Les précipitations de la veille n’ont pas provoqué de catastrophes. Seul le parking vert a partiellement été paillé et des planches métalliques ont été placées au sol afin de faciliter les déplacements. Et comme cette journée s’annonce ensoleillée, aucun autre problème ne devrait troubler cette dernière journée.
Comme d’habitude, le dimanche est consacré aux groupes plus rock.
Votre serviteur arrive un peu plus tardivement sur le site du festival et se dirige haletant pour y voir et écouter Brutus, qu’il avait apprécié lors de son set accordé deux semaines plus tôt, à Dour. Et il avait pris une claque !
Brutus est un trio constitué de Peter Mulders à la basse, Stijn Vanhoegaerden à la sixcordes et Stéphanie Mannaerts, aux drums ainsi qu’au chant. C’est également la leader.
Originaire de Louvain, le band s’est établi à Gand. La gonzesse a pris position en front de scène. Après une longue intro au synthé, elle frappe les tambourins pour entamer « War », une compo détonante, très vite suivie par « Liar », un morceau qui pétarade comme le Glaude dans la soupe aux choux.
La musique de Brutus oscille entre post-hardcore, alt rock, shoegaze et sludge. En bourlinguant de festival en festival, les musicos se forgent progressivement de l’expérience. Et on sent que la prestation est encore montée d’un cran depuis la précédente.
Alors que tout au long de « Miles Away », Stefanie diversifie son jeu et apporte de l’espace au morceau, « What Have We Done » permet à Peter Mulders de faire vrombir sa basse, tandis que la guitare de Stijn construit de splendides envolées mélodiques lorsqu’elle ne dispense pas des riffs tranchants, à l’instar de « Brave » ou « Victoria ». On est très loin du monolithisme.
Alors que les titres s’enchaînent, un constat s’impose : la voix de Mannaerts est solide comme le roc. Elle y va la petite ; elle mène ses compos comme un général dirige ses soldats qui vont à la guerre.
Encore une fois, Brutus est à l’image de son patronyme ; un groupe sans concession, d’une dynamique incroyable et d’une richesse musicale à toute épreuve.
Le band peut se targuer d’avoir assuré un show à la hauteur des attentes !
Warhaus est prêt à en découdre sur la main stage. Pas mal de spectateurs se sont déplacés plus pour la découverte que par connaissance du combo.
Warhaus, c'est le patronyme du projet solo de Maarten Devolder, un compositeur, chanteur et multi-instrumentiste, mais également un auteur-compositeur-interprète et producteur belge. Excusez du peu !
Il a entamé sa carrière en 2010, à 22 ans, au sein du groupe Balthazar. Ce n’est qu’en 2015, qu’il s’est également lancé en solitaire.
A ce jour, il ne compte que trois albums studios : « We Fucked A Flame Into Being » (2016) - inspiré d'une citation du roman ‘Lady Chatterley's Lover’ (‘L'amant de Lady Chatterley’) de D.H. Lawrence et acclamé par la critique, « Warhaus » (2017) et « Ha ha heartbreak » (2022). Il semblerait qu’un nouvel opus soit en gestation et il devrait paraître, selon toute vraisemblance, en 2025.
Maarten Devoldere, au centre, est chargé de driver ses comparses, assez nombreux sur les planches. Ils sont multi-instrumentistes.
Après une longe intro à l’orgue de barbarie, les musicos débarquent d’un pas décidé. En espérant que la suite soit moins poussiéreuse.
Très vite, il appert que Maarten possède un grain de voix de crooner adapté aux compositions chargées de spleen. Dans les textes, Il y est souvent question de chagrin d'amour. Et forcément, au cœur d’un climat feutré et empreint de nostalgie, les arrangements sont soignés, mais ne collent pas vraiment à l’ambiance qui règne lors d’un festival.
Pendant « Desire » ou encore « Fall In Love With Me », des morceaux pétris de charme et de sensualité, les spectres de Leonard Cohen, Tom Waits ou encore Lou Reed se mettent à planer…
De son timbre caverneux au phrasé nonchalant, Devoldere livre des compos profondes et sombres, bercées par l’amour ou la haine, mais de manière quasi-industrielle, ne communiquant que très rarement avec le public. Dommage !
L’instrumentation est riche : trompette, trombone, clavier, violon, guitare électrique et sèche, batterie et flûte. Et cette liste n’est pas exhaustive, chaque musicien manifestant un don pour la virtuosité.
Et pourtant, les compositions commencent à libérer un groove du tonnerre ! A l’instar de « Beaches », stimulé par une ligne de basse grondante. La tension devient palpable et le concert entre dans sa phase la plus intense. Et lors de « Mad world », Maarten se détache du personnage statique qu’il incarnait en début de parcours. Une fin en apothéose !
Les musiciens saluent chaleureusement le public, alors que l’orgue de barbarie referme la boucle. A défaut d’adieu, un au revoir, qui, espérons-le, sera de courte durée.
French 79 embraie sur la Colline. Il s’agit du projet solo de Simon Henner. Fondé en 2014, à Marseille, il a rencontré un certain succès lors de la sortie de son premier album, « Olympic », en 2016.
Réputé pour son électro/pop, il suscite la curiosité. Mais au bout de quelques minutes, on se rend compte que sa musique s’adresse surtout aux plus jeunes. Planqué derrière ses platines et machines électroniques, il déverse un flux de beats glaciaux et aussi sensuels que des cadavres…
Votre serviteur préfère donc redescendre vers la main stage, où Ghinzu est chargé de prendre le relais.
C’était une bonne idée ! La plaine est noire de monde côté Tribord. Il faut préciser que c’est la seule date accordée cet été par la formation bruxelloise, dans le cadre d’un festival, en Belgique.
Chaussé de lunettes fumées, John Stargasm grimpe sur le podium. Il est suivi par une bande de joyeux drilles. En l’occurrence le bassiste Mika ‘Nagazaki’ Hasson, le guitariste Greg Remy, le drummer Antoine Michel et le claviériste/guitariste Jean Montevideo, également préposé aux backing vocaux.
Le look du sixcordiste ne passe pas inaperçu ! Il porte de longs cheveux. De dos on pourrait le confondre, soit avec Jésus Christ, soit avec une belle demoiselle. Une illusion ! Car lorsqu’il se retourne on est en présence d’un gars, dont la veste ouverte laisse apparaître un torse couvert de poils hirsutes. Peace and love, le babacool (NDLR : qui a dit hippie ?) !
Le batteur est installé en retrait. Le bassiste a opté pour une position quasi-centrale. Lunettes de soleil vissées sur le nez, il porte un costume ‘classique’ de couleur noire. Il ressemble à Kévin Bacon, un acteur, producteur, réalisateur et compositeur américain notoire pour son film musical ‘Footloose’ ou encore pour avoir endossé le rôle de méchant dans une kyrielle de longs métrages, dont ‘Sleepers’ et ‘Hollow Man’.
Alors que la bande originale du film Rocky, « Going The Distance », sert d’intro, Stargasm se plante devant le clavier Roland placé à front de scène. Il signale que le morceau dure environ huit minutes. On a vite compris qu’il s’agit de « Blow », plage d’ouverture de l’elpee éponyme. Rien d’étonnant puisque le combo est venu célébrer le vingtième anniversaire de sa sortie. Toujours aussi punchy, cette compo conserve une place de choix dans le répertoire de la formation.
Mais ce comeback sur les planches annonce la sortie d’un nouveau long playing, prévu pour l’année prochaine.
Très inspiré, « Jet Sex », « Cockpit Inferno » ou encore « Dragon » maintiennent la pression. Mais c’est encore « Cold Love », issu de « Mirror Mirror », aux riffs de guitare tranchants et à la rythmique schizophrénique, qui recueille tous les suffrages au sein de la foule.
Le set ne manque certainement pas d’énergie. Punk dans la démarche, des titres emblématiques tels que « Do You Read Me ? » ou « The Dragster Wave » ne sont pas oubliés. Mais le sixcordiste a tendance à en remettre une couche. Il n’a pas l’air dans son état normal et en s’imposant de la sorte, il s’arroge un rôle qui n’est pas le sien.
Quant à Stargasm, malgré tous les efforts consentis, il ne semble pas beaucoup plus frais. En outre, il y a quelque chose d’inachevé dans la prestation de Ghinzu. Une impression que partagent de nombreux fans.
Et dans la fosse, c’est la perplexité qui s’installe. Alors qu’elle devrait pogoter, la foule reste pratiquement insensible aux frasques des loustics. Un moment surréaliste !
Le guitariste, fou furieux, s’empare de sa gratte, s’avance et la balance à plusieurs mètres de distance, sous le regard médusé de l’auditoire. C’est spectaculaire, mais honteux, lorsqu’on connait le prix d’un tel instrument. Et elle a dû morfler sec puisque qu’un roadie vient lui en proposer immédiatement une autre. Ce qui lui permet de poursuivre le set.
Le frontman lui emboîte le pas. Il grimpe sur son clavier Roland qui vacille dangereusement et prend une forme incurvée sous le poids du gaillard. Encore un peu, il avait deux claviers !
La tension redescend d’un cran lorsque le quintet interprète le grave et spirituel « Mother Allegra ». Mais, l’accalmie sera de brève durée, « Mirror Mirror » et d’un « Dream Maker » rallumant ce climat survolté.
La fin du concert approche. Au cours de « Mine », Stargasm s’évade dans le public et rend heureux les adeptes du crowdsurfing.
Remy s’est couché sur le sol. Apparemment, inerte, son corps ne répond plus. Les autres musicos quittent l’estrade presque désabusés par ces singeries d’un autre âge. Un type accourt. Il prend le mec par les pieds et le traîne en coulisses de manière virulente. On se doute qu’il s’agit là d’une misse en scène de plus, l’individu se portant probablement bien.
Il reste deux têtes d’affiche : Shaka Ponk et les Pixies. Cependant votre serviteur doit prendre la route très tôt le lendemain matin pour partir vers d’autres cieux nettement plus ensoleillés ; et au vu des centaines kilomètres à avaler, il est plus prudent de conserver des forces.
Une édition qui s’achève sans trop de problèmes. On félicitera les efforts consentis par les organisateurs en matière de gestion des risques, pour avoir réétudié la mobilité, et notamment en créant des parkings payants.
On regrettera cependant le manque de confort visuel et acoustique de la scène ‘Colline’.
En fin de compte, Ronquières a eu le bon goût de proposer, aux côtés de grosses têtes d’affiche, de belles découvertes. Mais c’est encore la prestation de Phoenix qui a véritablement marqué l’édition 2024 de son empreinte. Bravo !
Photos Vincent Dufrane ici
(Organisation : Ronquières Festival)