne voulons jamais qu’elles sombrent dans la facilité. Et c’est alors qu’intervient le carnage à la guitare. Et qu’on rentre dedans. On ne veut pas la perfection. C’est un peu comme si on voulait foutre la merde…

Oui mais pensez-vous que vous pourrez reproduire une telle énergie, en ‘live’, toute votre vie ?

M-L. : Ce n’est pas possible !
S. : L’être humain n’est pas capable de produire ce flux d’énergie éternellement. Mais comment fait-il Iggy Pop ? Je me vois mal tenir le coup aussi longtemps que lui, à ce régime…
M-L. : Il n’est pas si vieux !
S. : J’aimerais bien, à 60 ans, pouvoir continuer à faire du rock sur scène. Il faut donc l’imiter et continuer à boire…

Mais dans l’histoire du rock’n roll, quelle grande chanson symbolise le mieux Blood Red Shoes, le « Fire » de Jimi Hendrix, d’Arthur Brown, « I’m on fire » de Bruce Springsteen ou encore le « Light my fire » des Doors ?

S. : « I’m on fire » de Bruce Springsteeen ». Très évocateur pour moi. C’est une chanson à la fois belle et triste. Quand j’avais 7 ou 8 ans je voulais devenir Bruce Springsteen. Mon père était un fan et écoutait beaucoup sa musique. Dont le fameux « Born in the USA ». Cette chanson est sans doute mon premier souvenir d’enfance. Quand au « Fire » de Jimi Hendrix », son impact est plus émotionnel…

Mais au sein du couple, qui est l’eau et qui est le feu ? (rires et hésitations)

S. : Qui est froid et humide et qui est bouillant et dangereux ? On est un peu les deux. En fait quand je suis le feu elle est l’eau et inversement. Car on réagit chaque fois l’un à l’autre…

Mike Crossey se consacre à nouveau de la production. Apparemment, il est devenu un ami. Se chargera-t-il encore de la mise en forme des prochains albums ?

S. : C’est devenu un ami, c’est vrai. Il fait partie de notre cercle. Mais nous ne savons pas encore si nous allons poursuivre l’aventure ensemble.
L-M. : Ce n’est pas impossible. Mais rien n’a été décidé encore à ce sujet.
S. : Nous n’avons même pas encore écrit de nouvelles chansons. Il comprend bien la situation, d’autant plus que dans le passé, il n’a jamais accompli ce boulot pour deux albums d’un même artiste. Et il en a assuré des tonnes.
L-M. : La porte reste néanmoins ouverte…

Quelle est la différence majeure entre « Box of Secrets » et « Fire like this » ?

L-M. : L’écriture. On l’a améliorée. Puis on a acquis une certaine expérience depuis la sortie du premier. On a appris à devenir un groupe. On s’est bonifié au niveau des arrangements, des compos, de la maîtrise de nos instruments. C’est là que se situe la différence principale.
S. : C’est surtout notre compréhension de la musique qui a changé. Et ce nouvel album reflète très bien notre progression. Il y a plus de variation dans la chanson, dans les sonorités. Nos voix se sont également améliorées.
L-M. : Pour cet album, on a été beaucoup plus attentif aux détails.
S. : Lors du premier, c’était comme si on avait enregistré des chansons en ‘live’. Tandis que pour celui-ci on a accordé davantage d’attention aux atmosphères, au feeling, à la capture des émotions…

Etes-vous ouverts aux autres styles musicaux ?

 S. : Oui, je l’ai déjà déclaré, nous sommes en pleine phase d’expérimentation. Nous cherchons à faire reculer les limites du genre, en incorporant de nouvelles idées. Maintenant, on n’enregistrera jamais un disque de reggae, ni de ‘fucking’ world music impliquant quarante drummers africains. Juste pour le fun. Ce serait stupide. Cela ne correspond pas à notre démarche.
L-M. : L’art musical consiste à absorber d’autres éléments…
S. : Mais nous on crée de nouvelles sensations, de nouvelles émotions. Elles viennent de manière naturelle. On ne peut pas tout contrôler. On ne se pose pas la question de savoir si c’est différent. Il faut laisser la musique arriver à maturation. Elle doit évoluer naturellement et on doit simplement s’appliquer à devenir meilleur musicien. A ce que l’album sonne mieux. Tu dois laisser grandir la musique dans son propre espace. On n’appartient pas à ces groupes qui pour se démarquer des autres, ajoutent un petit truc, mettent des chœurs, par exemple. Ca, c’est du calcul. Nous on ne calcule pas.

Apparemment, vous improvisez constamment. Rien n’est préétabli ? Est-ce le même processus en ‘live’ ?

L-M : Tout à fait !
S. : Une compo est davantage le résultat d’un accident ou d’un événement fortuit. On déconne ou on bricole, et puis c’est le hasard qui guide nos choix.
L-M. : Rien n’a jamais été balisé. Nous ne sommes pas déterministes.  

Parlons un peu de votre nouvel album. J’ai remarqué la présence d’un violoncelle sur « Follow the line » ; et puis il y a ces ‘wow wow’ qui me rappellent quelque part Siouxsie & The Banshees. Tout comme lors de l’hymnique « One empty chair ». Des coïncidences ?

L-M. : Nous avons partagé la même affiche.
S. : Je connais très peu son répertoire, mais elle est vachement cool.
L-M. : Au sein de mon premier groupe, on disait que je chantais comme elle…

« Don’t ask » et « Colours fade » sont les deux chansons les plus pop de l’album. Soit la première et la dernière du cd. Vous envisagez de les sortir en singles ?

S. : Oui.
L-M. : Le premier morceau est déjà sorti en single et le second est prévu pour le printemps.
S. : Enfin, c’est plus que probable, mais rien n’a encore été décidé.

« When we wake » est une méditation sombre sur la mort. Que représente la mort pour vous. La fin ? Une nouvelle vie ? Croyez-vous à la lumière après la mort ? A un dieu ? Aux esprits ?

S. : Putain, c’est une question vachement profonde !
L-M. : Je ne crois pas en Dieu, mais je pense qu’il existe quelque chose après la mort. Je prie, mais pas de manière consciente. Je ne crois pas à l’influence divine. Ni à un quelconque sauveur. J’ai suivi une éducation dans un milieu catholique. Et on m’a enfoncé tous ces principes dans le crâne. Maintenant, je crois qu’il existe un état de conscience après la mort ; mais lequel ?

Vous ne disposez pas seulement de la musique comme corde à votre art. Vous vous intéressez également à l’art sous toutes ses formes. Dont la photo. A l’instar de PJ Harvey, vous avez ainsi posé nus. Partagez-vous le même concept ?

S. et M-L. (en chœur) : Wow !
S. : Justement j’en parlais hier à Laura hier soir, lorsqu’elle se déshabillait.
L-M. : Oui, on parlait de l’opportunité pour les pop stars de poser nus.
S. : Cette démarche peut être artistique, mais aussi commerciale, et une manière détournée de vendre son produit. On ne joue pas à poils sur scène ! Dans le monde musical, la nudité est plus commerciale qu’artistique. Il y a bien un album des Pixies dont la pochette est vraiment arty ; mais en ce qui concerne PJ Harvey, sa nudité était surtout destinée à promouvoir son album.
L-M. : C’est une véritable icône, mais elle est bizarre. Et puis tellement maigre.
S. : La nudité peut être artistique, mais la majorité du temps, elle ne l’est pas.

J’ai lu un article marrant racontant qu’à l’instar de Peaches, porter une fausse barbe était un phantasme pour Laura. Vous partagez les mêmes obsessions que la Canadienne ? (fou rire !)

L-M. : Et m****, qui a écrit un truc pareil ?
S. : Tu vois, on fait des tas d’interviews, on boit un coup de trop, on rigole et puis on raconte des conneries…

(Merci à Vincent Devos)

 

Lonelady

Le goût de l’extrême…

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De son véritable nom Julie Campbell, Lonelady est une passionnée de new wave et de post punk. Pas étonnant lorsqu’on sait quelle est issue de Manchester. Et pourtant, ce n’est pas en fouillant dans les vieux vinyles de ses parents, qu’elle a acquis cette culture. Simplement, en s’intéressant à l’histoire de la musique de sa ville de naissance. Progressivement. A un tel point qu’actuellement, sa musique en est profondément imprégnée. Et « Nerve up », son premier elpee en est la plus belle illustration. Pourtant au cours de sa jeunesse, elle écoutait surtout la musique américaine des 90’s ; entre autres REM, Nirvana et Hole…

Julie confirme : « Effectivement. En fait, ce sont ces formations qui m’ont incité à acheter ma première guitare » Parmi ses influences américaines, elle cite encore Pylon ainsi qu’Emerald, Sapphire and Gold (NDR : dites ESG), deux combos américains qui ont marqué le début des eighties. Elle est un peu surprise de la formulation de la question, marque une pause, puis réagit : « Ah, c’est ce que signifiait le sigle ESG ? » Puis embraie : « Ces deux groupes pratiquaient une musique minimaliste, entrecoupée de longs silences, à l’instrumentation très parcimonieuse. Et on retrouve dans mes nouvelles chansons, ces formes de vide. Mais si la palette de sonorités était minimale, les compos étaient très énergiques et imprimées sur un rythme saccadé, funky ». Mais retraversons l’Atlantique pour revenir aux Iles Britanniques. Trois décennies plus tôt. Soit à une époque marquée par Throbbing Gristle, XTC, John Foxx, An Clark, Cure, The Smiths, Gang of Four, Joy Division et quelques autres. Et qui constituent quelque part une source d’inspiration majeure pour Julie : « Tous ces groupes et artistes ont eu une influence sur ma création. Mais il n’entre pas dans mon intention de me réapproprier leur musique. Cela n’aurait aucun sens. J’essaie de créer mon propre univers sonore, notamment en me servant de ma voix. Parfois les influences peuvent devenir un fardeau. Il faut savoir faire la part des choses. » Ecouter Joy Division est, en outre, une expérience quasi religieuse pour mon interlocutrice. Elle avoue : « Leur musique se détache de la vie quotidienne. Elle me fascine. Elle est intemporelle. Un peu comme si on figeait le temps à travers l’espace. Et il ne faut pas oublier d’y associer le producteur Martin Hannett, également responsable du son ». Vu sa fascination exercée pour les eighties, on pourrait facilement imaginer que l’artiste reprenne, de temps à autre, des morceaux composés par ses maîtres. La réponse fuse : « Non ! On a juste enregistré sur une flip side, la reprise d’un single très peu connu de The Fall. Et c’est vrai que dans le passé, on l’a jouée en ‘live’. Mais depuis, elle ne fait plus partie de mon répertoire, sur scène ». Vu le come-back de la new wave, illustré notamment par des formations comme Editors et Interpol, une question me brûlait les lèvres. Celle de ces fameux cycles dans l’histoire du rock’n roll. Elle argumente : (rires) « C’est une approche intéressante. Personnellement, je pense plutôt qu’il s’agit du fruit du hasard. C’est plutôt aléatoire que cyclique. D’ailleurs je ne suis pas trop au courant de ce qui se passe sur la scène musicale contemporaine. Et puis, l’important c’est plutôt l’aspect tridimensionnel (NDR : la musique, la parole, l’interprétation) qui compte quand on revisite une époque. »

Le parcours musical de Lonelady a commencé en 2004, un itinéraire jalonné d’une poignée de singles. Qu’elle produisait elle-même. Elle a même aménagé un studio dans une ancienne filature. C’est d’ailleurs ainsi qu’elle s’est forgé une solide expérience. Mais comment a-t-elle réussi à se faire signer par Warp ? Julie raconte : « L’histoire et un long processus. Au départ c’était du D.I.Y. ; puis en 2007, Jason (NDR : White) de Too Pure a agi comme catalyseur pour que je puisse franchir une étape. Il m’a permis de rencontrer Steve Beckett. Et puis de fil en aiguille, il s’est intéressé à ma musique, puis nous a signés ».

Julie estime que la plupart des critiques de disques et même de concerts sont rarement pertinents. Pourquoi donc ? « La manière de me poser cette question implique que tout est noir ou blanc. Personnellement, l’écriture est un acte privé, individuel. Et mon but n’est pas de faire l’objet d’un article dans un magazine. Or une majorité de journalistes essaie de tout traduire en mode et en courants. Ce n’est pas vraiment ce qui m’intéresse… » Parlons quand même un peu de ‘Nerve’, son premier opus. Et tout d’abord de cette compo baptisée ‘Army’, caractérisée par des riffs de guitare très effilés, comme chez Gang Of Four. Or, un des titres les plus notoires du band de Leeds s’intitule ‘I love a man in a uniform’. (Eclats de rires). C’est peut-être une coïncidence… « Et ça te fait rire ! J’adore ce groupe. Il véhiculait une énergie funkysante incroyable. Andy Gill est un guitariste génial. Et leur musique était à la fois brutale et fragmentée… » A contrario le morceau maître de l’elpee est beaucoup plus soul/funk disco. Davantage dans l’esprit de Madonna. Mais était-ce intentionnel ? « J’apprécie beaucoup Madonna. Elle est une de mes influences. Et sur cette compo, plus précisément, c’est vrai. En fait, mes prochaines adopteront un profil plus funky… »

Julie a déclaré beaucoup aimer la poésie et le cinéma extrêmes. Souhaiterait-elle mener une vie extrême ? Serait-elle blasée par la vie quotidienne ? (Eclats de rires…) Elle réplique : « Ca, c’est la meilleure question qui m’ait été posée aujourd’hui. Oui, j’éprouve le désir de ne pas mener une vie ordinaire. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis attirée par les idées extrêmes. Et je suis particulièrement fascinée par les films d’Ingmar Bergman ; et notamment par ‘7th Seal’ (NDR : le titre –en français ‘Le Septième Sceau’– provient d'une phrase de l'Apocalypse selon Saint Jean l'Évangéliste, chapitre 8 ; voir Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Septi%C3%A8me_Sceau». Dans le même esprit, sur la homepage de son site Web on peut lire ‘La brutalité a une place dans la pop. La férocité et le secret, également’. Ce qui méritait quand même un complément d’explications » Elle clarifie : « Il serait peut-être judicieux de demander des explications à Paul Morley. C’est un journaliste (NDR : plume brillante qui a longtemps sévi au New Musical Express), mais aussi un écrivain qui jouit d’une belle popularité aux Royaume-Uni. Au cours des dernières années, il a aussi composé pas mal de musique. C’est lui qui a rédigé ce texte sur le site. Je l’avais contacté pour qu’il consacre quelques lignes sur Lonelady, parce que j’aime bien la façon dont il formule ses impressions au sujet de la musique. Ce texte n’est pas linéaire, mais plutôt abstrait… »

Après avoir abordé tant de sujets sérieux (NDR : quoique), rien de tel que de terminer un entretien par une boutade… Mancunienne, Julie n’a pas son permis de conduire. Ni son drummer. Pas évident quand on doit se déplacer pour jouer en ‘live’. Or dernièrement, elle a engagé un claviériste, qui lui est détenteur du permis de conduire. Ce critère était sans doute indispensable avant qu’il ne soit engagé. Elle se défend : « Une manière très intéressante d’aborder le problème (rires). Le claviériste est autorisé à circuler en automobile sur la voie publique. Quelle belle coïncidence ! Vous savez j’habite au centre-ville. Je me déplace donc à pied. Je n’ai jamais éprouvé le besoin d’apprendre à conduire. C’est vrai qu’il n’est pas évident de se produire en concert dans ces circonstances. Et avant qu’il ne rejoigne le band, on sollicitait un proche ou un ami pour nous véhiculer… »

Merci à Vincent Devos

Warpath

Trasheurs anglais sur le sentier de la guerre

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Nous avons récemment découvert les trashers anglais de Warpath lors de la sortie de leur album « Damnation ». Leur voyage aux sources du Trash métal original a été pour nous une véritable cure de jouvence. Interview de ces guerriers britanniques quelques semaines avant leur grand voyage à la conquête du Pays du Soleil Levant.

Quelques mots de présentation tout d’abord, pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore…

Rich : Warpath est un groupe Heavy/Trash métal basé en Angleterre. Notre premier album « Damnation » est sorti en 2008 après avoir été mastérisé par James Murphy (Testament).

Vous avez été élu ‘Meilleur Groupe Non Signé de l’Année’ par les lecteurs de Terrorizer Magazine pour la seconde année consécutive. N’est-il pas un peu frustrant de ne pas être sous contrat, alors que vous êtes soutenus par tant de fans?

Rich : Oui et non. Nous ne voudrions pas conclure un mauvais deal. Nous allons patienter jusqu’au moment où nous recevrons une offre à la fois satisfaisante pour nous ainsi que pour le label, afin de pouvoir donner à nos fans ce qu’ils méritent. D’un autre côté, c’est génial d’avoir une fan-base aussi importante qui nous soutient même si nous n’avons pas de label.
Pete : Oui, et qu’un groupe de métal parvienne à prendre de l’amplitude par ses propres moyens, est vraiment fantastique. En tout cas, ne pas être sous contrat nous encourage à travailler dur pour encore progresser.

James : Aussi, c’est génial de savoir que tant de monde aime ce que nous faisons !

Certains artistes préfèrent écouler leurs albums directement auprès de leurs fans sans passer par l’intermédiaire d’un label. Est-ce aussi le choix de Warpath ?

Rich : Jusqu’à présent, personne ne nous a offert de deal qui vaille la peine d’être accepté ; aussi nous avons choisi de ne rien signer tant qu’un label ne nous fasse pas une proposition intéressante. Les temps sont en train de changer pour les compagnies discographiques et pas question de se faire entuber ! A l’heure actuelle, notre contact auprès des fans est direct ; et c’est plutôt génial.
James: J’adore discuter de notre musique et de tout ce qui s’y rapporte avec les gens qui nous apprécient. Nos fans comptent parmi les gens les plus sincères que j’ai pu rencontrer.

Votre biographie sur MySpace vous décrit comme un groupe ‘Métal’. Cette appellation ne décrit pas vraiment très bien votre style. ‘Trash Métal Old School’ serait une bien meilleure définition. Votre musique me fait penser aux vieux Metallica, Testament, Megadeth ou Exodus. Dans le processus de composition, avez-vous déjà décidé d’écarter tel ou tel riff parce qu’il ne sonnait pas comme du Trash Old School ?

Rich : Nous essayons de prendre un peu de recul par rapport aux autres combos trash anglais, parce qu’il y se produit tellement de merdes entre la plupart d’entre eux que nous préférons ne pas être impliqués. Nous ne nous forçons pas à ressembler à quelqu’un d’autre. Nous sommes des fans de heavy/trash métal et si un riff sonne bien, il sonne bien. Nous le conservons et nous l’insérons dans une chanson. Nous ne penserons jamais quelque chose comme : ‘Ce riff ne sonne pas comme Exodus, abandonnons le !’ ; ce serait complètement ridicule.
Pete : Nous détesterions écrire de cette manière. De nos jours, il existe tellement de groupes trash qui veulent marcher sur les traces des vieux Overkill ou comme les autres ensembles trash issus de cette période. Ils se baladent en baskets blanches et portent des cartouchières comme s’ils vivaient encore en 1987. Pour moi, ce n’est vraiment pas très original et je commence à trouver cette attitude très agaçante…
James : Personnellement, je n’ai jamais entendu une seule chanson d’Exodus. De plus, je méprise vraiment les bandes dessinées, les déchets nucléaires et les autres conneries que tous ces nouveaux combos trash semblent glorifier religieusement.

Quel est votre background musical ? Avez-vous milité au sein d’autres formations avant Warpath ? Quel genre de musique écoutez-vous ? Qui sont vos groupes favoris et vos héros ?

Rich : J’ai commencé à jouer de la musique à l’âge de 5 ans. J’ai étudié le classique et la théorie musicale. Je suis passé au heavy métal à 16 ans. Mes groupes favoris et mes influences sont Dave Mustaine, Megadeth, James Hetfield, Metallica, Axl Rose, Guns’n’Roses, Marty Friedman, Pantera et tout un tas de choses en musique classique. J’aime aussi les bandes originales de films, la musique latino et quelques trucs pop/rock des seventies et des eighties.
Pete : J’ai commencé à apprendre la guitare à 10 ans, mais ce n’est qu’à 14, lorsque j’ai découvert le clip vidéo d’Iron Maiden « Stranger in A Strange Land » que j’ai pris la musique –et particulièrement le heavy métal– au sérieux et que je m’y suis consacré entièrement. J’écoute à peu près tout. De King Diamond à Primal Fear en passant par Nile et Hypocrisy. Dans un autre style, j’aime aussi Sarah Brightman et même Norah Jones ! Mais ne le dis à personne (NDR : Tu peux compter sur moi). Mes plus grands ‘guitar heroes’ sont Doug Aldrich (Whitesnake), Glen Drover (King Diamond, Megadeth), Jeff Waters (Annihilator), Dave Murray (Iron Maiden) et Tony Macalpine, qui sont tous des guitaristes fantastiques.
James : En écoutant notre album « Damnation », tu peux remarquer la grande variété de rythmes et l’abondante utilisation de la grosse caisse. Le métal que j’écoute est vraiment d’une autre génération que celui qu’écoute Rich. Je suis influencé par tout ce qui est sorti entre la moitié des nineties et aujourd’hui car, à partir de cette époque, la manière de jouer de la batterie a commencé à évoluer et même à s’améliorer. Mes groupes préférés sont Fear Factory, Devildriver, Static X, Dagoba, Divine Heresy et presque tout ce qui relève de la scène extrême et industrielle de Los Angeles, San Francisco et de la Floride. Je suis un fan absolu du travail de Derek Roddy (Hate Eternal, Nile), George Kollias (Nile) et Tim Yeung (Hate Eternal, Divine Heresy).

Au cours des eighties, les leaders de la scène trash metal anglaise étaient Onslaught et Sabbat. Vous sentez vous proches de ces groupes? Ont-ils influencé votre musique? 

Rich : Non, en aucune manière.
Pete : Personnellement, je n’aime que l’album « In Search Of Sanity » d’Onslaught. Je pense que les titres qui y figurent sont meilleurs que tout ce qu’ils ont pu faire et ce, parce que Steve Grimmet (ex- Grim Reaper) y assure les vocaux. Sans quoi, je n’aime rien de la scène trash anglaise.

Comment avez-vous rencontré James Murphy ? A-t-il été difficile de le convaincre de masteriser votre album ? Etes-vous toujours en contact avec lui ?

Rich : Je lui ai envoyé quelques e-mails, nous avons discuté un peu au téléphone et il a accepté de masteriser l’album. Il a été génial sur ce coup là. C’était un très grand honneur pour nous qu’il accepte de travailler sur notre album. La dernière fois que nous avons parlé ensemble, cela devait être l’année dernière. C’est un mec très occupé !

Vous semblez attirer un public conséquent au Japon. Toutes les copies de votre album y ont été vendues en deux jours. De plus, votre participation au True Trash Festival d’Osaka en mars 2010 a été confirmée. Pourquoi êtes-vous aussi populaires au pays du soleil levant ?

Rich : Les gens sont fous de heavy métal au Japon. En plus, l’organisateur du True Trash Festival est notre distributeur dans ce pays. Il nous aide constamment à faire la promotion de Warpath au Japon. C’est un grand fan du groupe.
Pete : Il existe quelques groupes heavy géniaux au Japon : Anthem, Loudness, Earthshaker. D’excellentes formations trash aussi comme Sabbrabells et Crowley pour n’en citer que quelques unes. Donc, ce n’est probablement pas seulement parce que nous sommes anglais et que nous jouons du métal qu’ils nous apprécient. Ils adorent la musique en général et sont très fidèles aux artistes qu’ils aiment.

Etes-vous excités à l’idée de jouer au Japon?

Rich : Enormément ! Dès que nous y serons, je crains qu’on ne veuille plus revenir chez nous…
Pete : C’est un honneur et un ‘rêve métal’ devenu réalité de pouvoir se rendre là-bas !
James : P… oui ! Ça va être une expérience unique et en plus, nous sommes très emballés de savoir que nous allons travailler en compagnie de toute l’équipe de l’organisation. Ces shows vont être de véritables tueries.

De nombreux albums live géniaux ont été enregistrés au Japon. Est-on en droit d’espérer un « Warpath Made In Japan » ou un « Warpath at Budokan » ?

Rich : Budokan dans quelques années peut-être ! Mais pour l’instant, l’organisateur à l’intention de sortir le show complet en Cd et en Dvd. Donc, il y aura bien de l’audio et de la vidéo à se mettre sous les oreilles et les yeux. Nous filmerons aussi notre voyage dans son entièreté afin de réaliser un Dvd.
Pete: Arch Enemy a filmé son dernier Dvd au Japon et le résultat est incroyable ! Les fans sont à la fois sauvages et respectueux du groupe. Ils rentrent vraiment dans la musique et semblent reconnaissants envers les artistes qui jouent dans leur pays. Je suis tellement excité de vivre une telle aventure.

Si vous aviez le choix, de quel groupe célèbre voudriez vous assurer la première partie ?

Rich : Metallica, Megadeth ou Testament!
Pete : Je ne sais pas. Ca ne me dérangerait pas de tourner avec les Pussycat Dolls!
Rich : En fait oui, les Pussycat Dolls aussi pour moi!
James: Slayer.

Vous vivez au Pays de Galles. Parlez-nous un peu de la scène métal galloise. Y dénombre-t-on des groupes intéressants? Quels sont les rapports entre les groupes gallois ? Amicaux ou source de compétition ?

Rich : Il y a longtemps que j’ai cessé de prêter attention aux groupes issus de ma ville d’origine (NDR : Swansea). Cependant, à Cardiff, il y a un excellent groupe appelé Hunted. Nous avons aussi joué en compagnie d’excellentes formations de la région de Newport.
Pete : Je viens de Coventry, dans la région des West Midlands, où le groupe le plus célèbre jouait du ska/punk dans les années quatre vingt. En fait, c’était plutôt de la merde. Ceci dit, cette ville est très proche de Birmingham d’où sont originaires des groupes géniaux comme Judas Priest, Black Sabbath et Diamond Head et ça, c’est plutôt cool.

Les fans de métal sont collectionneurs dans l’âme. Même s’il y a beaucoup de moyens différents d’acheter de la musique de nos jours, ils préfèrent toujours tenir un véritable Cd entre leurs mains. Est-ce également le cas pour votre album ? Vendez-vous toujours plus de compact discs que de fichiers mp3 ?

Rich : Je partage ton avis. Les MP3’s c’est de la merde comparé au vrai Cd. Jusqu'à présent, nous avons vendus plus de cds que de téléchargements digitaux, cependant, depuis peu, les téléchargements digitaux semblent s’intensifier.
Pete : J’aime tenir un véritable Cd dans les mains et lire les paroles des chansons en même temps que j’écoute la musique. Un Cd est quelque chose de beaucoup moins impersonnel qu’un fichier Mp3. Et puis, j’adore signer notre album pour les fans. C’est quelque chose que tu ne peux pas faire sur des MP3s.

En tant que groupe, quelle est votre opinion à propos des téléchargements illégaux ? (*)

Rich : J’y suis opposé à 100%. Il n’y a absolument aucune justification à cette pratique. C’est du vol pur et simple. De nos jours, tu peux écouter des albums entiers sur MySpace, YouTube, etc. et les téléchargements légaux coûtent moins d’une livre sterling par chanson. Je pouvais comprendre les téléchargements illégaux il y a dix ans, quand les gens étaient obligés de payer très cher pour des Cds alors qu’ils n’aimaient qu’une chanson ou deux. Mais, ce n’est plus le cas depuis qu’iTunes existe. Le téléchargement illégal doit être réprimé car il cause énormément de tort aux artistes.
James : Tu ne volerais pas un CD à quelqu’un dans la rue, n’est-ce pas ? Et tu ne piquerais pas un Cd sur notre stand pendant un concert ? Pourtant, c’est exactement la même chose pour le téléchargement illégal. Que ce soit au niveau de la musique, de la vidéo, des livres et même des pochettes de Cd, cette pratique doit cesser.

Pensez-vous qu’en programmant un de vos titres le ‘Bruce Dickinson BBC Rock Show’ a accentué votre popularité en Angleterre? Avez-vous constaté un ‘rush’ sur votre web shop après la diffusion d’une de votre chanson, par le chanteur d’Iron Maiden, dans son émission ?

Rich : Tout à fait ! C’est Bruce Dickinson ! Qu’une légende comme lui qualifie notre musique de ‘classic trash metal’ est tout à fait incroyable. C’est comme un véritable cachet d’approbation de la part des autorités du métal !
Pete : Comme je l’ai dit, je suis un véritable fan d’Iron Maiden. C’est, sans doute possible, mon groupe préféré et ma plus grande influence. Que Bruce passe un de nos titres et fasse un commentaire aussi incroyable était pour moi une véritable joie et un immense honneur. Si je n’étais pas membre de Warpath et que j’étais simplement un fan de métal, j’aurais à coup sûr essayé d’en savoir un peu plus sur ce groupe dont Bruce Dickinson a dit du bien.

“Damnation” est sorti en mai 2008. C’était il y a presque 2 ans. Bossez-vous actuellement sur la confection d’un nouvel album ? Si oui, avez-vous une idée de la date de sa sortie et de ce à quoi on doit s’attendre ?

Rich : Nous avons composé quelques nouvelles chansons. Nous commencerons probablement à les travailler dans quelques mois. « Damnation » se vend encore bien et nous recevons toujours de nouvelles chroniques deux ans après sa sortie. Dès lors, nous allons continuer à en faire la promotion avant de commencer à travailler à plein temps sur un nouveau Cd.

Personnellement, j’ai découvert Warpath via MySpace. Que pensez-vous de ces ‘sites web de réseaux sociaux’ ? Est-ce le meilleur moyen pour un groupe non signé comme le vôtre de faire connaître son nom dans le monde entier ?

Rich : Oui, sans aucun doute. C’est le meilleur moyen pour un groupe non signé et ne disposant d’aucun budget pour promouvoir sa musique.

Bien que je sois vraiment impressionné par toute cette histoire de ‘Meilleur Groupe Non Signé de l’Année’, je souhaite vraiment que vous n’obteniez pas ce titre une troisième année de suite. C’est pourquoi, hormis un contrat discographique chez un bon label, j’aimerais vous demander ce que nous pouvons vous souhaiter pour l’année 2010 ?

Rich : Merci ! Je crois que certains groupes en voudraient à notre vie si nous obtenions ce titre pour la troisième fois consécutive. Donc, si vous travaillez pour un label et que vous lisez cet article, sachez que cette décision ne dépend plus que de vous ! Outre notre périple au Hammerfest et au Japon, nous allons accorder d’autres shows en Angleterre et en Europe. Nous préparons aussi notre future invasion de l’Amérique et un autre clip vidéo. Nous étudions également une nouvelle ligne de merchandising.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Rich : Merci pour la lecture et le support. Rendez-vous sur scène !
Pete : Merci pour cette chouette interview Michel. Salut à toi, à tes lecteurs et à tous ceux qui supportent les vrais groupes et le métal véritable.
James : Salut à tous et continuez à supporter le métal et Warpath !

*(NDLR : ayant réalisé un mémoire sur le marché du disque, à une certaine époque, je me permets de mentionner quelques remarques. Car le débat bien est plus complexe qu’il n’y paraît. Et évitons de se voiler la face derrière des arguments simplistes. D’ailleurs, rien qu’en posant les bonnes questions, il est facile de les démonter. Lesquelles ? Tout d’abord pourquoi le téléchargement illégal est-il né ? Qui en est le véritable responsable ? Pourquoi lors de son lancement sur le marché, le compact-disc coûtait presque trois fois plus cher qu’un vinyle, alors que le prix de revient du cd était trois fois moindre que celui du 33 tours. A qui a profité cette arnaque ? Pas aux artistes, c’est une certitude. Ou alors aux plus fortunés. Et quand ces responsables, qui aujourd’hui se plaignent du manque à gagner, ont cherché à rectifier le tir, il était déjà trop tard. Le mal était déjà fait. Et pour faire marche arrière… On appelle cette pratique, scier la branche sur laquelle on est assis. Ou ne pas voir plus loin que le bout de son nez. Et pour élargir le débat, on pourrait transposer, voire même lier, le chapitre au prix des places de (certains) concerts et festivals. On peut même encore soulever la nouvelle philosophie de certains artistes (surtout alternatifs !) qui préfèrent être téléchargés (il)légalement pour mieux se faire connaître et ainsi tirer parti de cette popularité pour remplir les salles, lors de leurs tournées. A méditer ! B.D.)

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