Dernière journée d'un triptyque haut en couleur. Il est effectivement déjà temps de se dire au revoir.
Si la veille, les températures étaient plus que supportables, ce dimanche, les rayons de soleil ont décidé de cogner dur. Autant dire que les fontaines dispersées sur le site vont avoir une tâche bien ardue. C'est gratuit, alors autant en profiter !
C'est par Fleur que les festivités commencent. Le combo exécute sa prestation sur la scène de la Tour. Une jeune demoiselle est vêtue d'une robe verte à gros motifs ; des fringues probablement empruntées à son arrière-grand-mère.
Elle semble ingénue, baragouine quelques mots en français, mais c'est dans la langue de Shakespeare qu'elle s'exprime le mieux. De ses aveux, elle trouve que le français reste la plus belle langue de l'univers.
Une petite fille de 6 ou 7 ans semble carrément tombée sous le charme de la roussette et de ses trois comparses. En retour, elle recevra un vinyle dédicacé en plein concert sous les applaudissements du public.
L'univers du groupe nous replonge dans les années yéyé, un courant musical qui a sévi en France au début des années 1960. Et un morceau aussi décousu que décalé comme « Mon ami martien », en est un parfait exemple. Un peu gauche, la nymphette s'exerce en flash-back. Sa voix est fragile et posée. Ce petit accent accentue encore un peu plus le charme de cette artiste.
C'est sympa, mais le show s’avère un peu trop linéaire. Les spectateurs sont couchés dans l'herbe, brindille dans la bouche et chapeau de paille sur la tête, dans une ambiance qui rappelle, quelque part, Woodstock…
Ne retenons que le positif, cette brise musicale fraîche est la bienvenue, compte tenu de la température.
Friday Frida se produit à La Guinguette. Il s'agit de neuf gonzesses issues de la région de Liège. Elles reprennent de gros standards de la pop des années 2000 et des morceaux de folk américain.
Pas de musicos sur scène. Une des demoiselles se charge de donner le rythme à l’aide d’un gros tambour tandis que ses comparses se chargent de l'accompagner avec leur corps (elles utilisent leur torse, les doigts ou toute autre partie susceptible de produire du bruit). Bref, un résultat détonnant.
Si musicalement, ce set n'apporte rien de très particulier, la magie opère tout de même. Le public est conquis. Les filles sont satisfaites. Que demander de plus ?
La scène de la Tour accueille son plus fervent invité en la personne de Cédric Gervy. Il est présent au LaSemo depuis des années.
En ce dimanche, il a troqué sa casquette de prof de néerlandais pour revêtir celle de troubadour/chansonnier.
Hormis la présence de sa mascotte favorite (une espèce de peluche déglinguée), il est seul sur les planches.
Alors qu'il y a quelques années, il militait au sein d’un projet collectif : Cedric (et les) Gervy, impliquant Mr Chapeau, le gratteur RenRadio et le drummer Tyler Von Durden (remplacé en 2019 par The Robot), il se produit désormais en solo.
Lors d'une des dernières éditions, il avait invité le collectif à l'accompagner en ‘live’, ce qui avait débouché sur un set très performant.
Armé d'une gratte acoustique (qui elle aussi a déjà bien bourlingué), il revisite des sujets brûlants, dépeignant l'injustice de ce monde en format très second degré.
Lui, ce n’est pas du sang qui coule dans ses veines, mais un savant mélange de bonne humeur et de joie de vivre.
Autant dire que ses concerts sont synonymes de franche rigolade (« George est content », « « Que c'est chiant le reggae, etc.). C’est une thérapie contre la morosité ambiante à lui tout seul.
Bon, on ne peut pas dire que le gars possède un organe vocal très développé. Dès lors, considérez Gervy, n'en déplaise à l'artiste, comme un amuseur et non un chanteur.
Même si Cédric apporte un soin particulier lors de chacune de ses prestations, son set commence doucement à sentir la naphtaline. Ce sont toujours les mêmes carabistouilles, les mêmes jeux de mots, les mêmes sujets à dépeindre. On dirait un vieux sénile qui répète sans cesse les mêmes propos.
Un changement de line-up dans la programmation du festival serait de bon goût, car Gervy une fois, ça va, plusieurs années de suite, bonjour les dégâts.
Bon allez Cédric, ‘Bonne année quand même et à l’année prochaine !’ Enfin, si tu pouvais passer ton tour, quand même ...
Retour à la scène de la Tour pour y découvrir Ladaniva.
Pas question de bagnole, mais du groupe multiculturel fondé par la chanteuse arménienne Jacqueline Baghdasaryan et le multi-instrumentiste français Louis Thomas.
La rencontre tient d'un conte de fée. Baghdasaryan a 19 ans lorsqu'elle débarque en France avec sa mère. Arménienne qui a grandi en Biélorussie, elle est logée dans un foyer à Tourcoing.
Lors d'une jam organisée au bar ‘l’Intervalle’, dans le Vieux-Lille, un de ces endroits miteux où il encore possible de s'exprimer musicalement sans trop de souci, elle rencontre Louis Thomas, enfant de Quesnoy-sur-Deûle, trompettiste touche-à-tout et ouvert sur le monde et ses musiques.
Ladaniva naît ce soir-là. Un mini-concert sur Radio Nova est repéré par la suite par Michka Assayas (ce célèbre dénicheur de talents est également le maître d'œuvre d’une bible du rock, parue en 2000,) les propulsera vers l'autel du succès.
Leur popularité croît encore davantage lorsqu'en 2020, en plein Covid, Ladaniva publie deux vidéos qui vont générer plus d’un million de vues chacune sur YouTube.
La musique de Ladaniva est plurielle. Elle oscille du folk arménien à la musique traditionnelle des Balkans, en passant par le maloya, le jazz et le reggae.
Jacqueline est à l'image de la musique qu'elle produit : joyeuse et évasive, entre histoire, tradition et modernité.
Parfois un brin nostalgique, elle ne peut s'empêcher de revivre son vécu à travers l'une ou l'autre composition.
Direction la scène du Château pour le dernier concert de cette édition 2022.
Il s'agit de Ben Mazué. Promis à une carrière de médecin, Benjamin Mazuet à l'état-civil, opte pour la musique alors qu'il n'a que 25 ans.
Il est accompagné de deux musiciens multi-instrumentistes. Lui se réservera la sèche sur l'un ou l'autre titre.
Un écran blanc géant trône sur le podium qui permettra d'habiller en images le show qui s'annonce excellent.
D'emblée, amis des mots et de l’émotion, Ben Mazué aime se dévoiler à travers ses compostions. Ses joies, ses peines, ses émotions, ses états d'âme, ses paroles retentissent au gré de ses maux.
Auteur-compositeur-interprète, Benji couche ses sentiments sur le papier pour en construire des mélodies qui ont du sens. Pour lui et pour les autres. Ses récits sont tout simplement familiers, sincères et véritables.
L'amour est au centre des débats. Celui qu'on a perdu. Celui que l'on va retrouver aussi. Il parle ouvertement de la femme qui l'a quitté. Les chansons de son album « Paradis » ont été directement inspirées de cette période lorsque sur l'Ile à la Réunion, il se levait à 4 heures du matin faire son jogging, histoire d'évacuer toutes ces histoires obsédantes, tandis que son ex dormait paisiblement.
Mais à en croire ses propres propos, il vaut mieux une belle histoire qui se termine trop tôt, qu'une médiocre qui dure toute une vie (« Le cœur nous anime »).
Intellectuellement trituré (« Quand je marche »), Mazué reste un artiste qui rend à la chanson française ses véritables lettres de noblesse.
Agé de 41 ans, en pleine crise, l'homme se cherche et tente de se réinventer pour mieux se retrouver. Et si cette crise avait commencé plus tôt pour ne jamais prendre fin ?
Quoi qu'il en soit, Mazué s’épanouit dans ses chansons qui content la vraie vie. Fondamentalement curieux, la nature humaine le rend interrogateur. Mais les questions fusent, sans nécessairement trouver de réponse.
Durant toute sa prestation, il ne cessera de prendre le public à partie sur des sujets qui lui tiennent à cœur : la vie, la mort, les rencontres, les amis, etc.
Après plus de 10 ans de carrière, Ben Mazué est l’un des artisans de la chanson française. Un enfant aussi en quête de réponse.
Il est 22 heures 15 lorsque le show se termine. Une bien belle édition. Un site formidable. Des jeux. Des concerts. Une ambiance bon enfant. Un soleil radieux. De quoi attendre impatiemment l'édition 2023…
(Organisation LaSemo)
(Voir aussi notre section photos ici)