Dernier jour des Solidarités. Par chance, le soleil s’est montré généreux, sans chaleur excessive. Une aubaine pour toutes celles et ceux qui se sont présentés en masse afin d’y (re)découvrir des monstres sacrés de la chanson française, dont Santa et Hoshi.
Première bonne surprise de la journée, le concert d’Adé.
Dès l’âge de 17 ans, Adélaïde Chabannes de Balsac, aka Adé, se forge un nom dans la chanson par l’entremise de son groupe, Therapie Taxi, drivé par Raphaël Faget-Zaoui. Le duo sera vite rejoint par Félix Gros et Renaud Bizart.
Placé sous les feux des projecteurs par le provocateur « Salop(e) », en 2016, la formation connaitra un joli succès avant de se dissoudre en 2021, notamment en raison de la pandémie de la Covid-19. Mais pas seulement, les musicos manifestant une soif de liberté artistique.
Adé traverse alors une période plus calme, limitée à quelques collaborations musicales. Mais le goût de la musique remonte à la surface. Elle s’exile au Etats-Unis pour y enregistrer un premier opus, dont le single « Tout savoir » qui récoltera en quelques mois, le seuil des 2,5 millions de vues sur la plate-forme Youtube.
Sa petite taille dénote par rapport à l’immensité du podium. Sa tenue particulièrement sexy s’apparente à celle d’une écolière coquine, de quoi aguicher les plus pervers plantés au crash, la langue bien pendue.
Elle entame son récital par « More Love ». Direct et incisif, le son adopte un format rock chargé de testostérone.
Alors que les guitares chuintent encore dans les frontaux, le succulent « J’me Barre », prend le relais, dont le gimmick est rapidement repris en chœur par le public excité par des paroles pas toujours délicates dans la bouche d’une demoiselle de bonne famille.
Alors qu’une jeune fan de 27 ans, et dont c’est l’anniversaire, fait de ses pieds et mains afin d’attirer l’attention de l’artiste, Adé, prise d’émotion face à un tel investissement, décide de faire une pause de quelques minutes afin de contenter cette femme. Une petite causette et un selfie plus tard, « RockStarz » prouve que l’on est tous un peu rock dans sa tête, même en buvant un thé tout en caressant son chat.
Empoignant pour l’occasion sa guitare aux sonorités cinglantes, parfois à la limite de la saturation, elle livre « Dans tes rêves » de manière plus brute, mais homogène, rappelant la décennie 90/2000 ; de quoi ravir les amateurs du genre.
Tout au long du show, la demoiselle endosse à merveille un rôle qui n’est pas sans rappeler le côté ténébreux de Thérapie Taxi pour le fond ou encore Dolly, pour la forme. Et le tout est épicé d’un soupçon d’électro surprenant, à l’instar de « Les Silences » ou encore du plus bruitiste « Open Up », au cours duquel Baptiste, le préposé à la basse, laisse de côté son instrument au profit d’une danse endiablée aux côtés d’Adé, Pierre à la guitare et Sébastien aux fûts se contentant d’observer le scénario.
Alors que le set tire à sa fin, la jeune femme prouve, à travers « Tout savoir », qu’elle est capable de nous réserver plein de surprises et qui, loin de rester dans sa zone de confort, réussit à nos offrir un spectacle sincère, spontanée, et d’une authenticité redoutable.
Enfin, « Toujours + » suscite un tressaillement démesuré dans ce petit corps autour d’élans mélancoliques et de textes intimistes, l’artiste exprimant beaucoup de sentiments, entre amour et déception.
Adé s’est livrée aux Solidarités pour le meilleur et a donné un concert d’une grande qualité.
On le sait maintenant, sur chacune de ses prestations, Santa aime surprendre. Ce sera (forcément) le cas aujourd’hui. Une sacrée surprise même ! Inutile de préciser que l’icône de Hyphen Hyphen est donc attendue de pied ferme pour les milliers de festivaliers qui ont (sans doute) fait le déplacement pour cette artiste ‘belge’ d’adoption.
Alors qu’un décompte semble s’éterniser sur le nombre ‘9’, la scène laisse entrevoir une Santa, haute perchée, la tête en bas, pour descendre peu à peu, aidée de filins métalliques, entre des colonnes de feu qui jaillissent. Quelle richesse dans le souci du détail !
Après nous avoir bercé de sa douce ballade en mode piano-voix sur « Popcorn salé », une compo écrite dans l’urgence, presque par égarement, qui paraîtra sous l’impulsion et les encouragements de ses comparses Laura Christin, alias Line (basse, percussions), et Romain Adamo, aka Adam (guitare, synthé), la jeune dame s’émancipe et grave un premier album sobrement intitulé « Recommence-moi ».
Si la pop anglophone constituait jusqu’alors sa ligne directrice, notamment au travers d’HH, la Niçoise prend un virage à 180 degrés en réalisant un très réussi premier essai solo, chanté dans la langue de Voltaire.
Toute de noire vêtue, elle est chaussée de grandes bottes qui lui confèrent un air très glamour. Soutenue par un batteur au drumming corrosif et une bassiste qui n’est autre que sa meilleure amie – Line, elle entame son tour de chant par un spectaculaire « Chanter le monde », une compo aux couleurs vives qui émeut par sa richesse sonore.
Multi-instrumentiste, elle alterne, au gré des compositions, piano et guitare, ses deux instruments de prédilection, qui viennent soutenir sa voix puissante. Qu’elle met parfaitement en exergue sur « Eva », une magnifique chanson qui s’impose sur fond d’appel à la résilience. Des cris d’amour fusent. Comme elle ne parvient pas à cerner leur origine, elle les rend, mais en plus fort encore.
Un concert ponctué de surprises ! Et tout d’abord lorsque, posée devant ce piano noir, elle entame « Les larmes ne coulent pas », qui a bénéficié, lors des sessions d’enregistrement, de la complicité de Christophe Willem, un artiste devenu aujourd’hui son ami. Il s’invite le temps d’une chanson, entre simplicité et fausse grandiloquence, lors d’un duo uni par des larmes amères. Mais n’y a-t-il pas larmes plus amères que celles qui ne coulent pas ? Quoiqu’il en soit, elle finit ce titre, le sourire et le regard sereins, debout sur les retours posés à front de podium.
Elle compte se jeter aujourd’hui à corps perdu dans un univers où règnent l’intime, la retenue et la douceur.
Pour ce faire, rien de tel que dénoncer « La différence », sorte de manifeste sur le bien vivre ensemble avec, en filigrane, cet espoir latent de tolérance, d’insouciance et de communion. Pour marquer le coup, elle enfile un drapeau dont les couleurs se réfèrent à l’arc-en-ciel, emblème de l'homosexualité. Le drapeau arc-en-ciel, créé par Gilbert Baker en 1978, est devenu un symbole international de la communauté LGBTQIA+. Il représente la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre au sein de cette communauté. Chaque couleur du drapeau a une signification spécifique, comme le rouge pour la vie, le vert pour la nature, et le violet pour l'esprit.
Fidèle à son style unique et son spectre lyrique hors du commun, Santa se regarde ensuite dans le miroir avec introspection durant sa séance de « Popcorn salé » et le désir de recommencer son histoire, à l’instar d’une césure sur le temps. Entre ambition, espièglerie et qualité rare, l’artiste s’était essayée au métier de cascadeuse en interprétant ce premier titre, perchée à plus de 40 mètres de haut ! C'était à Bruxelles, sur la place de la Bourse. Un « Popcorn salé » à son apogée, en quelque sorte !
Et pour rappeler cette spectaculaire ascension, elle n’a rien trouvé de mieux que de jouer du piano en lévitation, grâce à un système de treuil, sous les yeux ébahis des spectateurs qui ont rarement vu un show rythmé digne de ce nom. C’est moins spectaculaire que dans la capitale, mais quand même…
Elle embraie ensuite dans un mashup, en associant le « Paradis blanc » de Michel Berger et Désenchantée de « Mylène Farmer ». Pour un résultat plus que convaincant !
Elle s’éclipse alors le temps de quelques secondes pour revêtir une cape de vampire. Assoiffée de sang, elle souffle le chaud et le froid lors d’un « Je brûle » qui n’est pas sans rappeler certaines sonorités pop/rock contemporaines qui ont fait les beaux jours de Hyphen Hyphen.
Et puis, dans une parfaite communion, les milliers de festivaliers se transforment en chorale parfaitement synchronisée, pendant « Dis-moi oui », une toute nouvelle compo annonciatrice, sans doute, d’un futur nouvel album.
Le set touche doucement à sa fin. Alors qu’elle s’apprête à s’éclipser pour une séance de ‘hugs’, des câlins posés délicatement à une poignée de chanceux, les colosses chargés de maintenir la sécurité s’agitent. Que se passe-t-il ? D’un coup, comme boostée par un surplus de vitalité, elle saute précipitamment de la barrière destinée à maintenir le public à distance et traverse la foule sur les épaules de son gorille.
Les spectateurs les plus avertis connaissent l’amour de l’artiste pour les défis. Et à Suarlée, il y en a un de taille, la grande roue qui trône depuis le début des festivités.
Drapeau pirate à la main, en mode ‘on a piraté Les Solidarités’, Santa s'est éclatée en prenant de la hauteur dans une attraction privatisée quelques minutes pour y chanter tout de haut son titre emblématique « Recommence-moi ».
Durant près d’une heure trente, Santa a une nouvelle fois démontré qu’elle méritait amplement la distinction du public et de la presse.
Dans l’univers de la chanson française, la jeune dame peut être assurément considérée comme une grande artiste. Et en livrant un concert d’une telle intensité et générosité, elle a emmené le public dans un tourbillon émotionnel et onirique d’une intensité rare.
Après une pause boisson bien méritée, place à Hoshi. Une artiste maintes fois vues par votre serviteur qui commence à la connaître par cœur.
Elle a enfilé de grosses godasses et des chaussettes à damiers noirs et blancs, afin, sans doute, de signaler le début du tour de chauffe.
Ses musiciens entrent en scène, lentement, tour à tour. Et dans cette bande, il n’y pas que des inconnus. A commencer par Lola Frichet à la basse (Pogo Car Crash Control), Charlène Juarez aux claviers (Brigitte) et Enzo Gabert à la batterie (Skip The Use). Et c’est Lucie, un joli bout de femme, qui se réserve la guitare… d’un vert éclatant.
Du haut de ses grosses godasses, Hoshi impose un style musical bien à elle. Des textes simples, mais touchants, une musique entraînante et une aura exceptionnelle. Sans oublier cette voix haut-perchée et quelque peu nasillarde qui peut perturber les non-initiés. Pas étonnant donc qu’elle soit devenue l’une des révélations de la chanson française de ces dernières années.
La demoiselle s’épanche avec tact sur ses expériences passées, ses aspirations, de manière authentique, mais autocentrée à l’instar de cette « Amour censure », hymne à la tolérance et à la sincérité des sentiments amoureux, l’artiste ayant elle-même été victime d'agressions homophobes. Une chanson en réaction à une certaine libération de la parole discriminatoire, notamment après la ‘manif pour tous’ qui a malheureusement encore des raisons d'exister auprès des ‘biens pensants’. Et pour contrer toute cette haine, rien de tel qu’un gros fuck à tous ces enculés dont elle n’a plus peur aujourd’hui, dit-elle, tout en agitant un drapeau arc-en-ciel, symbole du mouvement LGBTQIA+.
Son grain de voix particulier et douée pour les métaphores et autres figures de style, Hoshi est généreuse et humaine. Fusionnelle au sein de son band, une belle complicité la lie avec sa bassiste. Et les puristes auront remarqué l’inscription gravée sur l’instrument, ‘One woman on stage’.
Celle dont le physique a été quelque malmené par le journaliste-chroniqueur Fabien Lecoeuvre, entame un « Je partirai », chanson percutante qui parle du désir de s’éloigner d'un monde qui ne l'aime pas, la juge et la blesse. Bref, un exutoire où elle exprime sa souffrance, son incompréhension et son besoin de liberté. Elle veut rester éternelle dans les mémoires, comme une étoile ou une comète. Gageons qu’elle y parvienne.
Après avoir donné d’elle-même durant une heure quinze, la chanteuse au gros chignon prend congé de ses invités qui la réclame encore. Ils devront pourtant se contenter de sa prestation, sans plus.
Saule a l’honneur de clôturer cette nouvelle édition des Solidarités. Votre serviteur préfère reprendre la route, ses lombaires lui rappelant la triste réalité de la seconde moitié de vie.
A l’année prochaine !
(Organisation : Les Solidarités)
Que dire de plus, si ce n’est que les Solidarités ont offert des concerts d’une riche intensité, entre rock, pop et autres découvertes musicales, sous un soleil qui n’a pas osé ternir. Que demander de plus ?

Nederlands
Français 
