‘Eosine’ : retenez bien ce nom ! Basé à Liège, ce jeune quatuor emmené par la très talentueuse Elena Lacroix, est sur le point d'exploser ! Sa shoegaze mélancolique aux accents celtiques a séduit le jury du ‘Concours Circuit’, un tremplin qu’il a remporté il y a quelques jours au Botanique, à Bruxelles. Même si en écoutant sa musique, on pense parfois à Beach House, Ride, Low, All About Eve, Cocteau Twins ou aux Cranberries, le son proposé est unique et incomparable.
Après avoir gravé un premier Ep très convaincant, "Obsidian", Eosine a publié, il y a peu, un single. Intitulé "Ciarán", il annonce un nouvel Ep mixé et mastérisé par Mark Gardener (Ride). Excusez du peu !
Musiczine a rencontré la formation au Botanique, avant sa prestation en ‘live’, dans le cadre du ‘Concours Circuit’.
La première question, vous vous en doutez, concerne le nom du groupe. Que signifie ‘Eosine’ ?
Benjamin : L’éosine (‘eosin’ en anglais) est un colorant qui permet de mieux discerner les coupes histologiques. Donc, par exemple, pour des tissus cellulaires observés au microscope, il permet de faire ressortir les nuances. Il en résulte des expressions abstraites très colorées.
Apparemment, vous êtes des mordus de science ?
Benjamin : Oui ! Mes trois acolytes sont tous étudiants en sciences : Julia en bio, Brieuc en géo et Elena en médecine. On essaie de combiner l'art et les sciences.
Elena, tu es à l'origine du groupe. Comment pourrais-tu décrire la musique et le concept qui la caractérise ?
Elena : Au départ, Eosine était un projet qui s’inspirait de la shoegaze et de la dream-pop, des styles apparus dans les années '90 et pour lesquels on avait pas mal d'affinités. On évoluait à l'intérieur des codes de ce style musical. Maintenant, on essaie d'enrichir le son en exploitant les singularités et les influences de tous les membres du groupe.
Au départ c'était un projet solo et maintenant, c'est une formation à part entière ?
Elena : Exact ! Et ce que tu avances à propos du concept est très juste parce qu'on essaie, en effet, de lier la musique, les paroles et les clips au sein d'un même concept. On projette les vidéos en concert, ce qui permet de créer un ensemble conceptuel cohérent.
En outre, les images apportent une coloration 'psyché' ?
Elena : Complètement !
On perçoit en effet bien les références à la dream-pop, que ce soit Beach House, Ride ou Slowdive ; mais on peut aussi remonter un peu plus dans le temps pour identifier des influences de la cold-wave, et tout particulièrement Cocteau Twins, les précurseurs de la shoegaze.
Elena : Tout à fait ! Cocteau Twins est une influence importante. Ce qu'on aime beaucoup chez eux, c'est la mise en avant du chant d'Elizabeth Frazer. Et nous, on aime combiner des moments éthérés dans le style de Cocteau Twins avec des passages plus terre à terre, plus bruts.
On ressent aussi l'influence de Dead Can Dance. Brieuc, dans une des vidéos, tu portes d’ailleurs un t-shirt de cette formation…
Brieuc : Oui, j'ai beaucoup écouté Dead Can Dance lorsque j’étais enfant car mes parents aimaient beaucoup ce groupe.
Merci, je prends un bon coup de vieux, là... (rires)
Pour décrire votre musique, j'ai inventé un nouveau style : la ‘shoewave’, une combinaison entre shoegaze et wave...
Elena : Ah oui, très sympa ! Ça me parle bien ça (rires) !
On y rencontre aussi ce côté 'dark', mélancolique, qui est inhérent à la new-wave. Et puis, il y a un aspect celtique, que j'aime beaucoup. Je suppose que ça vous parle ?
Elena : Oui !
"Ciarán", le nouveau single, c’est un prénom d'origine gaélique ou je me trompe ?
Elena : Oui et c'est la première fois que j'entends quelqu'un qui prononce le mot correctement (rires) !
C'est normal : j'ai été irlandais dans une de mes vies précédentes... (rires)
Brieuc : Moi aussi...
Elena : En fait, je suis également sensible aux influences de la musique médiévale, comme Dead Can Dance justement. C’est perceptible dans le premier morceau que l'on va présenter ce soir, "Incantations".
Précisément, allez-vous interpréter de nouveaux morceaux, ce soir ?
Elena : En fait, on ne jouera que des compos qui ne sont pas encore sorties.
Même pas "Ciarán" ?
Elena : Non.
Julia : Ce sont, pour la plupart des titres, qui figureront sur notre prochain Ep dont la sortie est prévue pour le début de l'année prochaine.
Comment êtes-vous entrés en contact avec Mark Gardener, de Ride ?
Elena : C'est une longue histoire. Benjamin s'est cassé le poignet juste avant l'enregistrement de notre premier Ep, "Obsidian". Et il a été remplacé par Jérôme Danthinne, un batteur belge qui a joué en compagnie de Mark Gardener, quand il était en Belgique. Jérôme lui a envoyé notre maquette et Mark a tout de suite accroché.
Et donc, vous avez enregistré à Oxford, dans le studio de Mark ?
Elena : Non, Mark a juste mixé et mastérisé l'Ep, ainsi que le single, "Ciarán".
Et Maxime Wathieu, de Turquoise, il a également participé ?
Elena : Oui, c'est important de mentionner le super boulot de Maxime. C'est lui qui a enregistré l'Ep, ici en Belgique. C'est un génie de la production. Quant à Mark Gardener, dans son mix, il a cette capacité de retranscrire l'énergie 'live' dans un enregistrement studio. La combinaison entre les deux 'ingés-son' a bien fonctionné.
Par rapport à "Obsidian", le single "Ciarán" sonne beaucoup plus propre. A la limite, il sonne plus pop que shoegaze.
Elena : "Ciarán" est un morceau pop ; on l'a voulu comme ça. D'ailleurs il passe bien en radio.
Les autres nouveaux morceaux sont, on suppose, plus 'edgy ' ?
Elena : Oui, ils sont plus longs et un peu plus 'crasseux' (rires).
On sent bien une évolution très forte, au niveau du son, au niveau harmonique, dans les compositions. C'est plus sophistiqué.
Elena : Oui, on a beaucoup évolué.
Les harmonies sont plus fouillées, alors qu'auparavant, certains morceaux étaient construits sur deux accords, comme mi mineur et la majeur, répétés à l'envi... (rires)
Elena : Oui, tu as raison. Mais en fait, ça dépend. Dans le processus créatif d'Eosine, je dispose d'un vaste répertoire dans lequel on va puiser en fonction de notre état d’esprit et de ce qu'on cherche à un moment précis. Et donc, il est possible qu'on choisisse un morceau qui date de l'époque où je composais des chansons assez simples ou alors ce sera la maquette d'un titre plus récent et plus complexe. Résultat, le nouvel Ep est très diversifié et présente une large palette d'ambiances différentes.
A propos de labels, vous collaborez avec JauneOrange ?
Elena : Oui. JauneOrange s'occupe de l'édition, du 'publishing', pour les 'synchros' dans l'audio-visuel.
Pour le placement des morceaux dans les films, les pubs, etc. ?
Elena : Tout à fait ! En ce qui concerne la mise en forme, on a sorti "Ciarán" en autoproduction. Nous avons avancé les fonds pour l'enregistrement, le mixage, le mastering et la vidéo. Pour l'Ep et le booking, on négocie.
A mon avis, vous avez un très bon potentiel, y compris à l'international.
Elena : Merci !
Et le nom de Mark Gardener va ouvrir des portes.
Julia : On l'espère !
Elena : Si on pouvait faire la première partie de Ride, ce serait un rêve !
Et Low, vous aimez aussi ?
Elena : Oui, on adore. On a été très attristés par la mort de Mimi Parker. On aime beaucoup Low parce que ces musiciens ne s’appuient pas sur leur technique individuelle mais bien la puissance de leur collectif. Vu que nous ne sommes pas de très grands techniciens, nous essayons également de produire en groupe quelque chose de plus fort que la somme des parties. Créer une symbiose, atteindre une synergie...
On le ressent en effet très fort dans votre musique. Il y a même un aspect chamanique. Il vient probablement aussi du côté celtique, qui convoque un esprit tribal. On sent une âme très puissante dans la musique, plus que dans la shoegaze traditionnelle.
Julia : Oui, c'est exact ! Parfois, en concert, on entre presque en transe.
Elena : C'est comme un mantra.
Julia : Oui. C'est l'énergie de la musique qui monte, monte. Les voix qui se croisent, se recroisent, vont dans la même direction ou se séparent. On atteint véritablement un état de transe. Et quand on descend de la scène, on est autre part, comme sur un nuage (rires) …
Elena : C'est comme une alchimie entre nous. Notre musique repose sur la shoegaze comme socle et chaque membre du groupe apporte sa personnalité et ses influences, ce qui enrichit notre son.
Oui, c'est comme un kaléidoscope de différentes couleurs et c'est le côté celtique, tribal qui sert de ciment de l'ensemble et communique à votre musique un caractère unique.
Elena : Merci ! Ton analyse nous touche vraiment…
Benjamin : Je voudrais ajouter que, précisément, dans le nouveau morceau "Above", qui ne sera pas sur le prochain Ep, on est précisément dans cet état d'esprit. Chacun apporte sa pierre à l'édifice et moi qui suis plutôt un batteur funk ou jazz, j'oublie totalement qui je suis et je me coule dans le collectif pour devenir Eosine en compagnie des autres. Perso, c'est notre morceau-phare. C'est mon préféré (rires) !
Elena : C'est un morceau où on s'assume vraiment, sans essayer de sonner comme quelqu'un d'autre. C'est d'ailleurs le tout dernier que j'ai composé. Ce qui démontre que, plus on avance, plus on parvient à affirmer notre personnalité. On a évidemment encore beaucoup de domaines à explorer et à découvrir, surtout en nous-mêmes, mais on est sur la bonne voie !
Merci beaucoup pour cette interview !
En cliquant sur le nom du groupe dans ‘Informations complémentaires’ vous retrouverez ses réseaux sociaux dont Bandcamp, Soundcloud et Spotify qui vous permettront d’écouter sa musique…
Eosine :
- Elena Lacroix : chant, guitares, synthés, composition
- Brieuc Verstraete : basse, chant
- Julia Billen : guitare, chant
- Benjamin Franssen : batterie.