En 2010, je n’avais pas été trop emballé par “Scratch my back”, album sur lequel l’Archange se contentait de reprendre des compos de groupes ou d’artistes mythiques, mais aussi contemporains. Trop mou du genou, il m’avait même carrément pompé l’air. Gabriel avait donc prévu que ceux qu’il avait adaptés, l’adaptent à leur tour. En consacrant un opus à des covers de ses chansons. Mais le projet a capoté. Si bien que Peter a décidé de donner une suite personnelle. En reprenant les mêmes ingrédients ; c’est-à-dire sans guitare, sans batterie, mais à l’aide du même orchestre symphonique, le New Blood. Ce qui explique le titre de son long playing.
Et je dois avouer que je m’attendais au pire. Ben, non à mon grand étonnement, Peter est parvenu à faire prendre la mayonnaise, mais en reprenant ses propres compos. En outre, hormis l’une ou l’autre exception, il leur a donné une nouvelle dimension.
Mais attaquons-nous d’abord aux points faibles. Il y en a peu. « Mercy street », tout d’abord. Abordé dans l’esprit de « Scratch my back ». L’instrumental « The nest that sailed the sky ». Inutile ! Les plus de 4 minutes comptabilisées par “A quiet moment”, une piste consacrée au bruit produit par les flots d’une rivière qui couvre d’imperceptibles pépiements d’oiseaux. Cet interlude n’est d’ailleurs pas de ‘nature’ à soutenir la différence avec le célèbre « Cirrus mirror » du Floyd ni de préparer une conclusion digne du « Soleil vert », roman de science-fiction de Harry Harrison adapté en long métrage par Richard Fleischer, en 1973. Vous allez comprendre ensuite pourquoi, je me réfère à ce film. Enfin, sur « Don’t give up », la Suédoise Ann Brun a pris le relais de Kate Bush. Mais son gémissement terne ne permet pas au duo de décoller. On ne remplace pas impunément une voix d’exception…
Entrons maintenant dans le vif du sujet. Parce qu’enfin, sous la houlette du même Ben Foster, les 46 musiciens du New Blood (instruments à cordes et à vent, percus et tutti quanti, sous leur forme la plus ‘classique’) sont sortis de leur coquille. Et notamment sur des titres comme le somptueux et puissant « The rhythm of the heat ». On affronte le flux et le reflux des cordes, comme lors d’une tempête. Un mouvement qui balaie littéralement l’exquis « In your eyes ». Du mouvement et des variations, c’est ce que parvient à communiquer cet orchestre. Sur l’apocalyptique « Red rain », un morceau lustré, cuivré, dont la nouvelle mouture a emprunté des couleurs audacieuses, vivaces. En fait, on a parfois l’impression que les nouvelles versions, ont été conçues pour servir de musique de film. Mais un film d’action dramatique, épique, déchiré entre moments paisibles et périodes haletantes. « Darkness » en est certainement le plus bel exemple, une plage de mauvaise augure, menaçante, tout en contrastes. Tout comme « Intruder », capable de vous flanquer la chair de poule. Et dans ce domaine, John Metcalfe, à nouveau préposé à la mise en forme, parvient à faire la différence. Bon, ne passons quand même pas sous silence la superbe voix de Peter, qui ne se contente plus de chuchoter. Chaude, bouleversante, tantôt falsetto, tantôt éraillée, elle s’est adoucie avec le temps, mais se fond aussi plus facilement dans la solution sonore. Les interventions au piano sont peu fréquentes, mais très judicieuses. Pour les backing vocaux, l’Artiste a fait appel à sa fille, Melanie.
Deux titres sont également à épingler. Tout d’abord « Digging in the dirt ». Au départ funky, ce sont les cordes et les cuivres qui dictent les changements de rythme. Et puis, le bonus track, « Solsbury hill », très différent des autres pistes de l’elpee. Il est proposé sous une version enlevée, optimiste même, malgré ses lyrics mélancoliques, une piste balisée par un violon sautillant et un piano sonore. Du grand art !