Lylac rencontre les esprits de la nature…

Telle une allégorie d’un paradis perdu, le nouveau single de Lylac, “The spirits of the wild”, évoque son fantasme ‘Eastwoodien’ des grands espaces sauvages et inexplorés. Fleuretant avec l’idée de la recherche du mythe ultime cher aux artistes californiens…

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Glass Beams signe chez Ninja Tune

Glass Beams, groupe énigmatique établi à Melbourne, s'inspire de son héritage indien, infusant son psychédélisme serpentin d'instrumentations cosmiques et de polyrythmies du monde. Son premier album, « Mirage », enregistré en home studio, est une fusion…

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Gang Of Four

Du contenu, pas du tape-à-l’œil

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Fondé à Leeds, en 1977, Gang of Four (NDR: la ‘Bande des Quatre’, patronyme inspiré d'un groupe de dirigeants chinois, parmi lesquels figuraient l’épouse de Mao Zedong, Jiang Qing, dont les membres avaient été arrêtés et démis de leurs fonctions en 1976, peu de temps après la mort de Mao) est considéré comme une référence majeure, dans l’histoire de la musique pop/rock. Une multitude d’artistes se réclament ou se sont réclamés de cette formation insulaire, parmi lesquels figurent Red Hot Chili Peppers, INXS, REM, Nirvana et même U2. Sans oublier le mouvement punk funk, au sein duquel on épinglera The Rapture, Radio 4, Bloc Party, !!! et Futureheads. Fin des seventies, début des eighties, on qualifiait alors leur style de funk blanc, un mouvement auquel relevait également A Certain Ratio. De leur histoire, on retiendra un engagement sociopolitique très marqué, des prestations scéniques explosives, quelques singles incontournables (‘Damaged Goods’, ‘What we all want’, ‘To hell with poverty’ et ‘I love a man in a uniform’), un album culte (‘Entertainment’, publié en 1979) ainsi que plusieurs séparations, réunions et changements de line up. Seuls John King le chanteur et Andy Gill, le guitariste, sont toujours au poste. Leur dernière reformation remonte à 2004. Un album était paru en 2005, ‘Return the Gift’, mais il ne s’agissait que d’une nouvelle mouture d’anciennes compos. Si bien que leur dernier opus studio, ‘Shrinkwrapped’ datait de 1995. Un nouvel elpee sort donc ce 25 janvier, ‘Content’. Ce qui explique la présence d’Andy Gill, en Belgique, pour accorder quelques interviews. Et le guitariste nous a accordé un très long entretien. Très intéressant, par ailleurs. Musiczine vous en livre l’essentiel…

Mais attaquons directement un sujet qui doit interpeller notre interlocuteur. Alors que Gang of Four n’a jamais récolté qu’un succès d’(e) (grande) estime, quel est son sentiment profond vis-à-vis d’un mouvement (NDR : le punk funk) que le groupe a engendré et qui a permis à des formations contemporaines de récolter un succès certain. Andy concède : « J’en suis relativement heureux. Et pour cause, ce sont eux qui nous ont permis de conquérir un nouveau public. Des mélomanes qui n’auraient jamais connu Gang of Four autrement. Ce courant nous a été favorable. Lorsque Franz Ferdinand est devenu énorme, la critique a dit qu’il y avait Gang of Four derrière. C’est ainsi qu’on s’est fait connaître. Et lorsqu’on se produit en concert, on se rend compte qu’une partie du public a moins de 20 ans. Et l’autre réunit des quinquas. C’est superbe ! J’aime beaucoup ce mix démographique. Je suis enchanté que notre musique plaise aussi à la jeune génération. Finalement, ce qui se produit aujourd’hui confirme nos prévisions. Et c’est un juste retour des événements. Des événements que nous avons vécus il y a 30 ans. » Mais pourquoi avoir attendu si longtemps avant d’enregistrer un nouvel album ? Andy argumente : « Les nineties n’ont pas été très favorables pour nous. Au cours de cette période, John voulais faire autre chose, mais je ne souhaitais pas le suivre dans ses projets. Il a mené une carrière solo pendant 2 ou 3 ans. Fin des années 90, Futureheads est né. Et je me suis investi pour eux, à la production. Donc, je n’avais plus beaucoup de temps pour faire autre chose. Début des années 2000, des gens du milieu nous ont suggéré de nous réunir. En 2005, on a publié un cd consacré à d’anciens morceaux retravaillés. A partir de ce moment, on a retrouvé un certain plaisir dans l’écriture et on s’est remis à bosser… » Le line up initial s’est même mis à tourner, mais le drummer Hugo Burnham, puis le bassiste Dave Allen se sont essoufflés, cédant alors le relais à une nouvelle section rythmique composée de Mark Heaney et Thomas McNeice. Et enfin, le quatuor a enregistré un nouvel elpee…  

Intitulé ‘Content’, il proposera une édition limitée luxueuse, incluant un tas de bonus, dont une BD imaginée et dessinée par Andy, racontant notamment les 40 années de leur carrière, un livret consacré à leurs lyrics et des fioles contenant leur sang. Une invitation à collecter pour la Croix-Rouge ou une grosse blague ? Et pourquoi ce titre ? Satisfait du résultat ? Andy réagit : « Il est exact que le don du sang et très important aujourd’hui. Et l’idée de cet échantillon de sang constitue la traduction extrême du don de soi, l’idée de ce qu’on peut offrir de soi-même. En fait, c’est encore la manifestation des faces de Gang of Four qui peuvent se révéler à la fois sérieuses et comiques. On a vécu des tas de discussions au sujet du titre de l’album, il y a un an et demi. Et finalement on s’est accordé à le baptiser ‘Content’. En fait, il se réfère au mot ‘contenu’ de ce qu’on peut trouver dans le hardware. Tout ce qui est l’emballage. Le ‘blabla’, c’est pour faire de la pub. Dans la société, il n’y en a plus que pour Google et Internet. Pour vendre leur marchandise, les fabricants d’ordinateurs, de téléphones et autres privilégient le tape-à-l’œil. C’est un peu la garniture du sandwiche. Donc, la pub, c’est le sandwiche et le contenu, la garniture. C’est la raison pour laquelle on a choisi ce titre. On fabrique d’abord la boîte, et puis on y met le contenu. Et donc, on a inséré du contenu dans notre box : musique, paroles, des photos du groupe, des odeurs d’activités humaines, notre sang et l’histoire des quatre décennies de l’histoire du groupe à travers une bande-dessinée (NDR : il montre les maquettes, en épinglant celle de Berlusconi face à une prostituée). On y a inséré des choses importantes, mais également stupides. Le tout sera glissé dans un box métallique. C’est la coloration externe qu’on attribue à notre travail. Comme nous avions déjà fait pour ‘Entertainment’. On voulait aller plus loin dans ce qu’il y avait à offrir ; et des choses qu’on ne peut pas télécharger, comme notre sang… »

Penchons-nous, maintenant sur le contenu de l’album. Tant au niveau des textes que de la musique. ‘It was never gonna turn out too good for me’ est une compo qui parle de l’histoire d’un immigrant débarquant d’Europe de l’Est. On lui reproche d’avoir piqué le travail des autochtones. Explications : « J’ai écrit cette chanson à la première personne du singulier, pour la rendre autobiographique. Je suis né à Manchester. La population s’inquiète parce qu’elle ne trouve pas d’emploi et colporte que ces jobs leur sont piqués par les immigrés, alors que la plupart de ces demandeurs d’emploi n’accepteraient pas de faire ce boulot. On manifeste de la sympathie vis-à-vis des gens qui se plaignent, parce qu’on a l’impression qu’ils ont perdu leur propre dignité. Et cette chanson parle justement de quelqu’un qui perd son amour-propre. J’utilise un vocodeur, sans quoi cette compo serait trop sentimentale. C’est un peu comme si c’était un robot qui parlait ». Dans sa chanson ‘You don’t have to be mad’, on y parle du nouvel esclavage dans le travail. La conséquence du néo-libéralisme qui s’est imposé en Europe, faute de plate-forme sociale commune ? Andy nuance : « Oui, mais l’Europe est beaucoup plus sociale que les Etats-Unis. Là-bas le marché est beaucoup plus libre que chez nous. Sur le Vieux Continent, il y a encore un équilibre entre le privé et le public. Est-ce que le retour à un plus grand socialisme est envisageable ? Ce n’est pas nécessairement une utopie. Les événements évoluent. On devrait davantage s’inspirer du modèle scandinave… » Sur ‘A party all the time’ on entend des chœurs féminins. Les choristes de Chic sont-elles revenues leur filer un coup de main ? Eclaircissements : « Non, en fait, c’est Eddie Reader qui a participé aux sessions. Au début des années 80, elle nous avait accompagnés en tournée comme choriste. A cette époque, nous étions parvenus à la sortir de Glasgow, et surtout de son Ecosse natale. On l’avait d’abord invitée à Londres. C’est une excellente chanteuse, mais très timide. Il y a deux ans on a fait un périple en Ecosse, et elle a téléphoné pour nous demander si elle pouvait venir nous accompagner sur les planches. On a renoué nos relations et elle est revenue à Londres pour participer à la confection de notre album. C’est une vielle copine. »

Andy a un jour déclaré que dans la musique, il aimait la rencontre entre le passé et le futur. Ce qui méritait une explication. « Davantage le passé que le futur. En réalité, il s’agit de la rencontre entre le passé et le présent. Le sens premier a tendance à faire penser que le temps s’arrête au moment présent. Comme si le moment présent était la fin de l’histoire. Bien, sûr, d’un point de vue abstrait, on sait bien qu’il existe un futur. Et on doit se rendre compte, même si on sait que les conditions actuelles pourraient être meilleures, qu’on se trouve au point suprême de notre développement. Nous sommes cultivés. Notre espérance de vie est bien plus conséquente. On dispose de GSM et de l’Internet. Et quand on regarde dans le passé, on se dit que les gens devaient être bizarres. Etaient-ils vraiment comme nous ? Je pense que quel que soit le moment de l’histoire, les événements sont en constante évolution. Imagine les Victoriens des années 1890, ce qu’ils devraient penser de nous. Parce qu’on est au sommet de la civilisation. Et quand on observe leur organisation, on se dit qu’ils avaient des idées singulières. Notamment au niveau se la sexualité. Vous savez, les pays occidentaux ont toujours tendance à se considérer comme les plus civilisés, alors que lorsqu’on analyse les tranches d’histoire, elles sont émaillées d’actes de sauvagerie. Sur ‘Do I say’, une chanson de l’album, je joue le rôle de l’exécuteur et John de l’exécuté. Attaché à un pieu, il va être brûlé pour des raisons idéologiques. Il y a un dialogue entre nous deux. L’exécuteur dit que le coupable a tort ; et ce dernier lui répond qu’il n’est pas un mauvais type, qu’il est semblable à son bourreau. C’est comme si cette histoire se déroulait au XVIIème siècle et soudain, elle rebondit, au XXIème… En fait, on crée un lien entre ces deux époques. Au cours de la première, il y avait les sorciers et aujourd’hui, les terroristes… »

Punk funk ou funk blanc ? Quelle est la réaction de Gang of Four par rapport à toutes ces étiquettes collées par les journalistes ? « Il existe beaucoup d’influences chez Gang Of Four. Chacun d’entre nous a grandi en écoutant des choses différentes. Depuis James Brown à la Motown en passant par Bob Dylan et le reggae primaire de Desmond Dekker. Pourtant, aucun d’entre eux n’a été une influence majeure pour notre musique. Et si cela a été le cas, c’était de manière très subtile. A nos débuts, on a essayé de créer notre propre langage musical. On n’a pas voulu reprendre un rythme de batterie conventionnel, mais créer un rythme typique, qu’on ne retrouve pas ailleurs. On est parti de zéro. On a créé le beat sur lequel on a greffé la basse. A vrai dire, j’ai toujours été davantage fasciné par le rythme que par la mélodie. Pour le rock’n roll. Alors que notre culture occidentale a été, pendant des siècles, bien plus branchée sur la mélodie que le rythme. C’est ce qu’on appelle le groove. Ce qui fait bouger les gens. C’est ce que je cherche. Et certainement pas plagier James Brown. Simplement développer un concept qui rend le métier plus excitant. Et au final, il reste à poser des mots sur ce rythme. Des mots qui ont du sens. Des mots qui collent au rythme. Ce qui contribue à créer un univers fascinant… » Le blues opère un retour en force. Des formations comme White Stripes ou Jim Jones Revue en sont les plus belles illustrations. Andy a toujours admiré Dr Feelgood. Mais qu’aime-t-il chez cette formation de pub rock ? Andy s’explique : « Il sont arrivés au beau milieu des années 70. Bien avant le punk. C’était un groupe dont la musique était rafraîchissante et excitante en même temps. Il véhiculait une image menaçante et fascinante. Il était aux antipodes de Grateful Dead. Leurs sets étaient efficaces, mécaniques, bourrés d’énergie et recelaient une petite dose de sexualité. Une alternative à Muddy Waters. Mais interprétée d’une manière magistrale, puissante. Il faut les avoir vus en public (NDR : je partage son avis…) Ils m’avaient impressionnés. Probablement un des meilleurs sets auxquels j’ai pu assister. C’était une célébration de l’artificiel. Ils s’amusaient sur scène. Les Sex Pistols sont également importants, mais ils étaient négligés. Dr Feelgood aimait la précision. Il me faisait penser à une voie de chemin de fer. Linéaire. Tout était en place. Les Sex Pistols, c’était du barbouillage. L’influence que nous avons retirée de Dr Feelgood, c’est son sens de la dramatisation sur scène et la rythmique… »

L’album ‘Content’ sort ce 25 janvier 2010 !

Merci à Vincent Devos

Triggerfinger

Full energy!

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Pour enregistrer leur troisième album, « All this dancin’ around », Triggerfinger s’est donc rendu aux studios ‘Sound City’, à Los Angeles, un endroit mythique où a été immortalisé l’album ‘Nevermind’ de Niravana, mais également où Rage Against The Machine, Bob Dylan, Red Hot Chili Peppers, Metallica et quelques autres grosses pointures, ont transité. Et la mise en forme a été assurée par Greg Gordon, notoire pour avoir produit Wolfmother, Oasis et même Slayer... Un choix ou une opportunité qui méritaient des explications. Et c’est au grand complet, c'est-à-dire le chanteur/guitariste Ruben Block, le drummer Mario Goossens et le bassiste Paul Van Bruystegem alias Monsieur Paul que le groupe est venu parler de son nouvel opus, tantôt dans la langue de Shakespeare, tantôt dans celle de Molière… au cœur d’une ambiance détendue mais parfois aussi désopilante…

Et c’est Monsieur Paul qui prend d’abord la parole : « En fait, c’est Greg (NDR : Gordon) qui a opté pour ce studio. Et nous sommes heureux de son choix. Et très satisfaits de tout le personnel qui y travaillait. Très pro. Très concentré sur notre projet. Au début on était un peu impressionnés, mais après 10 minutes, on avait pris nos marques et on se sentait comme à la maison. » Mario embraie : « Cet endroit nous avait été conseillé par Greg, que je connaissais depuis qu’il avait bossé sur l’album ‘Set Your Head On Fire’ (NDR : au mixing) de Black Box Revelation. En outre, au moment où on est parti aux States, il y avait une grave crise financière ; mondiale, bien sûr, mais surtout là-bas. Et le cours du dollar était au plus bas. Alors, lorsque nous avons établi notre budget pour enregistrer notre album, on s’est rendu compte que les sessions seraient moins onéreuses à Los Angeles qu’en Belgique. Enfin pas tout à fait, mais presque. Le choix était vite fait. On a donc préféré partir outre-Atlantique pour bosser, mais en même temps prendre un peu de bon temps. Et on y a vécu une aventure formidable. D’autant plus qu’en Amérique, il existe une histoire du rock n’ roll. Enfin, Greg a quand même travaillé pour des grosses pointures comme Wolfmother, Oasis ou Public Enemy. Son expérience dans la musique est énorme. Il est également musicien et joue dans un groupe ». Monsieur Paul reprend le crachoir : « Le matin, tu te réveilles et tu dégustes le meilleur café du monde. Tu prends une petite douche. Piscine. Puis tu commence à bosser. Un séjour très agréable, très relax. Et tout s’est déroulé très vite. Il était prévu 8 jours pour élaborer la structure basse/batterie/guitare ; or après 4 jours, on avait achevé les prises. Finalement on aurait pu tout boucler en trois journées, mais on a préféré prendre notre temps. C’était tellement facile. Tout semblait couler de source. Comme quoi, il est aussi possible de réaliser un album dans des conditions agréables ; et ne pas constamment être soumis au stress… » Mario commente : « Greg s’est chargé du mix et du son. Il est très old school. Son job est très physique. Il avait essayé de traiter certains de nos morceaux comme un DJ, notamment sur la ligne de basse ; tout en préservant le morceau. Ce qui demande un énorme effort de concentration. Il nous a ainsi entraînés à remettre, parfois, notre métier sur notre ouvrage, afin de tirer le meilleur de nous même… » En live, la prestation de Mario est souvent explosive. Se comporte-t-il de la même manière en studio. Accepte-t-il de jouer, un casque d’écoute sur les oreilles. Il nous répond : « Je joue toujours avec un casque. L’énergie dispensée par Triggerfinger n’émane pas seulement moi, mais du trio. C’est la raison pour laquelle on a choisi pour patronyme Tiggerfinger (trad : le doigt sur la gâchette) ». Et Paul d’insister : « Quel que soit l’endroit, on joue de la même manière. Et on transpire. Full energy ! » Et toujours pas d’invités lors des sessions. Ruben le confirme : « Oui on aurait pu ajouter un peu plus de guitare ou des claviers à notre propre partition ; mais ce n’était pas à l’ordre du jour. Greg nous l’avait d’ailleurs proposé, mais pour l’instant nous voulons en rester au socle basse/guitare/batterie. Afin de communiquer un maximum de punch à notre musique… »

Mais passons maintenant aux différentes plages de l’elpee. ‘All this dancin’ around’ ouvre l’opus. C’est aussi le titre de l’album. Une compo caractérisée par un groove particulièrement intense. Mais pourquoi ce titre ? Ruben argumente : « Dans le sens littéral, on pourrait penser à une action de remuer les hanches. On ressent le groove. C’est une partie de l’explication. Mais sous un autre aspect, la question devient peut-être existentielle. A quoi cela va-t-il nous servir de danser toute la journée ? Et cette réflexion constitue le thème principal du disque. Bien sûr, il y a quelques titres plus intenses au niveau des lyrics, mais on essaie de placer la danse sous un angle émotionnel… » Deux morceaux plus minimalistes figurent sur ce long playing. Tout d’abord ‘All night long’ enregistré un peu dans l’esprit de ‘No teasin’ around’, une plage qui figurait sur l’album précédent, ‘What Grabs Ya’. Ruben s’explique. « En fait, il s’agit d’une chanson de Ray Charles. Je ne sais plus si c’est lui qui l’avait écrite, mais il l’avait interprétée. La première fois que je l’ai entendue, je me suis dit que j’allais un jour pouvoir en faire quelque chose. Plus je la travaillais, plus cette situation devenait une évidence. Et puis, elle correspondait bien au climat de l’album. La version a été enregistrée en prise directe. Mario se charge des enchaînements et Paul se réserve la grosse caisse. C’est la compo la compo la plus intimiste du disque. Elle constitue un moment d’apaisement entre deux titres plus heavy… » Et l’autre, est manifestement ‘Without a sound’, un superbe morceau au sens mélodique très aiguisé, un titre dépouillé mais intense qui me fait penser à Sufjan Stevens voire à Bonnie Prince Billy. Ruben embraie : « C’est une chanson qui est très proche de moi, même si je ne la considère pas comme minimaliste ; mais je pense qu’il faut la comprendre dans l’ensemble du contexte de l’album. La dynamique est différente… » Dans un autre style encore, ‘Love lost in love’ se révèle énigmatique, cinématique. Un peu comme une bande sonore d’Ennio Morricone pour un western. Mais lorsque les chevaux sont au galop. A cet instant, un grand éclat de rires éclate au sein du groupe. Ruben confirme : « La comparaison est superbe. En fait, la première version de cette chanson était instrumentale. Mais comme j’adorais le refrain (NDR : il chantonne), j’ai pensé y ajouter des paroles. Effectivement, on peut imaginer, en l’écoutant, le galop d’une cavalerie. » Tiens et pourquoi le refrain de ‘Tuxedo’ est-il aussi emphatique que chez les Scorpions. Monsieur Paul et Mario se regardent, puis fixent Ruben, avant, à nouveau, de se tordre de rire. Et le mot est faible. Entre deux éclats, Monsieur Paul se met à siffler le refrain de ‘Wind of changes’ du groupe allemand ; et Ruben d’ajouter laconiquement : « Très bien… » ‘Cherry’ est manifestement la compo la plus blues de l’elpee. Puisées chez les artistes issus du Nord du Mississipi, les références au label Fat Possum sont manifestes. Ruben admet : « C’est un riff très simple. L’esprit du blues est présent tout au long de l’album, à des degrés divers. ‘My baby’s got a gun’ en est un autre, mais imprimé sur un tempo plus lent. Mais tu as raison de penser au label Fat Possum pour ‘Cherry’. »

Et on s’est payé une dernière bonne pinte de bon sang avant de clôturer notre entretien en leur remémorant une invitation qu’ils avaient reçue pour se produire à Roland Garros. En fait, je me demandais s’ils étaient montés sur le court avec des guitares ou des raquettes pour renvoyer les balles… Passé ce moment d’hilarité générale, Monsieur Paul clarifie : « On a joué dans les loges. Pour un concert privé, après les matches. C’était rigolo. Lors d’un drink plutôt chic. Champagne. Tenues de soirée. Et en montant sur scène, tu zoomes automatiquement sur les femmes… Mais pas trop quand même, car les mecs avaient l’air menaçants. Au début du set, le public semblait vraiment choqué. Puis après quelques minutes, il s’est décrispé et je pense qu’il a apprécié. Mais cette prestation était importante pour nous, car elle nous a permis de bénéficier de quelques reviews en France. Et elles étaient favorables. Dès lors… »

Merci à Vincent Devos et à Jean-Claude Mondo
Photo Sindy Mayot

Kiss & Drive

Vouloir c’est pouvoir…

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Elle a gagné l’édition 2010 du Concours Circuit. Haut la main. Qui ? Elisabetta Spada, alias Kiss & Drive. Elle est italienne, mais s’est établie en Belgique, il y a 6 ans. La musique ? C’est une passion qui vit en elle depuis qu’elle est toute petite. Mais avant de pouvoir s’y consacrer pleinement, elle a longtemps rongé son frein. Elle s’explique…

« Quand j’étais enfant, la musique était déjà en moi. Toute petite, je dansais et chantais. J’imitais Maria Callas. A l’âge de 12 ans, je souhaitais apprendre à jouer du saxophone. Mais ma mère n’a pas voulu. Elle justifiait son veto par ma trop grande distraction à l’école. Pour elle, il ne fallait pas que j’ajoute une activité supplémentaire susceptible d’accentuer cette tendance à la dissipation. Sa décision a été pour moi une grande frustration. Mais à un certain moment de mon existence, j’ai eu l’opportunité de prendre mon destin en main ; car il était évident que c’était la musique qui me parlait et me permettait d’exprimer un tas de sentiments profondément enfouis en moi. Elle devenait même totalement libératrice… » Gagner le Concours Circuit a donc conforté sa décision. Elle ajoute : « J’avoue que personnellement, cette victoire légitime ma détermination à quitter le Parlement. C’est arrivé au bon moment. J’ai le sentiment d’avoir opéré le bon choix. Et cet événement va me rendre plus forte encore par rapport aux personnes qui s’inquiètent de mon sort ou me posent des tas de questions sur mon avenir, craignant que ce soit trop risqué d’abandonner mon job, doutant de ma réussite ou me louant pour mon courage. Un peu de courage, oui, mais aussi du réalisme. Car ce que j’entreprends, j’essaie toujours de le réaliser du mieux que je peux. Or, pour l’instant, mes chansons touchent les gens. Aussi, c’est dans cet esprit que je vais continuer à travailler. Aujourd’hui, c’est mon dernier jour de prestation. Je dois vider mon bureau. C’est un moment un peu particulier, surtout après avoir bossé ici pendant 5 ans… » Un pause-carrière, je suppose... La réponse fuse : « Non, je quitte mon emploi. Parce que je n’étais pas fonctionnaire. Donc, je n’ai pas le droit de prendre une pause-carrière. Mon contrat se terminait à la fin de l’année, et je l’ai laissé s’achever, sans le renouveler. Et puis on verra. Si je ne parviens pas à vivre de ma musique, je trouverai bien des petits boulots complémentaires. J’ai toujours le temps d’y penser… »

Avant de se lancer dans une carrière (presque) individuelle, Elisabetta à participé à l’aventure Hands Up Boys, en compagnie de Cloé Defossez. Les deux filles sont toujours très amies, mais Elisa n’a pas encore eu l’occasion d’aller voir la nouvelle formule du groupe de Cloé. « En fait, le groupe a surtout joué à l’extérieur de Bruxelles ; et pour moi, c’était assez difficile de me déplacer, car j’était engagé dans les éliminatoires du Concours. » Kiss & Drive, un drôle de patronyme. Et un choix qui méritait une explication. « C’est un nom très évocateur pour moi. En fait, je me suis inspiré d’une inscription figurant sur un panneau installé en face de l’aéroport de Zaventem. Je voyage beaucoup. Je rentre régulièrement en Italie, pour voir ma famille. J’ai trouvé la combinaison des deux termes plutôt amusante. Une connexion entre l’amour et l’aéroport au sein d’un endroit institutionnel. Pas dans un bistrot ou quelque chose du style. Et comme je vis en Belgique, je ne voulais pas utiliser mon nom de famille. Il est naturellement italien ; et comme mon projet est en anglais, c’était préférable. Et puis j’aimais bien la formule : ‘Kiss & Dive’. Un nom destiné à devenir celui de mon parcours artistique. Pour cacher mon identité derrière mes chansons. En outre, on peut lui attribuer un tas de significations : ‘Embrasser et puis conduire. Embrasser en conduisant’ ». C’est dangereux ! « Oui, c’est dangereux ! Et toutes les fantaisies qu’on peut imaginer dans cette association de mots… » Parallèlement à ce projet, Elisabetta milite également chez Bend It. Les deux projets ont-ils compatibles ? Elle s’explique. « Oui, j’y joue encore. Et je compte même mener les deux carrières en même temps. Parce que les deux groupes attirent des publics très différents. Enfin, aussi, en fonction de la facilité ou la difficulté de se déplacer. Ainsi que l’éventail de concerts proposés. Car Bend It est un big band de 6 musiciens. Chez Kiss & Drive, je suis seule ou accompagnée par Raphaël Dodement, au piano. Ce qui nous permet de décrocher plus de dates. Et puis de bénéficier d’une plus grande liberté pour voyager. L’organisation au sein d’une formation nombreuse est plus difficile. Donc on se produit moins souvent en ‘live’. Maintenant, on verra si Kiss & Drive exige plus de temps disponible. Alors, je devrai peut-être mettre Bend It un peu de côté, pour ne pas freiner leur progression. Pourtant, j’aime bien ce concept. Leur son. L’intensité musicale libérée. Elle est très énergisante. Une expérience très distrayante aussi, car il y a une chouette ambiance dans le groupe. D’autant plus que mon esprit et également marqué par la soul. J’aime beaucoup la danse. Le rock’nroll, les années 60, la danse de couple… »

Le répertoire de Kiss & Drive est partagé, pour l’instant, entre covers et compos personnelles. Vu les circonstances et l’opportunité d’enregistrer un album, il faut croire qu’Elisabetta va se mettre à en écrire de nouvelles. Elle paraît surprise de la question. « Oui, bien sûr. Mais, j’ai éliminé progressivement les reprises de mon répertoire. Début 2010, il était équitablement partagé. Puis, au fil du temps, je l’ai étoffé de nouveaux morceaux et j’ai éliminé les reprises. Je n’en ai conservé qu’une seule, celle de Kylie Minogue (NDR : ‘It’s in your eyes’). Et c’est tout. Mon set s’étale, pour l’instant, entre 45 minutes et 1 heure » Mais sera-ce suffisant pour enregistrer un long playing, car très souvent, à l’issue des sessions, un tri est nécessaire pour n’en conserver que la quintessence. Il ne faut pas oublier que parfois, un titre qui passe bien en ‘live’, coince sur disque. Elle réfléchit : « Je n’y avais pas pensé. Tu poses des questions judicieuses. Ca m’interpelle… »

Sur scène, Elisabetta jongle avec ses pédales pour créer des boucles (NDR : ou des loops, si vous préférez). Qui lui a donc donné l’idée de se produire avec une telle machine ? Dominique A ? Elle rétorque : « Non, j’avoue, je ne le connais pas. Je dis la vérité. Je n’ai jamais entendu qu’une seule chanson, celle qu’il interprète en compagnie de Katerine. Il y a six ans que je suis en Belgique, et ici on n’écoute pas autant de chanson française, qu’en France. Car là-bas, il existe une loi qui impose aux radios de diffuser un quota de musique du terroir. Je ne sais plus exactement. 40 ou 50% de la programmation ; et j’avoue que je ne suis pas très branchée sur la chanson française. Camille, oui, je connais. Je possède plusieurs de ses albums. Une de mes amies aussi. Et puis, j’avais vu une de ses vidéos au cours de laquelle elle avait recours aux boucles. A cette époque, elle les créait pour ses vocaux. Aujourd’hui, elle est accompagnée de collaborateurs qui font du beatbox. En direct. J’ai également assisté à un concert de Cibelle. Une Brésilienne. Elle se sert également de cette machine. Donc, j’ai voulu aussi m’y mettre, parce que cette technologie permet d’apporter un plus, quand tu es seule. De ne pas seulement se contenter de chansons calmes et sentimentales, mais également rythmées. Ah oui, il y a aussi Anaïs, une autre Française qui a recours à ce système. Dominique A ? Tu es la seconde personne à me parler de lui, mais je n’ai jamais assisté à un de ses concerts… »

Elisabetta reconnaît pour influences majeures Aretha Franklin, Camille et puis les artistes folks anglo-saxons ; et en particulier Damien Rice. Etonnant qu’on n’y rencontre pas d’artistes italiens… « J’aime beaucoup Mina et toute la production de la musique italienne des années 60. Bien sûr les années 80 et 90 ont également leur richesse, mais les 60’s, c’est une époque au cours de laquelle l’esprit mélodique de la musique italienne était au sommet de son art. Des artistes que j’écoutais quand j’étais plus jeune et que mes amis ou ma famille appréciaient. Des chansons qui m’ont marquée. Mais comme il y a six ans que j’ai quitté mon pays natal, je ne suis plus très informée de ce qu’il s’y passe. » Bon c’est vrai que la scène musicale italienne se résume le plus souvent aux variétés, à l’opéra et au metal. Quant à la pop rock, elle est plus qu’alternative. Enfin, il me semble… Elisabetta argumente : « Elle existe. Mais elle n’est pas très florissante. Elle ne dispose pas d’espace. C’est un public de niche. Et le mot est faible. Il communique uniquement via internet. Mais tu sais, l’Italie est un pays où la télévision est un média incontournable. C’est un grand catalyseur d’opinion. Et évidemment, les courants alternatifs ne passent pas à la TV. Ils restent donc marginaux… » On en arrive donc à Damien Rice. « J’ai toujours apprécié les chansons guitare/voix. J’ai appris à en jouer seule. Il était plus facile pour moi d’imiter ou de reproduire des accords à l’aide de cet instrument. Mais j’aime aussi reprendre de belles chansons qui n’ont rien avoir avec ce style. Les compos de Damien me touchent beaucoup. Elles sont dépouillées, mais uniques en leur genre. Pas purement folk. Car elles évoluent dans un style particulier. Simple mais aussi très riche… »

Sur internet, on peut voir un clip vidéo de Kiss & Drive, intitulé ‘Le blues de la poule’. On y aperçoit une mascotte. Qu’est-elle devenue ? Elisabetta répond après avoir pouffé de rire « Je l’emmène partout, mais je suis un peu confuse, car j’ai oublié de la faire monter sur le podium du Botanique. Elle me soutenait, mais elle est restée cachée dans mon sac. ‘Le blues de la poule’ ? Je ne le joue presque plus… »

 

Les Marquises

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Tête pensante et active du collectif Les Marquises, Jean-Sébastien Nouveau nous a accordé un entretien téléphonique, ce dimanche 5 décembre. Une conversation chaleureuse au cours de laquelle cet artiste sensible, humble et talentueux est parvenu à nous faire oublier la tempête qui souffle, dehors, entre Lyon et ma région, et permettre un instant de s’évader sur ces lointaines îles du Pacifique Sud, en bonne compagnie. D'abord, il y a le nom. Inutile de revenir sur la référence proclamée à Jacques Brel. Et puis la signification poétique relative à la localisation géographique de cet archipel, perdu loin de tout continent. Et enfin surtout, la musique. Et quelle musique! « Lost Lost Lost » est une œuvre singulière, pensée, dense, riche de détails, de sons, d'idées. Conceptuelle sans être présomptueuse. Onirique sans être soporifique. Une bande-son qui interpelle les sens et les bouscule.

Jean-Sébastien, sans revenir sur ce qu'on peut lire au travers d'autres interviews, mais pour nos lecteurs qui ne connaîtraient pas encore la genèse de ce premier album, peux-tu nous parler de sa principale source d'inspiration?

La trame du disque est inspirée de l'artiste Henry Darger que j'ai découvert au travers d'une exposition à Lausanne. Son œuvre est tout simplement ahurissante, et d'une telle force (NB: pendant des années, dans l'anonymat le plus complet, retiré dans les toilettes d'un hôpital de Chicago où il était commis au nettoyage, cet artiste fournira plus de quinze mille pages illustrant un univers coloré où des fillettes orphelines sont plongées dans la terreur d'adultes tortionnaires et des caprices de la nature. Pour plus de détails, visitez http://www.abcd-artbrut.org/article.php3?id_article=91) Je ne dirais pas que je m'en suis inspiré. C'était plutôt comme un repère constant. Quand je ne savais plus quelle direction donner à tel où tel morceau, je me replongeais dans le bouquin que j'avais acheté, et ces représentations de ces fresques hallucinantes me guidaient, me servaient de repère. J'ai vraiment été marqué par cette œuvre fourmillante qui représente le travail d'une vie.

En ressortent six titres épatants qui s'enchaînent habilement.

Merci. Oui, j'ai vraiment recherché à délivrer un disque dense, physique, et qui parle au corps. Je voulais que la musique remue les tripes de l'auditeur. Qu'il y ait une réelle interaction avec lui. Et 6 titres me paraissaient le format idéal. Condensé et propice à ce désir d'urgence. Pour moi, six à huit titres, c'est le nombre idéal pour un album. J'ai lu quelque part que Thom Yorke pensait qu'idéalement, chaque prochaine sortie de Radiohead serait limitée à 4 morceaux. J'aime bien cette idée. Elle permet d'aller à l'essentiel. De ne pas se perdre en chemin.

Tu parles de disque physique? En termes de confrontation?

Je voulais que l’auditeur soit remué, qu'il ressente les choses... Physiquement. Oui, vraiment, de manière physique. Dans mon projet précédent, Immune, la musique me semblait un rien trop contemplative. A l'écoute, il était permis de rêver, de voyager. Cette fois, je voulais quelque chose de plus ressenti. Ebranler les sens. Pas juste les chatoyer.

Existe-t-il d’autres sources qui t’ont inspirées pendant le processus créatif et pendant l'enregistrement?

Bien sûr. J'avais une idée bien arrêtée de la manière dont je voulais que ce disque sonne. J'ai pensé à la lisibilité de la musique. Un peu comme un film d'Alfred Hitchcock. Si vous regardez ces films, ils ont l'air assez linéaires, on suit facilement le cours de l'intrigue. Mais on y décèle de petits détails qui s'immiscent tout au long et ont tout leur sens. De même, je désirais une trame évidente dans son déroulement, mais qu'une autre dimension s'intègre.

En découle une musique élaborée par strates successives...

Effectivement, j'opère par succession de couches. C'est l'avantage de concevoir un album de A à Z dans son appartement. Le home recording offre le luxe de pouvoir revenir tous les jours sur différents morceaux en chantier.

Tu es entouré sur ce disque par Jonathan Grandcollot (Pan Pan Pan, Robe Et Manteau) et par Jordan Geiger (Minus Story, Shearwater, Hospital Ships). Comment s'est déroulée la coopération?

Fort bien. Jonathan est un ami que j'ai connu sur les bancs de l'école. C'est un multi-instrumentiste de talent avec qui j'ai beaucoup de plaisir à travailler. Il apporte sa couleur à l'album. J'enregistrais quelques boucles de drums, et lui jouait de la batterie en live. On a mixé l'album ensemble. On partage la même vision des choses. Quant à Jordan, j'avais imaginé d'autres contributions, mais sa voix et sa façon de chanter tout en fragilité me paraissaient coller parfaitement aux morceaux.

Tu avais notamment pensé à Stuart Staples des Tindersticks, si je ne me trompe?

Oui. Et aussi à Chris Adams de Hood. Des timbres de voix sensiblement différents, en fait...

Comment avez-vous organisé la collaboration entre Lyon et Austin?

J'ai contacté Jordan par mail, et il a paru tout de suite intéressé par le projet à l'écoute des démos. Je ne l'ai rencontré qu'une fois, lors d'un passage lyonnais de Shearwater, et nous avons un peu discuté ensemble. Puis, de fil en aiguille, il m'envoyait ses parties chantées que j'incorporais alors au son des Marquises.

Est-ce un line-up définitif ou penses-tu engager d’autres coopérateurs pour la suite?

Il y aura du changement, c'est sûr. Mais je ne sais pas encore précisément vers qui je vais me tourner au final. La suite est en chantier, mais sera différente de « Lost Lost Lost ». Je ne veux pas d'une redite. J'aimerais m’orienter vers quelque chose de différent. Un peu dans l'optique ‘chansons bricolées’.

Tu envisages donc de changer beaucoup de choses. N'as-tu pas peur que le résultat se singularise un peu trop?

Il est encore trop tôt pour le dire, mais je pense que l'identité des Marquises sera toujours bien palpable, même si je modifie certains éléments. J’aspire adopter une autre approche musicale. J'aime des artistes comme Robert Wyatt ou Hood, dont le travail a pu évoluer. Ils sont parvenus à se remettre en question. J'aime le Post Rock, mais je suis vite distrait lorsqu’un morceau ne comporte pas de vocaux. Au final, je m'ennuie très vite. J'aime le côté humain qui me permet de me raccrocher à une chanson. La somme de toutes ces influences génère l'essence de ma musique. Et je veille à l'homogénéité du tout.

Avant de nous quitter, quid de l'aspect live?

On ne joue jamais. Je ne suis pas musicien. Je peux broder quelque chose sur ma guitare qui me semble intéressant mais que je serais incapable de le recréer par la suite ou alors avec beaucoup de mal et de recherches. Rejouer « Lost Lost Lost » sur scène demanderait une réinterprétation des morceaux. Donc, pas de concerts pour l'instant. Par contre, je m'intéresse à l'aspect visuel de la musique. Images et son étant à mon sens intimement liés. J'ai pris beaucoup de plaisir à collaborer auprès de différents cinéastes pour chacune des chansons. Le résultat est fantastique. J'adore ce que chacun a apporté. J'ai d'ailleurs l’intention de sortir un coffret reprenant le Cd, et un Dvd des vidéos. Et puis une amie m'a demandé de participer à un projet excitant qui constituerait à mettre en musique des images projetées sur des façades, lors d'un festival à Lyon.

Jean-Sébastien, ce fût un plaisir de m'entretenir avec toi.

Mais moi de même.

La conversation se clôt dans le bruissement d'une bourrasque qui au dehors chasse la neige en tourbillon. Loin des images d'Épinal, sur les Marquises, souffle un vent nouveau...

 

JOY

Bach plutôt que Beethoven…

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Printemps 2007, alors que Venus va fêter son dixième anniversaires d’existence, à l’AB, Marc Huyghens annonce, via le website du groupe, la fin de l’aventure Venus. Aussi, le concert du 23 mars à l'AB se transforme en grande fête d'adieu, une grande fête au cours de laquelle de nombreux invités vont venir rendre un dernier hommage à Venus. Ce concert sera immortalisé par un double album, tout simplement intitulé « Venus », incluant, outre l'enregistrement du concert, une compilation des meilleures compos de la formation. Mais la suite est moins rose. Marc ne parvient pas à rebondir et s’enfonce dans l’alcool. Désintoxiqué il décide de monter un nouveau projet. En compagnie de sa compagne, Françoise Vidick, une vocaliste qui avait déjà bossé pour, en autres, Zap Mama et dEUS. Ils sentent la nécessité de compléter le line up et posent leur choix sur la violoncelliste Anja Naucler, ex-Manou Gallo, une connaissance de Françoise. Une virtuose qui a suivi une formation classique à Göteborg et au Conservatoire de Bruxelles. JOY est choisi pour patronyme ; et pourtant on ne peut pas dire que leur musique transpire la joie. Le trio a enregistré l’album, un an avant sa sortie. Puis se rôde en tournée. Un opus éponyme, partagé en 9 titres. Un disque beau et mélancolique à la fois (voir aussi chronique de l’album) Cette interview a été réalisée par e-mail. Marc a donc répondu aux questions, parfois embarrassantes, que votre serviteur lui a posées ; et je vous en propose le contenu, auquel j’ai parfois ajouté quelques remarques, entre parenthèses, en les précédant de l’abréviation ‘NDR :’…

Une question bateau, pour commencer, mais comme je n’ai reçu qu’un exemplaire cartonné promo, je n’ai guère de renseignements sur les sessions d’enregistrements. Quand se sont-elles déroulées. Où. Qui a produit l’album ? Y avait-il des invités ? Si oui, qui et qu’ont-ils fait ?

Les enregistrements ont commencé un an avant la sortie de l’album. Ils ont duré en tout 25 jours. Toutes les parties instrumentales ont été enregistrées au studio Pyramide à Beersel. Les voix ont été enregistrées au studio de Jean-Pierre Onraedt (ex-TC Matic). Le mix s’est fait au studio Dada à Schaerbeek par Christine Verschorren, et le mastering au studio Jet. C’est JOY qui a produit l’album. Le seul morceau sur lequel jouent des invités (un quatuor à cordes) a été écarté de l’album.

Tu as souhaité également sortir le disque sous la forme du vinyle. Une raison particulière ? Pas peur de te planter financièrement, sachant que c’est quand même onéreux ? Es-tu collectionneur toi-même ?

La fabrication des vinyles coûte en fait à peine plus cher que celle des CD. C’est par pur plaisir et parce que les amateurs de vinyles restent très nombreux que l’album sort dans ce format. Et aussi parce que la pochette a été conçue pour ça.

Dans le compte-rendu que j’avais écrit, lors du passage de JOY à Tournai, j’avais évoqué de vagues comparaisons avec le timbre vocal Guy Chadwick. Or sur le disque, il est plus éthéré. Il est naturel ou alors il a été retravaillé lors du mixing ?

La seule comparaison qui me semble la plus juste est celle qu’on a faite avec le chanteur de James... (NDR : parfois côté inflexions, mais certainement pas pour le timbre : Jeremy **–fan devant l’absolu de la bande à Tim Booth est ravi que l’on reparle de la formation mancunienne, une formation qu’il estime injustement méconnue et pourtant qui demeure une référence incontournable– le confirme). Les voix n’ont absolument pas été retravaillées. Elles sont comme l’album. C’est-à-dire très sèches et naturelles.

Pour l’instant JOY est un trio. Pas l’intention d’élargir le groupe à un sextet, en ajoutant 3 violons, par exemple, de manière à être soutenu par un quatuor à cordes ?

Absolument pas. La nature minimaliste du groupe impose de composer et de jouer à 3. C’est tout l’intérêt de notre démarche. Ce qui ne nous empêchera pas un jour de collaborer avec d’autres musiciens dans des cas précis. Car plus une musique est simple, épurée, plus il est facile d’y faire intervenir d’autres musiciens.

JOY, le patronyme du groupe, vous l’avez choisi en fonction d’un parfum onéreux créé par Jean Patou. Mais quand on prononce le mot JOY, on pense aussi à Joy Division, Band of Holy Joy, à ‘Ode of Joy’, la neuvième de Beethoven. Oui, il y en a d’autres, mais ces références-ci me semblent les plus évidentes, et auraient aussi pu constituer d’autres bonnes sources d’inspiration pour choisir ce nom. Qu’en penses-tu ?

Le nom du groupe a été choisi par opposition à la noirceur des textes que j’écris. Beethoven ? Je ne l’aime pas. Je lui préfère de loin Bach et la musique baroque en général. Joy Division ? Ils ne m’ont jamais attiré jusqu’au jour où Dominique A m’en a parlé. Depuis, j’ai écouté leurs albums, vu le film qu’en a tiré Anton Corbijn, et j’en suis devenu fan. Comme on est fan du Velvet. Et de ces groupes qui réinventent la musique avec une quasi absence de virtuosité.

Il y a des références au sacré et à la Bible dans tes compos. Et puis il y a cette croix, sur la pochette, même réalisée à l’aide d’un bouchon de Liège. Es-tu branché sur les textes bibliques ? L’Ancien Testament ? Les Evangiles ?

Je suis athée. Mais il y a sur l’album 2 chansons qui ont un lien avec la religion. « Long Way Around The Sea » qui est une allégorie sur le voyage des Rois Mages, mais surtout un hommage à Low, et « Sword » qui est une chanson sur quelque chose que j’estime absurde : la croyance religieuse.

On trouve également des références au Moyen-âge, dans tes lyrics. En particulier sur « Empire » et « Sword » (*). Féru d’histoire ?

Désolé, mais il n’y a pas la moindre référence au Moyen-âge… « Empire » est une chanson sur les dégâts immenses causés par les hommes dont la quête de pouvoir est synonyme de réussite.

Sur « Empire », justement, les accords angoissants de violoncelle (très thriller !) me font un peu penser aux débuts de dEUS. Et en particulier ceux de « Worst Case Scenario », à la fin du morceau. Objection ? Et sur « Endless song », la construction mélodique est assez proche du Muse, dans sa période la plus symphonique. Est-ce parce que vous puisez aux mêmes sources de la musique ‘dite’ classique ?

Je n’ai vraiment pas l’impression de faire une musique qui ait un quelconque rapport avec les 2 groupes que tu cites. Mais chacun est libre de faire les comparaisons qu’il veut !

(NDR : Coïncidence, mais j’imagine que les comparaisons ne sont pas toujours les bienvenues, même si elles sont inconscientes ; parmi les groupes et artistes dont Venus a partagé l'affiche en tournée, figuraient notamment Muse et dEUS… en outre, Françoise a, à une certaine époque, assuré les backing vocaux, chez la bande à Tom Barman)

(*)
Empire

Nous sommes morts et avons payé
Pour tous les mensonges que vous avez proférés
Vous nous avez incités à vivre en enfer
Alors que la paix était entre vos mains
Vous les Princes, Seigneurs et Rois
Aux ailes argentées de chevaliers
Le partage est un mot que vous détestez
Tout comme nos enfants que vous avez ignorés
Tout ce temps, tout ce temps, tout ce temps
Bientôt vous serez étendus
A côté d’un million de tombes
Et tant de femmes et d’hommes
Vous fixeront à nouveau
Les Empires que vous avez construits
Pour vos propres enfants
S’effondreront enfin un jour
Cela prendra du temps, cela prendra
Beaucoup de temps, beaucoup de temps, beaucoup de temps

Glaive

Oh mon Seigneur
Est-ce ce que vous souhaitez voir
Des gens à genoux
Oh mon Seigneur
Est-ce ainsi que tu veux que nous soyons
Des ombres traînant des péchés
Oh mon Seigneur
Esprit de houx
Des glaives de houx
Vous ont rendu aveugle
Nous prions tous quand vous trichez
Mais vous haïssez la façon dont nous chantons
Oh mon Seigneur
Ne sommes-nous pas les semences
Que vous avez semées
Et qui seront bientôt fauchées
Oh mon Seigneur
Esprit de houx
Des glaives de houx
Vous rendent aveugles
Nous prions tous quand vous trichez
Mais vous haïssez la façon dont nous chantons (Merci à Vincent Devos)

** Jeremy Dagnies qui a écrit pour diverses publications, et notamment pour le magazine Mofo, jusqu’en 2001.

The Hundred in the Hands

Jeunes, beaux, et bientôt célèbres.

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Jason Friedman, c’est la demi-tête pensante des Hundred In The Hands. Par un bel après-midi, cet homme affable sirote un Cola et bouquine entre deux interviews. Au fil d'une conversation charmante et non dénuée d'humour, j'apprends que cet ancien étudiant des Beaux Arts et membre fondateur de The Boggs a aussi été guide touristique à Berlin. Entre culture cinématographique et escapade historique, notre conversation navigue au gré des mots. Rencontre avec ce qui pourrait bien être l'attraction de demain.

Jason, première visite sur nos terres, après l'annulation de votre date en avril dernier au Domino Festival?

Exact. Nous avions été contraints d'annuler à cause des émanations du volcan islandais. Ce n'est que partie remise. Nous espérons être bientôt de retour.

The Hundred In The Hands revendique un son qui lui est propre. Ni chaude, ni glaciale, ni sombre, ni aveuglante, votre musique est une synthèse de ces descriptions. Un mix d'émotions et un brassage d'influences diverses. Comment avez vous élaboré ce son spécifique?

Chacun de nous deux possède un vécu historique et musical différent. Nos influences sont également différentes. Et ce que nous créons ensemble, est donc le fruit de ces influences. Dans la mesure où nous ne sommes que deux, il est impossible pour nous de composer comme n'importe quel autre groupe, du genre: on se voit au local, on répète et on crée des morceaux dans cette veine. Non, nous travaillons chacun de notre côté des ébauches de chansons que nous refilons à l'autre, qui à son tour les retravaille. Et nous finissons d'écrire les chansons pendant le processus d'enregistrement. Ce qui engendre une interaction entre Eleanore et moi-même et apporte une certaine homogénéité à l'ensemble. Procéder de la sorte nous procure d’ailleurs beaucoup de plaisir. C'est assez amusant. Et nous permet d'emprunter différentes voies et évite l'évidence de nos influences qui sont alors noyées dans le processus.

Vous accordez-vous avant de commencer sur l'ambiance d'un morceau et la façon dont vous aimeriez qu'il sonne?

Non, en fait, de par cette liberté que nous nous accordons pour la composition de nos chansons, celles-ci peuvent à tout moment prendre une direction ou une autre. Les versions démos sont tout à fait différentes du résultat final, et parfois assez méconnaissables. Par exemple, la première mouture de « Young aren't young », la chanson qui ouvre notre album, était une sorte de version afro-beat des Young Marble Giants : une ligne de guitare posée sur des percussions africaines et un martèlement de batterie. Au final, même si nous avons gardé la mélodie et pas mal de choses, le résultat est sensiblement différent. Ce qui illustre la liberté de direction de nos chansons ; et c'est ce côté imprévisible qui nous excite.

Vous prenez donc votre pied dans l'expérimentation?

Effectivement. Je me souviens, quand nous avons commencé à élaborer le projet, que notre ambition était de travailler en compagnie de différents producteurs aux visions personnelles des choses, d'essayer de tirer un maximum parti de leur savoir et nous en servir en retour.

Ce qui vous éloigne drastiquement du processus de création opéré au sein de The Boggs, votre premier groupe?

Absolument. A l'époque, j'étais le maître à penser, je composais seul les chansons et les autres membres me suivaient à la trace. Même si mes acolytes, en compagnie desquels je partageais cette aventure depuis plusieurs années, épousaient une même conception de la musique, c’est souvent ma vision des choses qui prévalait. En quelque sorte, nous étions esclaves de mes limites. Certaines chansons auraient pu être mieux, plus abouties. Tandis que maintenant, il s'agit d'un projet à deux cerveaux complémentaires ; et c'est ce que j'aime. J'apprends de mes erreurs. Et je me suis amélioré en tant que chanteur ; ce qui me permet d'appréhender les choses de manière différente. Ensuite, il y a l'apport des collaborateurs. Je pense au producteur Chris Zane qui bosse sur nos compos depuis notre premier single « Dressed in Dresden » et dont le travail est fantastique. Toutes ces contributions nous ont permis de forger notre propre identité.

Etre signé sur Warp change-t-il les règles ?

Certainement. Par le passé, nous avons eu notre part de frustrations. On a galéré, ce ne fût pas toujours évident. Le label Warp était LE label en compagnie duquel nous rêvions de travailler. Et que les choses se soient passées exactement comme nous n'osions pas l'imaginer, mais que nous espérions de tout cœur, est totalement surréaliste. Ce sont eux qui sont venus à nous, et quand ils nous ont proposé de signer, nous n'avons pas hésité l'ombre d'une seconde. L'image qu'on s'en fait n'est pas usurpée. Il s'agit réellement d'un label de qualité, artistiquement très engagé, dont la vision est ouverte et intelligente. Je suis certain qu'après le mini-succès de « Dressed in Dresden », n'importe quel label aurait été tenté de nous demander de répéter la même recette, encore et encore. Mais pas les gens de Warp. Ils nous laissent carte blanche de A à Z, et cette liberté est vraiment précieuse. Nous ne sommes pas obligés de pondre des chansons en batterie, pas obligés de tourner. Non, ils nous disent ‘prenez votre temps, créez à votre rythme, on s'occupe de tout le reste’. C'est une chance inestimable.

Comment s’est déroulé l'enregistrement de l'album?

Le plus simplement du monde. De juin à septembre 2009, Eleanore et moi nous sommes concentrés sur l'écriture, à l'écart, dans notre coin. A partir de là, nous avons prévu quelles chansons figureraient sur l’Ep, et celles que nous envisagions de mettre sur l'album. Et puis nous nous sommes mis au travail sous la houlette des producteurs que nous souhaitions et finalisé le tout.

Tout en gardant votre mot à dire sur le résultat?

Tout à fait. C'était une réelle coopération entre les différents producteurs et nous-mêmes. Chacun apportant sa touche personnelle, ses idées. De plus, nous avons gardé pas mal du matériel enregistré 'à la maison'. Pour les guitares par exemple, nous n'avons pas eu à les réenregistrer. Mais nous avons profité du matériel haut de gamme du studio pour refaire les voix et certaines programmations.

N'est-ce pas un procédé délicat en prévision de la performance scénique?

Oui et non. En sauvegardant la plupart des prises démo, nous conservions cette perspective à l'esprit ; mais le fait de les jouer en concert me donne à réaliser comment je souhaite que telle guitare sonne ou telle ligne de basse soit. Nous utilisons beaucoup de bandes et nous essayons de trouver l'équilibre afin de restituer chaque chanson dans un contexte ‘live’. Ce qui nous oblige à envisager nos morceaux sous un autre angle, en prenant par exemple en considération le volume du son. Plus puissant sur scène. Et modifie quelque peu l'approche du morceau ; mais ceci rend aussi excitante cette méthode de travail.

Envisagez-vous intégrer d'autres musiciens en concert?

Peut-être bien un percussionniste pour la prochaine tournée. Mais pour les jeux de guitares et autres séquences sur bandes, nous avons trouvé nos marques en duo, alors pour l'instant nous ne pensons pas engager d'autres musiciens.

Ne craignez-vous pas d'être tôt ou tard limité au niveau du son?

Dès le début, nous avons conçu notre musique en duo avec en point de mire la tradition du Sound System, que ce soit en Jamaïque ou dans les débuts du Hip-Hop et cette faculté de transposer un enregistrement à différents volumes, dans différents contextes. C'est donc pourquoi nous possédons notre propre Sound System sur scène. Et il est intéressant de découvrir comment une chanson peut sonner différemment selon l'environnement. Que ce soit en studio, à la maison ou en ‘live’. Je pense qu'en ce qui concerne nos prestations scéniques, notre son est suffisamment puissant, suffisamment étoffé, sans nécessiter d'autres personnes. Donc, d'un côté, ce choix exige beaucoup d'abnégation, pour restituer les chansons dans toute leur ampleur quadriphonique, mais nous apporte une certaine liberté, puisque d'un show à un autre, nous pouvons apporter certaines modifications. En constante évolution. Et la formule du duo me convient parfaitement. A la fin, au sein de mon groupe précédent, je me lassais de devoir changer de musiciens tous les trois mois, leur apprendre les accords, les structures, et adapter mes propres chansons. Je me sens en fait plus libre. Eleanore et moi apprenons et progressons ensemble. C'est un processus qui nous sied parfaitement.

Pour en revenir à l'écriture même de vos chansons, qu'est-ce qui vous inspire?

Et bien, l'Art en général. J'ai accompli des études dans le domaine de la peinture, avant d'être totalement absorbé par mon groupe, The Boggs. Mais de toute façon, je n'y trouvais pas mon épanouissement. Je veux dire, je ne savais pas comment vivre en tant qu'artiste. Je réalisais mes trucs, mais j'ignorais comment diffuser mes œuvres, comment attirer l'attention sur elles. Je ne traînais pas dans les galeries toutes la journée ; par contre, j'adorais passer mes nuits dans les clubs et écumer les salles de concert. C’est ainsi que la musique a pris le pas sur mes prétentions graphiques. Et puis, je n'étais pas assez doué. Je me suis essayé un peu à la vidéo aussi. Finalement, The Boggs était la synthèse de mes aspirations, une sorte d'intellectualisation de mes envies artistiques au travers de la musique. Mais ce qui m'influence profondément dans la conception d'un morceau reste le cinéma et l'art vidéo. Notamment au niveau de la structure temporelle d'une chanson. Un titre comme « Last City » est directement inspiré par les œuvres de cinéastes tels Chris Marker, par exemple. Les textes étant eux plus influencés par la littérature ; même si je n'use pas de ces codes, j'aime l'idée de raconter une histoire. Bien sûr, je n'ai pas la prétention d'être un Alistair Grey ou un Samuel Becket! Il n'en demeure pas moins qu'ils font partie de mes références majeures. Et l'Histoire est un autre moteur d'inspiration. D'où le nom du groupe (NDR : faisant référence à une célèbre bataille américaine, menée par Crazy Horse, fier indien qui allait mener, une fois n'est pas coutume, les indigènes à la victoire sur l'armée US) ou d'un titre comme « Dressed in Dresden » qui parle des premiers essais bombardiers.

En parlant de vidéo, participez-vous activement à la création de vos clips?

Pour « Pigeon », j'avais imaginé un personnage central, dont je parle dans la chanson, cette jeune fille qui vit dans une grande ville et rencontre des problèmes à l'école ; même si au demeurant elle est assez intelligente, elle fréquente des idiots. Elle ne sait pas où elle va, ce qu'elle veut faire, et comme beaucoup, elle sort, boit, couche pour le fun et essaie de s'oublier. Et elle en a conscience. Les pigeons, dans la chanson, constituent son point d'ancrage avec la réalité. Tous les jours, elle se rend au square et regarde ces oiseaux qui inlassablement tournent en rond, stupides et sales. Et elle se dit qu'elle vaut mieux qu'eux. J’en ai donc parlé à la production, et ensemble, nous avons élaboré les traits de ce personnage. Au final, elle est moins misérable que dans mon esprit. Elle possède plus de recul Peut-être est-elle plus arrogante? Quoiqu'il en soit, le résultat est tout simplement incroyable. Et les effets spéciaux vraiment épatants. Le tout dessert bien le propos de la chanson.

Revenons un instant sur votre étiquette? Quelle est la part de gothique qui sommeille en vous?

Le formule ‘summertime Goth’, je dois bien confesser qu'elle vient de moi. En fait, un ami, à l'époque, organisait chaque semaine des soirées qu’il avait baptisée ainsi. Et immédiatement, j'ai pensé qu’elle collerait bien à notre type de musique. Loin des clichés du genre. Je veux dire, je n'ai jamais aimé la façon dont les Cure s'accoutraient, je ne vois pas de rapport entre leurs vêtements et leur musique. A New York, chaque semaine, se déroule au moins une soirée branchée, et les soirées gothiques sont nombreuses. Mais vous n'y croiserez pas de personnages dont les accoutrements sont propres à cet imagier de grenier. De ce fait, nous estimions amusant de dépeindre notre musique comme influencée par l'aspect gothique, mais sans le côté ridicule du concept. Une version plus ensoleillée en quelque sorte. Pour le prochain album, je pense déjà renouveler notre étiquette.

Etes-vous la partie sombre du projet, et Eleanore la touche ensoleillée?

Non, en fait, c’est seulement un juste équilibre entre elle et moi. Parfois, nos chansons prennent une direction trop noire ou trop guillerette, et nous tentons de trouver le juste milieu. Nous peinons quelquefois à égayer nos compositions, mais nous nous efforçons toujours d'appliquer ces deux aspects en une belle harmonie. Si nos chansons ne sonnent pas profondément dépressives, c’est parce que notre palette musicale, au niveau de nos goûts, est large. Il y a un soupçon de R&B dans notre façon de procéder ; et OK, j'admets que ce n'est pas directement audible, mais il nous permet justement d'avoir une approche radicalement différente par rapport à notre côté gothique. Le juste équilibre, c'est notre quête.

Pour conclure, vous semblez promis à un bel avenir. Craignez-vous les lendemains difficiles?

Je suis assez paranoïaque ; alors oui, définitivement, j'ai peur de ce que l'avenir me réserve. Je me focalise donc sur les améliorations à apporter. Par exemple, je souhaite qu'on évolue sur scène, qu'on devienne meilleur. Nous allons beaucoup tourner dans un proche avenir, pour justement aller dans ce sens. Ce qui ne nous empêchera pas de concevoir de nouveaux titres. Mais pour l'instant, nous devons nous concentrer sur cet album. Ce n'est pas évident par exemple de jouer des titres comme « The Beach » devant un public n'ayant jamais entendu la plupart de nos morceaux. J'espère et j'imagine que les choses seront différentes quand l'album sera sorti. Il ne faut pas trop que je pense à demain.

Ne dit-on point que l'avenir sourit aux audacieux?

(Voir également la chronique de l'album dans la rubrique ad-hoc)

 

Duke Special

Ambitieux, pas suicidaire…

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Peu d’artistes sont capables d’adapter des œuvres aussi obscures que celles de Brecht et Kurt Weill. Peter Wilson, alias Duke Special, s’y est frotté ; et ma foi, a fort bien réussi son challenge. D’autant plus qu’il se traduit par la sortie d’un triple cd baptisé ‘The stage, A book & The silver screen’. Un box luxueux incluant deux elpees et un Ep. Peter est un personnage fort sympathique, loquace. Et n’élude aucune question. Dès la première, il se lance même dans une sorte de monologue pour bien expliquer ce qui l’a poussé à se lancer dans cette aventure…  

Le premier disque s’intitule ‘Mother Courage and her children’. C’est aussi le plus théâtral, dramatique et ambitieux. Il s’agit de la bande-son d’une des neuf pièces de Berthold Brecht. Signée Paul Dessa, elle a été revue et corrigée par Wilson, en 2009, après une nouvelle traduction opérée par Tony Kushner. 100 000 personnes ont assisté à la représentation de ce spectacle au Théâtre National irlandais. Et l’an prochain, elle sera jouée à Broadway. « Non seulement on m’a demandé d’écrire la musique, mais on m’a taillé un rôle sur mesure : celui d’un hybride entre un cheval et un cavalier grec. J’ai joué cette pièce, l’automne dernier. Une expérience qui a duré 4 mois… » Oui mais lorsque Brecht a écrit ces vaudevilles, c’était pour stigmatiser la montée du fascisme et du nazisme. « Mon job était de mettre en musique, des lyrics existants. Il fallait que je sois en parfaite adéquation avec les paroles. De nombreuses compos parlent de personnages qui ont vécu avant la guerre, alors qu’ils étaient encore purs, intègres. Les textes sont empreints de nostalgie. Par exemple sur ‘Yvette’, on y parle d’une femme qui sortait en compagnie d’un militaire. Il la battait. Elle l’a quitté. Et a voulu se suicider. Puis s’est tournée vers la prostitution, pour pouvoir protéger, élever ses enfants. C’est la guerre, mais il existe également un conflit entre les individus, à l’échelle sociale, humaine. Une tension entre l’égoïsme et l’amour, le don de soi. C’est cette étude conflictuelle, qui est la plus intéressante… »    

‘Huckleberry Finn’ est un Ep partagé en cinq titres, un disque plus léger consacré à des chansons inachevées de Kurt Weill. Le compositeur allemand s’était inspiré du chef-d'œuvre de Mark Twain, pour les écrire, mais elles n’avaient jamais été traduites en musique, ni enregistrées. « J’ai travaillé sur ce projet pendant un an et demi, en plusieurs étapes. Je suis tombé sous le charme de ‘Catfish song’, qu’il avait composée. C’est ainsi que j’ai découvert son œuvre. Et cette comédie inachevée. J’y ai ajouté des cuivres et du piano. Les morceaux ont été enregistrés à la maison. Les paroles, à Belfast. Et les cordes à New York… » Des chansons enjouées, insouciantes, susceptibles de nous replonger dans le rêve américain… Peter précise : « Oui, c’est quelque chose de beau et d’innocent à la fois. Quand j’ai écrit ‘Mother Courage’, je baignais dans l’univers musical de Kurt Weill. ‘Huckleberry Finn’ était une sorte de récréation. Weill était capable d’écrire des mélodies simples, malgré les aspects dramatiques de la pièce. Ces compos coulent de source. C’est le plus candide des trois enregistrements… » Et le plus amusant. La mélodie d’‘Apple Jack’ aurait pu servir de B.O. à un dessin animé de Walt Disney. Dans le ‘Livre de la Jungle’, certainement. « Elle est facile à chanter. Mais elle raconte d’une manière imagée, l’addiction à l’alcoolisme du père d’Huckelberry, et la difficulté d’en sortir… Kurt écrivait cette autre comédie musicale, quand il est mort. Je suis allé visiter le studio d’enregistrement où il travaillait. C’est devenu un musée. Il y a encore sa chaise. Des lettres. Des compos en friche. Quelque part, c’est un hommage à ce mythe ; et en même temps cette expérience m’effraie. Je porte une forme de responsabilité dans cette aventure… »

Mais le plus fort et le plus cohérent des concepts est manifestement ‘The Silent World of Hector Mann’. Mann était un obscur acteur de cinéma muet mis en scène par le romancier Paul Auster, dans son livre ‘The book of Illusions’. Wilson a composé la première chanson, inspirée par le titre du film ‘Mister Nobody’. Puis, il a eu l’idée de transmettre le bouquin à onze amis musiciens, pour les inviter à écrire une chanson sur un des autres titres de films, au sein duquel figurait Mann. Leur précisant que ces compos étaient destinées à être interprétées par trois stars de la musique rock. Ce processus a très bien fonctionné, puisqu’elles sont rentrées en un laps de temps assez court. Trois jours, suivant les déclarations de Peter. Et finalement, chacune d’entre-elles est marquée par la plume de chaque collaborateur.

Parmi les artistes qui ont coopéré à ce dernier projet, figurent Neil Hannon, le leader de The Divine Comedy et le Londonien, Ed Harcourt. En ce qui concerne le premier, on devine que c’est parce qu’il partage les mêmes sensibilités musicales. Pour les compositeurs allemands du XXème siècle comme Kurt Weill. Mais aussi Scott Walker, Burt Bacharach, le music-hall et le cabaret. Chez le second, on imagine, qu’il doit apprécier sa vision du romantisme. Peter s’explique : « J’ai effectué une tournée en compagnie de Neil, en 2006. Qui est passée par la France, l’Angleterre et la Belgique. J’admire cet artiste depuis longtemps. Il vit à l’extérieur des courants et des modes ; et c’est ce que j’aime chez lui. C’est d’ailleurs ce que j’apprécie toujours chez les artistes. Il est intemporel comme Jacques Brel ou Scott Walker. Je pense que nous partageons les mêmes influences. Et le goût de cette musique d’une autre époque. Mais l’essentiel, c’est qu’il fait ce qu’il a envie et aime. Qu’il reste lui-même. Tous les compositeurs qui ont participé à l’écriture de ‘The Silent World of Hector Mann’, je les ai choisis, parce que je savais qu’ils étaient capables de composer à l’ancienne et comprenaient ce que j’attendais d’eux. Comme Ed Harcourt, qui a écrit ‘Jumpin’ Jack’… » Certaines plages de cet elpee épousent même la forme dansante de l’époque : tango, valse ou charleston. Un feeling qui reflète parfaitement les années 20. Peter admet : « C’est un peu comme si ces artisans peignaient un tableau de l’époque. Mais le plus passionnant, c’est que chaque chanson recèle l’ADN de son compositeur… J’ai demandé à Bob Weston de tout mettre en forme, afin que l’ensemble sonne comme du Duke Special. Car le but, c’était que le mélomane ait l’illusion d’écouter du Peter Wilson… »

Les sessions d’enregistrement de ‘The Silent World of Hector Mann’ se sont déroulées sous la houlette de Steve Albini. Etonnant pour ce type de projet, quand on sait que le producteur fait pratiquement tout en une seule prise. Peter clarifie : « C’est vrai qu’il est plus notoire dans l’univers du rock. Au service de groupes ou d’artistes qui privilégient la guitare. Comme chez Shellac. Finalement, on pensait que le choix n’était pas si insensé, car c’est avant tout un remarquable ingénieur du son. Il n’est pas vraiment producteur. Nous étions trois. Un joueur de banjo et de mellotron. Et moi. Puis on a loué les services d’une section rythmique à Chicago. On a tout exécuté. N’ont été overdubbées que les paroles. Le reste était en ‘live’. C’est la meilleure méthode d’enregistrement, car elle te force à bien jouer. Et ces compos ont été mise en boîte rapidement. Les sessions étaient très intensives. Mais j’ai apprécié cette manière de travailler… »

A premier abord, on pourrait penser que ce concept est un véritable suicide commercial. Pas tant que ça. En fait, Peter s’est tourné vers ‘Pledge music’ pour le financer. Oui, mais ‘quekcèqça’ ? « Traditionnellement, un groupe ou un artiste signe chez un label. Il dispose d’un budget pour l’enregistrement. La maison de disques doit payer les salaires et prendre sa marge bénéficiaire. ‘Pledge Music’ est un nouveau système pour recueillir des fonds. Les gens achètent les œuvres avant qu’elles ne sortent. J’ai réussi à récolter entre 42 et 43 000£ (+ ou - 40 000€), lors de cette prévente. J’ai aussi écrit des poèmes pour les souscripteurs. Certains d’entre eux m’ont demandé de leur consacrer des covers. Et je me suis fait rétribuer pour ce boulot. Tout un arsenal de moyens pour lever des fonds. L’industrie du disque est en pleine tourmente et chacun essaie de trouver des idées et des solutions. Il y a tellement de gens qui écoutent de la musique gratuitement. Comment voulez-vous gagner votre vie ? »

En 2006, j’avais eu le plaisir d’assister à un concert de Duke Special. A l’Aéronef de Lille, très exactement. Un chouette concert, amusant même, qui m’avait également permis de découvrir un fantastique percussionniste (NDR : il n’hésite pas à se servir de toute une batterie de cuisine, comme instruments de musique) répondant au nom Chip Bailey Wilson. Sera-t-il de la prochaine tournée ? « Il s’agira d’un autre spectacle impliquant d’autres partenaires. Je bosse en compagnie d’une dizaine de musiciens différents. Donc il ne participera pas à cette nouvelle tournée… Et on va d’abord se concentrer sur ‘The silent world of Hector Man’. Puis ‘Mother courage’. On va y ajouter des éléments visuels, des interviews qu’on projettera lors des intermèdes, etc. »

Dernière question qui s’écarte complètement du sujet, mais qui méritait d’être posée, qu’est ce que Wilson aime chez les Dresden Dolls ? Et la réponse reflète parfaitement l’état d’esprit de notre interlocuteur. « En fait, j’étais en tournée, quand j’ai découvert ce groupe. J’aime beaucoup le concept cabaret de leur spectacle. Leurs déguisements, leur maquillage, le chapeau melon de Brian… sans oublier le talent de pianiste, de compositrice et de chanteuse d’Amanda. Mais j’apprécie aussi leur manière indépendante de gérer leur carrière. Tant d’un point de vue artistique que financier. A l’écart du circuit conventionnel des labels » (NDR : on y revient…)

Merci à Vincent Devos

 

Born Ruffians

Du rythme et des voix…

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Interviewer Luke LaLonde, le chanteur de Born Ruffians, relevait, pour votre serviteur, de l’enchantement. Et pour cause, le dernier opus de la formation canadienne, « Red, Yellow & Blue », était manifestement celui qui avait le plus tourné dans mon IPod, en 2008. Faut dire que cette rencontre entre le sens mélodique de Franck Black et le profil rythmique de Talking Heads, parcouru par le feeling unique du vocaliste, avait de quoi séduire. Luke est venu défendre le nouvel elpee du trio, « Say It ». Ses arguments ne manquent pas de conviction, mais le disque risque fort de décevoir les fidèles aficionados. A contrario, il pourrait conquérir de nouveaux fans. Motif ? « Say It » recèle bien moins de hits que le précédent opus ; mais il est bien plus cohérent. De quoi alimenter notre conversation…

Luke, tu ne débarques pas en Belgique, pour la première fois. Content de revenir à Bruxelles ?

Absolument ! Malheureusement nous ne disposons que de trop peu de temps libre pour visiter la capitale. En outre, aucun concert n’a été programmé dans l’immédiat. Faut absolument que j’en parle à notre manager, pour rectifier le tir…  

Les origines de Born Ruffians seraient très secrètes. Possible de lever un coin du voile ?

Pour être honnête, elles n’ont vraiment rien de bien secrètes (rires)… Notre aventure a commencé alors que nous n’avions que 16 ans. Au sein d’une petite ville sise dans Ontario (NDR : c’est au Canada), répondant au nom de Midland. Après avoir ramé pendant des années, s’être obstiné à répéter des compos bancales, on a décidé de déménager à Toronto. Où nous avons opté pour le patronyme de Born Ruffians. C’était en 2004. Deux ans plus tard, après y avoir accordé quelques shows, un manager mandaté par Warp est venu nous voir et nous a proposé de rejoindre leur label. D’abord pour enregistrer un Ep ; et puis accomplir une tournée américaine. Le reste appartient à l’histoire… 

Oui mais Warp est un label surtout notoire pour ses artistes électro. Il y a bien quelques exceptions comme !!!, Battles, Maxïmo Park, Gravenhurst et Grizzly Bear. Mais ils ne sont pas légion. Et puis, il faut croire que pour rejoindre cette section indie, il faut quand même respecter certains critères. Vous aviez l’impression de faire partie de leurs desseins ?

Warp était le label qui semblait le plus croire en nous à l’époque. Peu importe qu’il soit considéré comme électro ou pas. Je suis d’ailleurs grand fan des Boards Of Canada et de Jamie Liddle ! Je pense que Warp cherchait tout simplement à élargir son champ d’action, sur la scène pop/rock. Et nous ne pouvons que nous réjouir de leur soutien jusqu’à présent.

Pourquoi avoir confié à Rusty Santos (NDR : Animal Collective, Panda Bear, Owen Pallett) la production de votre nouvel album ?

Nous étions réellement satisfaits de son travail sur « Red, Yellow & Blue ». Rusty apporte une perspective unique à notre musique et nous pousse jusque dans nos derniers retranchements, en studio. Nous ne souhaitons pas une production standardisée et son approche non-conventionnelle nous convient parfaitement.

Qu’y a-t-il de fondamentalement différent entre « Red, Yellow & Blue » et « Say It » ?

Je pense que nous étions plus relax, mais aussi concentrés lors de la confection de « Say It ». Nous disposions de plus de temps (2 semaines !) et avions une meilleure idée de ce que nous voulions. Chaque morceau devait être construit lors des répétitions en studio. Il était important pour nous de ne pas se baser sur une démo préalablement enregistrée, mais de tout composer en live. L’évolution de jeunes gens d’à peine 20 ans est également un facteur important … (rires). Au cours des derniers mois, le line up de la formation a dû faire face à de nombreux changements. Une situation qui finalement nous a beaucoup rapprochés et même soudés ! Je crois que chaque petit changement dans la vie d’un artiste influe sur son art…

En enregistrant ce nouvel opus, aviez-vous, consciemment ou pas, une idée de votre nouvelle orientation musicale. Certaines découvertes récentes vous ont-elles influencées?

Nous désirions communiquer davantage d’émotion dans nos compos et écrire de véritables chansons pop dont les refrains seraient hérités en ligne droite de la fin des années 70 et du début des années 80. Nous les avons composées en nous imprégnant de l’esprit d’artistes comme Van Morrison, Amon Düül, les Beach Boys, Roy Orbison ou encore Tom Petty...

A l’instar des Talking Heads, la plupart de vos morceaux sont basés sur les rythmes. Une ligne de conduite ?

En studio, lorsque nous travaillons sur un morceau, nous précisons bien nos rôles. Sauf pour l’aspect rythmique dont nous partageons la même passion. Steve ne bosse pas beaucoup sur le sens mélodique, mais bien le rythme, la précision et la concision des morceaux. La mélodie est plutôt du ressort de Mitch ; mais il participe également à l’empreinte rythmique. Perso, je me concentre sur les harmonies vocales, qui elles aussi, sont fortement marquées par le rythme ! Lors des répétitions, nous ressentons instinctivement lorsqu’il est nécessaire de renforcer la ligne vocale et quel instrument doit mener le tempo. Néanmoins, malgré l’omniprésence de ces rythmes, je pense que « Say It » met surtout l’accent sur le travail des voix, tout en permettant aux chansons d’être fredonnées. Mais chassez le naturel…

Quels sont les artistes ou groupes que vous appréciez le plus, sur la scène contemporaine ?

J’avoue avoir beaucoup écouté le dernier album de Caribou… que j’ai eu la chance de recevoir avant tout le monde, car je chante le dernier morceau ! Mon ami Dave, de Tokyo Police Club, m’a également récemment envoyé son dernier cd et je le trouve superbe. J’adore aussi les Nurses de Portland. Nous allons d’ailleurs tourner avec eux, dès septembre. Je vous conseille l’écoute de Magic et des Slim Twig. Ils sont issus de Toronto. A côté de ces récentes découvertes, j’écoute surtout James Holden, Four Tet et Joy Orbison…

La communauté artistique de Toronto, c’est toujours d’actualité ?

En fait, j’ai déménagé. J’ai quitté Toronto pour Montréal! Mais j’y retourne bien entendu régulièrement ; non, non, rien n’y a changé !

 

Field Music

Nous sommes producteurs avant d’être musiciens…

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Ne pas confondre The Field et Field Music. Le premier est le pseudo d’un artiste techno suédois, répondant au nom d’Axel Willner. Le second, un quatuor insulaire drivé par les frangins Brewis, Peter et David. C’est cette formation issue de Sunderland qui nous intéresse ici. Et pour cause, elle vient de sortir un nouvel album. Un disque très riche. Et pas seulement parce qu’il est double ! Leur tournée transitait par la Belgique. Le combo en a profité pour accorder quelques interviews. David s’est prêté à cet exercice de style, en toute sincérité, pour Musiczine. Et à l’instar de la musique dispensée, tout au long de leur elpee éponyme, les réponses ont fusé dans tous les sens…

Je présume que vous ne débarquez pas pour la première fois en Belgique. Heureux de revenir dans notre pays ?

En fait, nous ne nous sommes produits, qu’une seule fois en Belgique. Au Pukkelpop, en 2006, si mes souvenirs sont bons. Une très belle expérience même si elle a été de courte durée ; car nous devions accorder un show à Sunderland, le lendemain. C’est donc avec grand plaisir que nous retrouvons la Belgique ! C’est une chance de pouvoir y jouer à nouveau (NDR : les Anglais avaient accordé deux concerts, chez nous, à Ostende et Anvers, respectivement ces 22 et 23 avril).

Vous avez êtes accordé un break de 3 ans, à l’issue de la publication de votre album précédent (NDR : l’excellent « Tones of Town »). Certaines rumeurs de split ont forcément circulé. Etaient-elles fondées ?

Nous ne prenions plus beaucoup de plaisir au sein du groupe, à l’époque. La décision la plus logique a donc été de se séparer et de nous consacrer à nos projets solos (The Week That Wasn’t pour Peter et School Of Language pour David). Nous ne savions pas si nous allions un jour nous remettre à composer sous le nom de Field Music. Mais comme nous sommes frères ; nous ne pourrons de toute façon, jamais réellement nous séparer !

Aviez-vous besoin de ces expériences en solo ? Y avait-il certaines idées qui ne convenaient tout simplement pas à l’univers de Field Music ?

Il existait pas mal de choses que nous pensions à l’époque ne pas convenir à Field Music. Comme, par exemple, des chansons construites autour de samples de batterie de The Week That Wasn’t ou des morceaux sans claviers pour School Of Languages. Mais en tournant pour ces albums, nous nous sommes rendu compte que nous devions élargir la palette de Field Music et cesser de nous imposer des barrières et des règles. Bon nombre de nouvelles compos de « Field Music » découlent donc de nos expériences vécues en solo.

Ce nouvel elpee regorge d’influences. Lesquelles aviez-vous en tête lors des sessions d’enregistrement ?

Difficile à dire… j’écoutais en tout cas David Bowie. Et puis nous étions en pleine phase de redécouverte de la musique qui avait bercé notre enfance. Comme celle du Led Zeppelin, qui était le premier groupe que nous avons réellement aimé. Et puis également, d’autres artistes, que nous avions repérés dans la collection de disques de nos parents, comme ceux de 10CC ou The Cream.

Quelle direction désiriez-vous explorer, lors de la confection de ce nouvel elpee ? Certaines de vos nouvelles découvertes vous ont-elles influencées?

Nous voulions créer une œuvre longue et variée, afin de donner une image plus complète de ce que nous sommes et aimons réellement. Nous refusions de nous engager dans une seule direction de bout en bout. Nous souhaitions emprunter toutes les directions à la fois, sans aucune limite !

Vous produisez toujours vos albums. Ne pensez-vous pas que vous pourriez puiser de nouvelles idées, en confiant ce rôle à quelqu’un d’extérieur au groupe ? Ou estimez-vous que vous en développez suffisamment ?

Il est très difficile pour nous de séparer les arrangements de la composition. Nous avons de plus des idées très précises du son que nous voulons recréer ; donc je ne vois pas comment nous pourrions travailler sous la houlette d’un producteur. En studio, Peter et moi sommes producteurs, avant d’être musiciens d’ailleurs…

Quels sont vos rôles en studio?

Nous écrivons chacun de notre côté et nous occupons tous les deux d’un peu de tout. Une véritable équipe !

Vous disputez-vous comme de véritables frères lors des sessions d’enregistrement ?

Pas vraiment. Nous avons une règle d’or : celui qui a composé la chanson prend les décisions finales quant à sa réalisation. Nous sommes dictateurs chacun à notre tour ; donc pas de disputes possible !

L’opus contient 20 chansons et s’étale sur plus de 70 minutes. Avez-vous réussi à inclure toutes les chansons composées ou certaines ont-elles été éliminées ?

Pratiquement toutes nos compositions s’y trouvent. Nous en avions, en fait, écrites 23 ! Mais les 3 qui ne se figurent pas sur l’album n’étaient pas terminées…

Ce disque est très éclectique. On a parfois l’impression que ce sont des groupes différents qui ont concocté des morceaux comme « Let’s Write A Book », « Choosing Numbers » ou « You And I ». Ne craigniez-vous pas un manque de cohérence ?

Nous étions au contraire très excités par cette absence de cohérence ! Les changements de style faisaient partie de notre nouvelle philosophie. Mais comme Peter et moi chantons à notre tour, je pense que notre musique sonne tout de même toujours comme du Field Music.

Il recèle aussi quelques chansons quasiment pop, comme « Them That Do Nothing » ou encore « You And I » ; mais elles figurent parmi les 18 autres, plus riches et complexes. Vous ne semblez pas particulièrement obnubilés par la recherche d’un succès populaire.

Notre seul but est de créer la meilleure musique possible et le seul moyen pour y parvenir est de tenter de composer celle que nous aimerions écouter. C’est aussi simple que ça. Je n’écrirai jamais une chanson pour qu’elle rencontre un succès commercial. J’aime beaucoup trop la musique pour ça.

Quels sont vos groupes favoris du moment ?        

Ils sont principalement américains : Deerhof, The Fiery Furnaces et Joanna Newsom. Mais je vous conseille également de tendre l’oreille à Frankie and The Heartstrings. Ce sont nos amis. Ils sont issus de la scène de Sunderland et composent des hymnes indie-pop très sexy.

Habitez-vous toujours Sunderland? Pourriez-vous décrire cette ville à nos lecteurs ?

Et oui ! J’habite toujours cette ville du Nord-est de l’Angleterre de plus ou moins 250 000 habitants. Elle se situe non loin de Newcastle, à plus ou moins 6 heures de route de Londres. Hormis son glorieux passé, illustré par l’essor de l’industrie maritime et charbonnière, Sunderland ne jouit pas d’une grande notoriété. En outre, les habitants ont été particulièrement touchés par la disparition de ces secteurs d’activité économique. Aujourd’hui, elle est pauvre et souffre d’un taux de chômage très élevé. Sunderland n’est pas une ville très culturelle ; sauf si l’on considère le foot comme de la culture. Une situation parfois fort déprimante. Mais c’est chez moi et je n’ai aucune intention de la quitter, car je l’aime, malgré tout…

 

 

My Little Cheap Dictaphone (MLCD)

Une œuvre totale !

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Vraisemblablement responsable de la confection d’un des meilleurs albums pop-rock de cette année 2010 (« The Tragic Tales of a Genius »), « MLCD » (feu « My Little Cheap Dictaphone ») s’explique. Discussion relative à un opéra pop soigné pendant trois longues années, traçant l’ébauche d’un bateau ivre sillonnant prodigieusement tous les grands fleuves artistiques : la musique, le théâtre, le cinéma, la littérature… Une schizophrénie musico-visuelle qui prendra vie sur les planches du Cirque Royal, ce 8 mai prochain, dans le cadre des Nuits Botanique. Concert à ne rater sous aucun prétexte !

- Votre nouvel album s’intitule « The Tragic Tale of a Genius ». Qui est ce mystérieux génie ?

- En fait, j’ai lu plusieurs autobiographies d’artistes qui m’ont inspiré un peu l’histoire. Il y avait, parmi d’autres, celle de Tom Waits, Johnny Cash et de Brian Wilson. L’important n’est pas tant de s’attacher à un personnage précis que de raconter le parcours d’un artiste. Cependant, c’est indéniablement Brian Wilson qui colle le plus à ce que je raconte.

- Pourquoi aborder la vie de Brian Wilson ? Quel regard portez-vous sur cet artiste ?

- C’est en lisant son autobiographie que j’ai eu réellement l’idée de réaliser cet album. L’histoire se déroule au début des années 80. Il est cloué sur son fauteuil, pèse 150 kg et n’est plus sorti de chez lui depuis un an… Il nous confie, au début du bouquin, qu’il s’est fait virer des Beach Boys, a tout perdu.

- C’est le personnage qui t’inspire de la tendresse ou plutôt la musique ?

- Les deux. Son parcours nous bouleverse pour les raisons que je viens d’évoquer. Alors on s’interroge : comment après avoir été le plus grand créateur de la pop, chez les Beach Boys, peut-on en arriver à ce stade ? C’est ça qui m’intéressait. La lecture de son livre a été réellement décisive et a inspiré l’orientation particulière de mon récit.

- Tu t’arrêtes sur la biographie de Brian Wilson et il y a deux ans d’écriture, ensuite…

- Plus ou moins… En fait, tout le processus, s’est fait en parallèle : le texte, l’histoire, la musique... Et a évolué au fil du temps. 

- Quel parcours avez-vous suivi avant que l’album-spectacle ne tombe dans les bacs ? (l’écriture, les studios…)

- De nouveau, tout s’est fait en parallèle. Il y a eu cette idée de concept ; mais, au début, nous ne pensions pas à un opéra rock ou plutôt, pop, comme il est décrit. Au départ, on voulait juste créer un univers, un concert un peu ‘scénographié’, y inclure un peu de visuel pour guider le spectateur, l’introduire dans un univers singulier. Alors, nous avons fait quelques rencontres décisives. Dont celle d’Eve Martin qui s’est chargée de réaliser le spectacle. Elle nous a demandé : ‘Alors, comment est-ce qu’on va raconter cette histoire ?’ Et, comme il n’était pas question pour nous de jouer –on voulait juste que ce soit leur concert tout de même– alors, on s’est dit qu’on allait tourner des vidéos pour raconter l’histoire, puisque c’est un langage universel…

- Comment pouvez-vous décrire cet univers musical ? Ce nouveau MLCD ?

- Je ne sais pas comment décrire notre musique… On a voulu sortir du schéma habituel, de la façon dont on compose d’ordinaire de la musique. Avant, c’était généralement moi qui arrivais avec une chanson que j’avais déjà écrite en grande partie à la maison. Ensuite, on la travaillait en groupe. Dans ce cas précis, on a commencé de bosser, un peu de la même manière. Puis, Louis nous a rejoints au piano. Peu à peu, on a ressenti une envie impérieuse de sortir de ce canevas classique guitare/piano/batterie ; et en ce qui me concerne, de cesser d’écrire de mon côté. Le nouveau concept qui s’est ainsi profilé, insinué au sein du groupe, impliquait une réponse radicalement collective. Alors, pour créer collectivement ce nouvel album, on a loué des chalets dans les Ardennes, du côté de Vielsalm.

- Et l’enregistrement s’est réalisé aux Etats-Unis, c’est ça ?

- A Amsterdam. C’est le mixage qui a été effectué aux Etats-Unis.

- Où précisément ?

- Au Texas, à Dallas, en compagnie de John Congleton, dans son studio à Austin (et à Liège aussi). 

- Comment parvient-on à rencontrer et à collaborer avec Jonathan Donahue ?

- Tout simplement. Je lui ai envoyé un mail, en y joignant ma chanson et voilà…

- Tu m’as dit que tout s’était fabriqué en parallèle mais ce projet présente une véritable trame narrative, je trouve… Il y a le titre (…), était-ce étudié ?  

- Oui, bien sûr, c’était un peu voulu que soit un tout. Tout y contribue : aussi bien la musique, que le décor, la façon dont on est habillé, les vidéos, le clip vidéo… Il est important que tous les éléments s’inscrivent dans une continuité.

- La pochette de l’album et les affiches évoquent le cinéma US des 50’s-60’s. Tout particulièrement la période américaine Hitchcock, que je ressens très fort. Et plus précisément encore, du long métrage « La mort aux Trousses ». Mais quel rapport MLCD et le cinéma entretiennent-ils, au juste ?

- Oui, Alfred Hitchcock, notamment, dont on a parlé tout à l’heure. C’est quand même l’une des influences majeures pour tout ce qui était visuel justement… « La mort aux Trousses » ? Par exemple. Ou « Vertigo ». Il est vrai qu’on est déjà fan du 7ème art, à l’origine. C’est pour cette raison qu’on s’est dirigé vers une équipe de cinéma pour travailler, plutôt que de théâtre. On se sent plus proche de cet univers filmique que du monde de la comédie, peut-être un peu plus statique, où la possibilité de montrer, de jouer sur les images, justement, est plus restreinte. Le théâtre repose davantage sur un jeu d’acteur, talent que nous n’avons précisément pas.

- Pouvez-vous nous donner un descriptif de votre ‘concert-spectacle’ programmé ce 8 mai prochain au Cirque Royal, dans le cadre des Nuits Botanique. Y aura-t-il une réelle synchronisation entre musique et images ?

- Oui, bien sûr, c’est exactement ça. On joue les morceaux et, simultanément, pendant qu’on les interprète, les vidéos sont projetées. Pas sur toute la longueur du morceau mais… En fait, les clips ont été conçus pour permettre au public de comprendre les thèmes généraux abordés dans les morceaux, pour qu’il puisse suivre le fil l’histoire et se laisser imprégner de l’atmosphère de l’album.   

- En vrai schéma narratif, donc …

- Oui, oui, bien sûr… D’ailleurs, tous les arrangements symphoniques utilisés ont précisément été conçus pour narrer l’histoire, pour renforcer les moments dramatiques ou joyeux ou…

- D’autres surprises pour le premier concert… ?

- Il y aura l’orchestre déjà.

- Combien serez-vous sur scène ?

- Une quinzaine de musiciens, les voix … en tout, une vingtaine.

- C’est le ‘combo’, quoi ! Et, principalement, quoi ? Des cordes, des cuivres … ?

- Essentiellement les cordes : 6 violons, 3 altos, 2 violoncelles, 4 harmoniums. 

- Quelles sont vos attentes …

- On ne sait pas exactement. On a réellement vécu la conception de cet album comme un nouveau départ. Nous avons même songé à changer le nom du groupe. C’est un peu une renaissance au niveau du style, de l’équipe, de tout. Notre travail s’est déroulé suivant un rythme propre. On a essayé de soigner chaque point, chaque détail sans se fixer de délai. On a décidé de prendre le temps qu’il fallait pour arriver au bout du projet, que ce soit dans l’écriture des textes, l’enregistrement en studio, la préparation du spectacle… et voilà ! On se rend compte, enfin, nous, My Little Cheap Dictaphone, qu’on a bossé presque 3 ans dessus quasiment tous les jours. On était un peu découragé parfois mais, bon, on espère que l’accueil sera positif, que le public comprenne un peu ce qu’on a voulu faire, qu’il y ait de l’engouement… (?) les projets semblent se développer…

- Et vous avez collaboré avec qui, justement, pour les vidéos, etc. ?

- Et bien, Eve Martin et Nico Bueno se sont chargé des vidéos, sous le nom de Bubble Duchese… Eve, également de la mise en scène. Elle a constamment collaboré à mon travail d’écriture. Je me suis rendu également en Norvège pour travailler sur l’histoire, en compagnie d’une écrivaine norvégienne qui s’appelle Yan Vatnoy… Durant ce séjour, nous nous sommes longuement penchés sur les chansons, sur le récit. A vrai dire, ce n’est pas vraiment une histoire qui retrace la vie d’un personnage. Ce qui importe réellement, c’est son évolution psychologique. C’est de ce point de vue que l’on a concrétisé le projet. Il s’agit de saisir le ressenti psychologique du personnage. Cette fêlure qui lui vient de l’enfance, comment va-t-il en faire un don ? Et, comment définir son pôle artistique par rapport à ce contexte ? Comprendre pourquoi et comment, tout au long de sa vie, il va se sentir sans cesse mal à l’aise dans ses baskets, toujours un peu en marge de la société. Comment il va évoluer à travers le succès, la déchéance, les excès de rock-en-roll, etc.   

- Peut-on facilement raconter la vie chaotique de Brian Wilson en un récit linéaire ?

- Oui, c’est un peu chaotique. Mais le récit respecte tout de même le fil chronologique de toute destinée : d’abord l’enfance, puis la création du groupe, puis le succès, les excès ; ensuite le pétage de plombs… enfin, dans la deuxième partie de l’album, le passage à vide, la nausée, le naufrage dans la folie, la schizophrénie… Nous avons voulu capter le chaos qui le cerne, rendre audible et visible la déchirure éblouissante qui le disloque, draguer le fond vertigineux de ses luttes intestines. Car telle est la question : comment peut-il affronter ses démons intérieurs ? On incarne cette descente aux enfers à l’écran par la représentation du combat avec le diable. C’est un peu lui-même, son ombre obscure qu’il combat. Il se livre à une lutte sans merci contre lui-même pour vaincre l’armée des démons intérieurs.

- (…) vous, comment définissez-vous votre opéra pop ?

- Il m’est difficile de le définir précisément… On avait juste envie que le spectateur plonge dans un univers pendant une heure comme s’il allait au cinéma, qu’il rentre dans notre histoire, vibre au son de la destinée du personnage, soit touché par les chansons, ressente des émotions à travers ce personnage, la mise en scène, les vidéos, à travers nous… C’est surtout ça qui nous guidait.

- Encore un mot, quelle est la participation exacte de Jonathan Donahue  sur le dernier LP ?

- Il chante sur une chanson, on se partage le chant…

 

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