Le très prolifique et aventureux Rudy Trouvé (ex-dEUS, Kiss My Jazz, Dead Man Ray,…) n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers… Flanqué du batteur Eric Thielemans ainsi que de la chanteuse et reine de l’improvisation jazz, Lynn Cassiers, il vient de monter un nouveau projet qu’il a baptisé Tape Cuts Tape. La musique du trio privilégie l’improvisation et puise ses influences à la fois chez Cocteau Twins, Moondog, Brian Eno, le dub que le Krautrock teuton. Une bonne raison de croire que le résultat ne sera pas très accessible, mais assurément éclectique…
Publié sous la forme d’un vinyle, il y a quelques mois, « Pagan Recorder » est découpé en compos languissantes et climatiques, des compositions dominées par les riffs de guitare concédés par Rudy et les interventions vocales éthérées de Lynn Cassiers. Deux ans plus tôt, la formation avait entamé les sessions par des séances d’impro ; aussi, l’ambiance générale du premier album s’en ressent. Les mélodies ne se dévoilent que lorsqu’on fait abstraction des sonorités bizarres et parfois dissonantes. Des moments magiques qui nécessitent cependant une attention particulière de la part du mélomane. A cet instant, on peut dire que la formule est gagnante. A l’instar de « Heavy », dont les accords de guitare subtils et obsessionnels contrebalancent parfaitement les expérimentations électroniques, pendant que la voix délicate de Lynn Cassiers se pose avec beaucoup de classe. Ou « Petrol Blue », au cours duquel l’expression sonore, enrichie de bidouillages électro et alimentée par une boucle hypnotique, plonge dans l’univers quintessentiel de Portishead. Un des sommets de l’opus. Tout comme le plus rock « The Red » et le très atmosphérique « Chosen Profession », une plage de plus de 7 minutes au cours de laquelle Cassiers et Trouvé partagent un remarquable duo. Bien sûr, certaines plages pèchent par un excès d’expérimentation. Un peu comme s’il s’agissait de brouillons. D’autres encore s’évaporent dans l’interlude dispensable ou l’élucubration bruitiste. Et je pense tout particulièrement à « Exit », « Vaccum » ou encore l’horripilant « Kinder ».
Bref, malgré ces quelques réserves, il faut saluer l’audace du trio pour s’être aventuré hors des sentiers battus. Et puis surtout d’être parvenu, en expérimentant, à proposer des compositions riches et intéressantes. Les mélomanes les plus exigeants, en recherche constante de nouveaux horizons sonores, devraient apprécier.