Ils vivent tous trois à Paris mais sont issus d'horizons différents. Leo Hellden (déjà aperçu chez Aswefall) est suédois d'origine, Narumi vient du Pays du Soleil Levant et Maik (ex-Earthling), de Jamaïque, après un crochet par Londres. Leur rencontre a accouché d’un trio unique de musiciens éclectiques, qui font éclater les limites fictives entre les genres musicaux. Ils mélangent ainsi post-punk, minimal synth, kraut, house et même rap au sein d’un cocktail véritablement singulier. Remarqué en 2012 par Karl Lagerfeld, qui les avait programmés lors du défilé ‘Chanel Printemps/Eté’, le groupe a depuis tracé un profond sillon dans le paysage de la musique alternative, signant trois albums et trois Eps remarquables. Musiczine les a rencontrés en marge du concert accordé à l'Atelier 210, à Bruxelles, aux côtés de Vox Low et Radar Men From The Moon, une soirée mise en place par Goûte mes Disques et Les Actionnaires.
Parlons tout d'abord de ce patronyme : Tristesse Contemporaine. Il s’inspire d'un bouquin, si je ne m'abuse ?
Leo : Oui, écrit par un historien de l'art, un Belge, justement, Hippolyte Fierens-Gevaert, un livre publié en 1899. Il s'intitule ‘Tristesse Contemporaine, un essai consacré aux grands courants moraux et intellectuels du XIXe siècle'. Je travaillais dans les ouvrages anciens et l'expression 'tristesse contemporaine' m'a plu.
Votre style musical est unique en son genre. On y décèle, entre autres, une inspiration très orientée 'wave', voire même ‘post punk'. Exact ?
Leo : Beaucoup de gens pensent que nous nous sommes inspirés des noms en langue française des groupes des années '70-'80, comme Cabaret Voltaire ou Trisomie 21...
Narumi : Liaisons Dangereuses...
Maik : Depeche Mode... Tiens, ils ne sont pas de nationalité belge, Depeche Mode ? (rires)
Leo : D'une certaine façon, on avait envie de revivre cette époque des eighties, un âge d'or dans beaucoup de domaines artistiques. Mais l'objectif n'était pas de créer nécessairement de la musique orientée 'wave'.
Narumi : On souhaitait juste opter pour un nom de groupe en français, vu qu'on était tous les trois des expatriés vivant en France.
Leo : Au début, on avait écrit une chanson très 'wave', intitulée « In The Wake », en forme de clin d'oeil à The Wake, une formation de post-punk issue des années quatre-vingt.
Mais le titre de TC le plus emblématique, le plus connu, c'est quand même « I Didn't Know » (en écoute ici) ?
Leo : Oui, c'est celui qui a rencontré le plus de succès.
Où puisiez-vous votre inspiration, à l’origine ?
Narumi : L'album qui nous relie tous les trois, c'est « Seventeen Seconds », de Cure.
Leo : J'ai aussi flashé sur Cocteau Twins, suite à une rencontre avec son guitariste, Robin Guthrie. C'est un peu plus soft, onirique, mais ça me plaît beaucoup.
Narumi : Oui, Cocteau Twins, c'est énorme.
Leo : J'aime surtout les sonorités de guitare. Par exemple, sur notre premier titre, « 51 Ways to Leave Your Lover », en fin de parcours, elles sont très inspirées de Robin Guthrie. A l'époque, j’avais même acheté le même matériel que lui.
Narumi : On est aussi marqués par Can et le krautrock en général. A cause de cet aspect répétitif...
Leo : Hypnotique…
Narumi : On aime aussi le krautrock électronique, comme, par exemple, celui de Cluster.
En outre, dans votre musique, il existe un élément 'dance', 'groovy', un côté syncopé qui rend les chansons irrésistiblement dansantes...
Maik : Oui, on a un 'shuffle' très post punk, inspiré par Martin Hannet. Et on est très créatifs en matière de sons. On utilise des canettes de bière, même des paquets de chips ! (rires)
C'est une démarche très 'industrial', très berlinoise, abordée un peu dans l’esprit de Einstürzende Neubauten !
Leo : Oui, c'est très 'industriel'. On aime mélanger les genres.
Abordons vos productions récentes. L'année passée, vous avez publié l'album « Stop and Start » et il y a quelques jours, un single « Out of my Dreams » (en écoute là) qui, à mon sens, présage une nouvelle direction ?
Maik : Pour ce morceau, oui mais pour la suite, on ne sait pas. On l'a enregistré assez rapidement, sans réfléchir. Il est plus rap.
Oui, en tout cas dans la partie vocale.
Maik : Toutes nos nouvelles compos convergent vers le rap. Mais c'est un rap anglais, très trash, très punk, pas du tout comme le rap américain. On est plus proche de celui pratiqué par Sleaford Mods.
Au niveau de la musique, j'ai décelé dans le ‘track’ un côté années '90, un peu 'acid'...
Leo : Ce titre était un peu une expérimentation. C'est pourquoi on ne peut pas dire que ce soit vraiment une nouvelle orientation pour notre projet. Une de nos influences actuelles est Rage Against The Machine. Je rêve depuis longtemps de réaliser un morceau aussi puissant que « Killing In The Name of ». L'autre option, c'est d'aller vers quelque chose de plus 'freaks', un peu comme Marilyn Manson. L'envie de choquer un peu.
De sortir de sa zone de confort ?
Leo : Oui. De réaliser quelque chose qui dérange un peu.
Maik : Il existe aussi le côté 'emo-rap'. On aime bien flirter un peu avec cette vague qui marche très fort pour l'instant. Le trash et même le mauvais goût...
Narumi : C'est un peu comme dans la mode. Elle peut être 'shocking' et en même temps, très 'classe'.
En conclusion, que recommanderiez-vous comme titres intéressants à (re)découvrir ?
Maik : J'ai récemment entendu un morceau de MorMor intitulé « Heaven's only wishful ». C'est davantage de la pop que de la wave mais j'aime bien ce mélange de genres.
Narumi : Perso, il s’agit d’un titre de Not Waving, avec le featuring de...
... de Marie Davidson ?
Narumi : Oui, c'est ça : « Where are we ».
Leo : De mon côté, je choisis le remix que nous avons réalisé du titre « Piscine Palace » de LuLúxpo. C'est un couple franco-argentin qui vivait en Suisse et s’est aujourd’hui établi en Espagne.
Merci à Tristesse Contemporaine, Atelier 210, Goûte Mes Disques, Les Actionnaires, Corida, WAVES et Radio Vibration.