Un kit de survie pour Bertrand Betsch…

Au crépuscule du grand et joyeux ballet de ses 19 précédents ouvrages, l’exubérant Bertrand Betsch s’inscrit, une nouvelle fois, dans ce qu’il fait de mieux : la belle chanson française en première lecture, l’ironie ensuite, la justesse enfin. Comme toujours,…

logo_musiczine

TORRES perdue dans une salle immense…

TORRES (le nom de scène de l'artiste new-yorkaise Mackenzie Scott) publiera son nouvel elpee, « What an enormous room », ce le 26 janvier 2024. La chanteuse américaine propose également son premier single/vidéo, « Collect ». Parallèlement à cette annonce,…

Trouver des articles

Suivez-nous !

Facebook Instagram Myspace Myspace

Fil de navigation

concours_200

Se connecter

Nos partenaires

Nos partenaires

Dernier concert - festival

mass_hysteria_ab_06
Vive La Fête - 11/04/2024
Philippe Blackmarquis

Philippe Blackmarquis

 

 
vendredi, 28 février 2014 00:00

Un viol sensoriel...

Ce soir, c'est l'invasion française à l'Atelier 210 de Bruxelles! Teenage Menopause Records, le label franco-belge bien connu, emmené par Elzo Durt, y organise, en 'co-prod' avec l'Atelier, un concert à guichets fermés proposant trois formations qui débarquent d’outre-Quiévrain : Plastobeton, Scorpion Violente Et Cheveu.

Plastobeton, c'est un combo no-wave électronique originaire de Metz appartenant, comme Scorpion Violente à la ‘Triple Alliance de l’Est’, un collectif de musicos qui dressent un pont garage-électro-punk entre Metz, Strasbourg et Paris. Sur la scène, le synthé distordu de Nafi aka Scott Scorpion (aussi chez Scorpion, Violente, The Dreams, Anals et Sida) se heurte aux sons très 'shoegaze' du guitariste de The Feeling of Love, le tout sur des rythmiques machinales. Le chanteur essaie tant bien que mal de hurler sa poésie 'spoken word' façon Cantat déjanté et l'ensemble fait très noise! Une bonne mise en bouche...

Le plat de résistance de la soirée, pour votre serviteur en tout cas, c'est Scorpion Violente. Nafi aka Scott Scorpion y est associé à Thomas Überwenig (Organ Punishment, Plastic Wound Infection, Ponch...) pour produire une musique hallucinante, un monstre bicéphale qui d'un côté, transpire le sexe et la luxure et d'un autre côté, emmène au nirvana grâce à des mélodies d'orgue quasi religieuses.

C'est, je crois, la quatrième fois qu'ils écument notre ville de Brux-Belle, après la RTT, les Brasseries Belle-Vue et le Café Central. Comme d'habitude, les deux acolytes trônent derrière leurs machines infernales disposées sur une grande table. Nafi triture sa boîte à rythmes et dessine sur son synthé Korg Poly61 l'ossature harmonique des morceaux, tandis que Thomas, l'inévitable clope au bec et les lunettes de soleil sur le nez, balance sans broncher d'ensorcelantes lignes mélodiques sur son vieux Caravan R6, un vieil orgue italien des années '70. Sans oublier les effets vintage comme les réverbs à ressorts ou les sound stretchers paramétriques.

Au niveau du jeu, leur idée est de n'utiliser que 4 doigts au total (2 x 2) pour jouer. Le résultat est un cocktail trance-disco-psyché-indus complètement hypnotique. Le corps est pris d'assaut par les rythmes qui font très ‘trance’, avec prédominance de hi-hats syncopés et l'esprit s'envole dans des nappes mystiques, voire gothiques. C'est viscéral, Suicidesque, carrément body et... industriel. On se croirait à côté d'une aciérie désaffectée, un dimanche matin, au retour d'une soirée glauque et imbibée dans une boîte SM de Metz...

Le public se laisse entraîner dans l'ambiance et on voit les têtes qui balancent au son des titres "Mi Pute, Mi Soumise" ou "Rome Violente". Mais le moment le plus fort, c'est sans conteste "The Rapist", cette compo carrément progressive de plus de 8 minutes, au cours de laquelle se fondent des accès de basse bien crades et des lignes de synthé évoquant Dead Can Dance... ou plutôt Dead Can Trance, dans ce cas-ci! L'ensemble nous transporte tellement loin qu'on en a les larmes aux yeux. Regardez la vidéo de ce moment d'orgasme ici

Le combo nous livrera aussi deux morceaux inédits, qui n'ont pas encore de titre. Après le concert, Thomas nous confiera qu'ils seront publiés sous la forme d'un Ep à paraître sur le label Bruit Direct.

Pour lire la chronique du concert de Cheveu, c'est ici

Pour lire l'interview complète de Scorpion Violente réalisée il y a un an lors du concert au Café Central, c’est là 

Setlist

Mi Pute Mi Soumise
New song (untitled)
Rome
Violente
Christopher Walken
The Rapist
Uberschleiss
New song (untitled)

(Organisation : L’Atelier + Teenage Menopause Records)

 

mardi, 25 février 2014 00:00

Super... Nova !

La salle 'Het Depot' à Louvain est achi-comble pour accueillir Heather Nova, cette chanteuse originaire des Bermudes, qui est surtout connue grâce à des hits pop-rock composés dans les années '90, comme "Walk This World" ou "Island". Malgré une carrière dans l'ensemble très discrète, elle jouit néanmoins d'un véritable culte, que lui vouent un contingent de fans en constante croissance. Ce set s'inscrit dans le cadre d'une tournée européenne en formule acoustique.

Comme elle nous l'a confié lors de l'interview avant le concert (voir ici pour l’article et pour la vidéo de cet entretien), Heather Nova présente, lors de cette tournée, des versions acoustiques de chansons issues de l'éventail complet de ses productions. ‘On crée une atmosphère assez intime, avec juste un musicien et moi sur scène. Nous nous servons d’instruments acoustiques mais ajoutons aussi quelques effets électroniques et nous changeons d'instruments et de sons régulièrement, pour varier un peu les ambiances.’ Le musicien en question, c’est Arnulf Lindner, un multi-instrumentiste autrichien, qui passe avec une aisance déconcertante du violoncelle aux claviers pour finir aux guitares. Quant à Heather, drapée dans une robe très organique, elle affiche une beauté et une élégance remarquables. La plupart du temps, elle chante et joue de la guitare acoustique mais de temps en temps, elle s’installe également aux claviers.

La setlist passe en revue ses quelque 20 ans de carrière, mettant bien sûr un accent sur « Oyster » et « Siren », ses deux elpees les plus en vue et « 300 Days At Sea », sa toute dernière production. L'élément visuel est également important notamment par le biais de la projection d'animations basées sur les peintures, également très organiques, de l'artiste italien Alberto Di Fabio. La combinaison entre ces animations et l'univers, très 'nature' de Nova, est parfaite.

"Save A Little Piece Of Tomorrow" constitue un des moments clés du concert, une composition qui traite du réchauffement climatique, au cours de laquelle la chanteuse alterne entre son micro 'classique' et un autre relié à des effets électroniques, qu'elle utilise pour des parties 'solo'. Un autre, touchant celui-là, se produit pendant « The Good Ship 'Moon' », une composition racontant les nombreux voyages qu'elle a accompli au cours de sa jeunesse, en compagnie de son père sur le bateau 'Moon'. La voix, le piano, le violoncelle et la belle vidéo consacrée à l'océan forment un ensemble surprenant, qui donne la chair de poule. Plus tard, l'émotion monte encore d’un cran, quand elle interprète une chanson inédite baptisée « Tree House », dédiée à son jeune fils et à la beauté éphémère de l'enfance. Superbe !

Ce moment magique se prolonge par l'interprétation du magnifique hit « Island », qui clôture de façon magistrale le spectacle. Heather Nova revient ensuite pour le très beau « Truth And Bone » avant de prendre congé sur « Until The Race Is Run », tiré de son dernier opus. Un très beau concert accordé par une artiste inclassable, qui mène une carrière remarquable loin des spotlights mais avec une réelle sincérité. Super Nova !


Setlist :
 

I Miss My Sky (Amelia Earhart's Last Days)
Higher Ground
Avalanche
Out On A Limb
Winterblue
Walking Higher
Save a Little Piece of Tomorrow
Fool for You
Like Lovers Do
Paper Cup
Do Something That Scares You
The Good Ship "Moon"
I Wanna Be Your Light
Heart and Shoulder
Tree House
Stay

Island

Encore:

Truth and Bone
Until the Race Is Run

(Organisation Het Depot)

Vous connaissez peut-être Heather Nova. Originaire des Bermudes, cette chanteuse a connu un succès 'mainstream' dans les années '90, grâce à des hits comme "Walk This World" ou "Island". Au cours de sa carrière, elle n'a jamais cédé aux sirènes du 'star system', privilégiant la vie de famille, et en particulier son mari et son petit garçon. Aujourd'hui, après avoir publié 8 albums studio, elle jouit néanmoins d'un véritable culte, que lui vouent un contingent de fans en constante croissance. Actuellement en tournée en Europe, elle nous a accordé une interview à Louvain, peu de temps avant son concert au 'Depot'.

"J'ai été influencée par les 'songwriters' en général. Par quiconque écrit des chansons en puisant dans ses propres expériences, avec son coeur". On le voit : Heather Nova ne s'inscrit pas dans une perspective 'hype' ou 'médias'. C'est une chanteuse dans la grande tradition anglo-saxonne, celle de, par exemple, Joni Mitchell. "Oui, j'ai été influencée par elle quand j'étais jeune". Ou aussi Leonard Cohen, auquel elle porte une sincère admiration. "J'aimais aussi Patti Smith... Et Suzanne Vega! D'ailleurs, j'ai failli voir Suzanne à Hambourg récemment. Je lui ai envoyé des tweets mais comme on jouait au même moment, on n'a pas réussi à se rencontrer..."

Lors de cette tournée, Heather Nova propose des versions acoustiques de chansons issues de l'éventail complet de ses productions. "On crée une atmosphère assez intimiste, avec juste Arnulf Lindner et moi sur scène. Nous utilisons des instruments acoustiques mais nous nous servons également de quelques effets électroniques ; et puis nous changeons d'instruments et de sons régulièrement, pour varier un peu les ambiances."

L'élément visuel est également important notamment par le biais de la projection d'animations basées sur les peintures de l'artiste italien Alberto Di Fabio. "C'est un personnage que je connais depuis que j'étais étudiante à Rome. Il propose des tableaux inspirés par la microbiologie, les cellules, les neurones et l'ADN. Je me suis toujours sentie très proche de lui car nous sommes tous deux concernés par la nature, mais de façon différente." Une combinaison artistique qui fonctionne en effet à la perfection en ‘live’.

C'est une longue histoire entre Heather Nova et la Belgique. L'artiste y a accordé plus d'une trentaine de concerts au total. "Je me souviens particulièrement du festival 'Marktrock' à Louvain, sur la place. La vue quand on est sur le podium y est impressionnante !" Les tournées ne se limitent d'ailleurs pas aux grandes villes : elle aime visiter celles de province, comme Borgerhout, Heist-Op-Den-Berg, Beveren, etc.

Mais Heather Nova s'interdit néanmoins des périples mondiaux interminables. "Je me concentre sur l'Europe, et ce, depuis que mon fils est né, il y a dix ans maintenant. Je veux pouvoir passer plus de temps chez moi, à la maison. Et il m’accompagne sur la route, car j'estime que ces voyages sont une merveilleuse forme d’éducation. Les Bermudes, c'est très beau mais il n'y a pas de musées, pas beaucoup de culture. Donc, chaque fois que nous partons en tournée en Europe, nous prenons le temps de découvrir, et c'est très chouette!"

La naissance de son fils a tout naturellement causé un impact important sur la vie et sur l'inspiration artistique de Heather Nova. "C'est un changement complet de perspective. Tout devient plus important, plus poignant. On doit penser au-delà de sa propre vie, se projeter dans le futur. On se sent plus concerné par les questions du réchauffement climatique, toutes ces choses-là." Un sujet d'autant plus crucial pour les habitants d'un archipel! "En effet! Nous habitons juste au-dessus du niveau de la mer! Donc, on essaie de faire des petites choses, à notre échelle. Par exemple, notre maison n'est alimentée que par de l'énergie solaire."

L'artiste a d'ailleurs consacré un titre au problème du changement climatique: ‘Save A Little Piece of Tomorrow’, sur son dernier opus. "En général, je n'aime pas traiter de thèmes cruciaux dans mes chansons, parce qu’ils deviennent vite du prêchi-prêcha ou de la politique ; mais ici, j'ai abordé le sujet d'un point de vue émotionnel. Je pensais à mon petit garçon, qui grandit dans cet endroit idyllique et un jour, nous revenons et la maison est sous l'eau... C'est une image très forte."

Parlons d'ailleurs de ce dernier elpee, ‘300 Days At Sea’, paru en 2011. Orienté beaucoup plus pop/rock que les deux précédents, il a permis à l'artiste de retourner au son qui était le sien dans les années '90. "Je voulais revenir à ce sentiment que j'avais, au niveau de la production, quand j'ai réalisé 'Oyster' et 'Siren'. Et j'ai d'ailleurs utilisé une partie de l'équipe de l'époque pour opérer les nouveaux enregistrements. C'est donc une production 100% pop-rock." On se demande si ce retour aux origines n'est pas une manière de montrer que la boucle est bouclée ; mais Nova s'inscrit en faux: "Oh non! Je continue! Ce n'était qu'un cercle. Et j’en entame un nouveau maintenant!" Et il sera comment, ce prochain cercle? "Je ne sais pas encore. J'ai écrit beaucoup de morceaux, mais je n'ai pas encore fixé de choix concernant l'approche, la production. Mais ce sera quelque chose de différent, cette fois..."

Pour regarder l'interview complète en vidéo, c’est ici  

 

Le jour de la Saint-Valentin, Vive La Fête, le projet devenu notoire de Danny Mommens et Els Pynoo, a publié une nouvelle composition : « Fashion ». On peut la télécharger en format mp3 gratuitement ici 

La vidéo se trouve là :

Le combo a également annoncé la disponibilité d'un remix « diabolique » de la chanson « Le Diable » par Simi Nah et KGB. La version originale figurait sur le dernier elpee de Vive La Fête: '2013' (http://amzn.to/1bcA6MW).

Simi Nah est une artiste d'origine française aujourd'hui installée à Ostende. Elle a travaillé dans la mode et joué de la basse, entre autres pour Praga Khan. Elle développe depuis quelques années un projet solo très intéressant avec son 'partner in crime', le musicien producteur KGB aka Kenny Germain B et Safyée, aka Alice Thiel, la fille du regretté leader de Snowy Red. Simi Nah propose une pop new-wave / EBM aux accents cabaret, qui évoque Gainsbourg, Noblesse Oblige ou encore... Vive La Fête... Après deux albums, « Cherchez La Femme » et « 5 », Simi Nah prépare un nouvel album, qui proposera des collaborations avec Dirk Da Davo (The Neon Judgement), Luc Van Acker, Wim Punk, Nikkie, Danny Mommens,... Can't wait, comme on dit...

Pour écouter le remix « diabolique » :

         sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=VNiyUH_jLsg

         sur Soundcloud: https://soundcloud.com/simi-nah/vive-la-fete-le-diable-mix

Vive La Fête : www.vivelafete.be ou https://www.facebook.com/vive.la.fete.fans

Simi Nah :  www.siminah.com ou https://www.facebook.com/simi.nah.music

 

jeudi, 13 février 2014 00:00

Un Numan toujours aussi ‘electric’!

Dorian Gray, le personnage d'Oscar Wilde, restait éternellement jeune car c'est son portrait, caché dans son grenier, qui vieillissait à sa place. En observant Gary Numan, sur le podium du Depot à Louvain, on le comparerait volontiers à Dorian Gray. A 55 ans, il est fringant comme un jeune homme! Après avoir traversé une période noire, suite à une dépression, il est de retour, plus ‘électrique’ que jamais!

Rappelons à toutes fins utiles que Numan était un des pionniers de la musique new-wave électronique, entre 1979 et 1985. En s'inspirant largement de Kraftwerk ("Man Machine"), David Bowie ("Low") et surtout de l'Ultravox période John Foxx ("Systems of Romance"), il a créé un style musical nouveau basé sur l'utilisation massive de synthés. Un style libérant une énergie postpunk et reflétant une imagerie dystopique, développée autour de son personnage humanoïde. Le tube "Are Friends Electric" et l'elpee "Replicas", publiés sous le patronyme de Tubeway Army, ont rencontré un succès immédiat en 1979 et ont été suivis par deux albums solos considérés comme de purs chefs-d'œuvre : "The Pleasure Principle" et "Telekon". Sa carrière a ensuite connu des hauts et des bas ; surtout des bas, jusqu'à ce que des ‘maîtres’ tels Dave Grohl, Trent Reznor, Prince ou Jack White décident de remettre Numan au goût du jour, début des années 2000, en soulignant son influence majeure sur la musique moderne. Influencé à son tour par ses ‘disciples’, surtout par Trent Reznor, qui est aujourd'hui son ami et voisin à Los Angeles, Numan a ensuite évolué vers une ‘power pop’ aux accents industriels, voire même metal.

C'est la dualité entre ces deux périodes qui constitue la trame majeure des shows de Numan. Au Depot, pour son 9ème concert en Belgique, il va alterner les hits incontournables de sa première période, comme "Cars", "Films" ou "I Die: You Die" ainsi que des plages de son tout dernier opus, "Splinter", dont il puisera non moins de neuf chansons, et quelques pistes extraites de "Pure" et "Dead Son Rising". Sur les planches, il est accompagné par un groupe complet, constitué d'un batteur, un guitariste, un bassiste et un claviériste. Les anciennes compos bénéficient de versions plus 'punchy', comme, par exemple, "Cars" et "Metal", qui sont jouées à la façon Nine Inch Nails, légèrement plus rapides et rehaussées par des guitares cinglantes.

Justement, les références à Nine Inch Nails sont encore plus marquantes dans les titres plus récents de Numan. L'intro de "I Am Dust" rappelle clairement les sons indus du combo américain période année 90. "We're The Unforgiven" évoque quant à lui "Help Me, I'm In Hell" dans les lignes de guitare. Les morceaux plus calmes, comme "The Calling", rappellent le côté ‘ambient’ de Trent Reznor, caractérisé par des mélodies simples au piano et par des vocaux murmurés plus que chantés. Par moments, l'illusion est frappante et on constate avec amusement que Numan s'inspire de Reznor qui, lui-même, s'inspirait de Numan... La boucle est bouclée.

L'attitude de Gary Numan sur les planches est loin d’être celle d'un humanoïde froid. Il se livre à fond, et ses prestations vocales sont irréprochables. Sur certaines compositions, surtout issues du dernier elpee, la formation utilise une bande-son, sur laquelle les musiciens jouent en direct. Qu'on apprécie ou pas ce procédé, il permet de reproduire les arrangements très complexes, les bruitages, les sons triturés voire même les voix féminines (dans "Splinter"). Les anciennes compos sont, quant à elles, exécutées à 100% en 'live'. Parmi les plus récentes, on relève également certaines qui baignent un peu trop, mon humble avis, dans le metal. "Here In The Black" évoque même la lourdeur symphonique de Within Temptation et "When the Sky Bleeds, He Will Come" lorgne généreusement du côté de Rammstein. Mais c'est évidemment une question de goût.

Extraite de "Splinter", "Lost" est une ballade touchante, empreinte d’une grande sensibilité. Numan a déclaré qu’elle avait en quelque sorte sauvé son couple au moment où lui et sa femme Gemma souffraient de dépression. Après un "Love Hurt Bleed" chalereusement applaudi, Numan clôture son set par le très beau "A Prayer for the Unborn", également une chanson qui traite de sa vie de couple et la difficulté d'avoir des enfants. Pendant le rappel, la formation va exécuter une version très énergique de "I Die: You Die" ; et le public, resté dans l'ensemble assez calme, semble enfin se lâcher. Vient enfin le moment tant attendu: "Are Friends Electric", dont Numan fournit une version retravaillée, tout en contrastes et en nuances. Superbe! Regardez la vidéo de ce très beau moment ici. L'artiste prend congé en offrant un dernier titre particulièrement paisible, "My Last Day"...

On l'a compris, on a eu droit à un concert à deux vitesses. De superbes moments sur les anciens titres et un enthousiasme plus retenu sur les plus récents. Ces derniers sont en effet beaucoup plus formatés, plus prévisibles alors que les "Cars", "Down In The Park" et autres "Are Friends Electric" apparaissent comme des fulgurances de génie ; dans ces anciennes compos, Numan transcende les cadres pré-établis (il n'y a pas de structure couplets/refrain) et apporte cette caractéristique unique qui est l'hyper-mélodicité (chaque intervention instrumentale est un 'riff', une ligne mélodique reconnaissable). Dommage que Numan refuse de revenir à la musique de sa période la plus féconde, alors qu'une nouvelle scène très vivace (la 'minimal wave') s'emploie aujourd'hui à donner une nouvelle existence à celle des années '80.

Déplorons aussi le management de l'artiste, qui n'autorise que très peu d'interviews pour les journalistes avant le show, préférant organiser des ‘VIP meet & greets’ à 100 € pour les fans les plus aisés. Enfin, il n'y avait pas de première partie ; c'est dommage car ces 'supporting acts' sont des occasions uniques pour les artistes locaux de se faire connaître. Ainsi, on aurait aimé, par exemple, voir ou revoir les excellents Bruxellois d'ORGANIC sur l’estrade ! Mais ne boudons pas notre plaisir : vivre un concert de Gary Numan dans une forme 'olympique' a été du pur bonheur. La prestation était excellente. Le son était parfait, les lumières irréprochables et l'expérience, dans son ensemble, 'électrisante'!

(Organisation : Het Depot, Louvain)

Setlist :

Resurrection
I Am Dust
Metal
Everything Comes Down to This
Films
Here in the Black
The Fall
The Calling
Down in the Park
Lost
Cars
Pure
Splinter
When the Sky Bleeds, He Will Come
Love Hurt Bleed
A Prayer for the Unborn

Encore:

I Die: You Die
Are 'Friends' Electric?

My Last Day

(Voir aussi notre section photos ici)

 

 

samedi, 08 février 2014 12:25

Icons & Dead Fears

Après un avoir gravé un premier Ep intitulé "The Light Is Ours", diffusé en 2013 en cassette et sur Internet, Luminance, le one-man band du musicien bruxellois David-Alexandre Parquier (également impliqué dans le groupe français Soror Dolorosa), publie aujourd'hui "Icons & Dead Fears", un nouvel Ep uniquement disponible sur Soundcloud et Bandcamp. Enfin, ce serait provisoire…

Ce nouvel opus s'inscrit parfaitement dans la lignée synth-pop/minimal wave de "The Light Is Ours", mais marque également une évolution intéressante. Ainsi, la plage initiale, "Drown", installe une atmosphère très ambient, voire krautrock, articulée autour de sons de synthétiseurs modulaires et de séquences qui font immanquablement penser à Tangerine Dream.

"Walk", par contre, est une plage archétype de la synth-pop : une superbe rythmique électronique sert d'écrin à la voix de David-Alexandre, très travaillée par de multiples effets, qui alterne avec des nappes de synthés analogiques que ne renieraient ni OMD, ni Howard Jones. "R/W/M" adopte un beat plus syncopé ; le côté dépouillé et répétitif évoque Agent Side Grinder, une impression confirmée par la voix grave, rehaussée par une reverb très claustrophobe. Dommage que la partie 'refrain' ne contienne pas de vocaux : la composition aurait gagné en puissance.

On ne peut pas en dire autant de "Statics", qui apparaît comme parfaitement parachevé. Le beat est rapide et on se retrouve dans un rêve synthétique réminiscent de Led Er Est : un hit! Mais "Obsession", constitue, à mon humble avis, la plage la plus séduisante. La raison, je dois l’avouer, est due à la présence d'une de mes chanteuses/songwriters préférées du moment, Nathalia Bruno (ex-Phosphor). David-Alexandre a créé pour elle une très belle musique, aux accents très Depeche Mode, sur laquelle Nathalia vient placer sa voix ensorcelante... On nage dans le bonheur du début à la fin... Une fin où le musicien vient accompagner Nathalia pour une partie 'dream-pop' très planante, aux accents de Clan of Xymox. Un magnifique morceau, qui fait d'ores et déjà partie de mes playlists de DJ, en attendant un remix? Enfin, la dernière plage, « Siharh », est un instrumental très dark ambient, même witch, construit autour de voix qui semblent tirées d'un film américain.

En conclusion, on ne peut que féliciter Luminance pour ce nouveau petit bijou ! David-Alexandre cherche d'ailleurs un label pour le sortir en vinyle : à bon entendeur... Seul petit bémol : l'absence de guitares. Elles ajoutaient une couleur légèrement Cure sur le premier Ep, surtout dans "Facts And Emotions". Quoi qu'il en soit, la musique est élégante, subtile, aérienne et surtout très riche! Le Bruxellois affine son art au fil de ses productions et s'affranchit petit à petit de ses influences, se révélant être un des talents les plus en vue de la 'scène dark' belge. Merveilleux de voir qu'une nouvelle génération de musiciens redécouvre la synth-pop et lui insuffle un sang nouveau...

 

jeudi, 23 janvier 2014 02:00

Manifeste d'avant-garde...

Qui est Valerie Solanas? Valerie Solanas était une féministe radicale devenue célèbre par son pamphlet ‘SCUM Manifesto’ et sa tentative maladroite d’assassinat sur Andy Warhol. Solanas reprochait à Warhol d'avoir perdu un de ses scripts, intitulé "Up Your Ass" (NDR : ça ne s'invente pas !). Donc, le 3 juin 1968, Solanas se rend dans le hall de la Factory, à New-York, et tire trois coups de pistolet en direction de la victime. Les deux premiers manquent leur cible, mais la troisième balle lui transperce le poumon, la rate, l'estomac, le foie et l'œsophage. Warhol s'en tire de justesse, mais il ne récupérera jamais vraiment et devra porter un corset jusqu'à la fin de ses jours.

Ironie du sort : plus de trente ans après sa disparition, le manuscrit a été retrouvé au fond d'un coffre rempli d'équipement d'éclairage. La première de la pièce s’est déroulée en 2 000, à San Francisco, à quelques blocs seulement de l'hôtel Bristol où Solanas est décédée d'une pneumonie, en 1988.

Une histoire hallucinante, surréaliste, qui convient très bien au style de The Valerie Solanas, une formation issue d'Anvers, qui présentait son nouvel opus, "Amazon", au Beurschouwburg, à Bruxelles. Le quatuor emmené par le vocaliste et flûtiste Michaël Brijs propose une musique aventureuse qui combine des éléments de jazz et de blues au son brut du postpunk, surtout la poésie parlée (‘spoken word’) de Jello Biafra, ex-Dead Kennedys. Une saveur unique est ajoutée par le trait saillant de la flûte, qui rappelle bien sûr Jethro Tull.

Sur scène, Michaël Brijs affiche une présence imposante. Le costume de dandy et la barbe sont noirs de jais et le débit vocal, maîtrisé. La basse de Filip Vandebril est ronde et vrombissante. Ajoutez-y les harmonies étranges de Tom Tiestla à la guitare et aux synthés ainsi que les rythmiques complexes de Dmonkey Van Remoortere, et vous obtenez un objet musical très étrange.

Pendant les premiers titres du nouvel opus, par exemple "Psycho Therapy", on se surprend à penser au Doors, à Captain Beefheart, à Kurt Weil ou encore Nick Cave. Au fond de la scène, un artiste, sans doute Bert Lezy, qui dessine les pochettes du combo, improvise la création d'une oeuvre de peinture à l'eau sur la toile blanche où sont projetées des vidéos. L'ambiance fait très Beat Generation et le fantôme de Jack Kerouac flotte au-dessus des têtes. Pendant le très dansant "Valis", le public est emporté par le refrain "Everybody Dance!". Un reprise de Serge Gainsbourg et, sans avoir pris de substances, on entrevoit aussi ‘des éléphants roses, des araignées sur le plastron de son smoking et des chauves-souris au plafond’...

Brijs se fend également d'une citation de William Blake, tirée de "The Marriage of Heaven and Hell". Je ne résiste pas à l'envie de vous la livrer:

"Prisons are built with stones of Law,
Brothels with bricks of Religion.
The pride of the peacock is the glory of God.
The lust of the goat is the bounty of God.
The wrath of the lion is the wisdom of God.
The nakedness of woman is the work of God."

Brijs invite ensuite la chanteuse Lien De Greef à le rejoindre sur la scène pour le titre "Lovers In A War Zone", un joli duo de crooners post-modernistes. Le combo clôture son set par le morceau caché d'Amazon, "Strange Goings-On", aux accents bluesy très Zeppeliniens (la descente de basse de "Dazed And Confused").

Au final, un spectacle étonnant, baigné dans un weltschmertz urbain, une poésie beat. Un joli manifeste d'avant-garde...

La première partie, Kras en Bijvoet, réunissait Hadewig Kras, la chanteuse/bassiste d'origine néerlandaise mais vivant à Anvers et Jan Bijvoet, guitariste et comédien. Les deux artistes sont, semble-t-il, assez connus dans le Nord du pays. Leur musique, déroutante, est un mélange entre le post punk expérimental d'Einstürzende Neubauten (le chanteur Blixa Bargeld a d'ailleurs produit un des disques de Kras) et le 'spoken word' de Lydia Lunch.

(Organisation : Beurschouwburg)

 

jeudi, 30 janvier 2014 18:15

The Power of The Black Celebration

On les attendait au tournant. Trente-trois années de carrière, treize albums, dont le petit dernier, "Delta Machine", une œuvre qui a enchanté les uns et déçu les autres. En outre, quatre ans plus tôt, la dernière tournée de ces pionniers de la synth-pop avait été bien en deçà des espérances, surtout à cause des prestations en demi-teinte de Dave Gahan, qui se battait à l'époque contre un cancer.

En ce soir du mois de janvier, le Sportpaleis est archi-comble. Comme de nombreux amis, nous avons été bloqués pendant deux heures sur l'autoroute Bruxelles-Anvers à cause de travaux (inutiles?). Heureusement, nous débarquons juste au moment où retentit "Welcome To My World", la chanson d'introduction du concert. Sur la scène, derrière les musiciens, on découvre un énorme écran vidéo, composé de plusieurs triangles, qui évoquent le logo de Delta Machine. Les musiciens sont disposés suivant un même rituel : Martin Gore est à gauche et Dave Gahan, au centre ; derrière eux Christian Eigner siège derrière la batterie, et sur deux petits podiums placés en retrait sont installés Peter Gordeno à gauche et 'Fletch', aka Andrew Fletcher, le troisième membre original de la formation, à droite, tous deux aux claviers.

Ce n'est pas un hasard si les deux premiers morceaux du set, "Welcome…" et "Angel", sont issus de "Delta Machine" : les Anglais sont très fiers de leur dernière production et il faut reconnaître que leur mélange de blues, de rock et d'électro fonctionne parfaitement en ‘live’ également. Plus tard, "You Should Be Higher", un des titres de "Delta Machine" composés par Dave Gahan, recueillera aussi un joli succès. Mais, sans surprise, ce sont les classiques qui emportent le plus l'adhésion du public. D'abord "Walking In My Shoes", caractérisé par le final très puissant de Christian Eigner, "Precious", agrémenté de jolis chiots en vidéo ou encore "Black Celebration", très dark et hypnotique, surtout quand le public reprend en choeur le refrain.

Les deux leaders principaux, Martin Gore et Dave Gahan ont l'air très en forme et heureux d'être là. Gore est, comme toujours, habillé très 'glam', ne négligeant pas la touche androgyne, tandis que Gahan a revêtu sa traditionnelle veste sans manches. Ce dernier déborde d'énergie et démontre clairement qu'il est à nouveau au top de sa forme. C'est qu'il a abandonné depuis longtemps les substances illicites au profit d'activités plus saines comme le jogging ou le fitness! Le résultat est beau à voir : il virevolte comme une ballerine de gauche à droite de la scène, engageant le public à chanter sur les refrains. Un des meilleurs showmen de histoire du rock, ce cher Dave!

Après le très efficace "Policy of Truth", on a déjà droit à la première pause du concert. Gore et Gordeno restent seuls sur l’estrade pour interpréter des versions acoustiques de "Slow", un blues pur et dur, très chaud, qui révèle à ceux qui ne le savaient pas encore que Martin Gore possède une voix exceptionnelle, et "But Not Tonight", un nouvel extrait de l'album "Black Celebration". Bien qu’en général très discret, voire timide, Martin Gore s'avance sur la rampe de la scène au milieu du public et incite ce dernier à reprendre les ‘ouh ouh’ qui clôturent la compo. La foule ne se fait pas prier et continue même à chanter quand la musique s'arrête, pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce que Dave Gahan revienne pour la suite du set et constate, émerveillé, ce qui est en train de se passer : un moment magique.

En guise de transition, le combo, revenu au complet, nous offre un autre blues figurant sur "Delta Machine", le très beau "Heaven", rehaussé par une vidéo hallucinante d'Anton Corbijn. La 'machine DM' se met alors en marche. Tout d'abord au travers de "Behind The Wheel", suivi de la version Jacques Lu Cont remix du très Reznorien "The Pain I Used To Know", sur laquelle Gordeno quitte ses claviers pour venir taquiner la basse au devant du podium. On continue plein pot par "A Question of Time", au cours duquel Gahan est carrément déchaîné, et on atteint enfin le paroxysme tant attendu: les première notes de guitare de "Enjoy The Silence" retentissent déclenchant un vacarme assourdissant. Plus de 20 000 fans chantent à tue-tête le refrain à la place de Gahan. Le final est assuré par un "Personal Jesus" d'anthologie. Un début très lent, en 'teaser' parfait, puis c'est la déferlante. Un moment de pur orgasme sonore.

La formation se retire pour quelques minutes et ce sont à nouveau Gore et Gordeno qui reviennent pour attaquer une version acoustique de "Shake The Disease". Sublime ! La mélodie est ensorcelante et pendant le passage "Understand Me...", Gore clape dans les mains, un geste repris comme un seul homme par un public subjugué. Le rappel se poursuit ensuite par la version Goldfrapp remix de "Halo", qui bénéficie miraculeusement d'un son très clair, suivi par "I Just Can't Get Enough", le titre que Depeche Mode a joué le plus sur scène en 32 ans, et toujours un des favoris des fans. "I Feel You" est assez décevant, noyé dans une bouillie sonore mais le moment le plus fort sera, sans surprise, le final : "Never Let Me Down Again". C'est une tradition devenue célèbre des concerts de Depeche Mode : à un moment précis de la chanson, Gahan vient au devant de la scène et lève les bras en l'air. 20 000 fans tendent également les leurs, et lorsque le riff final démarre toute la salle se met à les balancer de gauche à droite. La foule ressemble alors à un champ de blé qui ondule par la force des vents. Un événement qui, chaque fois, vous communique la chair de poule...

En conclusion, un excellent concert. Depeche Mode est de retour et dégage à nouveau autant sur scène. C'est en grande partie grâce à Dave Gahan, qui est de la race des grands showmen à la Mick Jagger, Bono, etc. Il possède un charisme étonnant et cette faculté unique de s'adresser à tout le monde, du premier rang aux gradins les plus éloignés. La setlist était parfaite même si l'on regrettera l'absence de bijoux tels que "Strangelove", "People Are People" ou "Everything Counts".  Seuls bémols, la 'salle' et le son, très confus, comme d'habitude au Sportpaleis. Il serait grand temps qu’il soit rénové et adapté à la technologie moderne! Mais l'approche du son de Depeche Mode est aussi critiquable : en ‘live’, il est trop brut et le choix de Christian Eigner aux drums est contestable. Son jeu est trop lourd et l'ensemble manque cruellement de finesse, de clarté et de variation dans les dynamiques. Enfin, ne boudons pas notre plaisir: les concerts de Depeche Mode sont des moments uniques, de véritables 'célébrations' de la musique et de la vie... Gahan est passé très près de la mort ; aujourd'hui, lui et son groupe sont plus vivants que jamais!

Setlist

Intro (Excerpt from 'Welcome to My World')
Welcome to My World
Angel
Walking in My Shoes
Precious
Black Celebration
Should Be Higher
Policy of Truth
Slow (Acoustic; Sung by Martin)
But Not Tonight (Acoustic; Sung by Martin)
Heaven
Behind the Wheel
A Pain That I'm Used To ('Jacques Lu Cont's Remix' version)
A Question of Time
Enjoy the Silence
Personal Jesus

Encore:

Shake the Disease (Acoustic; Sung by Martin)
Halo ('Goldfrapp Remix' version)
Just Can't Get Enough
I Feel You
Never Let Me Down Again

(Organisation : Live Nation)

 

jeudi, 30 janvier 2014 16:42

Modern Life Is A Journey By Car

Moon Prototype est le projet d'un musicien français, Olivier Jung, qui, depuis ses débuts, estime que sa musique doit être accessible à tous, librement. D'ailleurs toute la discographie publiée en Creative Commons est là pour en témoigner. Le nouvel opus de Jung, « Modern Life Is A Journey By Car », sorti le 25 novembre dernier sur le label belge White Leaves Music, est une oeuvre en tous points intéressante.

Les 15 compositions éclectiques évoquent tantôt le métal/prog de Porcupine Tree et Anathema, tantôt l'électro/rock façon Nine Inch Nails voire l'univers plus trip-pop de Tricky ou d'IAMX. Pour la circonstance, Jung s'est adjoint les services de Grégoire Fray (Thot/White Leaves Music), Nicolas Chapel (Demians), David Husser (Y-Front, LTNO, Mumbai Queen) et Aurélie Jung (Yakch'e).

Etonné par l'omniprésence d'extraits (‘samples’) de films dans les arrangements, j'ai demandé à Jung d'expliquer quelle était son approche de la composition : ‘L'album a été composé autour de samples’, m'a-t-il répondu par e-mail. ‘En fait, tout a commencé par quelques nappes de synthétiseur et les samples bruts, qui ont défini les thèmes des chansons et la couleur de l'album. J'aime le cinéma, je suis même un cinéphile assidu et j'ai choisi ces samples car ils dégagent quelque chose de très puissant. Mon rêve serait d'ailleurs de travailler sur une bande originale de film.’

D'emblée, la première plage, "Introspection", met en place une ambiance étrange, cinématographique, à l’aide de samples des films "Contact" et "Mission to Mars". "Coal In My Eye" installe les ingrédients de base de Moon Prototype : un mariage entre les riffs prog-metal de guitare dispensés par David Husser, les drums échantillonnés et le chant, sensible voire suave de Jung. On y rencontre des accents empruntés à Porcupine Tree et Anathema et la voix me fait penser à celle du chanteur de Gazpacho, l'excellent combo norvégien de prog-rock.

Un extrait de Pulp Fiction ouvre "My Name Is The Lord", qui poursuit dans la même veine d'un prog-metal lent et hypnotique. Plus industriel, "Keep Everyone Afraid" recèle des touches trip-hop, évoquant le Nine Inch Nails de la première période mais là où Reznor éructait son mal de vivre, Jung chante tout en retenue, en alternance avec des samples de Bowling for Columbine.

Au moment où on commence à se lasser de la formule, "Expression Of Bliss" vient introduire un magnifique contrepoint. Construite autour d'un très simple riff de basse, un peu à la Pink Floyd, la compo s'envole littéralement grâce à des guitares gorgées de flanger et de wah-wah qui renforcent l'impression floydienne, période « The Wall ». "Celebration" est encore plus beau : reposant sur deux accords minimalistes au synthé, il propose à nouveau de superbes parties de guitares et des vocaux.

Plus loin, un extrait d'interview de Charles Manson nous glace le sang tandis que Grégoire Fray (Thot) déploie des lignes de gratte saturées très ‘Musiennes’. Cette courte plage ("This Dream Is My World") se fond très vite dans "The Sinner", une compo caractérisée par une rythmique très déstructurée et de superbes harmonies vocales. Ensuite, l'annonce de la mort de Kurt Cobain sur CNN introduit "It's Better To Burn Out Than To Fade Away", une mélodie bluesy (on pense à Amy Winehouse) chantée par Aurélie Jung (Yakch'e) sur des paroles puisées au sein d'une interview de Cobain. C'est en quelque sorte la plage ‘atypique’ de l'elpee, un peu à la façon d'un "Great Gig In The Sky".

Le single "The Challenge" constitue le point culminant de l'oeuvre. Une petite pépite. Un piano discret, une phrase de guitare blues à la Gary Moore et des voix qui planent sur une nappe de synthé évanescent ; puis soudain, le rythme se multiplie par deux et le morceau s’engage dans un magnifique délire trip-hop illuminé par la superbe voix de Jung chantant "I am an outsider". Le single se termine doucement par le piano et des voix d'Indiens d'Amérique sortis tout droit du film Blueberry. Fabuleux !

Vous croyez que c'est fini ? Mais non, place ensuite au fameux discours du personnage de Charlie Chaplin dans "The Dictator", qui se développe sur un instrumental dense et riche, "The Last Straight Line". La plage titulaire "Modern Life Is A Journey By Car" repose sur un très beau poème de Jim Morrison, extrait de son recueil "The Lords - Notes On Vision" (1969). Jung alterne ici entre déclamation et chant, comme dans une lecture automatique, sans césures, du texte original, ce qui communique un effet ‘rap’ étonnant.

L'album se referme sur "Staying In Motion", à nouveau dans la veine électro-rock du début, où l'on remarque l'excellent travail de Grégoire Fray à la guitare, et enfin, "Dead Man", un instrumental inspiré par le film éponyme de Jim Jarmush.

Finalement, cet opus recèle une richesse d'inspiration incroyable, qui le place sur une des plus hautes marches des oeuvres conceptuelles, à côté des Pink Floyd et autre Porcupine Tree. Chapeau! A découvrir d'urgence!

Pour écouter et télécharger gratuitement l'album, c’est ici

 

jeudi, 30 janvier 2014 16:09

Cosmic Trip/Comic Strip

La voilà, la nouvelle potion maléfique des 'psychédéwitches' bruxelloises Toxic Witch aka Sandra Hagenaar (Fifty Foot Combo, Kris Dane…) et Sonic Witch aka Laurence Castelain (Flesh and Fell, The Chicks…). Oh, c'est un picture disc: sympa! Publié par Lynch Law Records, ce nouvel opus recèle des philtres dont les demoiselles ont le secret, entre cabaret électro et postpunk doublé d'un 'French touch'. Pour vous donner une idée, c'est un subtil parfum à la fragrance Vive La Fête, enrichi d'une lampée Miss Kittin' et de quelques gouttes de Simi Nah, Noblesse Oblige ou encore Geneviève Pasquier... Envoûtant!

La première plage, "Alkaline", est comme le cri de ralliement du duo, l'affirmation de leur identité. 'A' comme 'Ace of Spades'!! "Dark Energy" est un brûlot pour boîte de nuit un peu 'dark'. L'énergie est là, ce qui est logique pour Alk-a-line (arf). Ce dancefloor killer un peu psyché a d'ailleurs déjà figuré dans la playlist d'une des soirées ‘DARKOTHEQUE’...

"Ich weiss", chanté dans la langue de Goethe, démontre que nos deux sauvageonnes sont polyglottes... en plusieurs langues (le pléonasme est voulu)! Après une intro hantée par l'ombre de Marlène Dietrich, un coup de baguette magique et un rythme super rapide, genre 160 bpm, déboule pour sacrifier les accents berlinois des claviers sur l’autel du mariage. Dans "Everything is not what it seems", une compo electro-clash sur les faux semblants, les cosmic chicks sont clairement 'on speed'!

Une intro de theremine qui parvient à imiter le cri d'une sorcière: joli! "This Is Not A Fairy Tale" brille aussi, entre autres, pour son ambiance très ‘Halloweenesque’ et pour les paroles, écrites par Jean-Luc De Meyer, célèbre chanteur de Front 242 mais aussi, et c'est moins connu, féru de langue française. Au milieu du morceau, on identifie une incantation dans la langue de Molière (d'ailleurs écrite sur la plaque), qui est un palindrome syllabique.

La face B du vinyle s'ouvre par "C’est les Rats scélérats", une chanson consacrée aux maudits rongeurs, caractérisée par des accents de piano bastringue. Relevons au passage la remarquable production de l'Ostendais Pierre Goudesone (production artistique; aussi dans Flesh and Fell, Goudi…) et de Jean-Pascal Vandestien (production Lynch Law). Dans "Train-Train", les paroles sont de Jacques Perry-Salkow, un écrivain français spécialisé dans les oeuvres 'oulipiennes', ces écrits qui suivent une contrainte précise. Ici, c'est un tautogramme : tous les mots commencent par ‘t’. Les voix de Laurence et de Sandra chuchotent ces belles allitérations un peu à la façon de la 'Vilaine Farmière', très (al)câlines...

"Good Boyz" se distingue par son refrain très accrocheur, aux relents de comédie musicale américaine. L'histoire posthume d'une chienne qui a tué la compagne de son maître constitue la trame de la plage "Le Dobermann"... Enfin, "Le Coeur à l'Ecrou" est un nouvel exercice de style opéré par Jacques Perry-Salkow, une symphonie d'anagrammes, chantée de maîtresse manière!

Petite coquetterie : tous les minutages des plages de l'album sont des palindromes, c'est-à-dire qu'ils peuvent se lire de droite à gauche également (2:52, 3:33, 3:03, etc.)... On l'a compris : les girls ont beaucoup d'esprit et, en plus, elles ont du sexe à pile! Good job, Alk-a-line!

Photo cover: Natacha Giraldo

 

Page 25 sur 28