Si mes calculs sont exacts, The Durutti Column doit compter une vingtaine d'albums à son actif Etonnant pour cet artiste mancunien qui végète dans la zone crépusculaire de l'underground depuis plus de 20 ans. Artiste, car Durutti Column est le projet de Vini Reily. De groupe, il n'en a eu seulement été question qu'en 1978. C'est à dire lors de l'enregistrement de l'EP " A factory sampler " ; même si Martin Hannett, Peter Crooks et Toby avaient collaboré à la confection de l'indispensable " The return of… ", en 1980. Sur pratiquement tous les elpees de D.C., on reconnaît la signature de Reily à la sonorité minimaliste, chargée de reverb, de sa six cordes. Sa voix monocorde n'a jamais été exceptionnelle ; mais peu ou pas utilisée, elle a toujours bien collé à sa musique mélancolique, introspective, propice aux paysages sonores les plus intimistes. A une certaine époque, l'aspect technologique avait cependant pris le dessus dans sa composition ; Vini avait même osé échantillonner les voix dOtis Redding, de Tracy Chapman et d'Annie Lennox sur un elpee éponyme, paru en 1989. Par la suite, il a tenté de multiples expérimentations. Notamment dans le domaine du funk. Sans grand résultat. Et ce ne sont pas les trop rares collaborations, menées notamment en compagnie de Blaine L. Reininger et de Morrissey, qui lui ont permis de revenir sur le devant de la scène. J'ai donc été très agréablement surpris en écoutant ce " Someone else's party ". Le thème n'est pas à la joie, puisque cet opus est sensé rendre un dernier hommage à sa mère décédée, suite à une maladie. Mais cet immense chagrin a véritablement transcendé Reily. Auteur pour la circonstance de véritables petites perles. Et je pense tout particulièrement à " Love is a friend ". Déchirée entre samples fuyants, brisures de rythmes et cette fameuse guitare reverb, cette plage aurait pu naître de la rencontre entre Cocteau Twins et Happy Mondays. Au funky " Somewhere ", sorte de Kitchens of Distinction light et estival, Vini ayant pris le soin d'overdubber ses lignes de guitare. A la prière " Requiem for my mother ", combinaison de percussions clairsemées et de cordes de guitare chatoyantes, fleuries, hispaniques. Beau à pleurer ! A " Vigil " également ; un fragment tapissé par une chorale en boucle, dynamisé par un rythme de danse pulsant et irradié par des cordes acoustiques divines. Et des compos telles que " Spanish lament ", dont le sample du chant est issu de " Mullholland drive " de David Lynch, " Somebody's party ", éclairé par une passion morbide, le floydien (NDR : circa " Dark side of the moon " !) " Blue ", nonobstant ses accents hispaniques, " No more hurt ", qui croustille au tempo de la house mancunienne, et la finale " Goodbye ", ponctuée d'une réponse téléphonique imaginaire donnée par sa mère depuis l'Eden, sont loin de déparer l'ensemble. L'opus recèle, bien sûr quelques morceaux plus expérimentaux. L'hypnotique " Woman ", qui me rappelle à la fois Captain Sensible et Moby, constitue certainement la plus intéressante. Un seul reproche, les titres ont parfois tendance à tirer en longueur. Mais plongé au sein de cette beauté fragile, intemporelle, on ne peut résister à l'addiction…