En marche vers un succès qui semble d'ores et déjà acquis, Eosine, le groupe de shoegaze originaire de Liège, fêtait, au Botanique (Bruxelles), le 'release' de son premier Ep paru chez Mayway Records, “Liminal”. Dans une Rotonde pleine à craquer, la formation emmenée par la talentueuse Elena Lacroix a, non seulement confirmé l'essai mais, en outre, a montré qu'elle possède une énorme marge de progression...
Dans la setlist, on retrouve, bien sûr, les 4 titres issus de “Liminal” : “Digitaline”, “Plant Healing”, “UV” et “Progeria” ; cependant, et c’est une surprise, tous les autres morceaux sont inédits. Et, pour être franc, ils sont époustouflants. L’expression sonore évolue toujours dans un style combinant shoegaze, post punk, dream-pop et inspiration mystique et/ou celtique mais le spectre musical est clairement en expansion grâce à des touches prog, krautrock, grunge et, par moments, carrément 'doom'.
Pour ce nouvel avatar d'Eosine, Elena est accompagnée de Dima Fontaine, qui militait auparavant au sein du groupe liégeois Naked Passion. Guitariste et chanteur, il apporte une palette musicale très riche et renforce parfaitement le travail vocal d'Elena. A leurs côtés, Benjamin Franssen à la batterie et Guillaume Van Ngoc à la basse, constituent une excellente section rythmique.
Ce qui frappe le plus, c'est la puissance de plus en plus affirmée du groupe en ‘live’. Le côté shoegaze éthéré est rehaussé, sur les planches, par une énergie brute et une maîtrise étonnante des pulsions et des flux. La formation alterne les moments aériens et les envolées rythmiques les plus féroces.
“Digitaline” est un bel exemple de cette versatilité. Joué à la fin du set accordé au Cinquantenaire, en juin dernier, le morceau est ici placé en lever de rideau et il permet de découvrir le registre du combo. Il se termine par une diatribe vocale hallucinante d'Elena, éructant comme une possédée au bord de la scène. L'ange habillé de blanc s'est déjà transformée en démon. Le tout, devant un public médusé, enthousiaste et hypnotisé. Après un seul morceau, la messe est déjà dite... On sait que l'ambiance va être torride !
Première compo inédite, “Limewood” reflète l’incontestable évolution. Tous les musiciens portent des tenues immaculées mais les tonalités sont de plus en plus sombres. Elena confiera plus tard qu'elle se met à nu dans ses nouvelles chansons. Les émotions qu'elle éprouve sur les planches l'entraînent parfois dans des moments de violence et de souffrance, au cours desquels elle part en transe et écartèle sa voix jusqu'à en tirer de véritables ‘grunts’. Son amour de la musique 'doom' (sludge, post-metal,...) est ici révélée au grand jour! Et puis, quelques secondes plus tard, elle abandonne sa Fender pour danser avec douceur et sensualité tandis que le rythme ralentit pour introduire “UV”. De toute évidence, le quatuor a mis à profit ses récentes résidences pour peaufiner les enchaînements et la mise en place de son show.
Pendant “Cherry Pink”, encore une nouvelle composition, Pyo, alias Karel Piot, le musicien bruxellois qui avait assuré la première partie, rejoint Elena sur le podium afin de partager un duo vocal endiablé. Après le très beau “Progeria”, le moment est venu de redécouvrir ce morceau inédit (NDR : bien qu’il ait déjà été interprété lors de précédents concerts) et très ambitieux : “Incantations”. Il démarre dans une forme de douceur shoegaze qui évoque Slowdive mais, très vite, Elena se remet à trembler et on devine qu'elle va, à nouveau, entrer en transe. En effet, les guitares explosent et la ‘succube’ se remet à cracher son venin, avec une violence indescriptible. On croirait entendre un morceau de Lethvm, le groupe de post-metal belge de Bois-de-Villers, avec lequel Elena a collaboré. Ensuite, le climat retourne au calme et elle quitte la scène, tandis que Dima Fontaine chante une mélodie apaisante. Mais c'est de courte durée, car la belle revient en courant depuis les coulisses, comme une furie, pour crier au-devant de la scène, sans micro... Un moment d'une rare intensité...
Cependant, l'apothéose doit encore arriver. Un dernier inédit, “No Horses”, va mettre tout le monde sur les genoux. Plus expérimental, il est tout d'abord calme, dans l’esprit de Björk et Cocteau Twins ; mais, suivant un format désormais bien établi, le chaudron entre petit à petit en ébullition avant une nouvelle éruption ! Elena scande frénétiquement ‘I am Lost and Found’ en criant de plus en plus fort, pour finalement se lancer carrément dans un ‘stage diving’ ! Un moment inoubliable !
Finalement, le concert n'a duré qu'une heure mais il a libéré une puissance phénoménale ! Le premier album du groupe est attendu impatiemment. Il paraîtra l'année prochaine sur Mayway Records, qui héberge déjà les excellents Haunted Youth. Passionné par le monde végétal, Eosine est une plante en pleine croissance et ce soir, on a assisté à l'éclosion d'une belle rose aux épines vénéneuses...
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Si vous souhaitez écouter les interviews en podcast dans l'émission ‘WAVES’, c’est ici pour Eosine et là pour le projet solo d’Elena, Tokyo Witch.
Setlist :
Digitaline
Plant Healing
Limewood
UV
Cherry Pink
Progeria
A Scent
Incantations
Above
No Horses
(Organisation : Botanique)
Crédit photo : Christophe Dehousse