Antoine Flipo (synthés) et Martin Grégoire (batterie) ont fondé Glass Museum en 2016, un duo qui a, quelque part, osé bousculer les codes du jazz. Depuis, le tandem a décroché plusieurs prix, s’est produit à Dour, à l’Ancienne Belgique et même dans le cadre de festivals renommés à l'étranger. En 2018, il a gravé “Deux”, un tout bon premier elpee. Et le second, “Reykjavik” paraîtra ce 24 avril 2020. Un disque dont la musique mêle jazz et musique électronique. Mais pas seulement. L’occasion était donc belle de poser quelques questions à la paire. Un questionnaire soumis par e-mail.
Quelle est l’origine du patronyme Glass Museum ? Et d’où vient le groupe ?
Notre duo batterie-synthé est établi à Bruxelles et notre style oscille entre jazz, électronique et néoclassique. Le nom est issu d’un morceau du groupe Tortoise. Il évoque la fragilité et la puissance du verre, qu’on peut ressentir dans notre musique.
De nombreux événements se sont produits pour vous, depuis 2016 : performances à Dour et à l’Ancienne Belgique outre les récompenses que vous avez remportées. Comment avez-vous vécu ces moments intenses ?
La première année nous a réservé de nombreuses surprises. On venait de lancer le projet et notre deuxième concert s’était déroulé à Dour. Nous étions en 2016. Il s’en est suivi la finale du concours circuit, et des moments mémorables comme ceux vécus l’AB, la sortie de notre premier album, “Deux”, et des concerts accordés en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas….
Cette période mouvementée vous a-t-elle rendu plus fort, quand on sait que pour de nombreux artistes, elle est souvent considérée comme préjudiciable à l’équilibre d’un groupe ?
On s’est toujours bien entendu, et les rôles ont toujours été bien répartis entre nous deux, tant pour la composition que l’organisation… Nous n’avons pas vécu de tensions majeures au cours des premières années, car je pense qu’on est toujours parvenu à bien communiquer… Maintenant, il faut reconnaître qu’au cours des derniers mois, on a accumulé beaucoup de fatigue et de stress, afin de préparer l’enregistrement du deuxième album, mais c’est finalement une bonne expérience qui s’est révélée gratifiante…
Après avoir écouté votre nouvel opus, « Reykjavik », à plusieurs reprises, il semble que vous ayez réalisé un mariage parfait entre le jazz et la musique électronique, mais dans un large contexte. Qu’en pensez-vous ?
On a attaqué les compos de cet album, directement après la sortie du premier, « Deux » en mai 2018. Ce dernier constituait une synthèse de nos deux premières années de tournée. Pour « Reykjavik » on a voulu davantage se concentrer sur la recherche de sonorités, entre morceaux acoustiques et arrangements électroniques. Contrairement au premier, celui-ci a été composé pour le studio.
Au fait, quelle est la signification exacte de ce titre ?
Lorsque le disque est sorti, nous avons posé une réflexion autour de l’ambiance générale au sein de laquelle baigne la musique. L’Islande, où nous nous sommes produits, en novembre 2019, nous rappelait le climat froid de l’album, les grands espaces, les éléments, et cet univers collait assez bien aux sonorités très aériennes de nos morceaux. C’est pourquoi on l’a intitulé « Reykjavik » …
En laissant libre cours à son imagination, le décor devient rapidement cinématographique. Des images très apaisantes qui conduisent parfois au big bang. Qu’en pensez-vous ?
Notre musique est, en effet, assez cinématographique, elle dépeint également des paysages, des cadres naturels… C’est à cause de son aspect néoclassique, de la structure de base des compos très mélodiques au piano. La batterie est destinée à imprimer un rythme à ces fresques, et les ambiances électroniques/synthé apportent une texture, une couleur en plus.
Parfois on a aussi l’impression de vivre un beau duel entre percussions et piano. Et le résultat est superbe. Qu’en pensez-vous ?
Quand on a commencé le projet, nous rêvions effectivement d’un combat entre le piano et la batterie, parce que l’impro jouissait encore d’une place de choix lors des concerts, et que les compositions étaient issues de jams. Aujourd’hui, on pense davantage à une alliance, face à face, sur scène comme lors des répétitions.
Avez-vous l’impression d’être devenus plus proches, depuis ?
Entre les concerts, le studio, les répètes, le temps nécessaire à la composition et la fête, on passe quasiment la moitié de notre temps ensemble depuis 4 ans ! Donc oui, en évoluant ensemble pour ce projet, nous nous sommes rapprochés !
Outre le jazz et la musique électronique, votre musique laisse transparaitre subtilement des traces de post rock.
Effectivement ! On apprécie des formations comme Godspeed You! Black Emperor, Slint, Mono, Mogwai, Sigur Ros, Mùm… Je le précisais en début d’interview, le nom du groupe est directement inspiré d’un titre du groupe de post rock, Tortoise ! Il existe aussi un duo de post rock piano-batterie qui s’appelle Nordic Giants.
Et justement, quelles sont vos influences majeures ?
Nos principales influences ont toujours été puisées au sein du catalogue Gondwana Records : Gogo Penguin, Portico Quartet, Mammal Hands… On aime également les artistes du label électro Erased Tapes, et tout particulièrement Nils Frahm, Ólafur Arnalds, Rival Consoles ou des projets plus classiques du label WARP tels que Battles, Boards of Canada ou encore des producteurs comme Floating Points et Four Tet. Mais il y en a aussi d’autres…
La manière dont vous entraînez le mélomane sur un chemin de traverse à travers des mouvements ondulatoires est de nature à combler l’aventurier que je suis. Cette approche est-elle délibérée ?
On compose parfois des ballades, comme « Colophane » ou des morceaux plus progressifs tel « Abyss », mais on affectionne les structures afin qu’elles puissent surprendre le mélomane et l’emmener sur des terrains inattendus, un peu comme si l’écoute intégrale de l’album ressemblait à un voyage…
De nombreux jeunes s’intéressent aujourd’hui au jazz. A Gand la scène est florissante ; mais il me semble également que Bruxelles n’est pas en reste….
Il se passe effectivement quelque chose dans l’univers du jazz ‘hybride’, en Belgique. En Flandre, ce mouvement a été baptisé la ‘new wave of Belgian jazz’. On y retrouve des groupes qui nous ont inspirés à nos débuts, comme STUFF. ou Black Flower… En région Wallonie-Bruxelles, c’est moins perceptible, mais dernièrement, des excellents bands de jazz y sont nés ; et on pense à Commander Spoon, Echt ! ESINAM ou The Brums !
Près de l’AB, il existe un club de jazz qui est en plein boom. Pourquoi le jazz est-t-il redevenu aussi populaire auprès des jeunes ?
A mon avis, le phénomène vient des Etats-Unis. Des artistes comme Kamasi Washington, Thundercat ou BadBadNotGood sont parvenus à mêler jazz et hip hop, en collaborant avec des Kendrick Lamar, Tyler The Creator ou des producteurs électroniques comme Flying Lotus. Une situation qui a nourri le genre, apporté une influence éclectique importante en Europe sur les nouveaux projets de jazz moderne. On peut aussi citer le label Brownswood, sur lequel on retrouve Kokoroko, Nubya Garcia, Comet is Coming. Une scène londonienne en plein essor et hyper hype pour le moment !
Alors le créneau de Glass Museum, il est jazz ou va-t-il au-delà de cette définition ?
Il est difficile de catégoriser notre musique dans un style… Je crois que le terme ‘jazz’ est un mot générique assez large du terme qui inclut de nombreuses recherches sonores associées à la musique acoustique. Dans notre cas, on a plutôt tendance à dire qu’on est influencés par le jazz, mais nous ne maitrisons pas vraiment les codes du jazz classique.
Lors de certains concerts, le public est souvent beaucoup plus âgé que vous. A moins que ce ne soit une fausse idée, dans le cas de Glass Museum…
Tout dépend des contextes… Les statistiques youtube et spotify attribuent une moyenne d’âge entre 25 et 35 ans à notre public. La réalité aux concerts est un peu différente : dans des salles plus classiques ou festivals un peu spécialisés en jazz, comme c’est majoritairement le cas pour nous, il est vrai qu’on rencontre un public un peu plus âgé que lors des festivals, comme celui de Dour par exemple.
Vu les règles actuelles relatives au confinement, votre planning en matière de concerts est plutôt aléatoire. Comment gérez-vous cette situation ? Quand espérez-vous reprendre votre tournée ?
Actuellement, nous sommes occupés de reprogrammer un maximum de dates vers septembre/octobre, dans la mesure du possible. D’autres sont malheureusement annulées… La release party au Botanique, est reportée au 7 octobre ! Ce sera un moment important pour nous.
En peu de temps, vous avez réussi à réaliser pas mal de vos projets. Mais y en a-t-il un qui vous tient encore le plus particulièrement à cœur ? En d’autres termes, quelle est votre ambition ultime ?
Notre rêve serait d’être reconnus à l’étranger, de remplir des salles de taille moyennes partout en Europe. Et aussi, pouvoir vivre de la musique car actuellement ce n’est pas le cas !
Avez-vous un message à transmettre à nos lecteurs ?
Oui, on espère vous voir lors de notre release party qui se déroulera le 7 octobre à Bruxelles ? ! Ce sera l’occasion de fêter la sortie de l’album dans le cadre d’une des rares dates accordées en Belgique…
Photo : Barthélemy Decobecq
Adaptation : B.D.