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Fun Lovin’ Criminals

Presque parfaits

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Fondé en 1993, ce trio est devenu célèbre suite à la publication du single « Scooby Snacks », une chanson incluant des samples de dialogues, extraits des films ‘Pulp Fiction’ et ‘Reservoir Dogs’ de Quentin Tarantino. Et paru il y a quelques mois, leur premier opus, ‘Come Find Yourself’, constitue un des meilleurs disques de hip-hop crossover rencontré depuis un bail! Le trio est aussi invité au prochain T/W (le vendredi à Torhout et le samedi à Werchter). L'interview était donc presque obligatoire.

C’est Steve, le batteur, qui nous a servi d'interlocuteur. Même s'il est le dernier venu du trio, son rôle ne se limite pas à la batterie: comme Fast, il s'occupe aussi de la programmation des machines. Ce Fast, lui, c'est l'homme à tout faire ou presque, il cumule les rôles de bassiste, claviériste, harmoniciste et même de trompettiste! Mais c'est Huey, le 3e homme, qui est sans doute le plus important: il est guitariste et parolier. Ses racines sont clairement puisées dans le blues-rock et c'est peut-être la raison pour laquelle les Fun Lovin'Criminals pratiquent un savant mélange de la technologie des années 90 et d’éléments qu'on trouve à l'origine du blues, du jazz et du rock'n'roll. Un peu à la façon de Beck ou des Beastie Boys...

"Nous sommes compositeurs tous les trois, dit Steve, mais il y a de grandes différences entre nous, parce que nos centres d'intérêt et nos influences sont fondamentalement disparates, même si on se retrouve sur bien des terrains."

Le terrain de prédilection des FLC, c'est la scène. "Même si nous utilisons des machines très performantes, explique Steve, nous restons prioritairement un groupe live ! Il y a tant de gens qui savent tout faire en studio, mais peu sont capables de se produire en ‘live’, en tant que formation. En fait, 80% de chaque chanson est d'abord conçue sur sampler, avant que nous décortiquions l'ensemble et que nous y ajoutions de ‘vrais’ instruments. Nous avons toujours procédé de la sorte. C'est sans doute l'héritage de nos débuts accomplis au Limelight de New York : on débarquait avec nos bandes sous le bras, mais on jouait dessus en direct, à l’aide de nos instruments. Je crois que c'est la bonne méthode."

Huey, Fast et Steve se sont réunis en 93 sous la bannière d'un nuage de fumée et d'un goût commun pour le bizarre. Ils viennent d'une petite ville située à 3h de voiture de New York. "On s'est retrouvés ensemble à New York après avoir tâté de tous les genres, au sein de différents groupes. Perso, j'ai joué dans des groupes de rock assez classiques, mais j'ai aussi tâté du funk et même de la techno! Ce n'est pas nécessairement un mal ; ça nous a en tout cas donné le goût de l'éclectisme. On mélange tout, parce que ça nous fait poiler. Bien sûr, les journalistes nous attribuent plutôt l'étiquette hip-hop, ce que je comprends parfaitement, mais c'est un peu schématique. On sonne rap, mais pas rien que ça. Il y a d'ailleurs beaucoup de vocaux ‘live’ sur notre Cd."

Comme par exemple, sur cette reprise de ‘We have ail the time in the world’, le thème d'un James Bond (‘Her Majesty's Secret Service’), composé par John Barry, mais interprété initialement par Louis Armstrong.

Autoproduit

Le premier album des FLC (1) est autoproduit. C'est plutôt rare pour un groupe débutant, non? "Oui, c'est marrant. Pendant des semaines, on a bossé chez moi, dans le studio que je me suis construit. On a réalisé des démos qu'on a envoyées à gauche et à droite. EMI a accroché tout de suite. On est donc allés les voir pour discuter le coup. Immédiatement, ils nous ont dit qu'ils voulaient qu'on enregistre et produise l'album nous-mêmes. Franchement, on était sur le cul quand on a entendu cette proposition. On a fini par accepter à la condition de pouvoir disposer d'un ingénieur du son hors-pair. On adorait le boulot que Bob Power avait accompli pour A Tribe Called Quest et De La Soul ; c'est donc tout naturellement vers lui que nous nous sommes tournés. Le plus drôle, c'est que le gaillard, lui aussi, tenait absolument à ce que nous produisions nous-mêmes l'album. A croire qu'ils s'étaient tous donné le mot! Le type dont nous adorions le boulot nous disait: ‘Eh les gars, vous n'avez pas besoin de moi, faites-le vous-mêmes, vous pouvez y arriver’. C'est donc contraints et forcés qu'on s'est tapé tout le turbin ; mais on ne le regrette pas."

Courtes et directes

On ne peut pas reprocher au trio de tourner autour du pot. Les chansons sont courtes et directes. "Ben heu, c'est vrai... Les trucs longs, on n'aime pas trop, ça nous emmerde. Moi, après 4 minutes, je cale. Il faut que ça bouge, je ne sais pas quel plaisir on peut prendre à faire traîner les choses en longueur. Notre façon de fonctionner, c'est plutôt de bosser ensemble, de pondre de bonnes mélodies, de bien les asseoir, d'en tirer un maximum et puis de passer à la chanson suivante."

Les textes –qui sont l'œuvre quasi exclusive de Huey– sont habituellement un élément primordial du hip-hop. Est-ce aussi le cas chez les FLC? "Nous n'avons pas de message particulier à délivrer, pas de prêchi-prêcha. Les textes de Huey sont simples, ce n'est pas un grand philosophe, il se borne à raconter ce qu'il ressent devant les situations qu'il vit. J'ai juste remarqué qu'il a tendance à être plutôt optimiste que pessimiste. Il n'aime pas trop déballer la merde, il préfère, même quand il parle de choses assez noires, voir le bon côté, trouver la porte de sortie, avoir la réaction qui s'impose."

On sait que les FLC sont les favoris de Quentin Tarantino qui les a d'ailleurs laissés faire joujou avec les dialogues de Pulp Fiction sur ‘Scooby Snacks’, un titre qui commence tout doucement à monopoliser les ondes radios. Pour ses samplings, le trio new-yorkais est assez imprévisible, ainsi c'est le riff du ‘Free Bird’ des Lynyrd Skynyrd qu'on retrouve sur ‘Bombin the Ln!’. "Pour les samplings, on cherche évidemment les trucs qu'on aime dans notre discothèque. On a choisi Lynyrd Skynyrd, mais on aurait pu reprendre A Tribe Called Quest qui fait partie aussi de nos favoris. Pendant tout un temps, on vivait dans un petite appart’ et on n'avait pas de blé. On n'achetait pas de Cd et on écoutait invariablement un disque d'A Tribe Called Quest! Mais bon, ils sont très proches de nous, de toute façon. "

Article paru dans le n° 44 de juin 1996 du magazine Mofo

Hothouse Flowers

La religion ? Un prétexte pour entretenir la guerre qui sévit en Irlande du nord…

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Les Hothouse Flowers sont des lrlandais on ne peut plus ‘roots’. Il est vrai qu'en portant des noms comme O’Maonlai ou O'Braonain, vos origines deviennent vite suspectes. Puisant son inspiration dans le riche héritage de la verte Eirinn, le groupe perpétue, avec fierté et passion, la tradition gaélo-celtique.

A partir de cet instant, les clichés sont faciles : on pourrait parler de la Guinness, des jolies rousses voire du trèfle à 4 feuilles mais dans ce cas-ci, il vaut mieux les éviter. Hothouse Flowers n'est pas une formation folklorique faisant résonner les binious sur les bords du Connemara ou dans la vallée de Cork. Ses inclinations musicales passent par la soul et le rhythm'n'blues. Leurs compositions véhiculent un côté religieux voire mystique, très proche des négro-spirituals et du gospel made in Harlem.

Définitivement black. Pour en parler, avec en toile de fond le 3ème album « Songs From The Rain », le batteur Jerry Fehily et le saxophoniste Leo Barnes.

Quelqu'un a dit un jour que les Irlandais étaient les Noirs d'Europe. Votre point de vue?

Leo Barnes : Exact. Les Irlandais se rattachent toujours à leurs racines, à l'instar des Noirs américains qui n'ont jamais oublié l'Afrique. De plus, la musique irlandaise a influencé la musique américaine et vice-versa. Dès lors, ce n'est pas surprenant qu'il y ait des points communs entre les 2 cultures. Comme les Noirs, les Irlandais ont beaucoup souffert au cours de leur histoire. Aujourd'hui, c'est davantage l'Eglise que l'Angleterre qui nous opprime. Elle est intolérante. La plupart de nos concitoyens ont voté oui à Maastricht, ils espèrent ainsi que l'Europe, et non l'Angleterre, apportera une solution aux problèmes économiques, sociaux et religieux de notre pays bien que la religion, pour en parler, ne soit qu’un prétexte pour entretenir la guerre qui sévit en Irlande du nord…

D'un point de vue musical aussi, Hothouse Flowers affiche un côté black. C'est évident sur votre nouvel album.

Jerry Fehily : Hothouse Flowers n'est pas un groupe folk traditionnel, à vrai dire. Sur le nouvel album, il n'y a ni accordéon, ni violon. Nos influences musicales sont diverses : elles vont du rock pur et dur au rhythm'n'blues, en passant par la soul music. Personnellement, j’aime bien un truc comme Chick Corea... Quant aux textes, ils ne font jamais allusion à l'Irlande. Liam (O'Maonlai) s’inspire d'expériences personnelles, relatives à sa vie et non au pays. Pas de message d'ordre politique ou social.

Ce qui frappe chez vous, c'est aussi votre dimension religieuse voire mystique. L'influence du gospel et du negro-spiritual?

L.B. : Rejoins ma secte, si tu veux. Donne-moi d'abord ton argent puis tu vivras une expérience mystique... (rires) Non, religieux n'est pas le terme adéquat. Je parlerais plutôt de spiritualité. Nos concerts sont des messes où on ne célèbre qu'une chose : le rock'n'roll!
J.F. : Deux morceaux de « Songs From The Rain » ont été enregistrés à Woodstock, dans une ancienne église transformée en studio d'enregistrement. Peut-être qu'inconsciemment, le lieu nous a inspirés.

Apparemment, vous développez votre style sans tenir compte de nouveaux courants musicaux, comme le grunge.

J. F. : J’estime qu'un morceau comme « Spirit Of The Land » est un peu grungy, même s'il n'y a pas de guitares saturées. Si tu t'étais trouvé à proximité des amplis, la 1ère fois où on l'a joué, tu aurais été impressionné par sa force. Dans l'ensemble, il y a davantage de guitares sur le nouvel album que sur « Home », le précédent.

Il y a un titre sur l'album, « One Tongue », qui prône l'emploi d'un langage universel. Le gaélique, par exemple ?

J. F. : Notre langue maternelle, à Léo et à moi, c'est l'anglais, à la différence de Liam et de Fiachna (O'Braonain) qui ont été élevés dans les 2 langues irlandaises : l'anglais et le gaélique. Fiachna parle aussi le français. C'est utopique de croire, bien sûr, que tout le monde puisse un jour parler la même langue, car il y a trop d'ethnies et de cultures différentes sur terre. C'est avant tout un état d'esprit : cette chanson plaide en faveur de la tolérance, de l'acceptation des différences et de la compréhension entre les peuples.

(Article paru dans le n° 12 d’avril 1993 du Magazine Mofo)

The Presidents Of The United States Of America

L’état de grâce…

On peut vendre deux millions de disques rien qu'aux USA et ne jamais arriver à se produire en Belgique. Les Presidents ont en tout cas raté leur 2 premiers rendez-vous belges, mais ils ont une 3ème chance.

"C'est assez incroyable : les deux fois où un membre du groupe est tombé malade, c'était le jour avant de jouer en Belgique! Il doit y avoir une malédiction. La prochaine, pour être sûrs, on commencera la tournée par la Belgique." Chris Ballew et Dave Dederer sur le flanc, c'est Jason Finn, le batteur du trio qui répond à nos questions.

En dehors des Etats-Unis, c'est en France que le groupe de Seattle a recueilli le plus de lauriers. "Inexplicable, estime Jason. Dave dit toujours que c'est en France que Jerry Lewis a le plus de succès proportionnellement. Peut-être nous comportons-nous comme lui ? Enfin, plus simplement, c'est sans doute parce que les médias français nous ont acceptés tout de suite. Bizarrement, c'est en Allemagne que nous avons suscité le moins d'intérêt."

De toute façon, Jason dit avoir déjà été fort surpris que les gens aient accroché si vite, tant aux Etats-Unis, en Belgique qu’en France. "On a commencé par prendre du bon temps entre nous, et on ne s'est jamais départi de cette conduite. Maintenant le groupe est connu internationalement ; c'est comme s'il n'y avait pas eu de transition entre notre première répète et le fait de vendre des millions de disques. Je me suis dis : ‘Comment est-ce possible que ce genre de truc m'arrive ?’ C'est le genre d’aventure dont on peut rêver, mais personne ne peut s'y attendre."

L’histoire d’un nom...

Ce qui frappe immédiatement, c'est le patronyme des trois Américains. "On l’a choisi comme ça. Rien n'était calculé. Il s'est avéré que c'était un bon nom, à la fois stupide et attrayant, à la fois. Grandiloquent et simple, aussi. Exactement celui qu'il fallait pour décrire notre style de rock qui ne se prend pas au sérieux. Chris et Dave sont depuis longtemps dans les mêmes groupes et ils se sont appelés de différents noms comme les Dynamic Duos, les Pure Frosting... Perso, j'étais dans Love Battery avec qui j'ai enregistré 4 albums. Trois pour Sub Pop et un pour A&M" (NDR : le dernier "Straight Freak Ticket", paru en 95).

"Il n'y a pas la moindre connotation politique", enchaîne Jason. "Dans le contexte musical, s'appeler les Presidents, c'est particulièrement bêta, non ? Bien sûr, nous sommes plutôt démocrates que républicains, mais c'est à titre personnel, individuel. Et rien ne l'indique dans notre musique ou dans nos paroles."

En tout cas, les Presidents n'ont pas rencontré le moindre problème dans leur pays après ce choix. "Sans doute parce que c'est employé au pluriel, qu'on n’a pas choisi le ‘Président des Etats-Unis’. Là, peut-être y aurait-il eu des réactions? En Europe, on utilise l'image présidentielle, et notamment ces photos où nous sommes maquillés, moi en rouge, Chris en blanc et Dave en bleu, les couleurs du drapeau américain. Mais chez nous, on essaie d'éviter ce genre de références pour privilégier l'absurdité du nom."

Le trio provient de Seattle. Ouais, bon, on ne pouvait pas passer la ville sous silence, en rencontrant Jason... "Les projecteurs, depuis l'avènement du grunge, sont braqués sur Seattle. Des événements s’y déroulent ; l'infrastructure est présente, notamment des clubs où se produire et des fantastiques studios de répète. Il y a aussi des stations radio qui sont ouvertes plus que largement aux groupes débutants. Et il n 'y a pas, comme en Angleterre, une stupide compétition entre les formations. Les Presidents sont très Seattle, mais ce n'est pas l'avis de tout le monde. Pour certains, Seattle, c'est Soundgarden ou Nirvana et rien que ça. Je me dis que la ville n'est plus une ville, mais une sorte de concept étrange... En tout cas, à mon avis, il faut pas aller à Seattle pour trouver le prochain Nirvana."

Le côté extrêmement fun des Presidents s'inscrit-il en réaction contre la déprime manifestée par les Nirvana et consorts ? "Je ne crois pas", répond Jason. "Certains groupes grunge sont aussi très fun, très marrants. Nirvana est également responsable de textes très drôles ; ce n'est pas parce que Kurt Cobain s'est suicidé, que tout était noir chez eux. Mais bien sûr, Nirvana, Alice In Chains et Soundgarden privilégient les sons mineurs considérés comme plus tristes..."

Tout le contraire des Presidents. Il semble d’ailleurs que sur leur premier disque, il n’y ait aucun accord mineur. "C'est sujet à caution, tout dépend un peu de l'interprétation. Bref, sur certaines chansons, c'est limite, ça peut être mineur ou majeur selon la façon dont on la joue… Mais en fait, je suis le batteur, c'est le genre de question à laquelle il m’est difficile de répondre."

Jason est le plus jeune des trois, il a 28 balais tandis que Chris et Dave sont respectivement âgés de 30 et 31 ans. Tous, ils sont dans le bizness depuis plusieurs années. "Mais on découvre maintenant un côté des affaires qu'on ne connaissait pas : le côté non musical qui découle naturellement du succès... Mais je ne vais pas commencer à me plaindre, ce serait indécent! Nous avons la possibilité de toucher beaucoup plus de gens. A nous de gérer ce phénomène, de continuer à écrire de bonnes chansons et à réussir de bons concerts."

"On discute beaucoup tous les aspects du groupe. Mais on n'est plus des teenagers, on a grandi et on sait communiquer ensemble sans gueuler. Parfois, c'est dur, mais heureusement on partage les mêmes goûts, la même esthétique, les mêmes idées sur la musique. Et on est tous les trois également impliqués. "

‘Ca plane pour moi’ en Yankee-yourt

Les Presidents sont connus pour leurs reprises : celle de ‘Kick out the jams’ de MC5 notamment, qui figure sur le premier album ; mais sur scène, le groupe reprend ‘Video killed the radio stars’ et ‘Ca plane pour moi’ en version yankee-yaourt! Si, si... Pourtant, aucune de ces deux covers n’a été retenue pour le prochain opus. "On les réserve pour la scène parce que ce sont des chansons qui s'y prêtent. Cela dit, ‘Ca plane’ vient de sortir sur un single en France, mais je ne sais pas si les Francophones retrouveront les paroles originales. En fait, nous on n'y comprend rien! Quant à ‘Kick out the jams’, c'était juste une chouette respiration en forme de clin d'oeil, un classique dont on s'est dit qu'il collait parfaitement à notre répertoire…"  

Ce prochain LP est quasi terminé : 25 chansons ont été enregistrées en janvier dernier. "On attend la fin de la tournée pour les mixer, ce sera sans doute un peu après septembre. Ne t'attend à rien de très différent de ce que nous avons réalisé sur le premier disque. Il y aura un peu plus de trucs rapides parce que, pour s'adresser aux foules, c'est plus efficace (rires), mais les chansons sont comparables. Ah oui, le son sera meilleur, mais tu t’en doutes certainement ; on a mis plus de moyens à notre disposition" Le premier disque n'aurait coûté que 120 000 FB (NDLR : 3 000€), une paille. "L'album provisoirement devrait s'intituler ‘Two’. On s'arrêtera à ‘4’. C'est là que Led Zep s'est arrêté, alors que Chicago continuait... On a choisi notre camp!"

Les thèmes des chansons du prochain disque ? "Plus de chansons à propos des animaux et des bagnoles (rires). Tu sais, les paroles, on n'y accorde qu'une importance relative, le tout est de s'amuser."

Ah oui, et ‘Lump’, c'est pas une chanson sur le cancer ? C'est pas très léger ça comme thème, hein Jason? C'est aussi ‘pour s'amuser’! "Ouais, Chris l'a écrite effectivement à propos d'une tumeur. Mais on a un peu hésité, parce que le sujet est très grave, très triste. Alors on a utilisé une métaphore. On peut penser que cette chanson parle d'une femme monstrueuse. Une façon de désamorcer la ‘tension’".

Jason n'écrit pas lui-même de texte: "Je suis à peine capable d'écrire des cartes postales, alors..."

(Article paru dans le n° 44 du magazine Mofo de Juin 1996)

Soul Coughing

Et Tori Amos, dis, tu connais?

Écrit par

Ils sont quatre, jeunes et ‘hypeeer’ sympa comme tout. Ils ont du talent à revendre et par conséquent, soulèvent l’enthousiasme des foules, de plus en plus nombreuses... Cette intro façon magazine pour jeunes (au fait, vous ai-je dit qu'ils étaient beaux?), est destinée à saluer la sortie imminente du second album de Soul Coughing…

En publiant « Irresistible Bliss », leur 2ème opus, les New-yorkais de Soul Coughing ont réussi un nouveau coup de maître. Musique urbaine oscillant sans cesse entre jazz, hip hop, rock et ambient, truffée de samples décalés, écriture accrocheuse, titres qui tiennent l'auditeur en haleine jusqu'à la dernière seconde, c'est, le moins que l'on puisse dire, de l'excellent matériel qui, joué live, assurera sur scène et dans la salle un maximum de surprises et de plaisir. Ce dont témoignent les propos tenus par Mark, compagnon-sampleur, et Sebastian, bassiste accro aux séries B.

Toujours plus de ouaf!

Ceux qui avaient craqué sur « Ruby Vroom » ne risquent-ils pas d'être un rien désarçonnés par le côté très rentre-dedans de « Super Bon Bon », le titre d’ouverture de votre second elpee ?

Sebastian : Je crois que cet aspect plus dur existait déjà sur certains titres de « Ruby Vroom ». Ecoute « Uh Zoom Zip » ou « Bus to Belzeebub », tu verras! C'est vrai que le premier album laissait peut-être parfois une impression de légèreté, mais ici l'attitude est restée très similaire. « Super Bon Bon » n'est que l'extension naturelle d'idées plus anciennes.

Vous avez encore utilisé des samples bizarres?

Mark : Euh, il y a toujours plus d'animaux! Plus sérieusement, nous avons encore mieux cerné l'approche des samples. Nous nous sommes lancés sur la voie du développement ultime du clavier. Hormis cette nouvelle orientation, tout comme pour le premier album, une très grande star de la musique est à nouveau samplée. En fin de compte, jouer à l’aide d’un sampleur, ce n’est pas juste pour faire bizarre ; c'est pour nous une façon d'ajouter autant que possible de la couleur et de l'intérêt.

Au fait, quel est le truc le plus bizarre que tu aies jamais samplé ?

M : Ecoute... Tout ce que je peux te dire, c'est que c’était tôt le matin, et que je l'ai capté directement dans le micro.

Yngwie qui ?

Il y a toujours beaucoup de percussions dans votre musique ; est-ce parce que le rythme y est prépondérant ?

S : Il ne nous semble pas plus important qu'auparavant même si nous avons soigné le rythme de ce disque. Pour nous il a autant d'importance que les mélodies et les harmonies. Nous sommes tous des musiciens rythmiques, et la batterie est aussi mélodique que les autres instruments.

Pourtant, votre musique est composée au piano ou à la guitare, dans une chambre d'hôtel...

M : Mais si, nous l'avons déjà fait!
S :
Concrètement, chacun a le droit d’apporter une idée. Parfois, elle intéresse tout le monde, parfois pas. Si c'est le cas, même si elle est minime, elle grandit au fil des répétitions et elle devient celle du groupe. Personne n'arrive jamais en déclarant : ‘Voilà, ça c'est notre nouvelle chanson, et c'est ainsi qu'elle devra sonner’. Ça ne marcherait pas.
M :
Ce processus est également très ‘low-tech’ ; nous n’avons pas besoin de tout notre matériel pour créer...

Vous recherchez la présence de musiciens invités ?

S : Sur cet album, nous avons reçu le concours d’un certain Walter E Sears. Il possède son studio à New York. C’est un pionnier de musique électronique. Il a notamment bossé en compagnie de Bob Moog sur les premiers synthétiseurs. C'est un type très agréable à côtoyer, toujours disponible et qui raconte de bonnes blagues. C'est le genre de guest dont nous avions vraiment besoin. Nous n'avons pas envie de solliciter de grands noms, un guitariste renommé ou quelqu’un du style.

New York, USA

Au début, vous apparteniez à la scène new-yorkaise...

S : Et puis on s'est fait virer (rires). Mais je t'interromps, pose ta question!

Non vas-y, continue...

S : Eh bien nous sommes tous issus de la Knitting Factory, parce que le dub était le point de rassemblement de tous les musiciens blancs issu de l'underground new-yorkais. Mais Soul Coughing n'est pas nécessairement une partie intégrante de cette scène. Principalement parce qu'on n'y rencontre pas beaucoup de groupes ; ce sont surtout des musiciens qui se réunissent pour travailler sur différents projets.

Vous vivez toujours à New York ?

M : Les autres oui, mais moi je viens juste de déménager à San Francisco. Il y a autant de buildings et de monde, mais c'est plus coloré. Il y a du soleil, de l'air... J’ai vécu à New York pendant 11 ans et après avoir été aussi longtemps sur les routes avec le groupe, j'ai fini par cesser d'apprécier la ville. Une fois de retour, j'avais tout bonnement envie d'être ailleurs.

Vous croyez que Soul Coughing aurait réalisé une autre musique si vous n'étiez pas originaires de New York ?

M : New York a influencé nos débuts. C'est une ville où l'information est tellement présente, où il y a tellement de sons, où tu vois tout le temps tellement de choses, que cet environnement te pousse à tout intégrer et à transformer le tout en quelque chose de plaisant sous peine de devenir complètement fou! Sans quoi, je crois que la ville est moins présente sur le second album.

Groove en boîte

Que se passe-t-il quand vous êtes sur scène ?

M : Ce qui domine, je pense, est une espèce de sentiment de danger. Le public a cette impression que la suite n’est pas prévue, ne sera pas évidente.
S :
Plus particulièrement de nos jours, quand les gens entendent de la groove music, ils assument le concept qu'elle a été fabriquée en studio, à l’aide de drum-machines, de séquenceurs, etc. Quand nous sommes partis en tournée, pour défendre notre album précédent, de nombreux sceptiques ont voulu que nous leur ‘prouvions’ notre musique.

Au fait, à quoi ressemble un fan de Soul Coughing?

S : Oh, en général, il mesure 1 m87... (rires). Au début c'était surtout un public à la recherche de musique alternative qui savait que nous venions de New York. Actuellement il s'élargit, mais touche toujours essentiellement un public blanc, ce qui n'est pas forcément positif
M :
C'est en Europe que notre public est le moins spécifique.

Tiens, y a-t-il un groupe européen dont vous vous sentiriez proches, artistiquement parlant?

S : Portishead, je crois.

Et toute la vague de Bristol?

M : Non, juste eux, pour la façon dont ils détournent la musique de danse vers quelque chose de tout à fait autre. La jungle exerce aussi une grosse influence sur notre création. Au-delà, je ne pense pas que nous nous identifions à un groupe particulier. Même si en Europe, on nous a souvent comparés à Can, et aux USA, à Morphine.

Silence on joue

Quel genre de musique écoutez-vous actuellement ?

S : Pas mal de trance, Thelonious Monk, beaucoup de dub, du reggae, de la jungle, Igor Stravinski, Public Assaut... Le silence aussi, qui est très, très important à mon sens.
M :
Pour le moment j'ai la chance d'avoir accès aux collections du Smithsonian Institute, et là, ça va de la vieille musique américaine aux danses aborigènes en passant par l'Asie. En fait, les seuls trucs que je ne peux pas écouter, c'est toute cette frange de nouveau rock américain, et la Britpop.

Tantôt, vous parliez d'underground ; vous avez l'impression de toujours ‘en être’?

M : Je ne me vois pas comme un artiste. Je me suis lancé dans la musique exactement comme on entrait dans une Guilde au XIVème siècle. Je me considère plutôt comme un bâtisseur, qui aime mettre des sons ensemble, et manier ses instruments. Bien sûr, quand j'étais jeune, il y avait des gens que j'admirais, mais uniquement à cause de leur musique. C'est pour cette raison, par exemple, que je suis toujours choqué d'être interviewé par des journalistes anglais. En général, ils n'en ont vraiment rien à foutre de la musique.

Et pourtant, vous devez être de plus en plus impliqués dans tout cet aspect bizness, maintenant que le groupe commence à être connu. Vous allez faire quoi alors?

S : Fumer beaucoup d'herbe, bien sûr (rires). Non... Ce métier peut être drôle si tu ne le prends pas trop au sérieux. C'est vrai que c'est sympa de poser pour des photos, répondre à des journalistes, c'est marrant de parler de soi mais jusqu'à un certain point seulement. En ce qui nous concerne, surtout après avoir été aussi longtemps sur les routes ensemble, nous avons pris le parti de jouer avec notre image, et la façon dont nous sommes perçus. Tout en restant honnêtes à l'égard de nous-mêmes. C'est vrai que c'est parfois râlant de voir son temps se consumer pour des choses qui n'ont pas d'importance, mais en même temps, se présenter face aux gens sous divers aspects est un jeu assez cool.
M :
C'est bien d'être apprécié, surtout par d'autres musiciens. Mais il ne faut pas perdre de vue, que le public ne te connaît qu'au travers de la scène ou d'une interview. Donc, d'une image.

Tori Amos…

Mark, Soul Coughing est paraît-il ton premier groupe... Tu as eu du mal à t’intégrer ?

M : Lors de notre première rencontre, je trouvais cette situation tellement importante tout en ne sachant pas à quoi m'attendre, que je n'ai même pas apporté mon clavier. Puis, pendant notre premier concert, j'étais décidé à ne jouer que si je savais ce qu’il fallait jouer à tel moment précis. Tu sais, pour une petite différence de ton, tu peux soudain reproduire du Bruce Springsteen! Bref, pendant près de la moitié du concert, je me suis contenté d’attendre. Je devais être très prudent! Il m'a bien fallu 6 mois avant de m'intégrer.
S :
Ce qui est positif chez lui, c'est qu'il ne se sent pas ‘obligé’. Et d'autre part il est un des premiers à vraiment utiliser son sampleur selon la philosophie qui a poussé à la conception de ce genre d'engin. Cet instrument ne produit pas de son en lui-même. Il dépend totalement de son utilisateur et de ce qu’il y met. Et Mark, contrairement à d'autres –surtout des DJ avec un clavier– est attentif aux sons, aux contextes. Quand il ‘repique’ quelqu'un de très connu, ce n'est pas dans l'optique de lui décerner une note.

Vous ne direz vraiment rien de celui ou celle que vous avez samplé cette fois?

M : Lorsque nous sortirons notre prochain album! Sur le premier, nous avions choisi Tori Amos. Mais ne l'écris pas, hein! Elle figure sur deux chansons. Pour moi, c'est à la fois très abstrait et évident ; mais personne ne le sait. Je jubile. Cette énigme appartient à notre jeu. Mais là, on doit être de plus en plus prudents, puisque nous sommes de plus en plus connus.

(Article paru dans le n° 43 du magazine Mofo de mai 1996)

 

The Divine Comedy

Le ridicule du sérieux…

Écrit par

Dans le jargon journalistique, il y a, en matière d’interviews, les bons et les mauvais clients. A ces derniers, il faut tirer les vers du nez, poser 15 questions pour obtenir 10 malheureuses lignes écrites. Neil Hannon, alias Divine Comedy, lui, est un des meilleurs clients! Il suffit de lui lancer quelques mots en pâture et ce sera toujours intelligent, pertinent et drôle... Car le bonhomme ne se prend jamais au sérieux et il semble toujours hésiter entre une belle formule ou un bon mot. A Paris, peu avant un excellent concert au Trianon, il a parlé de « Casanova », bien sûr, son nouvel album, mais aussi des précédents et de son désastreux concert au Botanique, accordé en septembre dernier.

Scott Walker, mon grand fan

Pour « Promenade », le précédent album, tu avais avoué avoir beaucoup écouté Philip Glass et Mychael Nyman. Qui cette fois?

Je ne prends jamais la décision consciente d'écouter quelqu’un de bien précis pour ensuite le copier : ce serait lamentable. Mais il y a toutefois des influences évidentes: Burt Bacharach, John Bany et... Scott Walker, comme toujours. C'est mon grand fan.

Vraiment?

C'est ce que tu es censé écrire (rires). Il a dit des choses assez gentilles à mon sujet. Des journalistes ont dû l'acculer dans un coin et lui demander de citer un artiste contemporain qu'il aime! Et comme il a reçu tous mes CD, il a dû citer mon nom. Il a dit ‘Divine Comedy, ils sont très bons. Je ne les ai jamais entendus, mais ils sont excellents.’

Que dirais-tu de ta vie?

Quand je réécoute « Promenade », je repense à tous ces jours passés au lit dans le flat de mon frère à Ealing. J'avais écrit toutes les musiques mais je n'avais aucune idée pour les textes. Je suis juste resté couché des semaines entières. Et j'ai rêvé le tout. L'idée que des gens écoutent ce disque et pensent la vie merveilleuse que je mène, est vraiment absurde: j'ai vécu une époque épouvantable. Parfois, les plus belles choses naissent des pires! Ce sont des expériences rêvées bien plus que vécues. D'ailleurs, il faudrait un certain culot pour affirmer avoir volé (« Tonight We Fly »). J'aurais peut-être dû me jeter par la fenêtre?

« Tonight We Fly » terminait « Promenade ». Est-ce à dire que pour toi, le dernier morceau d'un disque est très important ? Est-ce le cas encore cette fois?

Sur la dernière chanson, je tiens à finir sur une note plus positive. Il est de mon devoir de ne pas déprimer les gens. Mon problème, c'est que j'ai beaucoup de chansons pour la fin de l'album et peu pour le début! Alors, cette fois, j'ai essayé d'écrire un morceau dans le but spécifique de commencer le disque... De là, ce « Hellooo », un peu ridicule ! « Casanova » est un album sérieux, mais ridicule aussi, par certains côtés. C'est toujours marrant de voir à quel point certaines personnes peuvent se prendre au sérieux. Moi, je ne rate jamais une occasion de me rendre idiot, de me tourner en bourrique. « Theme from Casanova » en est un exemple parfait : partir du rigolo pour arriver au divin. Les deux notions sont indissociables, comme le Ying et le Yang. Tu dois être sérieux, ce qui forcément te fait marrer. Et tu dois être sérieux quand il s'agit de rigoler. Cela dit, je ne suis pas un comique: je me contente de montrer du doigt le côté ridicule de la situation. Si je veux vraiment bien rire, je n'ai qu'à me prendre pour une popstar. C'est tellement absurde. Je suis juste ce petit bonhomme, fils d'un homme d'église. Je devrais sans doute suivre les traces de mon père mais je ne suis pas sûr que ce choix soit judicieux.

Sur ce morceau, « Theme From Casanova », tu donnes les crédits de l’album. As-tu hésité avant de te décider ?

Un peu et puis je me suis dit merde, allons-y! Il vient après « Through a Long and Sleepless Night » dont la fin est énorme et pompeuse. On dirait presque la musique de « Rocky ». Il fallait quelque chose de plus léger. Il y aura sûrement des gens très sérieux qui diront ‘Tu ne peux pas t’autoriser ça sur un disque. Tu es un artiste!’ M'en fous... Une précision au passage: ce n'est pas ma voix qui énonce les crédits, mais celle de mon claviériste.

Ce morceau commence comme de la musique d'ascenseur pour ensuite prendre une autre direction…

Oui et je suis assez content de ce titre. Il y a d'abord ces deux parties très ‘easy listening’ et un peu idiotes mais je ne savais pas comment conclure. Un ami s'est occupé des arrangements de cordes de cette finale. Ceux, stupides, du début sont de moi. On a ajouté ce bruit de tonnerre, ce qui communique ce sentiment de progression, de quelque chose qui grandit, grandit, pour soudain s'évanouir. Il fallait aussi que je case ma référence à « Pet Sounds »: de là, les aboiements de chien! Après, il y a encore cette chanson enregistrée en live avec un grand orchestre. Comme je ne cesse d'y dire ‘Goodbye, goodbye’, c’était difficile de la mettre au début... Et puis, je ne pouvais quand même pas finir sur ce « Theme From Casanova », cela aurait été trop nul.

Vraiment bizarre

Le texte de « Through a Long & Sleepless Night » est vraiment bizarre. Comment est-il né?

C'est une mélodie qui existait depuis 4 ou 5 ans. J'en ai toujours beaucoup qui me trottent dans la tête et dont je ne sais pas trop quoi faire. Apparemment, celle-ci attendait cet album-ci. Cela dit, je n'arrivais pas à lui trouver un texte, alors que tous les autres titres de l'album avaient le leur. Alors, j'ai rouvert mon carnet de notes de l'année dernière et j'ai mis ensemble tous les petits bouts que je n'avais jamais utilisés. Le procédé peut sembler paresseux mais il est intéressant... Je ne sais pas ce que j'ai à être aussi satisfait de moi. Dans les autres interviews, je n'ai cessé de trouver mes idées stupides. Pour celle-ci, je suis redevenu ce mégalomane égocentrique que je suis habituellement.

En fait, « Through... », c'est comme la traversée d'une nuit blanche et…

Au petit matin, tu allumes la radio, il y a un de ces stupides ‘Breakfast Shows’ où ils passent « Theme From Casanova». Le soleil se lève, tu entends les chiens aboyer dans les jardins... c'est affreux. C'est un concept-album! En fait, non, pas du tout, c'est un album qui respecte un thème, mais pas un concept-album.

Estimes-tu important qu'un album soit cohérent ?

Oui, pour moi, ce n'est pas qu'une collection de chansons que j'aurais, par hasard, écrites pendant une certaine période. Toutes les chansons font parties d’un tout ; c'est pourquoi il m'a toujours été difficile d'en extraire des singles. Enfin, cette fois, on le fera, parce qu'on veut faire rentrer un peu d'argent (rires). Il y aura sans doute « The Frog Princess » mais je ne suis pas sûr. Il faudra attendre... Mais tu en feras une excellente critique, tiens, voilà de l'argent...

A propos de cohésion, tu ne crois pas qu'elle est automatique quand les chansons ont été écrites au cours d’une même période ?

C'est sans doute le cas pour la plupart des artistes. Et pour moi aussi, vraisemblablement. Les textes sont le reflet des sujets de préoccupation réunis à un moment précis de l’existence. Quant à moi, j'essaie que ce soit un processus plus conscient. Le seul ennui, c'est que pendant l'écriture de cet album, je ne pensais qu'à une chose: au sexe !

Et comment te sentais-tu?

J’ai vécu pas mal de bon temps, à tourner en Europe. Mais je finissais toujours par me retrouver à Londres... sans argent! J’avais, comme toujours, tout dépensé. J'ai écrit la plupart des textes dans une piaule minable à Brixton. C'était assez déprimant. Je traversais des périodes où je me trouvais génial, et d'autres où je me trouvais à chier!

Quand écris-tu?

Il semble que ce soit toujours en hiver... Mais ce sera sans doute différent la prochaine fois, parce que je voudrais sortir un disque plus vite. Je n'aime pas disparaître deux ans, les gens ont tendance à m'oublier.

En concert, tu sembles toujours vouloir désamorcer une chanson trop sérieuse par une vanne. Par pudeur?

Je ne sais que répondre à cette question. Je suppose qu'il faut préserver une part de mystère. Tu as raison... Je ne peux pas me taper une dépression nerveuse chaque soir quand ma chanson devient trop personnelle… Comment Mark Eitzl d'American Music Club parvient-il à survivre, lorsqu’il part en tournée? Il semble à chaque fois déchirer son âme. Je ne pourrais jamais faire comme lui, je finirais en épave.

Ta musique est étonnamment ambitieuse pour quelqu'un de ton âge (25 ans). Vieillir te fait peur?

Non, non, au contraire, je suis impatient. Je pense avoir le cerveau d'un vieil homme (rires). Et donc, plus j'avancerai en âge, plus je me sentirai en accord avec moi-même. Du moins, je l'espère. En tout cas, je suis persuadé que mes meilleures années sont encore à venir. A moins que ça ne marche pas. Peut-être faut-il que je sois jeune? C'est vrai que cet album est terriblement ambitieux. Parfois, je me demande ce qui a bien pu me passer par la tête. Il y a quelque chose de trop gros, de presque boursoufflé. Mais si tu places la barre très haute, tu as peut-être une chance d'accomplir au moins la moitié du chemin. Parce que les contraintes sont si grandes, de temps et d'argent, qui te tirent vers le bas. Mais tu dois essayer. Plus c'est difficile, plus c'est intéressant.

(Article paru dans le magazine MOFO n°43 du mois de mai 1996)

 

Cowboy Junkies

L’esprit de famille…

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Mike Timmins est le frangin de Margo, la belle crinière des Cowboy Junkies. Ce grand frère –aussi noir qu’elle est blonde ou rousse– compose les chansons délicates qu'elle susurre. Si la guitare que se réserve Mike est plus présente sur « Lay It Down », elle est tout de même loin d'être galopante... Une évolution due au changement de label, aux luttes intestines de la famille ou à une tournée opérée en compagnie de ce blueseux de Townes Van Zandt qui a d’ailleurs dédié une chanson aux CJ ?

Nous avons toujours été de grands fans de Townes. Nous ne le connaissions pas à l’époque mais nous appréciions déjà sa musique. On s'est dit que ce serait formidable de partir en tournée avec lui. Nous l'avons simplement appelé et l'idée de nous accompagner lui a plu. Il s'est joint à nous pendant les 4 mois de la tournée US. Vraiment une expérience extraordinaire parce qu’évidemment on a davantage découvert sa musique mais aussi le personnage qui est très attachant.

C’est marrant parce qu’on a souvent l’impression qu’il n’y a pas vraiment de relations entre le groupe qui ouvre et la tête d’affiche…

Tout dépend du groupe vedette. En général, en ce qui nous concerne, nous choisissons nous-même ceux qui ouvrent pour nos concerts. Parce que nous les apprécions et que nous voulons les faire connaitre. Mais il n’est pas toujours possible de se voir durant la tournée. Les premières parties viennent, accomplissent leur set et doivent faire place nette tout en pensant au spectacle suivant, alors que la tête d’affiche se prépare. Mais lorsqu’on est ensemble pour un bon moment, il est toujours bon d’échanger des idées.

Vous n’en avez pas marre de cette sempiternelle référence à votre reprise du « Sweet Jane » de Lou Reed ?

Ah ! Ah ! Bien sûr que j’en ai marre. Mais ceux qui connaissent bien la musique savent que nous avons fait autre chose. Le grand public, lui, n’a entendu que cette reprise. Pas grave, il vaut mieux qu’il la connaisse plutôt que rien du tout …

Ne croyez-vous pas qu’au moment de sa sortie, votre version de « Sweet Jane » a déclenché un déclic chez Lou Reed. Il aurait été en quelque sorte inspiré pour enregistrer à nouveau de bons albums, comme « New York » ?

J’ai le sentiment qu’au moment où nous avons sorti notre « Sweet Jane », Lou Reed était déjà bien avancé dans l’écriture des chansons de « New York ». Désolé, mais je ne peux pas nous créditer cette étincelle. (Il rit) Comme beaucoup d’artistes, Lou traverse des cycles ; pour l’instant, il est dans un très bon. « New York » est un album prodigieux. Je n’ai pas encore entendu le nouveau.

Margot dit ‘fuck’

Je me trompe peut-être mais il me semble que sur « Just Want To See », on entend Margo jurer, elle dit ‘fuck’, non ?

Oui, tu as bien entendu. Simplement, ces mots font partie des paroles de la chanson. Margo jurait aussi sur l’album précédent donc…

Est-ce un problème de lui demander d’adopter un tel langage ?

Elle aime ça ! Margo n’est pas une petite fleur, elle ne rougit pas chaque fois qu’elle dit un gros mot (il rit).

N’a-t-elle pas peur de tenir son image ?

Je ne pense pas que ce genre de considérations la touche énormément.

Cet album semble un peu plus remuant qu’à l’accoutumée, surtout au niveau des guitares…

Il est certainement plus orienté vers ma guitare. Parce que nous voulions nous concentrer davantage sur l’impact créé par les quatre instruments des Cowboy Junkies : une guitare, une basse, une batterie et le chant. Et c’est vrai que la guitare ressort plus ici, parce qu’elle remplit enfin l’espace qui lui est normalement dévolu. Il y a une évolution, mais ce n’est pas réellement neuf pour nous. Sur le premier album, « Whites Off Earth Now ! », je jouais en fait beaucoup plus de guitares qu’ici. La seule chose qui change, c’est le style.

Tu te sens proche de quels musiciens canadiens ?

Neil Young, Leonard Cohen, The Band, ce sont les trois grandes influences qui m’ont affecté musicalement.

Dans ta jeunesse, tu as pourtant milité au sein d’un groupe de new wave qui reprenait les chansons de Joy Division et Siouxsie & The Banshees…

Je crois que c’est venu plus tard. Une influence ne signifie pas nécessairement dire copier, à l’aide de ta propre expression, ce que d’autres ont fait. Une influence peut émaner d’une source d’inspiration, de quelqu’un qui te donne envie de te mettre à la musique, la peinture ou écrire un livre ? Heureusement, tu ne joues pas la même musique que cette personne !

Et Daniel Lanois, par exemple, est-ce vrai qu’il t’a influencé ?

Pas vraiment, je ne suis pas un grand fan… Je sais qu’il existe des points communs entre notre musique et la sienne mais je n’achèterai jamais un de ces disques.

Tu écoutes parfois de la musique québécoise ?

Il y a très peu de musique québécoise qui parvienne dans la partie anglophone du Canada. Ce que j’ai entendu ne m’intéresse pas beaucoup. Peut-être est-ce trop traditionnel pour moi ?

Petites chamailleries

Crois-tu que les groupes canadiens sont plus ouverts que les américains, vu l’existence de deux communautés dans ton pays ?

En général, nous sommes plus liés à l’Europe. Ce qui donne une plus grande tolérance aux gens. Un autre goût, aussi. C’est vrai pour la musique, mais pour tous les autres domaines, aussi.

L’esprit familial est-il important pour un groupe comme les Cowboy Junkies dans lequel on compte deux frères et une sœur ?

Oui. Dans un groupe, il est très important de communiquer, personnellement et musicalement. Et je crois que ce côté familial est d'une grande utilité sur ces deux plans. On se connaît très bien. Au niveau musical, notre compréhension mutuelle, le sens inné du rythme et de ce que nous aimons nous aide vraiment à communiquer ensemble.

Qu'en est-il pour Alan Anton, la 4ème roue du carrosse? Il ne sent pas oppressé par la domination de la famille Timmins?

Je le connais depuis l'âge de 4 ans, depuis plus longtemps que mon jeune frère Pete, en fait. Il fait donc aussi partie de la famille.

Y a-t-il souvent des disputes de famille, des querelles de frères et sœurs?

Non. Enfin, oui mais sans grande importance. On ne se bat pas. Nous ne sommes plus des enfants, nous avons nos petites chamailleries mais elles n'ont aucune influence sur la vie du groupe. D'un autre côté, puisque nous sommes frères et sœurs, nous disposons de plus de liberté que si nous étions étrangers l'un à l'autre. On peut vraiment se parler franchement. S'il y a un problème, on ne marche jamais sur des œufs.

Croyez-vous qu'il existe un plus grand sens de la famille au Canada qu'aux Etats-Unis?

Je ne sais pas. Tout dépend des familles. On ne peut pas généraliser ainsi. La nôtre compte six enfants et est très unie. Nos parents sont toujours ensemble. Il existe entre nous un lien vraiment très fort.

L’album recèle deux versions de « Come Calling ». Une rapide et une lente (qui rappelle d'ailleurs celle de « Sweet Jane » par rapport à celle de Lou Reed). Explication?

Nous avons d'abord écrit une version rapide. En fait, nous cherchions un nouveau rythme pour cette chanson. Nous aimions bien la version rapide mais en l'enregistrant, nous sommes passés par une phase de déconstruction du morceau : c'est-à-dire que nous l'avons ralenti pour voir comment il sonnait. On a vraiment savouré ce ralenti qui donnait en plus une nouvelle connotation aux paroles. Au final, les deux chansons étaient différentes. Quand nous les avons enregistrées, nous adorions les deux versions. On s'est dit qu’il pourrait être intéressant d’inclure les deux sur le disque. D'une certaine façon, nous avons réalisé une reprise d'un de nos propres morceaux. Mais d'un autre côté, les paroles traduisent deux points de vue de la chanson, un masculin et un féminin. Le morceau rapide constitue la vision masculine des événements et la lente, la féminine. Ce sont donc les mêmes événements et les mêmes paroles, mais leur côté émotionnel est différent.

C'est pas un peu cliché? La masculine est rapide et plus ‘violente’, la féminine est lente et plus ‘délicate’...

Peut-être mais il n'existe pas de clichés qui ne contiennent pas une partie de vérité. (Il rit)

N'êtes-vous pas à l'étroit dans le style musical que vous avez créé?

Non. Nous avons un son très distinct et spécifique. Pour des raisons étranges, certains estiment que c'est un inconvénient, alors que perso c'est un avantage! C'est en tous cas très inhabituel pour un groupe comme le nôtre. Dès qu'on nous entend, on peut dire que c'est nous! Devrions-nous sonner comme tous les autres? Les Cowboy Junkies ont leur son. Si je veux créer autre chose je monte un projet parallèle ; c'est d'ailleurs ce que concrétise dans les musiques de films. Et je travaille avec d'autres groupes... Mais je n'ai pas l’intention d’enregistrer un album solo: je fais ce que je veux dans le contexte des Cowboy Junkies, puisque je suis le responsable de l’écriture des chansons. Je n'ai donc aucune frustration musicale.

Important pour vous, le changement de label?

D'un point de vue business, il était temps de prendre cette décision. Nous pensions qu'il serait judicieux de travailler en compagnie d'autres personnes, de compter sur un label plus motivé à l'idée de collaborer avec nous. Le temps était venu de changer, après avoir réalisé 4 albums chez RCA.

Es-tu toujours satisfait de la façon dont Margo interprète tes chansons?

Oui, parce que je n'ai pas d'idées préconçues sur la manière dont elles doivent être interprétées. Le plaisir qu'elle a de chanter émane de la latitude dont elle dispose pour y mettre sa propre expression. Cela me fascine toujours de l'entendre interpréter une de mes compositions. Il n'y a pas une chanson où je me suis dit: ‘C'est tout à fait faux’. Si ça arrivait, on en parlerait et on arriverait à se mettre d'accord sur la façon dont elle doit l’être.

Est-ce qu'un jour vous réenregistrerez un disque dans une église comme vous l’avez effectué pour le 1er album?

M'étonnerait... On pourrait recommencer des sessions à l’aide d’un seul micro, mais ça m'étonnerait qu'on retourne dans une église pour le faire... D'accord, les conditions permettent de communiquer une certaine atmosphère au disque. Parce que c’est une église d'abord ; et puis à cause de la réverbération qu'elle produit.

(Article paru dans le magazine MOFO n°42 d’Avril 1996)

 

Hugo Race

La trace blues d’Hugo Race

Sur sa bio, on le surnomme ‘Mr. 21st Centurv Blues’. Rien de moins! C'est vrai qu'Hugo Race est de ceux qui revitalisent un genre qu'on croyait à jamais confiné à une mythologie immuable. Cet ex-Bad Seed –à l'époque de ‘From her to eternity’, c’est-à-dire au milieu des années 80– en est déjà à son 6ème album. ‘Valley of light’ sort chez Glitterhouse et est distribué chez nous par Rough Trade. C'est toujours un blues hypnotique que l'Australien –un ‘grand type’ au front proéminent, qui parle en alternant chuchotement et voix normale– pratique en compagnie de son groupe baptisé The True Spirit.

Pas comme un puzzle!

Il nous parle donc d’abord de son nouvel album, ‘Valley of light’ : « Il est plus clair. Il représente une image quasi-parfaite de ce qu'était le groupe lors de l'enregistrement. J'ai essayé qu'il soit le plus live possible, que le groupe soit le plus uni possible, en évitant de faire trop technique. Bien sûr, on a ajouté çà et là une guitare ou quelques samples. Mais rien de comparable avec certains disques précédents, où il m'est arrivé de construire le son en l'assemblant pièce par pièce comme un puzzle. En prenant du recul, je dois admettre que le résultat était voilé, tandis que là, c'est du direct et c'est donc plus communicatif. Quand tu chipotes trop, le message devient plus difficile à faire passer."

Fait-il référence aux paroles, quand il parle de ‘message’? Il explique : "Si on veut. Les paroles sont écrites de manière plus claire aussi. Elles sont comme un squelette, il y a plus d'espace pour y construire son interprétation propre. Non, en réalité, je n’accorde pas beaucoup d’importance aux textes. Quand j'entre en studio, j'ai 3 ou 4 vers par chanson qui sont écrites. Ils me servent de résumé. C'est à partir de ceux-là que je rédige le reste des paroles. "

Sur ce nouveau disque, Hugo Race reprend ‘Clear Spot’, un morceau composé en 72 par Captain Beefheart. Pourquoi cette reprise? ''Aucune raison particulière. Si ce n'est que Beefheart est une icône, une figure sainte pour le groupe! On voulait adapter une de ses compos depuis longtemps, mais le projet ne s’est jamais concrétisé, par paresse ou pour une autre raison, je ne sais pas. ‘Clear Spot’, on la jouait souvent en soundcheck. Et cette fois-ci en studio, on l'a réussie en une seule prise. C'est une chanson qui parle de claustrophobie, je crois..."

Mais quand on lui dit que sa voix est proche de celle de Don VanVliet (le vrai nom de Beefheart), on voit tout de même percer un sourire sur le visage de Race. Il ne nie pas : "J'aime autant qu'on me compare à lui plutôt qu'à Michael Bolton! Non, on ne m'a pas souvent comparé à Beefheart. Peut-être parce qu'il reste largement inconnu du grand public. Il n'a jamais été un gros vendeur et il y a longtemps qu'il s’est retiré de la scène musicale. Perso, Captain Beefheart est une sorte de révolutionnaire qui est parvenu à changer la façon dont on aborde la musique en tant qu'auditeur. C'est aussi ce à quoi je voudrais modestememt arriver..."

Nico, un belge qui quitte Mad Dog Loose...

Pour ses prestations live, notamment celles livrées chez nous, Hugo a intégré à sa formation Nicolas Mansy, un musicien belge sur la carte de visite duquel on lit les noms de Brian James, Split Second, Franck Marx et Mad Dog Loose. Mais comment s’est-il débrouillé pour atterrir chez True Spirit ? Il raconte : ''J'ai beaucoup d'admiration pour Hugo. C'est quelqu'un de courageux et de profondément honnête. Je l'ai découvert grâce à un copain disquaire qui m'a invité à écouter ‘Earl's World’, à Berlin. J'ai attendu 20 secondes et je lui ai demandé de me l’emballer ; mais c'est moi qui étais emballé! Ensuite, je suis allé voir Hugo en ‘live’ et je l'ai rencontré. Puis j’ai organisé des concerts pour son groupe, ici en Belgique. De fil en aiguille, on est devenus amis. Travailler avec Hugo Race dans True Spirit, c'est mon truc, sans la moindre discussion. J'ai d'ailleurs renoncé à un très bon deal avec Bang! dans Mad Dog Loose. Beaucoup de musiciens rêvent d'un contrat pareil, mais pour moi, il n'y a pas eu d'hésitation ; quand Hugo m'a proposé de rejoindre True Spirit, j'ai accepté sans même réfléchir!"

De son aventure chez Mad Dog Loose, Nico a gardé le souvenir de quelques discussions tendues même si, aujourd’hui ces tensions se sont apaisées. Cependant, pour connaître la vérité, il a quand même fallu lui tirer les vers du nez : "Ce n'est pas pour tirer la couverture à moi, mais le premier single de Mad Dog Loose –que j'ai réalisé seul avec Alain– me plaît mieux que leur album. On pouvait tout se permettre: mettre du piano ou du violoncelle, si ça nous chantait. Qu'il ait voulu un groupe, c'est son choix, je le respecte et je le trouve cohérent, comme je pense que l'album atteint son but, mais... " Mais quoi, Nico? "Ben, tout d'un coup, une grosse influence est apparue. Perso, j'aurais aimé l'éviter... Bon je suis parti, j'ai fait mon choix, je ne vais pas cracher dans la soupe. Je souhaite bonne chance à Alain et à Mad Dog Loose!"

(Article paru dans le n°42 du magazine Mofo d’avril 1996)

The Fleshtones

Manitou nous sortira du trou

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Distribué chez nous mais privé de la moindre promo, "Laboratory of Sound" n'a pas fait beaucoup couler d’encre. Et pourtant, produit par Steve Albini, il couronne les 20 ans de carrière du plus culte des vieux groupes new-yorkais (en vie). A cet égard, il aurait mérité un peu plus d’attention de la part de son label distributeur. Cette absence de soutien alimente le début de l’entretien. Peter Zaremba, Keith Streng et Bill Milhizer se disputent même pour répondre.

Bill: C'est d'autant plus dommage qu'une reproduction de l'Atomium figure à l'intérieur du booklet !
Peter: La prochaine fois, on fraudera des centaines d'exemplaires de l'album, en passant la douane belge. Pour les donner aux pauvres... Non, sérieusement, j'aime beaucoup ce disque. Il faudra se débrouiller pour que ces albums soient disponibles à plus grande échelle en Belgique. En plus, comme celui marque un changement de cap ou une sorte de retour aux sources, il s'agit de ne pas le rater. Depuis plusieurs années, on nous demande pourquoi les disques des Fleshtones ne sonnent plus comme les Fleshtones. Et bien, c'est ce que fait celui-ci. C'est dit!

- Vous enregistrez aujourd'hui pour le label Ichiban, après en avoir fréquenté pas mal d'autres. Ca ne facilite rien?

Peter: C'est une véritable malédiction! Elle doit être inévitable, mais je ne comprends pas. Sans doute s'entoure-t-on de personnes incompétentes. Peut-être parce qu'on aime ça... je ne sais pas! Ces gens sont censés contrôler nos affaires et faire connaître le groupe dans le monde. A la place, ils s’évertuent à nous rendre encore plus inaccessibles. Mais crois-moi, les responsables payeront un jour! Ils vont m'entendre, même si pour cela il faut que j'aille trouver le grand Manitou.

Steve Albini

Puisqu'elle est inévitable, évacuons la question tout de suite: pourquoi avoir choisi Steve Albini comme producteur?

Keith: Steve n'est pas vraiment producteur, mais plutôt ingénieur du son. Il aime être comparé à un ‘enregistreur’. Quand nous avons travaillé avec lui (dans son studio de Chicago), nous avions l'impression d'être dans un laboratoire de sons. Ce qui explique le titre de l'album. Steve un est véritable chercheur, un scientifique. Il accorde une grande importance à la technique. En même temps, c'est aussi un puriste dans son approche du rock.
Peter: Au départ, nous pensions enregistrer le disque sous la houlette de Butch Vig ou Scott Litt. Tous deux étaient intéressés, mais indisponibles. Et en fait, c'est Vig qui nous a proposé d'aller voir Steve, qui rapidement s’est réservé un peu de temps pour s'occuper de nous. Nous avons vécu deux semaines à Chicago, et sommes restés tout le temps auprès de lui, même hors des studios.
Keith: Steve nous a expliqué que c'est un groupe canadien, les Shadowy Men ou Shadowy Planet, quelque chose comme ça, qui lui avaient beaucoup parlé de nous. Ce sont eux qui l'ont convaincu de nous rencontrer. Steve utilise une formule personnelle pour enregistrer. Il demande au groupe de tout faire en une seule prise. Ensuite, il garde tout. Enfin, du moment que c'est enregistré proprement, je suppose.
Peter: Le destin a joué pour nous car il était le producteur idéal. Pas le genre à sortir un son bien produit. Steve joue le jeu du groupe. Il s'occupe plus des gens que de la technologie ou d'une manière qu'il aurait de concevoir un enregistrement. Il est parfait!
Bill: En tout cas, il n'apprécie pas qu'on retouche ses œuvres. Du moins pas n'importe qui. Scott Litt avait été choisi par exemple pour retravailler plusieurs des chansons qu'Albini avaient produites pour Nirvana.

- Un musicien de Shellac, le groupe d'Albini, joue de la trompette sur votre album. Mais on retrouve aussi Gordon Spaeth, votre ancien saxophoniste...

Keith: Il joue d'une façon ridicule, mais géniale. Il était le seul à pouvoir faire ça. C'est une chance qu'il soit venu! On a fait appel aussi à trois autres musiciens qui se chargent des cuivres. L'un d'entre eux milite dans un groupe de Chicago qui s'appelle les Cocktails.
Peter: Keith, de son côté, assure toutes les parties de guitare. J’ai pourtant essayé de convaincre Steve Albini de s’y mettre un peu. Il a refusé.

- Hormis le producteur, quelles sont les grandes différences entre "Laboratory of Sound" et "Forever Fleshtones", votre elpee précédent?

Peter: La différence est énorme. "Laboratory of Sound" est plus direct. Il a un feeling plus live, plus agressif, alors que "Forever Fleshtones" était assez introspectif
Keith: Oui, c'est un peu un retour à l'esprit de "Roman Gods", alors que sur "Forever Fleshtones", il y avait plein d'instruments différents. C'était la première fois que nous utilisions de la pedal-steel guitar d'une manière aussi intéressante...

- Le come-back de la surf music, popularisée par des gens comme Dick Dale, est-ce une bonne nouvelle pour les Fleshtones?

Keith: Non. On aimerait bien, mais il n'a aucune répercussion sur notre parcours. Sans doute avons-nous joué un rôle dans le regain d'intérêt pour cette musique. Mais finalement on a aussi participé au retour du rock garage, du trash, du rock instrumental, du rock bourré, du rock à boire...

Groupe de bal ?

- Le New-York Times vous décrit comme le groupe ‘idéal pour soirées’ ?      

Keith: C'est dit de façon un peu superficielle, mais c'est juste. Nous sommes bien le groupe idéal pour vos soirées. Si on gratte un peu, nous sommes aussi plus que ça. En fait, notre musique est très réfléchie, mais elle passe souvent au-dessus de la tête des gens. Je pense sincèrement qu’elle contient beaucoup de bonnes choses. Elle recèle une multitude d'aspects quant au fait d'être un être humain, de vivre, de toucher à la vie, aux sentiments... C'est ça aussi, notre musique. Bien-sûr, quand on est superficiel, pas de problème, on ne regarde pas plus loin, c'est pour les soirées.

- Etes-vous toujours des passionnés du rock australien?

Peter: C'est en allant sur place qu'on a découvert que la scène rock y était vraiment fantastique, mais plutôt inaccessible à l'observateur moyen. Plein de groupes australiens sont d'ailleurs des fans des Fleshtones!
Keith: J’adore, par exemple, tout spécialement l'album des City Doll ou les trucs de Christ Avenue et de Cruel Sea dont le dernier album n’est pas disponible aux Etats-Unis. Pour un pays aussi peu peuplé que l'Australie, il est presque étonnant d'y rencontrer autant de bons groupes.

- A propos de l'Australie aussi, avez-vous des nouvelles des Hoodoo Gurus? Le groupe devait venir en Belgique l'an dernier, mais la tournée a été annulée...

Peter: Oui, Keith a la réponse.
Keith: Hé, ho, non, je ne sais pas pourquoi la tournée a été annulée...
Peter: Si, il sait pourquoi! C'est parce qu'ils ont perdu leur distributeur. Enfin, non ils ne l'ont pas perdu. BMG, qui s'occupe d'eux aux Etats-Unis, ne voulait simplement plus les distribuer. Ils se sont fait complètement jeter en Amérique. En Europe aussi je pense. Ils ont donc annulé la plupart des dates de leurs tournées.
Keith: Mais les événements vont peut-être évoluer favorablement. Il y a huit jours, Dave m'a téléphoné pout me dire qu'il venait de terminer un nouvel album, enregistré à Sydney. J’ignore qui le produit, mais Dave est très heureux, parce qu’il va sortir... Je ne sais pas davantage qui va se charger de la distribution en Europe et aux States. Ce qui est sûr, c'est qu'ils vont repartir en tournée.

- Un mot à propos d'un vieux groupe, qui doit bien vous avoir influencés: quelle place occupent les Flamin' Groovies dans le cœur des Fleshtones?

Keith: Ah, c'est amusant, Roy Loney est venu nous voir en concert à San Francisco, il y a deux mois. C'est sûr que son ancien groupe tient une grande place dans nos cœurs. C'est un groupe fantastique, non?
Peter: Absolument génial! Ces gens ont entretenu la flamme, comme l'ont fait aussi les Stooges et MC5. Personne ne remplacera jamais les Groovies. Il y a 10 ans, ils nous avaient invités à jouer pour leur quinzième anniversaire...
Keith: Mais non, c'était il y a quinze ans!

Article paru dans le n°41 du magazine Mofo de mars 1996

Patti Smith

When A Dove Cries

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Veuve depuis bientôt 2 ans, Patti Smith a décidé d'exorciser sa peine en menant à son terme le projet d'album amorcé en compagnie de son mari, Fred Sonic Smith, ancien leader des MC5. De passage à Ostende, pour un concert unique en Belgique, Patti s'est prêtée de bonne grâce au jeu des questions des journalistes, une espèce avec laquelle elle n'a pas entretenu que de bons rapports, dans le passé. Coiffée d'un bonnet marin, la chevelure grisonnante, elle est apparue sereine bien que souvent grave, s'efforçant de ‘positiver’ un maximum, allant jusqu'à décrire la mer du Nord comme merveilleuse et bien plus jolie que celle qui baigne Concarneau, Saint Malo ou Marseille. Rien que ça…

- Croyez-vous que 96 est une époque plus favorable pour un come-back que ne l'était 88, au moment de la sortie de « Dream of Life »?

Je n'essayais pas de faire un come-back en 88. Mon mari et moi voulions seulement enregistrer un album. Je ne tente pas de come-back maintenant non plus d'ailleurs. J’exécute simplement ma profession. Disons que dans les années 80, mes activités étaient plus privées. J'ai écrit des livres, étudié la peinture, éduqué mes enfants. Je n'ai pas planifié de retour. Il n’y a jamais rien eu d’intentionnel. Je suis ici parce que j'aime ce job, et qu'il est très difficile pour moi d’admettre la perte de mon mari, de mon frère et certains de mes amis. Travailler a été une thérapie pour moi, et l'énergie des gens m'a été utile dans cette épreuve. J'essaie seulement de survivre en faisant mon travail et en demandant aux gens un peu de soutien. Nous ne réalisons pas de grand show, nous ne projetons pas de grandes intentions, excepté celle de faire du bon boulot, de passer des moments agréables avec le public en parlant peut-être de sujets importants pour tout le monde.

- Beaucoup de vos fans issus des années 70 étaient âgés d’une dizaine voire une vingtaine d'années, à l'époque de votre apogée. Quels sont vos rapports avec les teenagers d’aujourd'hui?

Je n'attends pas grand-chose, mais je me fais du mauvais sang pour eux. Je suis vieille, en âge d'être leur mère, voire leur grand-mère, mais je pense avoir certaines choses à offrir. J'ai de l'expérience. Je suis passée par des périodes difficiles tout en restant optimiste. J'ai un fils de 14 ans, et une fille de 9, et je me soucie de leur bien-être. Pour moi, être jeune a déjà été une étape très difficile ; mais aujourd'hui, c'est encore plus compliqué. Du moins aux Etats-Unis où les gens sont devenus matérialistes, où les parents travaillent tout le temps. Résultat: les jeunes ne reçoivent pas assez de conseils, ne bénéficient pas de la même attention. Il y a tant de sujets préoccupants comme l'environnement, le sida, les drogues qui sont plus dures et dangereuses qu'avant... Mais je veux aussi faire comprendre que la vie est une chose formidable et précieuse. Qui vaut la peine de s'accrocher même dans les moments les plus difficiles.

Le jour où Green Day…

- Pensez-vous que les plus jeunes comprennent votre travail, vos romans, votre poésie? Vos textes sont plus intelligents que ceux auxquels ils sont soumis habituellement...

On ne peut pas juger l'intelligence ou la compréhension des personnes selon leur âge. Les jeunes gens sont plus patients et disposent même d'une faculté de curiosité plus grande. Songez un peu à Arthur Rimbaud. Il a écrit de la poésie parmi la plus belle qui ait jamais été écrite lorsqu'il était adolescent. Regardez le T-shirt que je porte... (NDR : il est à l’effigie de Rimbaud). Il a créé de la littérature immortelle. Son œuvre va au-delà du temps et des modes. C'est toujours une littérature belle et nette. J'aime toujours autant Arthur Rimbaud que Bob Dylan et Jimi Hendrix...

- Que pensent vos enfants de votre carrière accomplie au cours des années 70?

Ils n'en savaient pas grand-chose jusqu'il y a peu. Pendant les années 80, nous avons vécu une vie très tranquille. Ils étaient donc un peu surpris d'apprendre nos antécédents. Je ne pense pas que mon fils s'en soit soucié jusqu'au jour où Green Day a sorti son album ''Dookie'' sur lequel on voit un petit dessin de la pochette d'Easter... Par la suite, il a rencontré les musiciens de Metallica qui lui ont raconté que nous étions un bon groupe. Cette reconnaissance a rendu le Patti Smith Group fréquentable à ses yeux (elle rit). Mais l'image qui compte le plus aux yeux de mes enfants, c'est celle de mère.

- Quelle différence y a-t-il entre cette tournée et la dernière que vous aviez opérée en 79?

Evidemment en 79, j'étais beaucoup plus jeune. En tant que formation, nous étions au top de notre carrière en Europe. Je véhiculais toujours cette énergie idéaliste et sauvage. En 79, je me sentais comme une star du rock'n'roll, dans le mauvais sens du terme... Mais je commençais à percevoir que notre mission en tant que band était à peu près aboutie. Notre but lorsque nous avons commencé à côtoyer Lenny Kaye, en 71, était d’aider le rock’n’roll à fusionner avec la poésie, la peinture, le cinéma... Faire du rock un art plus global

- Projetez-vous d’immortaliser un album live de cette tournée?

Nous en avons déjà discuté. Je souhaiterais aussi enregistrer un autre album, l'hiver prochain. Mon mari et moi avions envisagés d’enregistrer un disque qui traite des problèmes universels comme le sida, l'environnement et les droits de l'homme. Lorsqu'il est mort, je n'ai pas eu le cœur de mener à bien ce projet. Je voulais réaliser une œuvre qui, d'une certaine façon, évoque sa mémoire, mais de façon optimiste. "Gone Again" est un hommage à Fred qui était un homme fort, digne, modeste mais qui avait aussi une très grande énergie sentimentale. Ce n'était pas un homme triste, il aimait rire, il était drôle. Je voulais que l'album lui ressemble ; donc, je ne pouvais décemment pas qu’il soit triste.

- Pourquoi Ivan Kral ne figure-t-il pas dans le line up actuel?

Mon objectif n’est pas de reformer le Patti Smith Group. Ivan a monté son propre groupe. Il vit entre Seattle qui est à 50.000 km de chez moi, et Prague qui est encore plus loin. On est toujours amis. Lenny Kaye et Jay Dee Daugherty sont de la partie ; mais il n’existe pas d’intention nostalgique de remettre sur pied le vieux groupe d'alors... D'ailleurs, Ivan est suffisamment occupé…

- Bien qu'il soit très discret, Tom Verlaine semble jouer une part importante dans votre concert. Ne craignez-vous pas, un jour, qu’il vous vole la vedette ?

Au contraire, cela me ferait plaisir. On a invité Tom parce que c’est un ami et nous le respectons énormément. Je n’entre jamais en compétition avec mes amis. Peu m’importe s’il se retrouve en tête d'affiche de nos concerts. Aucune bataille d'egos sur scène. Et s'il reste assis pendant le concert, c'est parce qu'il a décidé de se produire dans cette position. Enfin, s’il voulait chanter certaines de ses chansons, il serait libre de les interpréter, sans problème.

- Vous reprenez "When Doves cry" de Prince au cours de cette tournée. Pourquoi?

A franchement parler, Prince ne m'intéresse pas beaucoup. Ce n’est pas vraiment le style de musique qui me botte. Mais j'ai toujours aimé cette chanson. J'adore ses paroles et les mouvements qu’elle déclenche. Et lorsque nous reprenons une chanson, nous cherchons toujours à lui donner une autre perspective. A l'ouvrir, si vous préférez. Dans notre version, ce n'est plus une simple chanson d'amour, car elle parle de l'incapacité des hommes à faire la paix.

- Quel sera votre emploi du temps à l’issue de la tournée?

Retour à New-York. Mon premier souci reste ma vie de famille. Mon attention se porte d'abord sur mes enfants... Et donc les tournées se feront rares. J'ignore quand je reviendrai.

Kurt et Jerry

- Vous avez déclaré que ce dernier album était dédié à Fred, votre frère et d'autres amis que vous avez perdus. Mais vous y avez également réservé une place à Kurt Cobain...

Ils sont tous dedans! Même Jerry Garcia, de Grateful Dead. Mon mari et moi étions de grands fans de Nirvana. C'était un groupe super. Lorsque nous avons enregistré "About a Boy", au départ, j'étais fort chagrinée par le suicide de Kurt Cobain. Pas seulement pour lui et sa famille, mais aussi pour tous ces jeunes gens qui croyaient en lui et cherchaient, à travers lui, de la compréhension à leurs problèmes et des réponses à leurs questions. J'ai donc commencé à écrire cette chanson à sa mémoire. Du moins la première strophe. Puis, la seconde strophe, je l'ai rédigée quand River Phenix est mort. J'étais bouleversée parce que je le trouvais très talentueux. La troisième est réservée à mon mari et puis à mon frère. Un titre qui commençait comme une dédicace à un seul disparu, s’adresse finalement à plusieurs défunts... Et la chanson a été mise en boîte le 9 août. C'est-à-dire le jour de la mort de Jerry Garcia. Je me suis rendu compte, en interprétant "About a Boy" que je pensais tour à tour à Kurt, puis à mon mari, à mon frère et à Jerry Garcia... Tous sont dans cette seule chanson. C'est une très belle intention de se rappeler et de saluer la mémoire des amis disparus. Comme a dit Alan Ginsberg: ‘Allume une bougie et continue à danser...’

- Votre firme de disques sort un box CD reprenant l'intégrale de votre carrière. Comment réagissez-vous lorsque vous voyez 20 ans de votre vie compilés?

J'ai vu le box et j'en suis fière. Du bon travail ! Lenny a supervisé le tout, même l'habillage. Nous avons voulu que l’anthologie ressemble à quelque chose, en y ajoutant des extra-tracks, mais aussi en prenant soin d’y inclure les ‘artworks’ et les photos de Robert Mapplethorpe.

Article paru dans le n° 47 du magazine Mofo d’octobre 1996

Omar Kent Dykes

Ce n’est pas Jimi Hendrix qui a écrit “Hey Joe”!

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Omar Kent Dykes, c’est le leader d’Omar &The Howlers, une formation née à Hattiesburg, dans le Mississippi, en 1973, qui s’est établie à Austin, dans le Texas, trois ans plus tard. Ce qui ne l’empêche pas d’enregistrer régulièrement, des albums solo. La formation vient de publier son 10ème elpee, ‘World wide open’ (chez Provogue), sans doute son meilleur à ce jour.

Omar puise l’essentiel de son inspiration dans les bayous et marais louisianais pour créer un ‘hoodoo rock’ personnel qu’il décrit comme suit : "Je dirais: du côté du blues/rock, pas tout à fait blues, pas tout à fait rock, avec des éléments de rockabilly, de R&B et de swamp rock. Mais j'aime surtout le blues. J'ai grandi en écoutant Bo Diddley, Jimmy Reed et Creedence Clearwater Revival. Bo Diddley, j'adore son style, son rythme. John Fogerty on se contacte par le téléphone. Il m'a un jour demandé de partir en tournée avec lui. Ce n’était pas possible, mais j'aurais aimé accepté sa proposition. Peut-être une autre fois? Beaucoup de gens me comparent à Howlin' Wolf. Je l'ai beaucoup écouté ; et c'est sûr qu'il figure parmi mes principales influences. Mais les plus marquantes, je les ai puisées en Grande-Bretagne. En 1962, j’avais 12 ans. Les groupes anglais –les Animais surtout, mais aussi les Beatles– ont changé le monde (NDR : il a repris ‘She's a woman’ sur ‘Monkey Land’). Au début, les Stones étaient aussi supers ; mais le son disco qu'ils dispensent aujourd'hui, c'est pas trop mon truc..."

La révélation pour Omar, a été sa première guitare. "Mon père me l'a offerte pour Noël. A 12 ans, justement. Au départ, j'étais très déçu, parce que je souhaitais un gant de base-ball! Mais après quelques jours, je ne voulais plus pratiquer de sport et je me suis enfermé avec ma guitare... "

Omar est né à McComb, dans le Mississippi, exactement au même endroit que Bo Diddley. "C'est presque la Louisiane, à une trentaine de kilomètres seulement, c'est le même paysage. J'ai toujours été attiré par la musique des swamps et bayous. J'aime aussi la musique de Baton Rouge. C’est un endroit où je me suis souvent produit, dans le passé. Celle de la Nouvelle Orléans aussi, même si c'est pas mon style. J'aime surtout Jimmy Reed, Hound Dog Taylor et Tony Joe White.

Le musicien qui a le plus frappé Omar, sur la scène comme dans la vie, est un vrai géant du blues. "Oui, c'est probablement BB King. Un grand musicien, mais aussi et avant tout un gentleman... Quand tu le côtoies, il te met tout de suite à l'aise. Il est très prévenant. Il prend le temps de rester auprès de toi et manifeste beaucoup d'humanité. Un homme merveilleux. "

Depuis 1976, Omar vit à Austin. "Il y a quasi 20 ans que notre famille s’y est établie. Là-bas, la scène musicale est incroyable! C'est très, très vivant, mais dur aussi. Les bars ? Il y en existe des tas. Je les ai presque tous fréquentés, notamment le plus célèbre, Antones, où je me produis encore parfois. Austin, c'est chez moi. "

Riffs à la AC/DC

Les trois derniers elpees ont été enregistrés en studio. Ils semblent plus orientés vers les chansons. "Je compose pas mal et j'ai passé plus de temps en studio pour travailler mes morceaux." Pour les mettre en relief, pour enrichir le son, Omar a fait appel à d'autres musiciens comme Nick Connolly à l’orgue Hammond, Robert McEntee et Bradley Kopp aux guitares et Gary Primich à l'harmonica. "Nick Connolly est vraiment un gars super! Il est très bien considéré aux USA et est fort demandé pour participer aux sessions studio. Nick possède son propre trio, basé sur l'orgue, assez jazz, genre Jimmy Smith. J'ai parfois joué live avec lui, mais il y a déjà longtemps. Pour les guitaristes, j'ai un style de prédilection ; mais pour certaines chansons, j'aime inviter des amis qui proposent des idées différentes et bien meilleures que les miennes ; c'est le cas de Robert McEntee excellent à la slide et surtout au dobro. Bradley Kopp, lui, c'est un rocker, il s’est réservé les parties les plus dures. Gary Primich est un pote et un remarquable harmoniciste. Il avait déjà participé à l’enregistrement de ‘Muddy Springs Road’. Tu vois: j'aime jouer en compagnie de mes amis les plus proches."

Pour son prochain opus, Omar affirme qu'il invitera encore plus d'invités, mais qu’il adoptera un profil sans doute plus rock, plus abrupt. "On y rencontrera peut-être aussi des riffs à la AC/DC!" (NDR : ah bon !) Mais est-ce tellement étonnant quand on sait que le gaillard a aussi repris le classique ‘Hey Joe’? "Tellement de monde imaginent que c’est Hendrix qui l'a écrite. Je n'avais pas 15 ans quand je l’ai entendue. C'était par un groupe californien : les Leaves. J'aime bien la version d'Hendrix bien sûr, mais je préfère l’originale, imprimée sur un rythme plus rapide "

Omar ou Béjart ?

"Pour le moment, je suis assez populaire en Europe. Les States sont tellement vastes, hétérogènes. Chaque Etat est un autre pays. Los Angeles est tout à fait différent de la Nouvelle Orléans qui est toute différente de New York! On me connaît dans les Etats du Sud : Texas, Louisiane, Mississippi, Tennessee, Georgie... Mais, le blues aux States ne jouit pas d’une popularité générale, à l'inverse de la pop, du disco, de la techno. Pour danser, il y avait le R&B, la soul music de Wilson Pickett, Aretha Franklin. C'était super. La techno se limite à des machines. C'est synthétique, et perso, je pense que c'est vraiment une musique sans âme."

Pour conclure, comme on Omar a plus qu'un air de famille avec Maurice Béjart, on lui a demandé s'il accepterait de se faire passer pour le danseur aux ‘Dance awards’, si celui-ci, malade, lui demandait de le remplacer au pied levé? (NDR : manifestement, Omar ne connaît pas Béjart). "Si le gars est sympa, je suis partant, je mets un smoking et j'y vais, pourvu qu'on ne me demande pas de danser... Aux USA, on me prenait souvent pour Wolfman Jack, mais il est mort récemment. C'est vrai qu'il y a parfois des gens qui vous ressemblent. J'ai une anecdote à ce propos: l'autre jour à Austin, je me rends dans un club voir William Clarke et son groupe. William est aussi balèze que moi, et il porte toujours ses lunettes noires. Eh bien Jacob, mon fils de 3 ans, a couru vers lui en criant ‘Daddy, Daddy!’ "

(Article paru dans le Magazine Mofo n°40 de février 96)

 

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