Le dernier combat de Malween…

Malween est le projet emmené par Julien Buys, auteur, compositeur et interprète, originaire de Nantes. Julien a quitté le monde de la finance, sans regret, en 2017 pour devenir comédien voix-off le jour et chanteur/guitariste a sein de différents projets…

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La maternité, source d’inspiration pour The Wandering Hearts…

Le trio britannique The Wandering Hearts sortira son nouvel album "Mother", le 22 mars 2024. Produit par Steve Milbourne, c’est un patchwork de récits folkloriques, d'accroches pop et d'énergie rock, le tout assemblé par des harmonies lumineuses. On pourrait…

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Interviews

Adam Green

Aux portes de la gloire

Une mine de chien battu, un accent 'ricain' à couper au couteau et une nonchalance toute new-yorkaise, c'est le portrait craché du type qui nous fait face. Adam Green donc. En ce premier jour de mars, le garçon passe par le Botanique pour une représentation placée sous le signe du décalage pré-adolescent.

Proclamé roi de l'anti-folk (NDR : prononcez 'entaille' folk) par la presse de son pays, le gars paraît jeune. Il l'est : vingt-trois ans au compteur et une ardoise déjà bien remplie. Avant de se lancer dans une carrière solo, Adam Green officiait au sein des Moldy Peaches, duo qui ne souffrait alors d'aucune comparaison, tant dans le style que dans la forme. Sur scène, Adam n'hésitait pas à se déguiser en Robin des bois tandis que Kimya Dawson, sa partenaire musicale, se transformait en lapin (géant…forcément). Ces deux 'guignolos-folk' débitaient des comptes enfantins à faire pleurer tous les mômes du quartier. On n'invente rien…

« Avec Kimya, nous réalisions toutes les compositions ensemble. Désormais, c'est très différent. J'écris les paroles à ma façon, beaucoup plus vite. Actuellement, je me concentre intensément sur mes concerts. Ces représentations m'emmènent aux quatre coins du monde et nombre de mes nouvelles chansons s'inspirent de ces voyages », raconte mollement Adam. Lors de ses concerts, certains (certaines ?-NDLR) auront d'ailleurs amèrement constaté que pour Adam Green la page Moldy Peaches semble définitivement tournée. Ainsi, lorsqu'une (un ?) groupie lui réclamera un légitime 'Who's Got The Crack', le maigre chevelu se contentera de répondre : "Je pensais qu'il s'agissait d'une chanson des Moldy Peaches…" Quelques minutes plus tard, seul à la guitare, Green se fend d'une déclamation défoncée de 'What a Waster'. C'est étrange, nous pensions qu'il s'agissait d'une chanson des Libertines… Bref, poursuivons notre histoire. Après un premier album (NDR : passé inaperçu dans nos contrées) et le désormais mythique 'Friends Of Mine' (NDR : passé inaperçu chez nos voisins Français), Greeen nous propose aujourd'hui 'Gemstones', nouvel album à paillettes où notre troubadour transcende récréativement ses dernières mélopées enjouées. La voix d'Adam Green brille par sa maturité. " Je me sens fortement influencé par la musique de Lou Reed, de Jacques Brel mais aussi et surtout par la 'Motown' ", explique l'intéressé en abordant sa musique. La culture musicale du jeune homme n'est pas à mettre en doute. Par contre, vu l'énergie avec laquelle Adam Green répond à nos questions, nous craignons forcément le pire en songeant à ses prestations scéniques…

Face au public, la surprise est de taille. Comme par miracle, l'effroyable apathie du garçon se mue en une force tranquille animée d'un charisme à toute épreuve. Avons-nous réellement interviewé cet Adam là ? Qu'importe, le public ne tarit pas déloges et ne cesse d'applaudir le prodige. En guise de remerciement, le rejeton gratifie son assistance d'une poignée de chansons supplémentaires. L'improbable crooner va jusqu'à laisser au public le choix des titres interprétés (exception faite de 'Who's Got The Crack'). Dernières ovations. Les projecteurs s'éteignent, les lumières se rallument. Chacun regarde bêtement son voisin. Les sourires béats demeurent ridicules mais de rigueur. Les gens heureux sont ici. Pas en ballade. Adam Green a conquis son auditoire en une vingtaine de titres courts et concis. "En réalité, je ne suis pas nécessairement opposé au fait d'écrire une chanson plus longue. Je veux juste éviter de lasser les gens". De ce côté là, aucun doute possible, notre sacré Robin des bois ne peut manquer sa cible... 

Scenario Rock

Légendes urbaines

Écrit par

Bidouilleurs, sampleurs, auteurs et compositeurs, les deux banlieusards de Scenario Rock ont tout écrit : des premiers accords au dernier morceau de " Endless Season ", l'album de la révélation. Autodidactes et passionnés, Mehdi Pinson et Ludovic Therrault ont choisi de mettre leurs rêves en musique. Sans concession ni appréhension, sans foi ni loi, ils nous livrent aujourd'hui le secret de leur détonnant cocktail rock ! Pardon… de leur Scenario Rock…

Sur la pochette du disque, vous apparaissez sur un puzzle. Vos fans peuvent-ils se procurer ce jouet en magasin ?

Medhi : Ben non… Ce puzzle se compose de 1100 pièces. Il est énorme ! C'est vraiment une galère de le reconstruire. D'ailleurs, je ne le conseille à personne ! Pour le refaire, on ne s'adressera pas à nos fans… mais plutôt à des fanatiques de puzzles, des gens expérimentés ! Nous en avons fait réaliser six. Nous avons détaché les pièces et il n'a jamais été possible de les réassembler, c'était trop chaud !

Ludo : A fond, y avait des pièces noires partout, pff…

M. : Mais ce puzzle sur la pochette existe bel et bien. Il ne s'agit pas d'un montage graphique. Pour les plus courageux, il est possible de se procurer un puzzle du visuel de la pochette : un puzzle sur lequel nous sommes occupés de reconstituer un puzzle !

Quand on évoque Scenario Rock, les gens pensent immédiatement à " Skitzo Dancer ", votre premier single. Ne craignez-vous pas d'être réduit à ce single, de devenir le groupe " Skitzo Dancer " ?

M. : Bon, il est vrai que cette chanson a changé des trucs. Mais ce n'est pas non plus le jour et la nuit… Il s'agit effectivement d'un titre fédérateur et il tombe bien dans la mesure où c'est un peu son propos. Ensuite, il titre opère une synthèse et fourmille de références qui nous sont propres. Dès lors, nous ne sommes pas dérangés d'être assimilés à cette compo.

Pourquoi, cette plage est-elle scindée en deux parties distinctes sur le disque ?

M. : Dans la narration de la seconde partie, il y a des réminiscences du début de la chanson. Pour nous, c'est une manière de revenir sur la thématique et de clore le truc simplement. Nous sommes très heureux d'avoir indexé cette chanson sous cette forme. Cela permet à l'auditeur de réécouter la partie jouissive de la fin sans devoir se retaper le début de la chanson. De plus, nous avons appris que la chanson allait être amputée pour sa version radio. Nous préférions donc retrouver notre propre parti pris artistique plutôt que de voir notre chanson massacrée de façon complètement incohérente !

Sur la deuxième partie de " Skitzo Dancer ", vous chantez des paroles que l'on peut traduire littéralement : 'Je suis seulement coupable de danser seul'. C'est quoi cette histoire ? Vous préférez danser à deux les gars ?

En choeur : (Rires) Non, ce n'est pas du tout ça !

M. : Dans cette chanson, nous voulions dénoncer le conformisme moderne qui règne dans les clubs, les soirées et les concerts. A la base, ce sont des lieux où tu es susceptible de rencontrer des gens, d'exprimer ta joie, de danser. Dans ces soirées, il y a toujours un gars ou une fille qui se livre à une danse étrange, voire extravagante. Bref, quelqu'un qui n'est pas forcément à l'aise avec son corps mais qui n'hésite pas à s'exprimer et à s'afficher. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi cette personne devrait être montrée du doigt comme le vilain petit canard de l'histoire ! Pourquoi tout le monde regarde cette personne de travers ? Aujourd'hui, à l'occasion d'un concert, les gens sont plus enclins à rester stoïques, à analyser la performance des artistes plutôt qu'à se lâcher… même s'ils apprécient la musique du groupe. Dans ces soirées, ceux qui vivent réellement le concert, ceux qui se trouvent en adéquation totale avec l'artiste seront décriés. Pour nous, cette réaction constitue une moquerie gratuite à l'égard de ceux qui dansent, même de façon ridicule, sur la musique qu'ils aiment. " Skitzo Dancer " se construit comme une véritable métaphore autour de ce concept. La morale de cette histoire : en soirée, si tu as envie de t'exprimer, de profiter de l'ambiance et de danser seul, tu n'as pas à te sentir coupable…

Sur " Frantic Dance of Death ", vous évoquez l'éloignement. La solitude est-elle une sensation qui vous effraie?

M. : (Rires…) Non pas du tout ! Je suis très à l'aise par rapport à mes textes. Les faits et gestes que je dénonce dans les paroles de mes chansons ne me concernent pas directement. Ce n'est pas du tout autobiographique, ni une manière de régler mes comptes. Il y a toujours une part d'humour et de légèreté dans nos paroles car il n'est pas question de devenir complètement militant. Ce n'est pas notre truc… Je ne vais pas sombrer dans le cliché " Fight your right to party " à la Beastie Boys mais quelque part, nous ne somme pas loin de cette optique.

Comment définir Scenario Rock ? Plutôt funk, rock, dance ou soul ?

M. : On est tout ça réuni mec… Et plus encore ! Notre objectif est d'inscrire la musique dans un mode d'expression à part entière. Quand on joue de la musique, il reste essentiel de ne pas sombrer dans les extrêmes, dans un truc complètement égoïste. Le but reste avant tout de faire passer un message. La musique est un grand partage. Après, résumer Scenario Rock n'est pas une mince affaire… Le rock demeure néanmoins la meilleure façon de résumer la musique de Scenario Rock. C'est une musique inventive qui n'a jamais cessé de se réinventer au cours des décennies. Nous souhaitons vraiment inscrire notre projet dans cette voie !

Quand on écoute " Cruisin' ", on décèle immédiatement l'influence 'punkisante' des premiers Beastie Boys. C'est assez drôle d'entendre ce genre de compos alors que les Beastie Boys eux mêmes ne sont peut-être plus capables d'en composer. Que vous inspire cette réflexion ?

M. : C'est peut-être un peu prétentieux de notre part mais j'ai vraiment la sensation que nous empruntons autant qu'ont pu emprunter les Clash ou les Beastie Boys. Quand les Beastie Boys ouvraient pour Minor Threat au CBGB's dans les années 80, ils harponnaient des influences extérieures et s'inspiraient d'un courant qui existait déjà ! De notre côté, nous essayons de travailler en ce sens. Ces influences représentent vraiment quelque chose qui fait partie de nous et qui rejaillit dans nos chansons. Composer un morceau comme Cruisin' s'explique en grande partie au regard de nos expériences, de notre grand folklore et de notre état d'esprit actuel. Quand nous n'aurons plus l'énergie nécessaire pour balancer ce style de musique, alors peut-être passerons-nous à autre chose… Pour revenir aux Beastie Boys : quand tu as 40 ans, je ne pense pas qu'il soit très judicieux de jouer la musique de tes 20 ans… A moins d'être capable de le faire avec la même 'gnac', la même folie ! Pour nous, " Endless Season " demeure une sorte de photographie de nos inspirations et de nos aspirations. Pour Scenario Rock, l'originalité passe donc bien par l'éclectisme… Chez nous, c'est l'authenticité qui prime. Or, la meilleure façon d'être authentique est de faire quelque chose qui te ressemble, que tu maîtrises. Même si la charpente d'un disque s'articule autour de ta personnalité, il y a toujours moyen d'apporter des éléments objectifs…

Et sur scène, que peut-on attendre de Scenario Rock ?

M. : Sur scène, nous sommes cinq. J'assure la voix et la guitare. Ludo la basse et les claviers. Nous avons également un batteur et un deuxième guitariste. En live, nous cherchons vraiment à rester proches du songwriting de l'album…

Une chanson comme " Modern Epicureans " peut-elle être assimilée à un subtil mélange entre la pop scintillante de The Police et l'énergie abrupte des premiers Beastie Boys ? Etait-ce un but pour vous de réaliser ces mélanges osés et un peu fou ?

M. : Il ne s'agit pas d'un exercice de style mais plutôt d'un folklore qui s'exprime de façon inconsciente. A 12 ans, j'avais un groupe de hip hop et j'écoutais aussi bien les Beastie Boys que Minor Threat, Bad Brain ou Slayer. J'accomplissais des figures de Break Dance mais je jouais aussi de la guitare. Tout simplement parce que j'adore les Pixies, Cure ou Police. En réalité, ce sont de faux paradoxes... Evoluer dans le milieu du skateboard a largement contribué à élargir nos horizons et à nous sensibiliser à différents modes d'expression. L'ambition et la témérité, voire l'agressivité se transforment en un processus positif et créatif.

Etes-vous des collectionneurs de disques avant d'être des musiciens ?

M. : Les disques de mes parents m'ont rapidement intrigué. Mon père s'écoute plein de morceaux de groove, de funk ou de soul jazz rarissimes ; ma mère est plus branchée sur les trucs rock et easy listening. Plus jeune, mon grand frère jouait dans un groupe de heavy métal. L'oncle de Ludo était deejay dans les 80's ; et sa programmation oscillait entre Big Beat et New Wave, voire de la production plus funk. Nous avons donc grandi au milieu des années 80. Notre génération se tournait davantage vers le punk ou le hip hop et naturellement vers le vinyle. J'ai vite collectionné les originaux pour mixer ; cela m'avait toujours passionné. Les instruments sont arrivés plus tard pour la bonne et simple raison que c'est quelque chose d'onéreux, d'inaccessible lorsque tu es plus jeune. Au fil du temps, notre culture s'est étoffée. De son côté, la musique s'est démocratisée et décomplexée. Cependant, bien que nous jouions de nombreux instruments, nous nous considérons avant tout comme des producteurs.

Sur le titre " Endless Season ", nous avons l'impression d'entendre une douce référence au " London Calling " de The Clash ? Que pensez-vous du punk ?

M. : L'urgence et la mélancolie se dégagent de ce titre et de son riff de guitare. En réalité, le punk peut devenir nostalgique lorsqu'il sous-tend une référence implicite. Essentiellement pour ceux qui y voient un clin d'oeil aux Clash. Pourtant, de nombreux groupes se sont illustrés en empruntant des éléments à d'autres genres musicaux pour réinventer le rock. Cette démarche nous motive. Nous sommes le produit d'un environnement où le Do It Yourself et l'authenticité comptent encore énormément. Mais il est évident que le punk est devenu un cliché de mode, un univers fantasque où l'esthétique a remplacé l'artistique. Aujourd'hui, tout devient tellement superficiel…

Que pensez-vous des concerts gratuits ? En jouez-vous parfois ?

M. : Les concerts gratos ? Mais ça n'existe pas ! Les représentations nous coûtent toujours de l'argent: alcool, 'etc'... Plus sérieusement, il nous arrive de jouer des concerts gratuits pour des anniversaires, des fêtes ou d'autres événements bien précis. Il n'est pas dérangeant de jouer gratuitement pour une cause caritative. Mais la plupart du temps, ce sont des prétextes avancés pour réduire les coûts et s'en mettre plein les poches. Notre premier concert était d'ailleurs une initiative de ce genre, un concert de soutien,... qui s'est terminé par une disparition de la caisse…

Connaissez-vous quelques artistes belges ?

M. : Des artistes belges ? Quelle drôle de question ! Bon alors… Je pense à dEUS, à Vive la Fête, à Ghinzu, à Girls in Hawaïï, aux 2 Many DJ's ou encore à Soulwax. Les artistes belges francophones, ce n'est pas vraiment notre tasse de thé, à quelques exceptions près !

Quel est l'album préféré de Scenario Rock ? Et dans votre collection, quel est le disque que vous avez vraiment honte d'écouter ?

M. : Ouah, il y a trop de concerts, trop de disques, trop de qualités et de producteurs pour n'en citer qu'un… Par contre, les artistes que nous avons honte d'écouter, on ne les écoute pas. On les fuit ! Ben ouais, faut assumer ces goûts, mec!

Quel est le disque que vous offririez à votre pire ennemi ?

M. : Malheureusement, nous n'avons pas d'ennemi vivant sur la planète terre… Mais si j'en avais un, je lui offrirai notre disque rien que pour lui foutre les nerfs en boule ! Mais j'espère que ça n'arrivera jamais…

Quel est le prochain concert auquel vous assisterez ?

M. : Là, nous sommes impatients de découvrir le LCD Soundsystem de James Murphy à l'Elysee Montmartre ! J'ai l'impression que ça va faire très mal…

 

 

Triggerfinger

Apparemment simple, mais pas simple du tout...

Écrit par

Triggerfinger est un trio issu du Nord de la Belgique, qui possède une réputation d’enfer sur les planches. Lors de l’édition 2007 du festival de Dour, il avait d’ailleurs cassé la baraque. Et pourtant, leur musique est fondamentalement basique. Du rock qui s’inspire d’incontournables formations classiques comme les Stones, Led Zeppelin, AC/DC, Deep Purple, ZZ Top ou encore le Creedence Clearwater Revival et inévitablement de grands guitaristes de blues. Fondée en 1998, la formation avait enregistré un album éponyme en 2004. Son premier. Le groupe anversois vient de sortir son deuxième : « What’s grab ya ? ». Pour la circonstance, le bassiste (Monsieur Paul) et le chanteur/guitariste (Ruben Block) consacraient une journée aux interviews. Ils l’ont déclinée en français, surtout. En anglais, parfois. Et en néerlandais, circonstanciellement. Un entretien fort agréable, au cours duquel nos deux interlocuteurs ont souvent joint le geste à la parole.

Mais tout d’abord, essayons de comprendre pourquoi il a fallu trois personnes pour mettre en forme l’opus : Filip Goris, Jo Francken et Fred Kevorkian. C’est Monsieur Paul qui nous éclaire : « Pour mettre les choses au point, Filip Goris et Jo Franken sont respectivement l’ingénieur du son et le producteur. Quand à Fred Kevorkian, il s’est chargé de la masterisation. C’est un New-yorkais qui a vécu toute une époque à Paris. Nous avons enregistré les bandes au Red Tape Studios. A trois. Bon, c’est vrai que j’aurais pu assurer cette production. Et Filip, mon compagnon de studio, également. Mais je joue au sein de Triggerfinger, et Filip nous connaît trop bien. Or nous souhaitions bénéficier d’un avis extérieur sur notre création. C’est la raison pour laquelle on a demandé à Jo Francken d’accomplir cette tâche. Et le mixing a été opéré aux studios Galaxy à Mol. Pour Fred, c’est une autre histoire. En fait, notre batteur, Mario, a participé à l’enregistrement de l’album de Black Box Revelation. Il l’a produit et apporte également son concours aux drums. Le disque a été mixé aux States et masterisé par Kevorkian. C’est une des raisons pour lesquelles on s’est déplacé là-bas… » Ruben enchaîne : « En fait, normalement nous devions nous rendre à Vilvorde pour réaliser ce mastering ; mais les locaux étaient alors occupés. En outre, nous avions beaucoup tourné, au cours des dernières années ; et nous avions envie de prendre quelques jours de répit. Nous sommes donc partis à New York. » Paul embraie : « Nous nous pointions de temps en temps en studio pour acquiescer ou réfuter ses choix. Et pour le reste on a fait du tourisme. Ce n’est pas parce que c’était mieux de nous envoler là-bas, mais simplement, parce que les circonstances on dicté ce choix… »

On entre donc dans le vif du sujet : les compos de l’album. Mais pourquoi avoir choisi la chanson ‘What’s grab ya ?’ comme titre de l’elpee ? Ruben s’explique : « Ce titre représente quelque chose de très important pour moi. Lorsque j’écoute de la musique, mais aussi dans la vie en général, je suis constamment à la recherche de sensations qui m’agrippent (il saisit son poignet droit de la main gauche), me passionnent, me dévorent… Je souhaite les vivre le plus intensément possible. Même lorsque je sors avec ma copine ou encore quand je vais voir un film. C’est un peu comme si j’avais des oreilles dans le cou. Je pense que ce titre correspond le mieux au message que nous voulions faire passer. » Monsieur Paul exhibe la pochette de l’album : « Et l’image n’est pas explicite. Elle suggère. C’est ‘kapoen’ (NDR : coquin), mais dans le bon sens du terme… »

L’album affiche de multiples références aux groupes mythiques des seventies. Le Led Zeppelin en tête. ‘Lines’ pourrait même devenir leur ‘Since I’ve been lovin’ you’. Et tout au long de ‘Is it’, on a envie de taper du pied comme quand on écoute un morceau de ZZ Top. Paul partage totalement mon point de vue. Mais il nuance : « Ce n’est pourtant pas le but. C’est arrivé par hasard. Certains ont même rapporté que cette compo leur rappelait Status Quo. A cause des riffs de guitare. C’est la dernière chose à laquelle je pensais. Personnellement, j’estime que le morceau évoque davantage Bad Company, le Free et même Humble Pie… » Par contre ‘First taste’ et ‘Halfway town’ se révèlent paradoxalement simples et complexes. En fait, c’est la gestation de ces compos qui a été difficile. Et lorsque je les écoute, les spectres de Mark Lanegan (Screamin’ Trees) ou de Jeff Martyn (Tea Party) traversent mon esprit. Avis que ne partagent pas les deux compères. Monsieur Paul est perplexe : « Je ne vois pas très bien où se trouve la similitude. En ce qui concerne ‘First taste’, on y recèle plusieurs influences rythmiques. Dont celle de Kiss. Mais si notre tempo est plus rapide, il laisse de la place au chant (NDR : il fredonne ‘I was made for loving you’). La voix rappelle plutôt Ian Gillan (NDR : le chanteur de Deep Purple). Pendant le refrain surtout, même si ce n’est pas encore ‘Child in time’ » Ruben vocalise avant de reprendre le crachoir : « Mais c’était inconscient. C’est simplement un ressenti dans la musique. Cette chanson a eu différents refrains avant qu’on ne choisisse le définitif. Mario était satisfait du résultat ; mais j’estimais qu’il y avait moyen de trouver mieux ! Et subitement, l’inspiration et apparue. Et j’ai crié ‘wouaaaahh’. » Monsieur Paul reprend : « Pourtant ce refrain épouse la forme la plus rudimentaire qui puisse exister. C’est une peu comme ‘Be-bop-a-lula she's my baby’. Cela ne veut rien dire, mais tout le monde comprend. » Ruben tente une métaphore : « Et ça gèle dans ma tête avec le reste des mots. C’est complémentaire » Paul revient sur cet épisode : « En fait, au départ, le morceau baignait plutôt dans le country rock. Nous l’avions répété à plusieurs reprises, mais Ruben ne semblait pas convaincu. Et lors de l’enregistrement, il s’est arrêté au beau milieu de son interprétation, en clamant : ‘Ce n’est pas nous !’ Et je lui ai demandé ce qu’on allait faire maintenant. Et il m’a répondu, oublions-le et on recommence tout. Pense à quelque chose d’autre. Il a gratté quelques accords, on a répété cinq ou six fois et soudainement, en deux temps trois mouvements, il était terminé. Sauf les textes. Mais non, la chanson ne me fait penser à rien d’autre qu’à du Triggerfinger. Encore qu’elle baigne au sein d’un climat bizarre, un peu comme dans ‘Pulp fiction’ de David Lynch… Et j’aime bien le disque, parce qu’il paraît très simple ; cependant, je t’assure, ce n’est pas du tout simple… »

L’opus recèle une seule cover : le ‘No Teasin around’ de Billy ‘The Kid’ Emerson. Ruben l’interprète seul. Il la chante en s’accompagnant à la guitare. Un enregistrement qui a son histoire. Il confirme : « Je l’ai enregistré au croisement de deux couloirs, dans l’immeuble qui abrite le studio. En fait, je répétais entre les prises de son, à cet endroit. Sans amplification. Un peu par hasard. Et je me suis rendu compte que l’acoustique était excellente. Donc on a décidé de l’enregistrer à cet endroit. On a transporté le matos : mon ampli, une guitare semi-acoustique, des micros dont un pour mettre avant la guitare et un autre plus sensible pour capter l’atmosphère de la pièce, des couloirs. Et le résultat était stupéfiant. » Paul y va de son commentaire : « Tu entends même l’onglet glisser sur les cordes… » A ce sujet, Ruben est-il constamment à la recherche du riff parfait ? Il réagit : « On a travaillé dur à chercher des éléments qui collent aux compos. Parfois, il est difficile de mettre toutes tes bonnes idées dans le même panier. Parce que si le riff est trop compliqué (il mime), les drums (il mime encore) doivent suivre. Et parfois, c’est ‘too much’ ! J’aime les riffs simples, pas trop sophistiqués et qui collent bien au morceau. Et c’est ce que nous avons essayé de réaliser : créer de bonnes chansons tout en incorporant l’ensemble des instruments du groupe. » Monsieur Paul témoigne : « En outre, il ne faut pas oublier que nous disposons d’un excellent drummer ; et à l’instar des groupes du passé, nous lui donnons également droit au chapitre. C’est notre John Bonham ! » Ruben approuve : « Mario est incontestablement le meilleur batteur en Belgique. Il est important de lui réserver régulièrement de l’espace pour qu’il puisse s’exprimer. Lorsque c’est son tour à se mettre en évidence, on se confine dans la simplicité. Et les deux autres musiciens adoptent cette règle, lorsque c’est la guitare qui se libère ; mais il est important de le faire… »

Finalement, le groupe n’aurait-il pas préféré vivre au beau milieu des seventies ? C’est Monsieur Paul qui prend la parole : « J’ai vécu cette époque. Tu sais, j’ai cinquante balais. J’ai joué au sein d’une multitude de groupes ; mais non, je ne veux pas replonger dans cet univers. C’était trop difficile. Et puis on ne se rendait pas compte des conséquences de notre mode de vie. Il y avait de la drogue partout, personne ne nous disait qu’elle était dangereuse pour notre santé. Or, on en consommait régulièrement. Je l’avoue, parce que je suis encore en vie ; mais j’ai plein d’amis qui ne sont plus de ce monde à cause de cette addiction... En plus, il y a aussi l’aspect technique. As-tu connu ‘Jazz Bilzen ? (NDR : je lui réponds par l’affirmative, puisque j’y ai assisté en 1971). J’y suis allé chaque année. Le matériel de sonorisation qui est aux halles de Schaerbeek, c’est la sono originale de ce festival. La première fois que je me suis rendu à Bilzen, j’avais été impressionné par les haut-parleurs qui crachaient la musique en stéréo (rires). Mais aujourd’hui, si on utilise à nouveau ce type de matériel, tu vas te boucher les oreilles. J’en suis sûr. Mais à l’époque… Depuis, tout a évolué… » Et Ruben d’avouer : « La seul chose que j’aurais voulu vivre, ce sont les concerts de Led Zeppelin, de Deep Purple, du Jimi Hendrix et du Who. Ce sont les seuls regrets que je puisse émettre, en pensant à cette époque… » C’est sans doute la raison pour laquelle Triggerfinger aime les reprises. Et est parvenu à faire de celle du ‘Commotion’ de Creedence Clearwater Revival, son cheval de bataille en ‘live’. Le combo envisage même d’en proposer de nouvelles. Mais uniquement pour les jouer sur scène. Dont des ‘medleys’. A suivre donc… 

Triggerfinger rallie les suffrages des métalleux. Stéphane, notre spécialiste en la matière, se demande si la formation estime être sur la même longueur d’ondes que des groupes comme Southern Voodoo et Cowboy & Aliens ; et si le trio a l’impression d’appartenir à une même nouvelle scène hard rock belge. La question méritait donc d’être posée. Monsieur Paul prend la parole : « Nous connaissons bien les musiciens de Cowboy & Aliens » Et Ruben de remettre les pendules à l’heure : « Mais nous sommes plus rock’n roll que hard rock, je crois. Plus sexy aussi. Dans l’esprit de Chuck Berry. Et pas seulement dans les riffs, mais aussi dans les lyrics. » Monsieur Paul commente : « Triggerfinger existe depuis dix ans, maintenant. Et je suis le plus jeune. (rires) Non enfin, le dernier arrivé, puisque j’ai rejoint le line up, il y a 5 ans. Mario et Ruben y militent depuis les débuts. J’ai connu le groupe impliquant un autre bassiste. Et ce qui me plait le plus chez Triggerfiner, c’est son côté rock’n roll. Un peu de volume, un peu de technique, mais surtout de l’atmosphère. J’aime bien les gars de Cowboy & Aliens, mais je ne crois pas que nous alimentions le même créneau. Il existe des tas de groupe de métal, dont j’écoute les disques dans ma voiture. Mais nous ne sommes pas un groupe de métal ». Ruben raconte : « Lors d’une édition du festival Graspop, j’avais constaté que tout au long du festival, les mecs chevelus, tatoués sur les biceps, s’agglutinaient sur le devant de la scène. Mais lorsque nous avons commencé à jouer, ils se sont tous retirés au bar, à l’arrière ; et leurs copines se sont toutes ruées vers le podium. C’est là que se situe la différence. » Paul nuance : « Ce qui ne veut pas dire que tu dois nécessairement être jolie pour aimer notre musique. Il y a du sexe chez James Brown. Et comme chez lui, notre musique incite à se bouger le cul. » Et Ruben de s’interroger : « Est-il possible de ne pas être trop explicite dans les mots ? Simplement être un peu sensuel, mais pas trop. Un érotisme qui permet de deviner les charmes et de ne pas tout dévoiler. » Paul enchaîne : « C’est ce qu’on aime. Cette tension suggestive, comme chez David Lynch. »

Une chose est sûre, ils aiment les White Stripes. Ruben concède : « Absolument ! Autant les White Stripes que les Raconteurs. Tout ce qui tourne autour de Jack White. C’est un musicien remarquable. » Mais l’artiste auquel ils vouent la plus grande admiration, c’est Howlin’ Wolf ! Cette fascination est même partagée. Paul est le premier à se confier : « Pour moi c’est un maître. Et pour Ruben, aussi. Vraiment. C’est un fil rouge dans notre vie. Parce que c’est un tout grand. Pas seulement comme artiste. Un colosse aussi. Un sanguin auquel, il valait mieux ne pas se frotter, quand il avait bu un whiskey de trop. Contradictoire, mais qui savait ce qu’il voulait. Très structuré aussi. Un business man avec lequel il fallait se lever tôt pour le rouler. Il a un jour déclaré qu’il ne voulait pas signer sur un label, parce que c’était toujours source de problèmes. Je l’ai rencontré un jour. Enfin, sans le savoir. J’étais en compagnie de Roland (NDR : Roland Van Campenhout, un artiste belge notoire dans le domaine du blues). Nous devions assister au concert de Howlin’ Wolf, à la salle Reine Elisabeth de Bruxelles, mais nous sommes restés en rade au bar. Bref, nous étions un peu éméchés, quand soudain, un type de grande taille, de couleur noire, les yeux rouges, vêtu d’un costard, nous demande l’entrée de la salle. Je lui ai indiqué la route, mais je n’aurais pas osé le contrarier. Roland n’a pas dit un mot. Il était pétrifié. Quand le gars est parti, je lui ai demandé, ce qu’il avait. Et Roland m’a répondu : ‘Tu ne l’as pas reconnu, mais c’est Howlin’ Wolf’. Ben, non, je ne l’avais pas reconnu, mais rien qu’en le croisant, il m’avait déjà impressionné. » Ruben en remet une couche : « Pour moi, c’est le plus grand. Le king ! Il avait une voix comme un amplificateur de guitare » Monsieur Paul précise : « Avec des lampes ! ». Et Ruben de conclure : « Tu vois, quand tu m’en parles (NDR : il me montre ses bras), j’en ai la chair de poule…

(Photo : Koen Bauters) 

 

Jeronimo

Little Big Man

Écrit par

L'heure du nouvel album de Jeronimo a sonné. Il y a quelque temps déjà que notre ami Jérôme Mardaga s'y préparait. Comme sur une image en noir et blanc, le garçon était assis sur le vieux banc d'un parc de la Cité Ardente. Pensif et soucieux de son avenir, il restait là, seul sur ces vieilles planches en bois. Obnubilé par ses songes, il s'obstinait à regarder droit devant, cherchant les hypothétiques réponses des mystères de la vie. Et puis, soudainement, à "12h33 ", heure précise, les évènements se sont emballés : Jérôme s'est levé, bien décidé à défendre ses belles histoires tragi-comiques aux doux relents de belgitude.

Que s'est-il passé dans la vie de Jeronimo entre la sortie de son premier album et celle de son nouveau disque ?

Sur le premier album, j'avais encore un job sur le côté… Aujourd'hui, ma vie a changé. Dans une certaine mesure, elle se construit autour de la musique. Je ne vis pas pour autant à 100 % de mon art mais j'y consacre désormais tout mon temps…

Qui était Jeronimo avant de devenir chanteur ?

Jeronimo ? Il était prof de guitare (rires…) Mais entre le prof et le chanteur, il existe une véritable frontière : ce n'est pas du tout la même approche de la musique ! Parfois, c'est étrange : mes élèves me manquent ! J'en recroise certains à des concerts. Mais heureusement aucun d'entre eux ne me balance un reproche du genre : " Tiens, tu nous as salement lâché… " D'ailleurs, lorsque l'histoire Jeronimo touchera à sa fin, je les retrouverai bien assez vite !

Quand Jeronimo part en tournée, loin de sa famille, de ses amis et de son entourage, éprouve-t-il de la tristesse ?

Etonnement, je vais répondre non. La vie est tellement excitante en tournée que je ne ressens pas ce manque, cette sensation de vide. En réalité, il s'agit d'une existence très particulière : un peu concentrée, très exigeante et surtout, très fatigante. En tournée, nous vivons dans une sorte de bulle, hors de toute réalité commune. Bien sûr, certains moments sont plus difficiles, les journées n'en finissent plus et le soir, parfois, la solitude te menace... Mais dans l'ensemble, je ne me plains pas de la vie en tournée…

Sur « 12h33 », la chanson intitulée " La fille que j'aime " évoque un être parfait. T'arrive-t-il de rêver de l'être romantique idéal ?

C'est quelque chose qui m'est complètement inconnu… Cette chanson reste une histoire d'amour très naïve. Le thème de " La fille que j'aime " réside dans un sentiment ambigu, quelque chose d'abstrait et d'inaccessible. Que ce soit clair : la fille dont je parle dans cette chanson n'existe pas !

Pourtant, la thématique de cette chanson risque de toucher bon nombre d'auditeurs. Tout le monde s'interroge, se demande si l'être parfaitement complémentaire existe…

Pour moi, cette hypothèse n'existe pas. Je ne me suis d'ailleurs jamais posé cette question en écrivant la chanson. Personnellement, je considère que les rêves ne sont que mensonges. Et comme le souligne le refrain : " Je rêve de la fille que j'aime ", il ne s'agit que d'un songe, rien de plus…

Quand ton premier disque est sorti, la presse t'a vite collé une étiquette de " joyeux surréaliste " de la chanson française. Aujourd'hui, l'univers de Jeronimo est beaucoup plus terre à terre. Etais-tu conscient de cette évolution quand tu as composé 12h33 ?

Mon état d'esprit a changé : c'est indéniable. A la relecture des paroles du premier album, je me situais en retrait par rapport à mes propres textes et aux différents personnages que je décrivais. Et puis, il y a eu une tournée, des concerts, des rencontres, de nouveaux liens. Tous ces éléments ont engendré un ton nouveau. Au final, j'avais vraiment envie d'écrire un disque plus introspectif. Pour moi, ce nouvel album est plus romantique et désabusé que surréaliste ou cynique, c'est une certitude…

Tu voudrais paraître moins cynique… Pourtant, de nombreux titres prennent un joli bain de cynisme. Tes chansons s'inspirent-elles d'expériences personnelles ?

Oui, c'est une grande différence par rapport au premier album qui n'était nullement autobiographique. Cette fois, la majeure partie de mon travail raconte des circonstances, des humeurs, des sensations, des impressions éprouvées dans différents contextes.

Drôle de réaction : tu connais un chouette petit succès et, paradoxalement, nous retrouvons un Jeronimo plus mélancolique, chantant des textes plus sombres. Nous étions pourtant en droit de nous attendre à des chansons euphoriques après ce premier essai, non ?

A chaque médaille son revers. Le premier album fut très passionnant et enrichissant mais la tournée qui s'en suivi fut très fatigante et dévastatrice à des niveaux plus personnels. J'ai énormément appris grâce au premier album : à répondre aux journalistes (sourires), à monter sur scène, à répondre à l'attente du public, à résister à de fortes pressions, etc. Mais à partir d'un moment, cette vie artistique a pris le pas sur tout le reste. Malheureusement, à l'époque, je ne suis pas parvenu à réprimer ce sentiment de lassitude. Quelque part, j'ai tenu à être honnête sur ce nouvel album et l'affirmer haut et fort au public : " Ecoutez les choses ne marchent pas comme elles le devraient: je préférerai en parler pour qu'elles s'améliorent ! "

Ressens-tu une sorte de pulsion thérapeutique lorsque tu interprètes les chansons de ton nouvel album ?

Cet album demeure une sorte de catharsis. J'ai essayé de coucher sur papier tout ce qui m'avais atteint pendant les deux dernières années de mon existence. Inconsciemment, j'ai certainement déclenché une sorte d'auto thérapie. Aujourd'hui, je me sens mieux. C'est donc que ça fonctionne! Pourtant, c'était réellement difficile. Des gars me croisaient dans la rue: 'Ouah, c'est génial ce qu'il t'arrive !' et inlassablement, je répondais : 'C'est chouette : j'ai perdu ma baraque, je suis complètement déboussolé mais c'est super…' En réalité, la première année d'" Une Vie Sans Toi " fut complètement euphorique et la deuxième restera à jamais gravée dans mon esprit comme une lente descente aux enfers… Sérieusement : la vie d'un artiste n'est pas rose ! La presse a tendance à nous représenter comme des stars logées dans de grands hôtels de luxe. Mais en réalité, il t'arrive de dormir dans une camionnette ou à la belle étoile parce qu'un distrait a oublié de te réserver une chambre. La vie d'artiste, ce n'est pas que des paillettes…

Sur la pochette de " 12h33 ", tu sembles même un peu triste…

Je suis tout seul dans une ville que je ne connais pas. Cette illustration résume assez bien mon état d'esprit de l'époque…

Ce disque marque-t-il un tournant dans la carrière de Jeronimo ?

Je l'espère de tout cœur ! Pour moi, " 12h33 " est un disque de transition. Et ce, pour plusieurs raisons : il n'a pas du tout été réalisé de la même façon que le premier, les paroles sont plus sombres et surtout, pour la circonstance fois, l'éternel petit groupe a eu son mot à dire sur toutes les chansons. Nous voulions éviter de retomber dans le même son et le même ton. Seul, j'aurais refait la même chose… Cette fois, on retrouve du folk, du jazz et du blues : c'est différent !

" Ce que nous ont laissé les vieux " est le titre d'une de tes nouvelles chansons. Ce n'est pas très gentil pour les vieux…

Je le sais… Mais il ne faut certainement pas interpréter ce titre au sens propre du terme ! Il s'agit d'une chanson réactionnaire. Soyons clairs : aujourd'hui, il convient de se couler dans le moule, de porter certains vêtements, de faire des activités de jeunes pour paraître jeune. Bref, nous vivons une sorte de chirurgie esthétique appliquée à la vie. Or, Jacques Brel, par exemple, soutenait que l'accomplissement d'une vie, c'est de vieillir. Il avait entièrement raison : la vie s'écoule et notre existence va dans ce sens là… Cette chanson s'assimile à une réflexion relativement vaste : c'est une interprétation socio-économique mais aussi musicale. Je pense notamment à tous ces vieux cons qui soutiennent ardemment que personne ne fera jamais mieux que les Beatles, que Pink Floyd ou que Bob Dylan. Je déteste cette attitude… Pourtant, je ne remets pas en doute l'immense talent de nos prédécesseurs mais je pense sincèrement que les artistes contemporains sont particulièrement doués…

Certaines de tes chansons respirent la " Belgitude ". " Moi je voudrais ", par exemple, nous procure cette légère sensation patriotique. Est-ce un sentiment voulu et recherché ?

En réalité, j'ai composé cette chanson à Montréal. En somme, on peut soutenir que lorsqu'on s'éloigne de la montagne, on aperçoit mieux son sommet. En écrivant cette chanson loin de chez moi, je me suis laissé davantage de liberté. Cette chanson n'est pas médisante : elle ne fustige aucunement notre pays. Actuellement, sur le plan international, la Belgique est meilleure en musique qu'en football. Alors, pourquoi s'en cacher ? Et puis, au regard de sa taille et de sa géographie, la Belgique rayonne énormément sur le reste du monde. En ce qui me concerne, je me suis vraiment rendu compte de cette situation à l'étranger. Dans le reste du monde, le Belge véhicule une image sympathique : celle d'un individu qui ne se prend pas trop au sérieux, une personnalité emplie d'autodérision et d'un certain sens de l'humour.

Le titre de ce disque suscite une dernière curiosité : Pourquoi avoir opté pour " 12h33 "?

J'ai retrouvé ce chiffre dans mes notes de travail. Je le trouvais beau… il était intriguant et sans signification profonde. Mais faut-il vraiment y apporter une explication ? Bon… (réflexion…) Alors, disons que c'est un simple équilibre entre le jour et la nuit !

 

Eté 67

Objectif grandes scènes`

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Le rock belge fait son show ! L'info n'est pas très récente mais demeure toujours aussi excitante. La scène nationale, en pleine émergence, s'exécute dans la langue de Shakespeare et discute exportation autour d'un bon verre de bière. Mais qui donc s'occupe de Molière dans cette histoire ? La réponse fuse comme un flash-back, une ultime allusion à cet été de l'amour : l'Eté 67. Cette réminiscence hippie revient aujourd'hui de droit à un jeune groupe liégeois. Confectionneuse de rêves musicaux, cette formation s'apprête à répondre simultanément aux étroites exigences des radios, des ados et des prolos ! Eté 67 est une assemblée démocratique, une petite famille composées de six grands enfants : tous des frères… Pour le plus grand bonheur des dames !

Pouvez-vous revenir brièvement sur l'aventure Eté 67 ?

Nicolas Michaux : Nous fréquentions l'école ensemble. C'est là que nous avons décidé de jouer de la musique dès nos 14 ans. Pourtant, nous n'étions pas de bons musiciens ! Disons que nous avons créé le groupe avant même de maîtriser nos instruments. Tout ceci explique en grande partie la bonne cohésion qui existe au sein d'Eté 67. C'est une situation paradoxale puisque nous apparaissons aux yeux du public comme un groupe de jeunes (20 ans de moyenne). Or, notre histoire est déjà longue ! Notre évolution a été constante : des communions, des mariages, des cafés, des salles de concerts, des concours, des victoires et de nombreuses rencontres…

Pourquoi avez-vous choisi de chanter en français ?

N.M. : Dès le début, nous composions en français parce que c'est la langue que nous maîtrisons le mieux ! Il nous a semblé logique de chanter dans notre langue maternelle. De plus, nous avons la chance d'avoir une belle langue d'un point de vue littéraire et poétique…

Depuis la création du groupe, il s'en est passé chez Eté 67 : des concerts, un premier EP, un titre sur la compile des Inrocks, un sur la compile du Soir… Ne craignez-vous pas que les choses ne s'emballent un peu vite pour vous ?

N.M. : Nous sommes très contents d'avoir notre nom publié dans les Inrocks D'autant plus que cette édition présentait Bob Dylan en couverture ! Nous l'adorons tous… Est-ce que cette situation nous effraie ? Non, je ne crois pas. Au contraire, voilà maintenant cinq ans que nous évoluons naturellement…

Nicolas Berwart : Et puis, nous sommes six. Dès qu'il y en a un de nous qui flippe, il peut compter sur le soutien des ses cinq potes…

Nicolas, ta voix trahit parfois des inflexions propres à Bertrand Cantat. Si tu dois aller en France défendre la promo de ton disque, que répondrais-tu à cette constatation ?

N.M. : Déjà, je préciserai que ce n'est pas volontaire. Il convient néanmoins de reconnaître que nous avons écouté Noir Désir et que ce groupe figure certainement sur la longue liste de nos influences.

Pouvez-vous nous citer quelques uns de vos albums préférés parus en 1967 ?

En chœur : Le premier Pink Floyd : "The Piper at the Gates of Dawn ", "Sergent Peppers" des Beatles, "Velvet Underground & Nico ", le premier elpee des Doors.

Comment percevez-vous Eté 67 dans notre paysage musical ?

N.M. : Nous avons certainement une place à part. Eté 67, ce n'est pas vraiment du rock et pas vraiment de la chanson française : c'est un mélange hybride de ces deux composantes. Actuellement, on voit énormément de groupes pop-rock chanter en anglais… Mais qui fait la même chose que nous ? Là, je ne vois pas…

Et comment se positionnent les petits poucets d'Eté 67 par rapport aux autres formations nationales ?

N.B. : Nous sommes plus jeunes que tous les autres. A partir de là, je pense que nous abordons les choses avec plus de naïveté…

N.M : …mais nous les aimons ces groupes ! D'ailleurs, nous avons tous le dernier album de Girls in Hawaïï à la maison ! Cependant, nous n'essayons pas de nous placer par rapport aux autres groupes belges. Même s'ils sont sur la même compilation que nous !

Pouvez-vous nous parler de votre futur album ?

N.M. : …les auditeurs retrouveront " Le quartier de la gare " sur notre album. Par contre, nous n'allons plus le ressortir en single. Ce titre doit avoir sa place sur le disque car les gens l'ont apprécié ! Ce serait vraiment dommage qu'ils ne puissent plus l'écouter… L'accent ne sera donc plus mis sur ce morceau. Nous allons choisir un single inédit pour lancer le CD… De manière plus générale, nous détestons les albums qui donnent cette horrible sensation d'écouter douze fois la même chanson ! Il doit refléter un certain relief, une certaine ligne de conduite, sans être rébarbatif. Nous cherchons la différence au cœur même de notre homogénéité !

N.B. : …il n'est pas encore achevé. Nous avons réalisé les maquettes de nombreux titres : plus d'une trentaine. En principe, nous n'en garderons que douze ! Il devrait sortir en septembre pour le meilleur et pour le pire !

A partir de combien de chansons pensez-vous qu'un elpee est trop long ?

N.M. : Les albums que je préfère durent rarement plus de quarante minutes…

Raphaël Breuer : Bien sûr, il y a des exceptions. Le 'double blanc' des Beatles en demeure sans conteste une des meilleures illustrations !

N.B. : Actuellement, la tendance est à la concision et à l'efficacité. Ces albums sont vraiment excellents ! Personnellement, que ce soit sur disque ou en concert, je préfère toujours terminer sur un goût de trop peu que sur une sensation d'ennui…

Pour l’instant, vous êtes toujours aux études ? Imaginions que votre album rencontre les louanges du public, quelle sera votre réaction ?

En chœur : On arrête l'école et on se concentre à fond sur notre projet !

N.M. : Après le travail que nous avons abattu, nous ne pouvons plus faire marche arrière. Nous ne voulons vraiment rien regretter. Nous ne pouvons passer le reste de notre vie à nourrir des regrets ! Si on y va à fond et qu'on se plante… qu'aurons-nous perdu ?

 
Et si vous voulez vraiment tout savoir sur Eté 67...

 

Quel est pour vous le meilleur album de tous les temps ?

N.M. : " Abbey Road " des Beatles.

R.B. : " Revolver "… des Beatles.

N.B. : " OK Computer " de Radiohead.

Bryan Hayart : "Around The Fur" de Deftones.

 
Quel est le disque que vous offririez à votre pire ennemi ?

N.M. : N'importe quel disque de Fado, cette musique portugaise triste à en mourir !

R.B. : Edith Piaf : " Je ne regrette rien "…

N.B. : N'importe quel album de Stockhausen !

B.H. : Le "Best-of" de Britney Spears...

 
Quel est le dernier concert que vous avez vu ?

N.B. : Experimental Tropic Blues Band et Jeronimo.

B.H. : Experimental Tropic Blues Band et Jeronimo ! Nous étions ensemble...

R.B. : Domguè !

N.M. : C'était Paul McCartney.

 
Quel est le concert que vous regretterez toujours de ne pas avoir vu ?

N.B. : En fait, j'aurai aimé voir les Smashing Pumpkins. Je nourris un réel regret par rapport à ce groupe… Il y a quelques années, j'étais en vacances à Londres et la formation de Billy Corgan jouait juste à côté de l'hôtel où je séjournais. Bien sûr, je n'avais pas de ticket…

B.H. : Noir Désir…

R.B. : The Doors… mais pas ceux du 21ème siècle !

N.M. : Elvis Presley… mais avant son service militaire !

 
Depuis la sortie de votre premier EP, constatez-vous des changements comportementaux du côté de la gent féminine ?

B.H. : Tu parles… Voilà bientôt sept mois que je suis célibataire ! Pour moi, les choses n'ont pas vraiment changé !

N.M. : Disons que les convoitises sont un peu plus pressantes qu'auparavant. Mais n'étant pas libre en ce moment, je n'ai pas vraiment profité de la rançon du succès. Jusqu'à maintenant… (rires !)

R.B. : Plus la scène est grande, plus il y a de filles et plus il faut signer des autographes… (Rires !) C'est vraiment l'objectif 'grandes scènes' !

 
Qu'attendez-vous de la sortie de votre album ?

N.M. : Et bien… des filles et de l'argent… (rires…)

N.B. : Ce disque doit nous permettre de continuer à tourner ! Prouver que la confiance qui nous a été faite n'a pas été vaine !

 

 

 

The Futureheads

Faire preuve de sérieux et de sens de l humour en même temps

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A l'instar de Maxïmo Park, les Futureheads nous viennent du nord-est de l'Angleterre. Pas de Newcastle, mais de Sunderland. Un quatuor responsable d'un excellent premier album éponyme, paru voici quelques mois. Pour le produire, le groupe avait tout d'abord reçu le concours d'Andy Gill (le leader de Gang of Four), un personnage que le groupe admire beaucoup. Malheureusement, le résultat était loin d'être celui escompté ; et la formation de solliciter le concours de Paul Epworth (Bloc Party, LCD Soundsystem, Liars, The Rapture, Maxïmo Park) pour recommencer la mise en forme de la plupart des titres. Faut dire que les musiciens sont réputés pour leur perfectionnisme presque maladif… Ross Millard (le guitariste) et Jaff Craig (le bassiste) le reconnaissent…

Il leur arrive de répéter la même chanson pendant 3 heures, afin d'être absolument sûr qu'elle soit parfaitement au point. Ross confirme : " On l'est même trop. Mais aujourd'hui nous disposons de moins de temps ; et on ne peut plus se permettre de consacrer autant d'énergie à une seule chanson pendant un mois. Les prises sont plus rapides. Parfois la première est la bonne… " Pour eux, ce qui rend la musique intéressante, c'est la manière dont les composants s'articulent et comment ils sont arrangés plutôt que l'écriture. Ce qui explique pourquoi ils s'intéressent beaucoup à la musique mathématique, une scène dite 'néo new wave' qui fleurit aujourd'hui à New York. Ross commente : " Nous voulons concocter une musique dynamisée par les guitares, mais sur laquelle les gens peuvent danser. Dans la britpop, cette notion est un peu trop souvent négligée. Le mouvement new wave new-yorkais incorpore des éléments forts spécifiques, tels que le tempo des drums et les lignes de basse. Et en Grande-Bretagne, beaucoup de groupes essaient de les intégrer dans leur expression sonore. Parfois même depuis plus de dix ans… "

La new wave est une influence essentielle dans l'univers de Futureheads. Et en particulier des groupes comme XTC, Jam, Devo, Buzzcocks, Wire, Cure et bien sûr Gang Of Four. Une sensibilité qui transpire à travers leurs compos. Mais comment être marqué par un mouvement que l'on n'a pas vécu ? Faut croire que leurs parents disposaient d'une belle collection de disques issue de la fin des seventies et du début des eighties. Ross admet : " Oui, c'est un peu vrai ". Jaff reprend le crachoir : " Nous sommes toujours avides de découvertes. Et en se prêtant ces vieux disques, on s'est en quelque sorte influencés l'un l'autre… " Barry semble même avoir des goûts plus éclectiques que ses acolytes. Voire plus classiques, puisqu'il est très sensible aux œuvres de Steve Reich, Philip Glass ou encore Terry Riley. C'est même lui qui a fait découvrir T Rex à ses comparses… Du mouvement britpop, ils ne retiennent que peu de noms. Blur quand même. Et en particulier Damon Albarn, à qui ils vouent un grand respect. Ross embraie : " Un grand parolier. Je ne l'ai jamais rencontré. Il a l'air sympathique. Mais je n'aime pas trop Gorillaz " Jaff insiste : " Blur a été un groupe séminal. A l'époque où tout le monde écoutait de la britpop, Blur ne s'est pas contenté de subir la mode, il est parvenu à la créer. Il y a toujours quelque chose à découvrir sur ses albums. En outre, Damon est un type très talentueux… " Pulp ensuite. Parce qu'ils considèrent Jarvis Cocker comme un fameux lyriciste. Ross nuance : " Mais ce n'est pas notre modèle, car son écriture oscille entre l'autobiographie et l'étude des mœurs des britanniques ; en en particulier ceux des Londoniens. Et puis nos textes sont moins complexes… " Le nom du groupe est inspiré d'une chanson des Flaming Lips, formation qu'ils apprécient, bien évidemment… Ross confirme : " Ils ont effectué un fameux bout de chemin dans l'univers de la pop. Leurs arrangements sont somptueux, astucieux. C'est dingue ce qu'ils sont capables de faire. On les a beaucoup écoutés. Et on les écoute encore beaucoup. Nous leur devons énormément… "

Chez les Futureheads, les vocaux sont particulièrement soignés. Les quatre membres chantent en prenant chacun leur tour la direction des opérations. Pas pour rien qu'ils considèrent les Beach Boys comme un exemple. Ross admet et Jaff confesse : " Tout comme les Beach Boys, nous avons cette opportunité de disposer de personnes différentes capables d'écrire et de chanter. Et puis de réaliser les arrangements vocaux. " L'album recèle même une chanson a capella que le groupe interprète 'live' en faisant participer le public. Et pourquoi une chanson a capella ? Ross se justifie : " Parce que dans les autres chansons, les mélodies peuvent être occultées par les guitares ou les drums. Aussi la formule a capella est une opportunité de chanter en harmonie de façon à ce que les auditeurs puissent entendre cette mélodie sous sa forme la plus pure, sans être assourdi par le reste. Et puis c'est une variante… " Tout comme chez Maxïmo Park, les membres de Futureheads accusent un accent Geordie. Et il paraîtrait que lors de leur périple aux States, qu'ils ont accompli pour assurer le supporting act de Franz Ferdinand, les filles trouvaient ces inflexions sexy ! Ce qui déclenche inévitablement l'hilarité chez nos deux interlocuteurs. Jaff réagit : " Nous ne voulons pas en changer. C'est notre façon d'être. Et tant mieux s'il plait aux filles outre-Atlantique… "

Sur leur premier opus, figure une reprise d'une chanson de Kate Bush, 'Hounds of love'. Mais qu'en pense l'auteur de cette chanson ? Jaff commente : " En fait on n'a pas encore entendu de réaction de sa part. Et on est un peu nerveux à ce sujet. C'est une chanteuse incroyable" (NDR : à cet instant, une lueur brille dans ses yeux). Et Ross de confirmer : " Il est trop intimidant d'entendre sa réaction ; car en fonction de ce qu'elle pensera de cette cover, on arrêtera peut-être de l'interpréter. " Autre plage de l'elpee, 'Decent days and nights' évolue sur un riff de guitare qui rappelle très fort le 'My Sharona' du Knack. Coïncidence ? Jaff concède: " Tu n'es pas la première personne à nous le faire remarquer". Ross précise : " C'est un grand riff. En fait pour cette chanson, nous l'avions avant les paroles. Alors qu'en général, c'est l'inverse qui se produit. " Enfin le fragment qui clôt leur elpee éponyme ('Man Ray') évoque le thème d'une certaine pornographie qui tente de se faire passer pour de l'art. Ross s'explique : " Man Ray est un photographe célèbre pour ses nus. Ce n'est pas parce que vous vous intéressez à la musique que vous ne pouvez pas être branché par l'art. Par la photographie, par exemple. Et ces autres formes artistiques peuvent vous procurer de l'inspiration pour l'écriture. Il est certainement plus enrichissant de passer une journée à visiter une exposition que de parler pour ne rien dire. Il faut plutôt comprendre ce morceau comme la métaphore d'une relation. Qu'elle soit purement physique ou qu'elle aille plus loin… " Chez Futureheads, les lyrics sont, en général, une vision personnelle de leur environnement. Jaff confirme : " Absolument. Ross et Barry se chargent des lyrics. Même s'il y a une différence entre les deux, ils se référent souvent à ce qu'ils vivent au quotidien. " Ross enchaîne : " Nous sommes un petit groupe qui vient d'un coin perdu de l'Albion. Nous nous sentons à l'étroit et nous voulons aller à la conquête de la Grande-Bretagne et pourquoi pas du monde… "

Dans le futur, le groupe à l'intention de modifier sa manière de composer. En essayant de mieux structurer la chanson plutôt que de mettre des idées l'une à côté de l'autre. Mais n'y a-t-il pas un risque de perdre sa créativité en affichant une telle vision des choses ? Jaff se défend : " Je ne pense pas. Dans l'écriture d'une chanson il y a les idées et le canevas. Il faut savoir ce qu'il faut mettre en avant. Faire le tri. Simplifier. Sans quoi, il y trop de matière et on ne s'y retrouve plus. Par contre sur scène, tout ce qui a été écarté est susceptible de revenir à la surface ; de manière à donner une nouvelle dimension aux morceaux… " La formation essaie de composer des titres sarcastiques qui sont mélodiquement joyeux. Suivant leurs déclarations, c'est un peu comme insulter quelqu'un et rire en même temps. Ce qui méritait une explication. Ross éclaircit la situation : " C'est comme si on voulait faire preuve de sérieux et de sens de l'humour en même temps. Un peu comme chez Devo qui formulait des idées avec une expression neutre ; de façon à ce que les gens ne sachent plus s'il fallait en rire ou en pleurer. Je donne un autre exemple : on s'habille très élégamment ; ce qui ne nous empêche pas de jouer une musique énergique. On cherche à créer le contraste. Nous sommes un peu excentriques. Nous ne sommes pas du style à mettre les cartes sur table et à révéler nos sentiments… "

A leurs débuts, les sets de Futureheads étaient particulièrement courts. Un de leurs tous premiers avait d'ailleurs duré 7 minutes ! Un épisode qui les fait encore bien rire aujourd'hui. Jaff raconte : " 4 chansons en 7 minutes pour le premier show, alors qu'on devait jouer un quart d'heure ! " Ross en remet une couche : " Aujourd'hui pour le même concert, on mettrait une heure. A l'époque on nous avait dit que nous disposions de 20 minutes pour se produire. Or notre répertoire n'allait pas au-delà des 15 minutes. "  Finalement, le montage et le démontage du matériel leur avaient pris beaucoup plus de temps…

Merci à Vincent Devos.

 

Machiavel

On a enterré la hache de guerre...

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Si Machiavel a été marqué en 2004 par la disparition d'Albert Letecheur, c'est également l'année au cours de laquelle la formation s'est consacrée à l'écriture et à l'enregistrement d'un nouvel album. Un disque qui vient juste de sortir. Son titre ? " 2005 ". Marc Ysaye, André Borbé, Roland De Greef et Thierry Plas sont toujours de la partie. Et puis surtout Mario Guccio, autour duquel le line up s'est recentré. Thierry, le guitariste, commente le nouvel album d'un groupe qui reste un phénomène en Belgique francophone...

L'album s'appelle " 2005 "? Pour bien dire qu'il est actuel?

Oui, Ces derniers temps, à chaque fois que nous avons sorti un nouvel album, notre firme précédente en a profité pour sortir un best of ou un coffret... Donc, on a choisi " 2005 ", d'autant que ce disque marque un certain tournant dans notre carrière, dans nos vies, dans nos affaires personnelles.

Ah oui, ça veut dire quoi, ça?

Que certaines 'guerres' sont passées. On a tous entre 40 et 50 ans. On n'essaie plus de faire passer l'ego en premier. On a retrouvé une unité. On n'a pas fait une thérapie de groupe, mais on s'est en quelque sorte assis par terre et fait un pow-pow.

Pour décider quoi?

De faire un album fort basé sur les mélodies. Et pour y arriver on a écouté Mario, le chanteur. C'est normal que ce soit lui qui s'occupe vocalement du bazar! On s'est concentrés autour de son travail.

Ce n'était pas le cas avant?

Disons qu'on a chacun nos vieux démons. Mario est sicilien. Pour une raison ou une autre. Moi, par exemple, j'ai toujours été réfractaire aux mélodies disons napolitaines. Mon démon à moi, c'était peut-être assouvir mon trip 'Etre Jimmy Page à la place de Jimmy Page'...

Vous parliez aussi de tournant dans vos affaires personnelles. Vous parliez aussi de votre vie privée?

En ce qui me concerne, je ne suis plus avec Dani (NDR : Dani Klein, la chanteuse de Vaya Con Dios). On s'est quittés en excellents termes. Elle reste dans mon cœur et dans ma tête. J'ai d'ailleurs participé à la confection de son dernier album.

Combien de nouveaux CD Machiavel parvient-il à écouler?

Un peu moins de 10.000 pour le précédent. Nous ne sommes pas un groupe à la mode qu'il faut absolument acheter... Ce qui n'est pas vraiment grave. Même si notre public est plus âgé, nous ne sommes pas à l'abri du phénomène des CD gravés... C'est sur scène que nous devons convaincre les gens de ne pas graver mais d'acheter nos disques.

Le DVD, c'est pour quand?

On n'en est pas encore tout à fait là. D'autant qu'on n'a jamais été le genre de groupe qui fonctionne avec des subsides culturels. On a toujours tout financé de nos propres deniers...

Flexa Lyndo

Trioscopie

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Tout doucement, à petits pas, nous pénétrons dans l'antre du " Slow Club ", nouvel album des Namurois de Flexa Lyndo. Ce disque emporte la somme des frustrations accumulées par les fans : des mois d'attentes pour les uns, des années pour les autres. Retour sans cesse reporté, absence continuellement prolongée : le cycle prend fin. Pourtant, ça a chauffé dans le bloc opératoire ! L'amputation d'un membre (Rodolphe Coster) n'a pu être évitée et la rééducation semblait inévitable : réparation des traumatismes, traitement des infections,… Aujourd'hui, Flexa Lyndo repose fièrement sur ses trois membres et s'affiche plutôt confiant avant d'ouvrir les portes de son " Slow Club " au public… Petite discussion en compagnie de Loïc et Gaël, les compères 'trématiques' de la formation.

Pouvez-vous revenir sur les épisodes qui ont jalonné l'histoire de Flexa Lyndo entre votre album précédent, " Little Everyday Masterplan " et la sortie de " Slow Club "?

Loïc : A la sortie de " Little Everyday Masterplan ", les concerts se sont enchaînés en Belgique et à l'étranger. Durant ces représentations, nous n'avons intégré aucun nouveau morceau dans le set, contrairement à nos habitudes. Nous connaissions une sorte de panne sèche d'inspiration…. Jusqu'alors, le groupe fonctionnait toujours de la même façon : nous réalimentions sans cesse un stock de nouvelles chansons. Après le deuxième album, nous avons eu l'impression d'avoir épuisé ce stock, d'avoir fait le tour de notre univers… Nous avons donc décidé d'arrêter de tourner pour nous concentrer uniquement sur la composition du nouvel album…

Comment ne pas évoquer le départ de Rodolphe Coster (guitare, claviers, chants) ?

Gaël : C'était en septembre dernier… Il a participé à l'élaboration de toutes les chansons du nouvel album et a enregistré de nombreuses parties de guitares. Mais il avait tellement de projets... Notamment, ses rêves les plus fous, tournés vers le théâtre. Il s'est très vite aperçu qu'il ne disposait plus vraiment du temps nécessaire pour assumer tous ses projets. Plus les jours passaient et moins il venait au local de répétition. En fait, c'est Rodolphe, lui-même, qui nous a proposé de prendre un peu de distance…

L. : …par la force des choses, il ne jouera pas sur scène à nos côtés. Mais nous sommes conscients qu'il a mis toute son énergie dans les chansons de " Slow Club ". Quand Rodolphe nous a quittés, nous nous sommes demandé ce que nous allions faire. Finalement, nous avons décidé de 'solder les comptes' et de ne plus rien modifier !

Que pensez-vous de Baum, le nouveau groupe de Rodolphe Coster ?

L. : Nous reconnaissons immédiatement la personnalité de Rodolphe dans ce projet. Il a toujours été captivé par la chanson française, par les mots de la langue française. Nous sommes un peu désolés qu'il ne soit plus des nôtres au sein de Flexa Lyndo mais il ne faut pas s'alarmer : la situation n'est nullement conflictuelle !

Comment expliquez-vous l'envol de votre musique vers des contrées plus électroniques ?

L. : Mon inspiration à la guitare touchait à sa fin… J'étais plus heureux de chipoter sur un clavier que de gratter des cordes ! Et nous avons découvert de nouveaux instruments, des outils formidables qui nous permettaient de créer de la musique autrement…

G. : …les choses ont évolué très naturellement. Pendant la réalisation de notre nouvel album, nous avions enregistré quelques sons sur un ordinateur. Cela nous a donné des idées et offert l'opportunité d'expérimenter de nouvelles sonorités…

L. : …de toutes façons, nous n'avions pas envie de faire du sur-place. Nous avons changé notre fusil d'épaule parce que nos goûts musicaux évoluaient en ce sens ! Mais il est toujours très difficile d'évaluer son travail de l'intérieur ! Car nous sommes profondément immergés dans l'objet même de notre musique.

Une de vos chansons s'intitule " Love The Bomb ". C'est très belliqueux comme titre ! Pouvez-vous nous expliquer cet amour irraisonnable pour les bombes ?

L. : Ce titre trouve une part de son explication dans " Docteur Folamour ", un des grands (NDR : mais en existent-t-ils de petits ?) films de Stanley Kubrick. Le sous-titre de la version originale indiquait " How I Learn to Love The Bomb ". En chantant, j'avais ce " Love The Bomb " qui ne cessait de revenir sur la mélodie. Aujourd'hui, c'est la guerre en Irak. Mais à l'origine, ce n'est pas du tout le thème phare de cette chanson. " Love The Bomb " parle d'une obsession permanente pour une personne, quelqu'un dont on est amoureux, par exemple. Le plus amusant, c'est que derrière cette chanson, les gens identifient directement une logique guerrière, même nos proches ! Ainsi, sur scène, nous sommes accompagnés d'un V-jay. Il a interprété " Love The Bomb " à partir de son sens littéral… C'est très marrant car le thème initial de ce titre réside dans un profond sentiment obsessif.

Sur l'elpee, tu chantes 'The Thing You Wanna Have (But You Don't Have It)'. Est-ce que l'auditeur peut retrouver des traces autobiographiques du groupe dans le thème de cette chanson ?

L. : Cette chanson résume le sentiment frustrant de vouloir à tout prix trouver la perle mélodique sans y parvenir. Ce genre de sensation peut engendrer une réelle remise en question au sein d'un groupe. Parfois, tu peux enregistrer trente prises de voix sans qu'une ne soit meilleure que l'autre... Pour nous, c'est le sens de cette chanson. Mais une fois encore, l'interprétation de ce titre appartient avant tout au public !

Vous êtes dans le circuit depuis de nombreuses années. Quand vous découvrez dans la presse qu'il existe une nouvelle vague de rock en Belgique francophone, quelle est votre réaction ?

L. : Nous ne sommes pas conscients de ce statut. Pourtant, lorsque nous avons annoncé la sortie de ce nouvel album, la presse s'est largement manifestée. Nous ne nous y attendions vraiment pas… Mais que penser de cette 'nouvelle vague' ? Quand les gars du label sont venus nous voir en nous présentant Girls in Hawaïï, leur nouvelle signature, nous avons directement accroché. Antoine et Lionel (NDR : les têtes pensantes de G.I.H.) sont parvenus à séduire facilement le public. Il a quelque chose de très limpide et d'immédiat dans leur musique... De notre côté, nous ne sommes pas du tout frustrés ou jaloux par rapport au succès d'autres groupes belges. En musique, il n'y a pas de mystère : pour réussir à creuser son trou, il faut toujours compter sur la chance et sur un sérieux coup de poker ! Personnellement, je connais trop de groupes qui enregistrent d'excellents morceaux dans l'anonymat… A mon avis, un groupe comme Austin Lace est largement mésestimé ! Je ne cherche pas à comparer l'œuvre de Girls in Hawaïï à celle d'Austin Lace mais quand j'écoute le dernier album d'Austin Lace, je ne comprends toujours pas pourquoi ils ne sont pas encore en haut de l'affiche !

 

 

 

 

Gravenhurst

There's a magic in everything !

Il y a deux ans paraissait le fabuleux « Flashlight Seasons », d'un dénommé Nick Talbot, alias Gravenhurst : du folk mélancolique aux couleurs mortifères, chanté d'une voix hantée sur une guitare en berne. Quel pied : on n'était désormais plus tout seul à déprimer les jours de grisaille, et la biture existentielle de devenir notre sport quotidien. Qu'elle se pare d'oripeaux électriques ne changera pas la donne : « Fire in Distant Buildings », troisième album de Gravenhurst, sonne dès lors comme le témoignage pressant d'un homme qui n'a plus rien à perdre. L'esprit échaudé par la tournure maligne que prend notre société, Nick Talbot fait péter les guitares et cite My Bloody Valentine. Rencontre.

Ce troisième album révèle de nouvelles directions, moins acoustiques que prévues...

Oui, il n'y a plus autant d'éléments acoustiques qu'auparavant, même s'il en subsiste... Je n'avais pas envie de reproduire le même schéma que sur mes deux premiers albums. On va peut-être perdre quelques fans à cause de ce changement, mais on espère en gagner d'autres ! En fait il s'agit pour moi d'une sorte de retour aux sources, puisque avant de fonder Gravenhurst j'avais un groupe rock, Assembly, et d'ailleurs « Down River » date de cette époque : j'ai écrit cette chanson en 1998. Le fait d'avoir gagné un peu d'argent avec Warp m'a permis d'entrer dans un vrai studio et d'enregistrer le disque rock que je voulais faire... S'il m'avait fallu rester coincé dans ma chambre à composer à l'aide d'un micro et un 4-pistes, j'aurais sans doute encore sorti un album folk… Tout dépend des circonstances, en fin de compte ! En fait mes racines musicales sont à chercher du côté de l'indie rock : Joy Division, The Cure, Sonic Youth, ce genre de trucs. Je me suis mis au folk bien plus tard, à l'instar de Nick Drake, Bert Jansch,... Les seuls trucs folk que j'écoutais petit, c'était les Simon & Garfunkel de mes parents ! J'ai vraiment découvert le folk après My Bloody Valentine...

Il y a deux ans au Pukkelpop ton concert était de fait très noisy, et puis tu es revenu à l'AB Club, seul à la guitare. Ca n'avait rien à voir !

Pendant tout un temps je ne pouvais pas me permettre financièrement d'emmener avec moi tout un groupe, mais quand c'était possible, forcément j'avais envie de faire péter la sauce ! Ta réflexion est marrante, parce que l'autre jour on jouait à Londres en première partie de John Parish, et il y avait cette fille au premier rang qui n'arrêtait pas de gueuler : 'J'ai écouté ta musique sur Internet, c'était vraiment joli et calme, pourquoi tu ne joues plus ça ?!?'... C'est d'autant plus amusant que la même semaine sortait dans les bacs ce documentaire sur Bob Dylan (« No Direction Home »), où tu vois tous ces folkeux réac' qui le traitent de Judas parce qu'il se met à jouer électrique... Bordel ! Rien n'a changé depuis les sixties ! C'est comme s'il n'y avait jamais eu le Velvet Underground, c'est n'importe quoi !

Tu évoques ton premier groupe, Assembly... Existe-t-il des enregistrements ?

Non, nous n'avons jamais réussi à choper un contrat avec une maison de disques... Il y a juste un live qui circule sur le net. A l'époque on a donné quelques showcases à Liverpool. On a même eu une review dans le NME... Mais au moment où on a commencé à prêter un peu plus attention à notre sort, Luke, notre bassiste, est décédé dans un accident de voiture... C'était pas de bol, et comme j'avais pas de blé je me suis mis à jouer de la musique plus calme, seul dans mon coin.

Qui sont les autres membres de Gravenhurst à l'heure actuelle ? Des potes ?

Dave (Collingwood), le batteur, joue avec moi depuis des années. Je le connais depuis 7-8 ans. Pour le reste le line-up a souvent changé, mais ce qui est sûr, c'est que Gravenhurst est aujourd'hui un vrai groupe : c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il ne s'appelle pas Nick Talbot ! Parce que j'ai toujours voulu chanter dans un groupe, avoir cette dynamique. De ce point de vue, le jeu de Dave est phénoménal, et son influence est énorme sur la manière dont sont écrits les arrangements. Il bénéficie même d'une partie des royalties, c'est dire...

Ce qui frappe à l'écoute de cet album, c'est son énergie, sa puissance. S'agit-il d'un enregistrement live ?

Oui, nous avons enregistré toutes les guitares et la batterie ensemble, dans la même pièce, au studio Toybox de Bristol. Ce studio est incroyable. Il appartient en partie à John Parish. Il n'empêche qu'il coûte cher d'y bosser. C'est pouquoi j'ai dû continuer à chipoter à la maison, notamment pour les lignes de basse. Mais un morceau comme « See My Friends » n'aurait pas pu être enregistré autrement qu'en live : il suffit d'écouter Dave, qui pète un câble à la fin, c'est démentiel !

Et l'on décèle également un peu plus d'éléments électroniques aux détours de certains titres... Etait-ce une volonté de ta part d'offrir à tes fans quelque chose de nouveau ?

Absolument ! Quand j'ai signé chez Warp pour mon deuxième album « Flashlight Seasons », Steve Beckett voulait savoir comment je voyais l'avenir, et j'étais bien forcé de lui répondre que je n'avais pas envie de m'enfermer dans un seul style. Que ce soit de l'acid folk, du rock à la Sonics, à la Velvet, à la Spaceman 3 ou des trucs à la Stereolab, peu importe ! Et c'est ce qui est formidable chez Warp : ce label te laisse le champ libre à l'expérimentation. C'est pourquoi j'ai signé chez eux.

Et le fait que la réputation du label prenne souvent le pas sur le reste, ça te gêne ?

En fin de compte, tout le monde chez Warp s'en tape : il semblerait qu'il n'y ait que le public et les médias qui y accordent tant d'importance... Les gens s'avèrent, ma foi, fort conservateurs ! C'est la dictature de la génération IDM, qui pense qu'Autechre est le fin du fin… J'ai lu des réactions assez comiques sur certains forums, quand Warp venait de me signer. Un songwriter folk, et puis quoi encore ?!? Les mecs qui me cassaient n'avaient même pas encore écouté ma musique (rires). Brillant !

N'empêche que c'est plutôt nouveau chez Warp, cette tendance au crossover... On sent dans ta musique l'influence du post-rock et du krautrock, par exemple.

Oui, c'est vrai qu'il y a un lien avec toutes ces musiques noisy, basées sur le drone... Ca n'a rien à voir avec « Flashlight » en tout cas, mais il y avait déjà ce genre d'influences sur « Black Holes in the Sun » (le EP 6 titres sorti en 2004) : ce mélange d'idiomes folk et noisy. C'est pareil pour ce disque.

A cet égard, peut-on considérer « Black Holes in the Sun » comme un disque de transition ?

Oui, c'est un disque qui montre une certaine progression, mais j'ai toujours écouté une grande variété de styles. Dans ma discothèque il y a autant du Sandy Denny que du Whitehouse ! Je ne fais pas de distinction : c'est de la musique, point barre !

Parlons de l'album : sur « Down River », le morceau d'ouverture, on dirait qu'il y a de la reverb sur ta voix. Pourquoi cet effet ?

J'avais envie d'un gros son bien spatial à la Talk Talk, de bosser à fond là-dessus, que ça dégage de la puissance. Pareil pour « See My Friends », où je voulais qu'il y ait de la distorsion sur ma voix. Que ça soit bien dantesque ! Il y a pas mal de conservatisme dans le music business, mais ce n'est pas toujours la faute des musiciens eux-mêmes... Le problème, c'est qu'une fois qu'un groupe signe un contrat avec une maison de disques et que son premier album rencontre un certain succès, il subit pas mal de pression pour le suivant. Les fans veulent réentendre le même truc, la maison de disques aussi, et il devient difficile de se remettre en question et d'oser faire quelque chose de différent... Une fois que cette activité devient vraiment ton gagne-pain, tu finis donc par te faire entuber, et c'est le bordel. Mais moi ça ne m'a pas affecté outre mesure, parce que de toutes façons je ne vends pas de disques ! (il se marre) Pour des artistes qui vendent plus, cette situation doit par contre être pénible... A part peut-être pour Jack White, qui peut sortir ce qu'il veut sans s'inquiéter, puisque depuis le début il se fait passer pour un non-conformiste...

Ce qu'il fait sonne pas mal, mais son discours sur la musique est par contre assez regrettable. Quand il déclare fièrement qu'« Elephant » a été enregistré sans l'aide d'aucun ordinateur, c'est un peu pathétique, non ?

Ouais, tout le monde s'en fout ! Son discours conservateur, réac', technophobique, c'est n'importe quoi ! Il s'enlise dans une espèce de théorie mystique sur les bienfaits du rock à l'ancienne, tsss... Tu crois que mon disque, je l'ai enregistré sur un 4-pistes ou un ordinateur ?

C'est absolument impossible de le savoir. Ca ne s'entend pas ! En fait on l'a enregistré sur bandes, puis on a musclé le tout sur ordi. Si tu me fais écouter n'importe quel disque, je ne pourrais pas te dire s'il a été enregistré sur bandes ou sur ordinateur. Ce fétichisme du tout-analogique, c'est une vaste connerie ! Prends le « Blue Lines » de Massive Attack, un putain de classique : il a été enregistré de manière analogique, et franchement qui l'eût cru ? Il sonne pourtant comme un disque super sophistiqué ! J'ai du mal à piger des types comme Jack White, ça me fait bien marrer...

De quoi parle « The Velvet Cell » ? Tu chantes que 'pour comprendre un tueur, il faut le devenir'... C'est une référence au « Dragon Rouge » de Thomas Harris, à « Element of Crime », le film de Lars von Trier ?

Oui, c'est dans le même ordre d'idées. Si tu veux comprendre quelque chose, c'est mieux de te l'approprier, et quand c'est le cas ça commence à t'affecter, à t'influencer... Il y a par exemple cette histoire d'un flic qui s'est fait passer pour un sympathisant du British National Party, le parti extrémiste, et qui devait rendre des comptes au gouvernement. A force de jouer le jeu, inconsciemment il s'est senti influencé par l'idéologie raciste qui sous-tend la politique du BNP... C'est pareil pour ces types qui écrivent des bouquins sur les criminels et les psychopathes. Ce qui est incroyable, c'est que ça te met dans une position où tu n'es plus capable d'avoir un regard critique. Or il s'avère essentiel d'avoir du recul pour émettre un jugement moral. La chanson parle de cette tension palpable.

Pourquoi y a-t-il une reprise instrumentale, plus loin dans le disque, de cette même chanson ?

Parce qu'elle déchire ! Tu l'as écouté au casque ? Fume un pétard, mets le volume à fond, et tu comprendras ta douleur ! Stereolab a fait la même chose, et j'aimais bien l'idée. Les Beatles aussi, sur « Sgt Pepper's »... En fait, pour être honnête, j'avais envie de pousser Dave dans ses derniers retranchements. La version initiale durait plus de 10 minutes : mon but, c'était de le torturer !

On a l'impression que la plupart des plages de l'album pourraient subir ce genre de traitement...

Oui, d'autant qu'il y a pas mal de ruptures de rythme dans des titres comme « Song From Under The Arches » ou « See My Friends », qui laissent la place à ce genre de délire. Ca peut alors durer des plombes, mais tout dépend de l'état mental de Dave... J'adore ça ! Parce qu'il n'y a rien de pire que voir des groupes qui jouent sur scène leur musique comme sur leurs disques... J'aime quand t'as l'impression que les musiciens vont se planter, qu'ils sont au bord de l'implosion, de l'évanouissement : tu n'es pas sûr qu'ils vont s'en sortir, et c'est ce genre de tension que je recherche. Parfois ça fonctionne et c'est terrible, parfois c'est pompeux à mort et vaut mieux en finir. Ca dépend des jours, en fait.

Comme l'écrivait Salinger, 'la plus courte distance entre deux points est un cercle parfait' !

C'est intéressant, tiens, sauf que ça veut rien dire du tout ! La plus courte distance entre deux points, c'est une ligne droite, mmm ? Je ne vois pas trop ce que Salinger a voulu dire par là, mais c'est sûr que ça sonne bien !(rires)

Peux-tu nous en dire plus sur le titre de l'album, « Fire in Distant Buildings » ?

Il vient d'un article que j'ai lu sur Brian Wilson. En pleine paranoïa et tandis qu'il composait une chanson sur son piano, il alluma sa télé et contempla stupéfait qu'un immeuble près de chez lui était en train d'être détruit par les flammes. Comme il était un peu loin dans sa tête, il arriva à la conclusion que c'était sa chanson qui avait provoqué l'incendie... J'y ai vu une belle métaphore de notre société moderne, où tout le monde se sent un peu responsable des merdes qui pourrissent notre civilisation. C'est comme si l'humanité se rendait compte qu'elle avait foiré, mais qu'en même temps elle savait bien qu'elle ne pouvait rien y faire. D'où ce thème de la paranoïa qu'on retrouve sur le disque : on culpabilise, mais en fin de compte c'est de notre faute.

Dans ce contexte, quel est le rôle de la musique ? Peut-elle changer, selon toi, les mentalités ?

Je n'en sais foutre rien, vraiment ! Pour moi la musique, c'est comme un truc transcendantal, parce que de toute façon je suis athée... Je lis énormément d'essais politiques, c'est très stimulant intellectuellement, mais au final ça ne m'apporte aucune paix intérieure – et c'est là qu'intervient la musique. J'ai eu une éducation très rationaliste, ce qui m'empêche de croire en une quelconque religion, et la musique, même si elle n'explique rien, me permet d'accéder à une sorte de stade primal que je ne connais pas via la religion ou que sais-je... En fin de compte, le monde, pour moi, reste un mystère, et j'aime bien cette idée. C'est la raison pour laquelle j'essaie d'écrire mes paroles de manière la plus ambiguë possible, pour laisser place à ce mystère, qui symbolise pour moi une espèce de puissance ancestrale. C'est ce qui donne un sens à ma vie...

On retrouve en effet cette thématique dans les titres et les paroles de tes chansons : ce sentiment de perte, d'abandon, d'ensevelissement...

Oui, prends « Cities Beneath The Sea » par exemple : il s'agit sans doute du morceau le plus optimiste de l'album, qui traite du fait que les pires choses peuvent nous arriver, il y a toujours cette espèce de mystère qui nous sauvera du marasme. Je ne pense pas que l'humanité soit en soi importante : même si la race humaine était rayée de la terre, le monde aurait toujours un sens. Je pense qu'il existe un sens intrinsèque au monde, même sans êtres humains. Il n'y a certes pas de preuves tangibles à cet argument, c'est juste une idée transcendantale... 'No matter how bad the world seems, there's a magic in everything !' 

Bacon Caravan Creek

Le syndrome du perfectionnisme

Écrit par

Auteur d'un premier album fort intéressant et surtout original (" Behind a wish "), paru à la fin de l'année dernière, Bacon Caravan Creek nous vient de la région de Huy. Et pour enregistrer ce premier opus, le quatuor a reçu le concours de Rudy Coclet à la mise en forme, personnage incontournable en Belgique dont la carte de visite mentionne notamment Sharko, Arno et Mud Flow (NDR : ça rime !). Avant d'accorder leur prestation dans le cadre de l'édition 2005 du " D'Hiver Rock ", Nicolas (le chanteur) et Vincent (le bassiste) nous ont accordé une interview. Un entretien qui devrait permettre de mieux cerner le phénomène B.C.C.

La genèse de B.C.C. remonte à 1999. Julien Dacos et Xavier Schmitz se connaissaient depuis l'école. Ils avaient toujours rêvé de fonder un groupe, mais ils ne trouvaient pas de bassiste. Et puis Julien a rencontré Nicolas Perat dans un Supermarché d'Amay. Ils y travaillaient tous les deux comme jobistes. Ont sympathisé. Et comme Nicolas jouait de la basse, leur premier groupe est né. Ils l'ont alors baptisé Explosion. Parce qu'à l'époque, ils étaient tous fans de John Spencer Blues Explosion. Mais rapidement, ils se sont rendu compte que la corrélation était un peu trop évidente. C'est ainsi qu'ils ont opté pour le patronyme Bacon Caravan Creek. Sans raison apparente. Parce que mis en ensemble, ces trois mots sonnaient bien. En réalité, il s'agirait d'une expression qu'ils ont retenue de l'école, du cours d'anglais. Un cliché relatif aux familles américaines qui se nourrissent aux hamburgers et aux sitcoms. A moins qu'il ne s'agisse de la marque d'une caravane. Ou encore d'une référence aux Simpson. Une chose est sûre, les musiciens du groupe prennent un malin plaisir à laisser planer un doute sur l'origine exacte du patronyme. Nicolas raconte : " En fait, nous l'avions surtout choisi, parce qu'il laissait transparaître des connotations blues et rock. Nous interprétions alors de longs morceaux que Julien agrémentait de soli. Progressivement, nous avons voulu apporter à l'ensemble une touche électronique, parce que nous en éprouvions le besoin. A un tel point, qu'à un certain moment, nous écoutions de moins en moins de blues ou de rock et de plus en plus de musique électronique. J'ai donc décidé de m'acheter une petite machine et de me consacrer aussi au chant. Puis on fait appel à Vincent, qui était guitariste à la base ; mais capable de toucher un peu à tout, il est devenu notre bassiste. Mais Julien ne voyait pas l'évolution du groupe d'un bon œil. Et il se rendait compte que sa vision des choses collait de moins en moins à celle des autres membres du groupe. Et il a préféré s'éclipser. C'est alors que nous avons fait appel à John (NDR : Nederlants, ça ne s'invente pas !), qui jouissait d'une réputation de guitariste assez flatteuse, dans la région de Huy. " Et c'est sous cette forme que le combo va entamer la tournée des festivals d'été (Bear Rock, Nandrin, etc.) Vu les échos favorables recueillis lors de leurs prestations, ils décident de s'inscrire au concours organisé par l'asbl Court-circuit. Et de sélection en sélection, ils atteignent la finale, où ils obtiennent la troisième place, le prix du public et le prix Roland récompensant la meilleure démo. Des résultats qui vont leur permettre de décrocher de plus en plus de concerts (dont le festival de Dour) et de se retrouver sur l'une ou l'autre compilation. Bref, fin 2003 le groupe est tout à fait prêt à attaquer l'enregistrement de leur premier opus. D'autant plus que les quatre étudiants bissent leur année d'étude. Une coïncidence ou une fatalité (NDR : biffer la mention inutile) qui semble les avoir beaucoup aidé dans leur entreprise. Même que si l'un d'entre eux avait réussi, il y aurait eu comme un problème.

Mais venons en donc à la confection de cet opus enregistré chez Rudy Coclet, au studio Rising Sun. Le groupe voulait enregistrer un album depuis longtemps, mais cette envie s'est amplifiée à l'issue du Concours-circuit. Nicolas s'explique : " Notre entourage, le public et même des professionnels nous ont aussi poussé à réaliser ce projet. Mais sur un support bien travaillé. Une manière de montrer notre savoir-faire. Pas seulement sur une démo. Sans budget et dans un studio techniquement limité, nous n'aurions jamais pu y parvenir. Heureusement, grâce au prix, nous avons pu disposer d'un budget, minime mais suffisant, pour le concrétiser. " Mais pourquoi Rudy Coclet ? Vincent justifie la décision : " C'est arrivé un peu par chance. Nous connaissions sa carte de visite. Ce qu'il était parvenu à réaliser pour des artistes belges. Et puis c'est le premier à qui on a demandé. Un peu utopiquement. " Nicolas reprend la parole : " Nous avions vraiment flashé sur le deuxième album de Sharko, 'Meeuws2'. L'univers qu'il y développe est exceptionnel. Et on s'est rendu compte que Rudy Coclet ne s'était pas contenté de l'aspect technique, mais qu'il avait aussi mis la main à la pâte. Donc en arrivant en studio, nous savions ce qu'il était capable de faire. Que nous ne nous trouverions pas face à un type qui se contente d'accomplir son job. Point barre. " Vincent confirme : " Nous avions besoin d'un guide et en même temps de quelqu'un qui s'implique ". Et le résultat de ces sessions porte le nom de 'Behind a wish'. Encore que la formation a dû retourner en studio une seconde fois. Parce qu'au départ elle avait l'intention de se limiter à sept morceaux. Et en accord avec l'ingénieur du son, elle y est revenue, un mois plus tard, pour en concocter un supplémentaire. Mais pour le manager, ce format est inhabituel. Ce n'est ni un maxi, ni un album. Aussi, au lieu d'en retirer quatre, ils en ont ajouté deux. (NDR : bonjour la prise de tête !). Dix titres qui baignent au sein d'une certaine ambiance. Et d'ambiance à 'ambient', il n'y a qu'un pas qui méritait d'être franchi. Un avis partagé par Nicolas : " C'est une bonne remarque. Nous voulions que les auditeurs puissent écouter l'album d'une traite. Qu'ils n'aient pas l'envie de privilégier une plage en particulier, parce qu'elle sortirait du lot. " Cependant, pas au point d'épouser une forme conceptuelle. Nicolas confirme : " Absolument ! C'est ce que nous voulions. " Et Vincent en remet une couche : " Il est possible d'écouter chaque chanson individuellement, mais aucune d'entre elle ne se démarque. C'est un ensemble. On n'achète pas le CD pour une seule chanson. " Nicolas embraie : " Le temps passé en studio, nous l'avons consacré à la recherche d'ambiance, plutôt qu'à mettre en exergue une compo qui claque bien ! " Et comme le groupe est perfectionniste, on imagine facilement le somme de boulot qu'il a fallu déployer. Vincent admet : " Nous passons beaucoup trop de temps pour les détails, dont la plupart n'aboutissent jamais à rien. Mais pour cet album, on a réalisé un énorme travail de recherche. Avant et pendant l'enregistrement. Nous avons utilisé de nombreuses pistes. Parfois 50 ! Même si cette quête du détail n'apparaît que par bribes. On ne s'est pas limité à la chanson telle quelle. " On comprend mieux pourquoi les musiciens se remettent constamment en question. Toujours ce syndrome du perfectionnisme ! Nicolas avoue : " Chez nous cette remise en question est permanente. Lors de chaque répétition. Avant un concert, nous exprimons ainsi nos craintes. Après un concert, on fait l'analyse de notre prestation. Et si un set a foiré, nous rectifions le tir de fond en comble. Donc tous les morceaux. Et encore une fois cette méthode rejoint notre besoin de recherche d'ambiance plutôt que de mettre le paquet sur un morceau bien calé. Parce que chez nous, la vision d'une chanson change constamment. Donc à la limite, celle qui véhicule le plus d'émotion est produite sur l'album. Tandis que sur scène, nous fonctionnons à l'émotion du moment, de la semaine, etc. " Et pas facile d'exprimer ses émotions lorsqu'on est introvertis. Nicolas confesse : " Oui, nous le sommes. Tous les quatre. Personnellement, sur scène, je m'accroche à ma planche et j'ai dû mal à la lâcher pour montrer que j'adore jouer en concert. Nous aimons tous nous produire en 'live'. Mais hors de la scène, nous somme très introvertis. " Vincent insiste : " Timides même. Nous éprouvons certaines difficultés à nouer des contacts avec les autres groupes. Et lors d'un set, nous ne sommes pas enclins à inviter les spectateurs à chanter ou à frapper des mains. " Ce qui explique sans doute pourquoi on ressent une certaine angoisse à travers leur musique. Une inquiétude face à l'évolution du monde contemporain. Nicolas précise : " Inconsciemment certainement. Mais ici ce n'est pas voulu. On n'a pas insisté pour que les morceaux soient mélancoliques ou lents. Ils sont nés tout naturellement. Ils sont tout simplement le reflet de notre génération. " Une angoisse que le groupe a en quelque sorte exorcisé en entrant en studio. Nicolas confirme : " Nous avions conscience que c'était la première et la dernière chance de faire un album. Et qu'il ne fallait pas la laisser passer. Que c'était le bon moment pour investir le budget dont on disposait. Donc on y a mis toute la gomme " Un moment d'autant plus idéal que le rock wallon est en plein boom aujourd'hui. On peut même affirmer que des formations comme Girls In Hawaii et Ghinzu ont tracé la voie à suivre. Vincent partage ce point de vue : " Je ne crois pas que nous aurions pu sortir cet album, il y a 5 ou 6 ans. Le contexte est aujourd'hui beaucoup plus favorable, c'est vrai ! "

Mais qu'est ce souhaite vraiment le groupe (NDR : par référence au titre de l'elpee " Behind a wish ") ? Nicolas réagit : " Je suis content qu'on me pose cette question. Parce qu'on ne la pose jamais. Or, nous craignons que le public pense que le titre se résume simplement au souhait de sortir un album. Qu'il ne se rende pas compte de son sens véritable. Que la plupart des lyrics de notre disque traitent de l'hypocrisie en général. C'est dans ce sens là qu'il faut le comprendre. Que se cache-t-il derrière la tête de quelqu'un qui vous souhaite de bonnes choses ? De gens qui vous tendent la main ou refusent de vous la tendre ? Des faux amis ? Des réflexions qui entraînent beaucoup de stéréotypes. Et sont également le fruit d'expériences personnelles. Mais je pense que finalement elles reflètent une espèce de vision du monde… " A contrario, en choisissant d'être bookés par l'agence 'Progress in Booking', le groupe pense avoir fait le bon choix. Nicolas s'explique : " Nous avions fait écouter notre musique à beaucoup de monde. C'est un des premiers retours positifs que nous avons reçu. Bernard est venu nous voir et nous parler plusieurs fois, à l'issue de quelques concerts. En disant ce qu'il pensait vraiment. Et puis au fur et à mesure, le courant est passé de mieux en mieux. Nous partagions la même vision des choses. Et puis nous avions peur de recevoir des propositions malhonnêtes… "

Au rayon influences, la plupart des médias citent Notwist et Radiohead. Une question qui méritait bien sûr d'être posée. Vincent prend la parole : " Les 3 ou quatre dernières critiques de l'album parlent de Notwist et d'Elbow. Un de ces articles mentionne même que notre disque a été recopié sur un des premiers elpees de Notwist. " Nicolas se défend : " Nous n'avons rien recopié, nous ne connaissions même pas Notwist. Et lorsque nous l'avons écouté, nous en avons conclu que la coïncidence était vraiment extraordinaire. Le même phénomène s'et produit pour Arab Strap. Lorsqu'on écrit qu'un groupe nous ressemble, nous avons envie de l'écouter, pour en avoir le cœur net. En ce qui concerne Radiohead, c'est tout à fait différent, puisque nous apprécions tous leur culture. " Et Vincent d'ajouter : " Je crois que ce groupe a influencé tellement de monde. Et en influencera encore pendant un certain temps. Il est devenu en quelque sorte intemporel. Maintenant, nous écoutons tous des choses différentes. Et John des musiques plus complexes que nous. Comme Mars Volta, par exemple " La musique de B.C.C. s'est également vue taxée de noisy. Ce qui a bien fait rire les musiciens. Nicolas reprend le crachoir : " Nous ignorons d'où viennent ces bruits ( ?!?!?), mais on n'a pas cherché non plus. On a même repris l'info quelque temps sur notre site, histoire de marcher dans le jeu. Parce qu'on trouvait que cela faisait bien d'être étiquetés 'noisy'. Lorsqu'on fait le bilan, on ne compte plus le nombre de comparaisons dont on a fait l'objet. C'est inimaginable ! Mais c'est bien ainsi. Cela signifie que nous touchons le public de manière différente. " Comme celle qui les a rapprochés de dEUS, par exemple. Pourtant, on ne peut pas dire que la musique du quatuor soit baroque. Nicolas a son avis sur le sujet : " Probablement plus au niveau de la démarche et du concept que de la musique. Plutôt que de faire constamment écouter le résultat de nos expérimentations à d'autres personnes ou à d'autres groupes, nous préférons nous cloîtrer tous les quatre. Nous ne faisons pas partie d'un collectif. D'une maison, d'une ville, d'une région où il existe une scène rock. Nous avons toujours préféré travailler en circuit fermé plutôt que de se fondre dans un ensemble. Et à ce niveau, je comprends mieux la comparaison à dEUS. Mais il est vrai que pour la musique, on est loin du compte… "

(Photo : Olivia Londot)

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