Tout néophyte qui écouterait pour la première fois cet album pourrait penser qu’on se fout de sa gueule. Et il aurait tout à fait raison. Trois morceaux qui oscillent autour de dix minutes chacun, au cours desquelles il ne se passe… rien. Trois introductions lugubres, noires et planantes. Punt aan de lijn !
Mais cette première frustration passée –il s’agit quand même d’un groupe dont le vocaliste n’est autre qu’Attila Csihar, celui de Mayhem, légendaire groupe norvégien de Black Metal– il est nécessaire de se rappeler que Sunn O))) milite dans un genre relativement méconnu : le drone (Trad : bourdon). Car ce style minimaliste se sert de certaines notes ‘bourdonnantes’, tirées en longueur et répétées, qui alimentent de longs morceaux atmosphériques.
Mises dès lors en contexte, ces compositions tendent alors à prendre une autre facette. Tel un mauvais songe éveillé, le sol ne cesse de se dérober. Une nage libre, sans bords à portée de main. Une ambiance sombre et lugubre à souhait, malsaine et possédée. Des voix dérivant directement de l’inconscient, invitant à sombrer dans la folie, telles les sirènes du chaos. Il serait tout à fait illusoire de chercher à fuir ; vous vous enfonceriez graduellement dans le magma boueux du désespoir. Une forme d’hypnose destinée à accomplir un voyage spirituel pris à contresens, touchant de temps à autre ce qu’il peut y avoir de plus détraqué et de plus noir en l’homme et au-delà.
Cet album, le huitième de la formation américano-hongroise, nous entraîne dans un périple vers l’inconnu, une expérience promise à l’exploration de la part sombre du psychisme. Mais un parcours initiatique destiné néanmoins à un public plus qu’averti, tant les compositions se veulent hermétiques et volontairement hors d’accès. Amateurs de mélodie, de structures et de refrains faciles à fredonner : fuyez tant qu’il est encore temps. Seuls les plus atteints d’entre vous parviendront à tirer une jouissance de ce triptyque.