Pomme, alias Claire Pommet, nous livre un album subtil, d’une très belle maturité artistique.
Il y a de l’authenticité, de l’humilité. Elle ne cherche pas à plaire mais nous livre son univers, son intimité sans fard, avec générosité.
La musique est douce, sa voix, caressante.
Ses textes sont poétiques, bruts et touchent au cœur. Tous les premiers couplets de ses chansons commencent fort.
Portés par du soundpainting, la musique et les arrangements nous invitent à un voyage empreint de délicatesse.
Pas de doute, c’est de la grande chanson française.
Alors qu’elle remporte le prix de l’Artiste féminine aux Victoires de la Musique en février 2021, Pomme s’attèle à l’écriture de son troisième opus, « Consolation », qui succède à « Les Failles », paru en 2019, et acclamé depuis.
Attirée par l’électronique, Pomme se tourne vers Flavien Berger pour l’accompagner dans cette voie encore inconnue. Au sein de la campagne québécoise, ils coréalisent, un mois durant, l’album qui, à la différence du précédent LP, ne porte pas sur ‘ce qui ne va pas’, mais plutôt sur ‘ce qui fait du bien’. Oscillant entre l’envie de parler de son enfance et de femmes qui l’inspirent, les deux sujets s’entremêlent logiquement dans cette nouvelle œuvre entièrement signée Claire Pommet, également productrice du disque.
Écrit en Bourgogne, à Paris, à Montréal, sur l’Île d’Orléans au Québec ou encore en Ontario, « Consolation » sera d’abord pensé comme un long playing en piano-voix. S’ajouteront par la suite les teintes synthétiques et électroniques auxquelles aspiraient Pomme, qui confèrent au disque une maturité supérieure, traduisant l’ambition et le renouvellement de l’artiste, tout en conservant son identité propre.
Si « Les Failles » marquait assurément une forte émancipation de Pomme qui s’érigeait comme seule autrice et compositrice de son disque, « Consolation » permet à l’artiste de franchir un palier, assurée et déterminée à prouver que ses ressources sont loin d’être épuisées. Œuvre au charme alambiqué, la « Consolation » est une joie qui provient nécessairement d’une peine ; et, de ses belles cendres, renaît Pomme.
Passons les plages en revue.
« Jardin » est une chanson bien balancée dont le texte dur, très touchant, nous parle de son enfance troublée dans laquelle, malgré tout, la lumière a trouvé son chemin. On aimerait en savoir davantage pour mieux comprendre et prendre Pomme, enfant, dans nos bras pour la réconforter.
« Dans mes rêves » commence par un couplet à l’effet d’une balle de revolver. Texte incisif. C’est l’histoire et le lot de beaucoup d’enfants dont les parents créent une relation hiérarchique et non d’amitié avec leurs enfants. Au début ils veulent leur ressembler et les respectent parce qu’ils sont obligés puis, étouffés par leur position dominante, ils n’ont d’autre choix que de les détester. Quand les parents perdent la faculté de devenir de bons amis, les enfants n’écoutent plus leurs conseils. Ils cherchent les réponses ailleurs. Ici, le rêve d’enfance, encore flou, était une réalisation de vie artistique, d’un projet épanouissant et de recevoir l’amour et la compréhension d’un auditoire désiré.
« La rivière » est un hymne poétique, une aile bienveillante, enveloppante pour aider ceux qui ont souffert. Le piano à la Debussy au début du morceau est un régal.
« Nelly » rend hommage à la défunte écrivaine québécoise Nelly Arcan. Sur son mur Facebook, Pomme a posté : ‘Quand j’ai découvert Nelly Arcan l’année dernière, j’ai pleuré tout au long de la lecture de ses livres. Parce que la beauté de ses écrits et la fatalité de son suicide m’ont anéantie. Elle savait ce qui la détruisait et elle savait qu’elle y participait. Elle était piégée. J’ai été frappée par son honnêteté et par la véracité de ses propos encore à notre époque. Découvrir que l’on est connecté à ce point à quelqu’un.e alors qu’il/elle n’est plus là, c’est toujours aussi douloureux que beau. Alors je lui ai écrit cette chanson comme une lettre, pour me consoler, pour au moins déposer tout ce paquet d’émotions quelque part et m’en délivrer. Cette chanson a donné son nom à l’album, « Consolation »’.
« Septembre » est plus énigmatique. S’agit-il d’une envie de continuer en compagnie de l’être aimé ?
Même flou artistique pour « Bleu ». Une envie d’être avec quelqu’un jusqu’à la démence ?
Pomme opère une transition en anglais sur la chanson « When I c u ». Elle ne se cloisonne pas à la langue de Molière et ose celle de Shakespeare de manière assez réussie. Ici c’est assez clair, elle parle de la douleur d’être loin de son âme sœur.
« Puppy », titre original, court, à deux voix, en français et en anglais superposées, parle de l’amour grandissant, de la mort, du changement et de la peur d’être séparée de son amour. Il est amusant d’essayer de distinguer les deux voix chantées.
« Tombeau » semble parler d’un proche au crépuscule de sa vie. Le refus du départ et la promesse de se souvenir des moments et de la joie partagés ensemble.
« Allô » évoque la rencontre d’une personne qui a vécu le même genre de vie, de frustrations et de questionnement que Pomme. Une amie et confidente qui l’aide à traverser la vie.
« B. » semble être la réponse d'une amie qui partage les mêmes sentiments de gratitude amicale.
Merci Pomme pour ce beau cadeau.