L’air chaud qui balayait la poussière de cette nuit printanière me soufflait à l’oreille la présence de quelques vieilles légendes locales. Ici où cowboys et indiens se côtoient, à présent, ce soir, les esprits prendraient corps et possession de cette ville fantôme. Dans l’embrasure rougeoyante du mythique endroit, je m’engouffrai, en proie à quelques tentations. Mescaline et squelette dansant, sueur et tremblements, rendez-vous avec le diable et ses enfants…
D’abord, la foule à traverser. L’autochtone est de sortie ce soir ; et me frayant un passage à travers cette marée humaine, je me poste au-devant de la scène. C’est qu’on m’a dit le plus grand bien de ces suppôts de Satan qui ouvrent le bal.
Fair, Blatt & Hill, c’est du costaud, du lourd, ça cogne et ça rend sourd. Des musicos vachement balèzes, pour un son orageux qui chevauche l’apocalypse. Le bassiste n’a peut-être pas la peau sur les os ce soir, mais les nerfs de sa 4 cordes se tendent à l’extrême, palpitent et claquent sous ses doigts agiles. Le guitariste-chanteur éructe et psalmodie en manifestant un détachement propre à un Jay Mascis mû en Josh Homme (où l’inverse ?) et le batteur martèle ses fûts et cuivres sans retenue. Haletant comme un pur sang entraîné dans une course frénétique, le Stoner Psychadélic Rock de ces trois Liégeois se fond comme la lave des volcans dans la terre fertile.
Assisté dans leur performance par l’artiste graphique Yves Budin qui du reste, marque de son pinceau toute leur esthétique, le combo donne de la boule Quiès à retordre à celles et ceux qui étaient venus sans méfiance assister à un concert Pop. En résulte un enthousiasme modéré, si ce n’est dans le chef de quelques joyeux drilles tous acquis à la cause FB&H. Pour ma part, je suis définitivement rassuré sur l’avenir du Rock en région liégeoise.
Vient ensuite le tour des Can D, au pays desquels on s’amuse, on pleure, on rit. Emmenés par la foi et l’impressionnante maîtrise de ses membres, le set dévoile le contenu de l’album « Help Yourself », dont c’est ici, la présentation officielle. Baptême du feu pour cette plaque electro résolument tournée vers la Pop qui mêle le son des années quatre-vingt (on pense à Human League ou Orchestral Manœuvre in the Dark) à un Rock plus contemporain. Le chanteur possède une voix parfaite pour ce type de musique et le claviériste assure la grande part d’originalité du son Can D.
Au sein du paysage sonore de notre mère patrie, ce groupe possède un potentiel propre à plaire à un large public. Quant à savoir si les horizons extraterritoriaux s’ouvriront à eux, il est sans doute encore tôt pour se prononcer, mais il est un fait qu’ils méritent bien plus qu’une attention focalisée sur l’est du pays.
Proposant en guise d’interlude une version acoustique rehaussée par la présence d’un accordéon et d’un harmonica sur le morceau « Happy thought » et le single « Chill Out », servi à deux reprises (le répertoire ne justifiant pas encore de rappels à rallonge), ce set prouve qu’en l’espace de quelques années, le Rock belge, même à petite échelle, a gagné en maturité. Il s’est émancipé et surtout a gravi les échelons qui le séparaient des grosses pointures.
Ne reste plus qu’à conquérir le monde.
Via la route 66 ?
(Organisation : Spirit of 66)