Et si Les Gens d’Ere devenaient… légendaires ? Car si l’évènement était à l’origine une farce entre une copains autour d’un peu de musique, de joie et de bonne humeur, le festival s’exporte aujourd’hui au-delà des frontières.
Mais contrairement à beaucoup de ses homologues (Dour Music Festival, Ronquières, etc.), ici, on ne badine pas avec l’esprit de camaraderie, qui lui n’a pas changé d’un iota ! Exit les trucs pompeux, la simplicité EST la règle ! Même le stand VIP fait les frais de cette culture ; il est réduit à sa plus simple expression ! Celui qui veut s’y restaurer ne trouvera ni caviar, ni champagne, mais de la bière et une bonne grasse frite !
Bref, Les Gens d’Ere est le festival par excellence où l’on s’y sent comme chez soi, entouré d’une équipe de bénévoles passionnés et souriants.
De nombreux transats en palettes sont disséminées un peu partout, histoire que les festivaliers se sentent comme à la plage, le soleil en moins, car si la journée de jeudi a laissé le sol jonché de boue, cette journée de vendredi, épargnée tout de même par la pluie, n’en est pas moins nuageuse et très fraîche. Les uns la bouderont tandis que les autres y verront un bon moyen de s’habituer à la saison automnale, pas si lointaine finalement. Que l’on se réjouisse, car par comparaison, la situation ne peut pas être aussi désastreuse. Souvenez-vous des torrents de précipitation qui s’étaient déversés, l’an dernier, obligeant les festivaliers à déguerpir des parkings devenus impraticables.
La configuration est identique aux formules précédentes. Deux scènes se côtoient, l'une couverte baptisée ‘Le Chapito’ et une autre ‘Plein Ere’ logiquement outdoor. Elles se situent à une encablure l’une de l’autre, ce qui permet de s’y rendre en quelques pas seulement. Elles proposent en alternance un line-up cohérent car on mise encore et toujours sur une affiche la plus éclectique possible. Mais de qualité !
Les familles s’y exposent le temps d’un long week-end. On y croise de jeunes couples entrelacés, des personnes plus âgées avec leur cabas ‘Action’ et des parents accompagnés de leurs rejetons. A moins que les enfants n’y accompagnent leurs parents ?
Se déroulant sur quatre jours maintenant (rentabilité oblige), le jeudi fait la part belle à un groupe de cover qui sévit beaucoup sur la région : Zénith. Trop peu pour votre serviteur !
Priorité donc aux vendredi, samedi et dimanche !
Alors que la montre de votre serviteur indique 19h00, direction le chapiteau pour y découvrir Youssef Swatt’s,
Le gars vient de Tournai, une ville francophone de Belgique située en Région wallonne (Wallonie picarde) et en Flandre romane, chef-lieu d’arrondissement de la province de Hainaut et siège de l'évêché de Tournai. La messe est dite !
Il a déjà bien bourlingué ! Cinq albums à son actif, des collaborations avec des artistes belges et français de renom tels qu’Oxmo Puccino (« Le poids des mots ») ou Demi Portion (« Maintenant ou jamais ») et a assuré le supporting act des concerts de IAM, en 2022, mais aussi de Bigflo et Oli, en 2023.
Cocorico, il y a quelques jours seulement, Youssef Swatt’s a remporté l’émission française de rap ‘Nouvelle Ecole’, dont la finale était diffusée sur Netflix. Et dire que les spectateurs ne savent même pas que l’artiste qui grimpe sur l’estrade est une future figure montante du rap !
Son histoire s’apparente à un véritable conte de fée. Âgé de seulement 14 ans, le gaillard sort un premier Ep, « L’Amorce », qui lui permettra d’être repéré par le Scylla, phénomène belge. Prolifique, « Vers l’infini et au-delà » sortira en 2017, « Poussières d’espoir » en 2020 et enfin, « Pour que les étoiles brillent », en 2022.
Alors que votre serviteur n’épouse pas nécessairement le genre, la musique du gars est différente pour deux raisons essentielles. Premièrement, il se produit en groupe, phénomène plutôt rare, les artistes de ce style se contentant souvent d’un DJ derrière les platines pour l’enveloppe musicale. Ensuite, son écriture n’est pas vindicative à l’instar d’autres de ses congénères. Et pas davantage d’insultes vis-à-vis des ‘keufs’ (Trad : la police) et des ‘meufs’ (Trad : les femmes) qui ne sont pas toutes des putes. Ah bon ?
Youssef est soutenu par quatre larrons chargés de lécher ses propos tentaculaires (basse, guitare, clavier et batterie). Le chapiteau est bien rempli, signe que l’artiste a déjà acquis une certaine notoriété.
Maîtrisant les codes du hip-hop grâce à des compositions enivrantes et chaloupées, l’artiste se livre entre lyrisme poétique et introspection maladive. Maniant une plume taillée comme du silex, il regarde dans le rétroviseur de sa vie avec humilité. Des compos touchantes et une expression sonore légère sur fond grave ainsi que des thématiques qui traitent de la vie, la mort ou la résilience, à l’instar de « Générique de fin ».
Comme il le souligne ouvertement dans « Etoile filante », une chanson interprétée à l’origine en compagnie de COLT (un duo belge, né sur des cendres de Coline et Toitoine), ‘notre histoire est belle’ constitue une référence aux relations qu’il entretient depuis toujours avec sa fan base. Sa victoire n’est pas seulement sienne, mais celle de toute une équipe.
Il rappelle s’être présenté devant un public alors qu’il n’avait pas acquis la popularité que l’on connaît aujourd’hui. De statut d’OVNI à artiste confirmé, il se remémore le temps passé, avec un brin de nostalgie (« Remonter le temps »).
Malgré des basses assourdissantes handicapant de temps à autre la bonne compréhension des textes, l’artiste est devenu une figure de proue dans le paysage noir-jaune-rouge et attise la curiosité en proposant un set éblouissant, au sein duquel scintille une « Etoile filante ».
Autre style, autre podium pour un digne représentant du rock belge, Ykons. Un habitué, puisqu’il se produit pour la 3ème fois sur la plaine du Les Gens d’Ere.
Le groupe liégeois (aucun doute vu l’accent prononcé !) réunit Renaud, Yann, Patrick, David et Ben. Né sur les cendres de Can D (NDLR : décidément le crématorium tourne à plein régime), les comparses empruntent un chemin initiatique, dès 2019. Le succès progresse lentement. Ykons grave un premier elpee, « Reflected », qui lui permet de se forger une solide réputation et par conséquent de disposer d’un répertoire substantiel pour les festivals. La suite ? Un beau succès critique et d’estime !
Le set de ce soir est malheureusement conjuré par le sort. Une longue intro devait permettre aux musiciens de monter sur les planches. Plusieurs tentatives et un reboot du mac seront nécessaires pour y parvenir. Renaud s’excusera en off, ‘le Windows 97 s’est planté’, dira-t-il.
L’incident clos, alors que le batteur assurait derrière les fûts durant de longues secondes, le claviériste le soutient rapidement, puis le guitariste et enfin le bassiste embraient, alors que le chanteur est perché tout en haut d’une estrade plantée au milieu du podium. « Red light » ouvre alors les hostilités !
C'est très vif et entraînant. Le public s'emballe et les muscles, jusque-là statiques, sont pris de mouvements saccadés au gré de cette rythmique un brin indolente. Et s’il s’agissait du syndrome Gille de la Tourette ?
Renaud Godart marque là, au fer… rouge, une intro pour le moins percutante.
C'est techniquement époustouflant, humainement enrichissant et musicalement céleste. Un combo qui signe le retour à de la bonne musique comme sur ce « State of mine », nourri à l’indie-pop et coloré de touches électro.
Les événements se dégradent malheureusement lors de « Open eyes ». Les enceintes en façade décident de faire grise mine, privant ainsi l’auditoire d’une bonne partie de la compo. Les musiciens, amusés et gênés à la fois, poursuivent, inébranlablement leur mission contractuelle, simplement aidés de leur moniteur in-ear (NDR : oreillettes placées dans les oreilles). De l’aveu même du vocaliste, c’est la première fois qu’il joue pour un public… qui ne l’entend pas ! Un surréalisme à la Belge !
Alors que les techniciens s’affairent comme des lions en cage, Renaud propose, si les enceintes ne parviennent pas les rendre fonctionnelles, d’assurer un concert acoustique autour d’un feu de bois, comme lors d’un camp de scout. Et le public d’y répondre en poursuivant a cappella. Un beau moment !
Le hasard est évidemment bien capricieux ! Alors que de nouveaux câbles sont installés, assurant la liaison entre la régie et la scène, le set se poursuit par… « Have a great crash ». Véridique !
Un mouvement de foule s’organise, jeunes et moins jeunes jumpent solennellement dans une ambiance bon-enfant. S’il ne s’agit pas du meilleur concert du groupe, il s’est produit devant le meilleur public, assurément !
Pour « Like a feather », debout face aux ‘floortoms’ posés sur l’estrade, le frontman et un de ses comparses prennent le pouvoir en martelant avec force et conviction les peaux, pendant que la guitare post-pop aérienne et légère s’envole et la basse vrombit dans les frontaux (qui pour l’instant, fonctionnent) en transperçant les corps plantés devant les barrières. Entre show diabolique, sueur, adrénaline et surprises, Ykons a démontré qu'il possède toutes les cartes pour emmener avec lui les plus fidèles, dans un tourbillon insensé. Sa seule limite étant l'imagination !
Alors que la guitare entame les premières notes de « Cloud nine » et ses faux airs à la Puggy, Renaud s’affranchit dans le public et d'une expression sans complexe, il chante, totalement décontracté, entre nonchalance et intuition.
Grâce à des effets de guitare aériens, il y a chez Ykons une filiation lointaine avec Coldplay (groupe de pop/rock britannique originaire de Londres en Angleterre, formé en 1997, et drivé Chris Martin) en termes de compositions que de l’approche sonore.
Puisqu’on ne dit jamais aux gens qu’on les aime, rien de tel que de reprendre à la sèche ce titre emblématique de Louis Chedid. Des mots qui touchent sur une mélodie caressante. Alors que les uns et les autres se touchent l’épaule en guise de fraternité, l’ambiance qui, jusque-là, était électrique, devient soudainement, le temps d’une chanson, intimiste.
La prestation s’achève ; cependant, le quintet ne pouvait quitter les lieux sans son « Sequoia Trees », un message adressé à l’être humain et à sa responsabilité à l’égard de tout ce qui l’entoure. Et de rappeler également que c’est ce titre qui a permis au band d’acquérir une véritable aura au royaume du moues/frites.
Pourtant contrarié par des problèmes techniques auxquels artistes, techniciens et public ont dû faire face, le concert d’Ykons restera l’un des meilleurs que le combo a accordés, sa fluidité s’avérant, de plus en plus, une de ses forces.
Grâce à une expression sonore bien dans l'air du temps, la formation liégeoise s'approprie les racines du genre et en extrait la quintessence pour le meilleur et… pour le pire.
La soirée s’achève déjà pour votre serviteur, la suite du programme se révélant moins alléchante. Entre un Mister Cover, mille fois entendu et un Quentin Mosimann taillé pour le dancefloor, il est toujours aussi perplexe vis-à-vis de ce type de spectacle (?!?!?) …
(Organisation : Les Gens d’Ere)