Aorlhac, une graphie certes particulière mais qui pourrait se perdre dans la pléiade de noms de groupes issus du Black Metal. Et pourtant… il serait vraiment dommage de passer à côté. Fondé il y a un peu plus de dix ans, Aorlhac désigne en occitan la ville d’Aurillac, d’où est originaire le trio de musiciens. Un détail linguistique qui revêt toute son importance car c’est autour de cette langue que les Français bâtissent leur univers musical. Ils vont même plus loin en approchant l’occitan non pas seulement comme une langue mais bien comme une culture à part entière, plongeant ses racines dans le Moyen-âge et berçant l’histoire du Sud de la France jusqu’au nord de l’Italie et de l’Espagne. Vous voyez un peu le paysage ? Place à présent à la musique !
Après huit années passées à l’ombre, Aorlach revient aujourd’hui à l’avant de la scène, armé sous le bras d’un troisième elpee studio poétiquement nommé « L’Esprit des Vents ». Dix titres de Black Metal au coeur épique et pagan. Pendant un peu moins d’une heure, c’est à dos de cheval lancé en plein galop que les artistes vous feront déguster leurs racines, leur patrimoine, leurs mythes et légendes qui ont imprégné ces terres pendant des siècles. Un Black Metal plutôt old school mais dopé néanmoins quand il le faut d’une prod lourde et ronde, emmenée par la voix arrachée et rageuse de Spellbound, hurlant sans vergogne, seul face à l’immensité d’une plaine vallonnée.
Chaque titre est une épopée. Comme en témoigne le titre d’ouverture « Aldérica », du nom de cette jeune fille qui a perdu la vie face à une invasion de cavaliers sarrasins. Ça blaste, ça sent la sueur et le sang. Quelques instants plus tard, c’est la légende de Saurimonde qui nous est contée, cette fée à la fois femme sauvage et démon. Un titre ponctué aux deux tiers par un instrument aux sonorités moyenâgeuses. Un apport musical folklorique qu’on aurait pu espérer un peu plus présent tout au long de cet elpee. L’une des compositions les plus intéressantes reste « Mandrin l’enfant perdu », délicieusement rock’n’rollesque, évoquant la vie du sombre Robin des Bois, Louis Mandrin. Aorlhac y démontre tout son savoir faire : sa décharge de rage chauffée à blanc accompagnée de ses lignes de guitare heavy et symphoniques, le tout enveloppé dans une bulle de narration parfois digne d’une prestation théâtrale.
Ce nouvel effort d’Aorlhac n’est pas sans rappeler les meilleures heures de Belenos, mû par cette capacité de planter un décor d’époque d’antan, empreint parfois de nostalgie, mais surtout motivé de garder en vie ces fragments d’Histoire, ces racines qui ont fait d’eux ce qu’ils sont aujourd’hui. Un legs du passé, courageusement transmis par les distorsions d’un Black Metal puissant, rapide et teinté par la mémoire d’hier. Un retour pleinement réussi, où Aorlhac joue son rôle de barde des temps modernes en proposant, à sa façon, une apnée temporelle sur les terres occitanes.