C’est, d’emblée, une voix. Une voix qui soulève le sable, traverse le feu, transperce la nuit, franchit en souveraine des continents de sentiments et transporte avec elle la douleur autant que ses remèdes.
Elle est ce ‘joyau intact sous le désastre’ de Mallarmé, pierre brute inamovible malgré le chaos, miraculeux talisman resplendissant sur des musiques elles aussi serties de beauté et de bravoure.
Après un discret tour de piste en 2018 –six titres en français et en espagnol, dont le magnétique « Le Monde s’est dédoublé », Clara Ysé s’avance enfin en pleine lumière, à pleine puissance, en gravant, « Oceano Nox ». Paru ce 15 septembre 2023, ce premier long playing à la grande audace, a été écrit et composé par elle, coréalisé avec Ambroise Willaume (Sage), mixé par Renaud Letang et porté en battante grâce à des musiciens et un chœur au diapason.
A ceux qui seraient frappés par sa douceur, elle répond, dans la chanson qui porte ce nom ‘Si tu savais la haine qui coule dans mes veines, tu aurais peur, si tu savais la chienne que je cache à l’intérieur…’ Passionnelle comme les aïeuls espagnols qui la précèdent, littéraire par atavisme (elle doit l’Ysé de son double prénom au ‘Partage de Midi’ de Claudel), elle a publié un premier roman ardent, ‘Mise à feu’ (Grasset, 2021), avant le grand embrasement de cet opus qui démarre lui aussi tout feu tout flamme (« Pyromanes »).
Longtemps, Clara Ysé a laissé la musique en liberté, sans la capturer dans un studio, chantant partout où elle le pouvait et organisant des fêtes qui terminaient invariablement en impros musicales, à l’aube.
Ce premier opus est d’abord celui d’une désirante, d’une ‘obsessionnelle de la réparation’, dit-elle, qui a choisi comme plongée heureuse, la lumière féroce des profondeurs, la vitalité des grandes traversées de nuit, l’étourdissement des émotions intenses, la vie aux lisières de la transe.
Elle aime les novateurs, de Rosalia à Björk en passant par Kendrick Lamar, les chanteuses qui allient fragilité et force comme Lole Montoya, Janis Joplin, Mercedes Sosa, Nina Hagen, autant que la musique baroque et la liturgie extatique des chants grégoriens. Elle confronte sa voix à une modernité novatrice, guidée par son obsession de la recherche et son goût de la transgression, jouant autant avec ses producteurs à introduire des synthés aux textures ‘irisantes’, des rythmiques électroniques empruntant au reggaeton, qu’à s’approprier certains codes du Rébétiko grec qu’elle aime tant.
La vidéo de « L’étoile » est disponible ici