A l’instar de ses compatriotes de Marillion, le trio rock alternatif britannique Amplifier a choisi de se passer du soutien financier du ‘music business’. Aucun contrat ne le lie plus désormais à un label. Il a donc le contrôle total sur tout ce qui touche de près ou de loin à sa création. Sans personne pour leur imposer de limites, Sel Balamir (guitare et chant), Neil Mahony (basse) et Matt Brobin (batterie) ont disposé de toute la liberté nécessaire à la réalisation de « The Octopus », un double album conceptuel ambitieux qui est, sans doute possible, l’un des points culminants de leur carrière.
Né à Manchester dans le courant de l’année 1999, Amplifier a sorti un premier opus éponyme chez Music For Nations, en 2004. Son second, « Insider » a été publié en 2006 par le label allemand SPV. Pas vraiment lié à une scène particulaire, le groupe a tourné en compagnie de formations assez différentes telles que les Deftones, Opeth ou Porcupine Tree. Le nouvel elpee, dont la composition a été mise en chantier dès 2007, est désormais disponible à la vente sur son site officiel (http://www.amplifiertheband.com/merchandise.php )
Ceux et celles qui, interpellés par l’association des mots ‘rock’ et ‘Manchester’, espèrent trouver ici un palliatif à leur manque d’Oasis peuvent passer leur chemin. On n’aborde pas le chef-d’œuvre d’Amplifier comme la ‘britpop’ insipide des frères Gallagher. « The Octopus » est un pavé musical intense s’étendant sur plus de deux heures. Une pièce conceptuelle découpée en seize plages, dont le contenu appelle immanquablement à la réflexion. Amplifier jette ici une idée effrayante : ‘Et si quelque chose avait pris le contrôle’ ? Une chose immonde, aussi proche de vous que votre propre peau et dont vous n’avez même pas conscience…
Ce n’est pas un hasard si les trois Britanniques ont mis plusieurs années pour écrire, enregistrer et produire ce nouvel essai. La musique y est variée, complexe, voire même schizophrénique par moment. Pourtant, elle se révèle parfois étonnamment accessible. « The Octopus » semble constituer le point de convergence de plusieurs styles. On découvre au fil des écoutes des bribes imbriquées de rock alternatif, de rock progressif, de hard rock et de heavy métal. Un peu comme si le groupe s’était imprégné de la musique de Muse, Porcupine Tree, Tool, Oceansize, Radiohead, Marillion (période Hogart), Black Sabbath et Led Zeppelin, avant de s’attaquer à ses propres compositions.
L’intro « The Runner » installe l’ambiance paranoïaque de la plaque. Des bruits de pas rapides et un fond sonore oppressant tiennent en haleine. On attend une déflagration sonore. Cependant, le déluge de décibels n’arrive pas tout de suite. C’est la voix sublime de Sel Balamir, combinée à un piano grandiloquent, qui plante le décor sur un « Minion's Song » intimiste. La déflagration vient plus tard sur « Interglacial Spell ». Distorsion maximale et ligne de basse monstrueuse pour introduire un titre dont le tempo rappelle le « Kashmir » de Led Zeppelin. Sur « The Wave », le trio s’arrange pour sonner comme s’il était un quintet en construisant un mur de guitares heavy impénétrable. Vient ensuite l’étonnant « Octopus » et ses neuf minutes hypnotiques, atmosphériques, … magiques.
Il faudrait plusieurs pages pour décrire ici toutes les circonvolutions et toutes les tournures qu’empruntent les compositions. Métalliques, acoustiques, brutales, planantes, organiques, synthétiques. Chaque titre est une aventure et un pas vers la perfection. Amplifier est probablement l’une des meilleures choses qui soit arrivée à l’Angleterre depuis bien longtemps. Ne passez pas à côté de cette œuvre.
« The Octopus » est disponible au format double Cd ou triple LP (NDR : pour ceux et celles d’entre vous qui adhèrent au retour du grand vinyle noir). Une édition limitée à cinq cent exemplaires de la version Cd contient, quant à elle, un livret de 70 pages détaillant, à la manière d’un roman, le concept caché derrière cet énigmatique « Octopus ». Chaque exemplaire de cette édition limitée sera dédicacé par les membres du groupe. Avis aux collectionneurs.