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Quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde… Spécial

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Si Nicolas Michaux s’est fait connaître en drivant Eté 67, une formation qui a sévi de 1998 à 2002, il a depuis embrassé une carrière solo. Il a vécu quelques années à Bruxelles avant de rejoindre l’île de Samsø au Danemark pour des raisons familiales. Son deuxième album, « Amour colère », est paru en septembre 2020. Depuis, il n’a pas eu beaucoup l’occasion de se produire en ‘live’. C’était donc une belle opportunité de le rencontrer dans le cadre du (presque) festival Lasemo rebaptisé (forcément) pour l’occasion ‘Ceci n'est toujours pas LaSemo’, en raison des contingences liées aux mesures sanitaires encore d’application en cette période de l’année. Ce nouvel opus est moins pop que le précédent, un disque davantage orienté vers les années 60-70. La prise de risque est d'autant plus grande…

La musique que je produis est le reflet de ce que je vis. Le premier album était effectivement plus pop. Je l’ai réalisé lorsque je vivais à Bruxelles. Je m’étais entouré de musiciens établis dans la capitale. C’était une phase assez folle et urbaine de mon existence. C’était en quelque sorte un nouveau départ comme le titre éponyme d’ailleurs. Le son était clairement influencé par la scène pop bruxelloise qui s’est révélée entre 2014 et 2016. Le nouvel album représente une autre partie de ma vie. Sa couleur est donc naturellement différente. J’ai enregistré ce second opus à la maison, à Samsø très exactement, là où je vis la plupart du temps avec ma compagne et ma fille. Je dirais qu’il est plus intimiste et sans doute plus proche de mes racines originelles. Plus en adéquation avec les années 60-70 aussi. Ce sont mes références. Ces années m’ont guidé dans l’apprentissage de la musique. Raison pour laquelle le disque emprunte cette direction...

Dix nouvelles chansons, tantôt en anglais, tantôt en français. As-tu choisi de chanter dans ta langue maternelle pour communiquer davantage d'émotion ?

Je ne le pense pas. Chaque langue est susceptible de faire passer des émotions. Le Buena Vista Social Club et George Harrison travaillent avec le même matériau. C’est une discipline à laquelle les songwriters doivent se soumettre. Si j’avais dû parler une autre langue, j’aurais pris un plaisir identique à chanter. Je crois qu’il s’agit avant tout d’une question de moyens que l’on se donne. Avant, le seul outil à ma disposition était le français. Par la suite, la vie m’a amené à lire et parler davantage dans la langue de Shakespeare. Cette langue s’est peu à peu immiscée dans mes textes. Ce qui m’a permis d’élargir mon chant d’action. Mais finalement, les questions linguistiques ne sont pas très importantes.

« A la vie à la mort » était un disque davantage collectif et déstructuré. « Amour Colère » a suivi un processus plus personnel et direct. Cette volonté de sobriété traduit-elle une recherche d’authenticité ?

Lors de l’enregistrement du premier album, on appartenait à cette fameuse scène. Aussi, quand tu es en studio entouré d’une équipe, fatalement, elle t’influence et du deviens, quelque part, un porte-parole. Les chansons sont destinées à un collectif qui peut y voir une manière de s’exprimer. « Amour Colère » est un essai qui a été confectionné en mode ‘bedroom pop’. Hormis la batterie, j’ai joué tous les instruments. Je me suis aussi aidé de boîtes à rythmes. Morgan s’est ensuite chargé d’y mettre les frappes. Le processus est solitaire et donc plus personnel. J’espère néanmoins qu’il y a un peu d’universalité dans ce que je raconte parce qu’on passe tous par les mêmes épreuves et les mêmes bonheurs. Le côté porte-parole d’une scène est inexistant ici contrairement au disque précédent.

Il s'agit d'un opus sans artifice et sans fioriture. Une œuvre à la fois classique et complexe. Un minimalisme qui n’enlève rien à l’efficacité parce là où je constate que tu te démarques, c’est dans la sélection des mots simples et directs.

Merci ! Ce compliment me touche énormément. La composition et l’écriture de chansons constituent un travail proche de l’orfèvrerie. Mon arrière-grand-père, que je n’ai pas connu, était graveur sur armes en région liégeoise. Je l’imagine toujours en exécutant ce job qui exige précision et minutie. Je crois avoir hérité de cette maîtrise, mais dans mon domaine. Si Picasso a pu peindre ou Dylan écrire rapidement une chanson sur une serviette au restaurant pendant que tout que le monde parle, d’autres auront besoin de plusieurs années avant d’y parvenir. J’appartiens à la seconde catégorie. Ça me prend beaucoup de temps. Et je me pose beaucoup de questions. Mais finalement, il y a cette intemporalité. Je peux interpréter, ce soir, des chansons que j’ai écrites il y a dix ans. Mais surtout toujours réussir à les chanter en y croyant…

Le clip de « Parrot » (à découvrir ici) met en scène la bêtise des politiciens et des médias de masse à coup d’images violentes issues de manifestations réelles, qu’un montage malin transforme en chorégraphie absurde. L'artiste, aujourd'hui, a-t-il l'obligation morale de véhiculer des messages à la place des assermentés ou des intellectuels ?

Je pense que oui ! C’est une très bonne question ! Elle m’a d’ailleurs occupé l’esprit. Au mois de septembre, lorsque l’album est sorti, on vivait entre les deux confinements. On approchait la sortie du premier tout en ignorant qu’il y en aurait un second. On avait le sentiment, moi y compris, qu’on vivait dans une société malade. Même bien avant cette crise sanitaire. J’ai profité de la sortie du disque pour exprimer ma vision des choses par rapport à ce qui se passait. Je suis un peu sorti du bois. Ce clip montre des images de violences policières. La première partie met en évidence l’oppression dont nous souffrons et la seconde vise ces quelques mouvements qui s’opposent à cette chape de plomb. Ce clip est relativement engagé, je le reconnais. On m’a aussi proposé de réaliser l’édito du focus ‘Vif’. J’ai hésité pour finalement répondre favorablement. L’édito était lui aussi plutôt engagé. J’ai l’impression que la société est malade et que, peut-être, le Covid a permis cette prise de conscience. Si on ne connaît pas la maladie, on ne peut évidemment pas la soigner. On est maintenant un peu plus conscients qu’il y a un vrai problème et qu’il faut changer les choses profondément.

L’amour et la colère sont deux mots a priori opposés. Est-ce le signe de l’expression d’un artiste partagé entre l’appréciation de la beauté, de la nature, de la famille (ça c’est côté amour) et l’angoisse causée par l’actualité politique et écologique (côté colère donc) ?

Je pense que ces notions sont proches et qu’elles cohabitent. On possède tous deux faces, comme une pièce de monnaie. Personnellement, j’ai été traversé par ces émotions pendant la phase d’écriture. Je me suis rendu compte que bon nombre d’entre vivions entre ces deux pôles. C’est légitime ! En réalité, je n’ai pas grand-chose à dire là-dessus. Chacun interprète ce discours à sa manière. Mes idoles ont exprimé de l’amour et de la colère à travers leurs compositions, que ce soit John Lennon, Bob Marley, Bob Dylan ou Neil Young. En tant qu’artiste et auteur-compositeur, il est nécessaire de creuser ces deux axes.

Lorsque tu militais chez été 67, tu fonctionnais beaucoup plus à l’instinct et à l’énergie. Spirituellement, politiquement, artistiquement, énormément de sujets étaient déjà abordés mais ils devaient être raffinés. Ton projet solo t’a permis d’acquérir cette paix intérieure ?

Oui, a fortiori. Surtout par rapport à ce dont on parlait tout à l’heure dans le cadre de la représentation de la scène et du collectif. Sur « A la vie à la mort », il y avait un peu de ça. Lors de l’aventure d’Eté 67, c’était essentiellement ça. Il fallait parler au nom du groupe, faire des chansons qui lui correspondaient. Il fallait aussi penser à son l’évolution. Il y avait beaucoup d’exercices de style. J’étais au service du groupe. Depuis que je me suis lancé en solo, beaucoup de paramètres ont évidemment changé. A l’époque, le côté porte-parole du collectif était très fort. Dès lors cette situation limitait fortement ma liberté d’expression alors que dans le même temps j’apprenais le métier. Par contre, c’était une école magnifique qui m’a permis de me réaliser en tant qu’artiste.

Donc, le fait de poser tes valises au milieu du Danemark sur l’île de Samsø a eu une incidence sur la conception de « Amour Colère » ?

C’est une évidence ! Je dirais pour le côté assez sombre de l’album. Il y avait cette volonté de produire un disque assez nu et dépouillé. Samsø m’a influencé en ce sens. C’est un endroit qui ressemble à « Amour colère ». Il y fait intolérablement froid, pluvieux, gris et sombre à certaines périodes de l’année. Alors qu’à d’autres, c’est un jardin d’Eden où tout fleurit en quinze jours. Durant ces périodes, la lumière et l’air sont d’une pureté incroyable. On profite aussi des bienfaits de la mer pour s’y baigner. C’est donc à la fois un paradis et un enfer. Une bipolarité que l’on retrouve dans l’album.

Paradoxalement, si cette île est à la fois brute et organique et énergétiquement vertueuse, on y fait encore pousser certaines cultures grâce à des produits hautement toxiques. Une île finalement complexe, nuancée et paradoxale.

Oui, tout à fait. J’ai vécu à Bruxelles durant huit années pour ensuite me rendre au Danemark partir vivre à la marge des grandes villes pour finalement me rendre compte que les problèmes sont identiques. Des agriculteurs prônent le bio et essaient de lancer une coopérative et d’autres nagent complètement dans le business. Dans ce domaine là aussi, les luttes y sont farouches. 

Une parade à ton image ?

Oui. Je pense que nous sommes tous confrontés à des situations antinomiques. L’être humain est inconstant. Comme disait Héraclite, on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. C’est toujours vrai ! On n’est jamais deux fois pareils. Nos cellules se renouvellent sans cesse. C’est une lutte permanente… On évolue tous avec ces tensions.

La Belgique est un pays où s’épanouit un vivier musical hors du commun. Comment le plat pays est-il perçu au Danemark. Et sa musique ?

C’est une très bonne question ! Malheureusement, je ne suis pas le mieux placé pour y répondre. J’ai défendu mon album en Allemagne, en Angleterre, au Canada, aux Etats-Unis, en France, en Belgique et en Suisse, mais pas au Danemark. J’en ignore les raisons. Sans doute que je n’y ai pas encore mis le temps et l’énergie. Je pense que les gens pourraient s’y intéresser en toute humilité car il y a un amour très grand de la langue française. Je vis sur cette île comme un expatrié. Ostracisé même. Et puis, je crois que je n’ai pas envie de refaire ce que je fais ici. J’ai besoin de m’y sentir tranquille.

De ces voyages, qu’as-tu importé ? Et qu’as-tu exporté de cette culture belge ?

Très bonne question une fois encore. Je ne me considère pas comme un grand voyageur. Pourtant, c’est ce qui était indiqué dans la bio du premier album. J’ai accompli quelques voyages, certes, mais bien peu par rapport à d’autres. Je me rends compte, avec le temps, que ce ne sont pas les voyages qui me nourrissent le plus. Voyager peut s’avérer intéressant pour rencontrer des gens, mais il y a tellement d’autres moyens pour y parvenir. Pour l’instant, je circule entre le Danemark et Bruxelles. Par la force des choses, je suis devenu un navetteur européen. J’utilise le transport ferroviaire pour polluer le moins possible. Ces moments me permettent de faire le point. Je les vois comme des sas de décompression.

Tu cites régulièrement Dylan et Neil Young comme sources d’inspiration. Y-a-t-il d'autres artistes qui t’inspirent ?

Oui. Mais une telle sélection s’avère un exercice difficile car il y en a tellement. Je pourrais citer Serge Gainsbourg, Léo Ferré, Lou Reed, Marianne Faithfull, Buena Vista Social Club, les Beatles ainsi que les carrières solos qui ont suivi. Dans l’univers du cinéma, j’épinglerai Pialat, Tarantino ou encore Akira Kurosawa.

Nous vivons toujours dans la crainte du Covid. Comment as-tu appréhendé cette pandémie en tant qu’homme, mais aussi comme musicien ?

Sujet sensible…

En tout cas, j'imagine que les déplacements entre la Belgique et le Danemark ont été extrêmement compliqués….

Oui, effectivement ! En ce qui me concerne, j’ai été relativement peu impacté par le Covid. Je n’ai pas contracté ce virus à ce jour. Mes parents n’ont plus. Pour être complet, j’ai eu quelques craintes pour ma mère qui travaille dans un supermarché. Je me rends compte, avec le recul, avoir eu beaucoup de chance. Certains ont vécu des drames. J’en ai connu un aussi, sans être totalement convaincu de la relation de cause à effet… « Amour colère » prend encore ici tout son sens. C’est un constat désolant. Cette situation a permis à de nouvelles voix de s’exprimer et de se rendre compte que des choses ne fonctionnent pas… Lorsque j’avais 20 ans, en caricaturant un peu, on connaissait déjà le mouvement altermondialiste. La crise de 2008 a vu le capitalisme craqueler de partout. Le Covid a mis en évidence les travers de ce régime, même si évidemment cet évènement s’est produit de manière fortuite. Un tas de gens se sont retrouvés du côté noir de cette frontière invisible de la mondialisation. Cette frange de la population reste persuadée que cette crise a éclaté parce que quelque chose ne tourne pas rond. Ce courant est large et trouve sa source d’inspiration dans des cercles politiques et spirituels différents. Le mouvement éco-socialisme, dans lequel je me retrouve, a sans doute un peu plus de voix au chapitre qu’avant la crise sanitaire. J’espère sincèrement que des gens comme Bernard Friot, François Ruffin ou encore Frédéric Lordon auront davantage d’audience qu’auparavant. Même ceux qui appartiennent à la bourgeoisie ont le sentiment que les choses doivent maintenant changer vers plus d’écologie. Dans une direction plus juste, plus résiliente, plus durable et plus respectueuse de l’environnement. Et il y a peut-être un pont à établir entre les écolos bobos et la gauche marxiste altermondialiste qui jouit de davantage de crédibilité. La situation que nous traversons est ridicule, presque burlesque. Regarde, nous sommes en plein festival et nous portons tous des masques. Un business s’est développé autour de cette tragédie. Tout est source de fric : sauver la planète, bien manger, etc. Celui qui dispose d’agent a tous les pouvoirs. De plus en plus de gens se rendent compte qu’il est nécessaire de changer le monde...

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